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21/05/2001 | SUISSE | N°1P.193/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 mai 2001, 1P.193/2001


«/2»
1P.193/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

21 mai 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-Président du Tribunal fédéral, Féraud, Catenazzi, Favre
et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A. , actuellement détenu au Pénitencier de Bostadel,
à Menzingen, représenté par Me Christian Favre, avocat à
Lausanne,

co

ntre

l'arrêt rendu le 14 août 2000 par la Cour de cassation
pénale
du Tribunal cantonal du canton de Vaud dans...

«/2»
1P.193/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

21 mai 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-Président du Tribunal fédéral, Féraud, Catenazzi, Favre
et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A. , actuellement détenu au Pénitencier de Bostadel,
à Menzingen, représenté par Me Christian Favre, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 14 août 2000 par la Cour de cassation
pénale
du Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause qui op-
pose le recourant au Ministère public du canton de V a u d;

(procédure pénale; présomption d'innocence; appréciation des
preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 22 mai 2000, le Tribunal crimi-
nel du district de Lausanne (ci-après: le Tribunal criminel
ou les premiers juges) a condamné A.________ pour infraction
grave à la loi fédérale sur les stupéfiants à la peine de 13
ans de réclusion, sous déduction de 1'153 jours de détention
préventive, et à son expulsion du territoire suisse pour une
durée de 15 ans.

Les premiers juges ont écarté la requête incidente
de l'accusé s'opposant à la présence aux débats de l'inspec-
teur de la police judiciaire municipale lausannoise
B.________ en qualité de dénonciateur. Quant au fond, ils
ont
retenu en substance qu'entre les mois de septembre 1995 et
de
février 1996, A.________ avait transporté 47 kilos
d'héroïne,
pour le compte de C.________, au cours de huit voyages effec-
tués entre la Tchéquie et différents pays européens, dont la
Suisse, qu'il avait participé au conditionnement des 20 der-
niers kilos d'héroïne transportée et qu'il avait touché pour
ce faire au minimum 26'500 DM de commissions. Ils se sont
fondés sur les aveux passés par l'accusé devant les enquê-
teurs tchèques, confirmés en partie par un témoignage et le
résultat d'une visite domiciliaire effectuée en Tchéquie.
Ils
ont par ailleurs refusé de voir un motif d'atténuation de la
peine dans la durée de la procédure pénale.

B.- Statuant par arrêt du 14 août 2000, la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-
après: la Cour de cassation pénale ou la cour cantonale) a
partiellement admis le recours interjeté par le condamné
contre ce jugement qu'elle a réformé en ce sens que la peine
est prononcée sous déduction de 1'553 jours de détention pré-
ventive. Elle a considéré que les premiers juges avaient

écarté à juste titre la requête incidente de l'accusé
tendant
à ce que l'inspecteur de police B.________ ne participe pas
aux débats en qualité de dénonciateur et qu'ils n'avaient
pas
abusé de leur pouvoir d'appréciation en estimant que les
aveux initiaux de l'accusé l'emportaient sur ses rétracta-
tions ultérieures. Elle a également rejeté le moyen tiré de
la violation du principe de la célérité et confirmé la quo-
tité de la peine infligée en première instance.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation des art. 9, 29 al. 1, 30 al. 1, 32 al. 1 Cst.
et 6 § 1 CEDH, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annu-
ler cet arrêt et de retourner le dossier de la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle délibération et nouvelle
décision dans le sens des considérants. Il voit une
violation
des règles essentielles de la procédure et de son droit à un
procès équitable dans le fait que les premiers juges ont au-
torisé l'inspecteur de police B.________ à participer aux dé-
bats en qualité de dénonciateur. Il leur reproche en outre
d'avoir violé la maxime "in dubio pro reo" en retenant à sa
charge des faits qui ne reposaient que sur des aveux sommai-
res et rétractés, confirmés par aucun autre moyen de preuve.
Il dénonce enfin une violation du principe de la célérité de
la procédure pénale. Il sollicite l'assistance judiciaire.

Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de
son arrêt. Le Ministère public a renoncé à se déterminer.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
127
III 41 consid. 2a p. 42 et les arrêts cités).

a) Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation pé-
nale du Tribunal fédéral n'est pas ouvert pour se plaindre
d'une appréciation arbitraire des preuves et des constata-
tions de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p.
83) ni pour invoquer la violation directe du droit cantonal
ou d'un droit constitutionnel ou conventionnel (ATF 121 IV
104 consid. 2b p. 107), tel que la maxime "in dubio pro reo"
consacrée aux art. 32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH (ATF 120 Ia
31
consid. 2b p. 35/36) ou encore le principe de la célérité du
procès garanti à l'art. 6 § 1 CEDH (ATF 119 IV 107 consid.
1c
p. 110). Au vu des arguments soulevés, seul le recours de
droit public est ouvert en l'occurrence.

b) Le recourant est directement touché par l'arrêt
attaqué qui emporte sa condamnation à une peine de 13 ans de
réclusion et à son expulsion du territoire suisse pour une
durée de 15 ans; il a un intérêt personnel, actuel et juridi-
quement protégé à ce que cet arrêt soit annulé et a,
partant,
qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ.

Interjeté en temps utile contre une décision finale
rendue en dernière instance cantonale, le recours répond au
surplus aux réquisits des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.

c) Vu la nature cassatoire du recours de droit pu-
blic, les conclusions qui vont au-delà de l'annulation pure
et simple de l'arrêt entrepris et qui tendent au renvoi de
la
cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sont en
principe irrecevables (ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5 et l'ar-
rêt cité); en réalité, elles sont superflues, dans la mesure
où l'admission éventuelle du recours entraînerait la reprise
de l'instruction au niveau où elle se trouvait avant l'adop-
tion de la décision annulée (cf. ATF 112 Ia 353 consid.
3c/bb).

2.- Le recourant voit tout d'abord une atteinte aux
règles essentielles de la procédure, au sens de l'art. 411
let. g du Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.), et
au
droit de l'accusé à un procès équitable, garanti par les
art.
30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH, dans la présence permanente de
l'inspecteur de police B.________ aux débats en qualité de
dénonciateur.

a) Selon l'art. 173 CPP vaud., revêt cette dernière
qualité toute personne fondée à dénoncer au juge instructeur
compétent, au Ministère public ou à tout fonctionnaire de
police l'infraction poursuivable d'office dont il a connais-
sance. Tel est en principe le cas des agents de la police
judiciaire, qui sont tenus de signaler immédiatement les in-
fractions poursuivables d'office qui parviennent à leur con-
naissance (art. 165 al. 2 CPP vaud. et 15 de la loi vaudoise
du 3 décembre 1940 sur la police judiciaire; LPJ vaud.). Le
dénonciateur n'a cependant pas qualité de partie au procès
pénal (cf. art. 42 CPP vaud.) et ne jouit d'aucun droit en
procédure, à moins qu'il ne soit directement touché par une
décision, par exemple pour contester une éventuelle condamna-
tion à payer tout ou partie des frais du procès lorsqu'il a
agi de mauvaise foi ou par légèreté (Gérard Piquerez, Procé-
dure pénale suisse, Zurich 2000, no 1403, p. 309). En parti-
culier, il n'a pas le droit de plaider, fût-il un agent de
la
police judiciaire, ni comme représentant du Ministère public
ni en son propre nom (cf. JdT 1980 III 84). En revanche, le
Juge d'instruction (art. 189 al. 1 et 3 CPP vaud.) et le Pré-
sident du tribunal (art. 342 al. 1 CPP vaud.) peuvent l'en-
tendre s'ils l'estiment utile.

Le droit cantonal de procédure ne s'oppose donc en
principe pas à ce que l'agent de la police judiciaire qui a
signalé l'infraction soit entendu en qualité de dénonciateur
aux débats pour autant que son audition intervienne avant la
clôture de l'instruction. L'autorité intimée a estimé que

l'agent de police B.________ pouvait se voir reconnaître la
qualité de dénonciateur, quand bien même celui-ci n'avait
pas
constaté personnellement les infractions reprochées au re-
courant, mais qu'il en avait pris connaissance dans le cadre
des opérations d'enquête dont il avait la charge. Le recou-
rant critique cette appréciation, mais en l'absence d'une
définition stricte du dénonciateur, on ne voit pas en quoi
l'interprétation attaquée serait insoutenable et, partant,
arbitraire (sur cette notion, voir ATF 126 I 168 consid. 3a
p. 170 et la jurisprudence citée), notamment au regard des
art. 165 al. 2 CPP vaud. et 15 LPJ vaud.

b) La présence de l'inspecteur de police B.________
au procès en qualité de dénonciateur ne contrevient par
ailleurs pas au principe de l'égalité des armes découlant de
l'art. 6 § 1 CEDH puisque le recourant a également assisté
aux débats et qu'il a pu lui poser des questions. Elle est
d'ailleurs la solution la plus appropriée et la plus
conforme
aux droits de l'accusé, dans la mesure où les dépositions du
dénonciateur ne sont pas retenues au même titre que celles
émanant d'un témoin assermenté qui, n'ayant pas connaissance
des déclarations des autres témoins (art. 346 al. 1 CPP
vaud.), apporte au tribunal des informations plus objectives
et dénuées de toute influence extérieure, ce qui n'est le
cas
ni des parties ni du dénonciateur, présents à l'audience.

En tant qu'agent de la police judiciaire, l'inspec-
teur de police B.________ agissait sur l'ordre du juge
d'instruction auquel il devait rendre compte, son devoir de
fonction étant ainsi de participer à la recherche des moyens
de preuve, sous la responsabilité de ce magistrat. Le fait
qu'au cours de l'audience des débats, il soit assis aux
côtés
du représentant du Ministère public, auquel il communique
des
renseignements tirés du dossier pénal, ne fait pas de lui
une
partie, puisqu'il n'a aucun droit procédural. Au contraire,
la participation aux débats avec le Ministère public
démontre
qu'il poursuit les mêmes finalités que cette dernière partie
et que, par conséquent, la valeur probante de ses déclara-
tions ne saurait être appréciée à l'égal de la déposition
d'un témoin.

A cet égard toutefois, il faut relever que le prési-
dent du Tribunal dispose d'un très large pouvoir d'apprécia-
tion dans le choix des témoins à citer, de sorte qu'il pour-
rait, s'il l'estime utile (art. 319 al. 2 CPP vaud.), assi-
gner l'inspecteur de police en qualité de témoin, mais selon
les exigences strictes posées par les art. 345 à 351 CPP
vaud., ce qui implique notamment que l'agent n'assiste pas
aux débats avant d'avoir fait sa déposition et que certaines
précautions soient prises si le président estime utile de
l'entendre à nouveau jusqu'à la fin de l'instruction aux dé-
bats principaux. Dans ce contexte, l'audition d'agents de la
police judiciaire peut être importante non seulement quant à
l'énoncé des faits portés à la connaissance des autorités de
poursuite pénale, mais aussi pour attester de la régularité
- ou non - des opérations de police effectuées dans la phase
préliminaire de l'instruction et pour l'appréciation
d'autres
moyens de preuve versés à la procédure (Ulf Köpcke, Polizei-
beamte als Zeugen in: Kriminalistik 1995, p. 269).

Ainsi, l'interrogatoire de l'agent de police, que ce
soit en qualité de témoin ou de dénonciateur, sur les faits
dont il a eu connaissance et sur les opérations qu'il a dû
accomplir comme fonctionnaire de police, sous la responsabi-
lité du magistrat informateur, n'apparaît pas comme une con-
fusion des fonctions répressives de la poursuite des infrac-
tions et de l'instruction pénale. En effet, d'une part,
l'agent de police, qui est l'auxiliaire du juge d'instruc-
tion, ne peut devenir celui du Ministère public lorsqu'il
est
entendu en qualité de témoin au sens des art. 345 ss CPP
vaud. D'autre part, sa comparution comme dénonciateur et
l'assistance qu'il peut apporter au Ministère public ne font

pas de lui le représentant du juge d'instruction devant
l'autorité de jugement, puisqu'il ne dispose d'aucun droit
procédural et que le Ministère public garde toute son indé-
pendance, dans ses réquisitions, à l'égard des éléments ver-
sés aux débats par le dénonciateur.

Le recourant ne met pas en évidence de circonstances
permettant d'admettre que l'agent de police judiciaire
serait
sorti de son rôle de dénonciateur; s'il est certes difficile
d'évaluer quelle a été la force probante de ses déclarations
sur le Tribunal criminel constitué de juges professionnels
et
de jurés, surtout en l'absence de témoins autres qu'un coïn-
culpé, aucun élément ne permet d'affirmer que les premiers
juges leur ont accordé une force probante plus grande que
celle découlant des rapports de police et des autres docu-
ments de la procédure.

c) Dans ces conditions, l'autorité intimée n'a pas
fait preuve d'arbitraire ni violé le droit de l'accusé à un
procès équitable en autorisant la présence au procès de
l'inspecteur de police B.________ en qualité de
dénonciateur.
Il s'ensuit que le premier moyen soulevé par le recourant
doit être écarté.

3.- Ce dernier reproche ensuite aux premiers juges
d'avoir violé le principe "in dubio pro reo" garanti par les
art. 32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH en concluant à sa culpabili-
té sur la base de faits qui ne reposaient que sur des aveux
sommaires et rétractés, confirmés par aucun autre moyen de
preuve.

a) En tant qu'elle a trait à la constatation des
faits et à l'appréciation des preuves, la maxime "in dubio
pro reo" est violée lorsque l'appréciation
objective de
l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute
insurmontable sur la culpabilité de l'accusé (ATF 127 I 38

consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31
consid. 2c p. 37). Saisi d'un recours de droit public
mettant
en cause l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral
examine seulement si le juge cantonal a outrepassé son pou-
voir d'appréciation et établi les faits de manière
arbitraire
(ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4 p. 211;
120 Ia 31 consid. 2d p. 37/38; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30 et
les arrêts cités). Une constatation de fait n'est pas arbi-
traire pour la seule raison que la version retenue par le
juge ne coïncide pas avec celle de l'accusé; encore faut-il
que l'appréciation des preuves soit manifestement insoutena-
ble, en contradiction flagrante avec la situation effective,
qu'elle constitue la violation d'une règle de droit ou d'un
principe juridique clair et indiscuté, ou encore qu'elle
heurte de façon grossière le sentiment de la justice et de
l'équité (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30), ce qu'il appar-
tient au recourant d'établir (ATF 125 I 492 consid. 1b p.
495
et les arrêts cités). L'art. 32 al. 1 Cst., entré en vigueur
le 1er janvier 2000, qui consacre spécifiquement la notion
de
la présomption d'innocence, ne fait que reprendre les princi-
pes posés dans ce domaine par la jurisprudence (FF 1997 I 1
ss, notamment p. 188/189; ATF 127 I 38 consid. 2b p. 41/42).

Lorsque, comme en l'espèce, l'autorité cantonale de
recours avait, sur les questions posées dans le recours de
droit public, une cognition semblable à celle du Tribunal fé-
déral, ce dernier porte concrètement son examen sur l'arbi-
traire du jugement de l'autorité inférieure, à la lumière
des
griefs soulevés dans l'acte de recours. Cependant, pour se
conformer aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le re-
courant ne peut pas simplement reprendre les critiques qu'il
a formulées en instance cantonale devant l'autorité de cas-
sation, mais il doit exposer pourquoi cette dernière aurait
refusé à tort de qualifier d'arbitraire l'appréciation des
preuves par l'autorité de première instance. Le Tribunal fé-
déral se prononce librement sur cette question (ATF 126 III

534 consid. 1b p. 536; 125 I 492 consid. 1a/cc et 1b p. 495
et les arrêts cités).

b) En l'occurrence, la cour cantonale a considéré
que les premiers juges n'avaient pas abusé de leur pouvoir
d'appréciation en tenant les aveux initiaux de l'accusé pour
le reflet de la vérité et en ne s'arrêtant pas à ses rétrac-
tations ultérieures, pour les motifs développés de façon
circonstanciée dans le jugement de première instance.

Il ressort du dossier que le recourant a évoqué des
transports d'héroïne à hauteur de 80 kilos, dans les
contacts
noués avec les polices tchèque et allemande afin de dénoncer
le réseau qui l'employait et de mettre un terme à son activi-
té délictueuse. Après son arrestation, il a déclaré aux en-
quêteurs tchèques avoir effectué huit transports de drogue,
portant sur une quantité totale de 47 kilos, et participé au
conditionnement des 20 derniers kilos d'héroïne. Toutefois,
au cours des débats devant le Tribunal criminel, il est par-
tiellement revenu sur ses précédentes déclarations en affir-
mant n'avoir effectué en tout et pour tout que cinq déplace-
ments pour une charge totale de 17 kilos d'héroïne.

Face à des aveux, suivis de rétractation, le juge
doit procéder conformément au principe de la libre apprécia-
tion des preuves (art. 249 PPF et 365 al. 2 CPP vaud.). Est
déterminante la force de conviction attachée à chaque moyen
de preuve et non pas le genre de preuve administrée, sur la
base d'une évaluation globale de l'ensemble des preuves ras-
semblées au dossier. Le juge doit en particulier se forger
une conviction aussi bien sur les premières déclarations du
prévenu que sur les nouvelles, valant rétractation, et appré-
cier les circonstances dans lesquelles celui-ci a modifié
ses
déclarations initiales (cf. Hauser/Schweri, Schweizerisches
Strafprozessrecht, 4ème éd., Bâle 1999, § 54, n. 4, p.
215/216; voir aussi Bender/Nack, Tatsachenfeststellung vor

Gericht, vol. II, 2ème éd., Munich 1995, no 702 ss et no 755
ss; arrêt non publié du 24 octobre 1997 dans la cause S. c.
Ministère public du canton de Thurgovie, consid. 2b).

Pour privilégier les premiers aveux au détriment des
seconds, les premiers juges se sont appuyés sur "plusieurs
éléments concordants" qui, selon eux, étaient de nature à
prouver la réalisation de huit transports portant sur 47
kilos de produits stupéfiants. Il apparaît cependant que ces
"éléments concordants" ne permettent pas de distinguer entre
les aveux successifs du recourant; tel est le cas de la dépo-
sition d'un témoin recueillie en Tchéquie, dont le Tribunal
criminel relève lui-même qu'elle ne fournit aucune
indication
utile ni sur le nombre de voyages effectués, ni sur les quan-
tités transportées. Ce témoignage confirme en effet unique-
ment la participation du recourant à un important trafic de
drogue, ce que celui-ci reconnaît dans toutes les
hypothèses.
De même, il n'est pas contesté qu'A.________ a préparé et em-
ballé 20 kilos d'héroïne à son domicile, au moyen d'un équi-
pement saisi par la police tchèque. La participation active
du recourant au conditionnement de 20 kilos d'héroïne démon-
tre une implication plus importante dans le trafic de stupé-
fiants que celle reconnue en dernier lieu devant le Tribunal
criminel, mais elle ne permet pas encore de confirmer les
premiers aveux portant sur le transport de 47 kilos d'héroï-
ne. En outre, le fait que le recourant a reporté sur son
agenda les numéros de téléphone de l'organisateur du réseau
et, sous la mention "Geschäft", l'identité de celui-ci, éta-
blit de manière suffisante qu'il tirait son revenu de l'acti-
vité délictueuse, mais ne permet pas encore de confirmer les
quantités de drogue évoquées dans ses aveux initiaux. Enfin,
les premiers juges ont retenu que celui-ci avait importé à
Epalinges 5 kilos d'héroïne, alors que le recourant avait
avoué au cours de l'enquête avoir livré entre un et cinq
blocs de 500 grammes, ce qu'il a confirmé devant le Tribunal
criminel, en précisant que seuls deux ou trois blocs
auraient
été remis à son coïnculpé. Entendu comme témoin, ce dernier
a, aussi bien lors de l'enquête préliminaire que devant le
tribunal, affirmé qu'il s'agissait de sept à huit paquets,
soit de 3,5 à 4 kilos d'héroïne.

Dans le cas présent, il résulte du caractère général
des "éléments concordants" que le Tribunal criminel a
préféré
les premiers aveux aux seconds, sans pouvoir asseoir ce
choix
sur un faisceau d'indices ou des éléments de preuve
distincts
des seules déclarations du recourant. L'appréciation des
preuves à laquelle se sont livrés les premiers juges se révè-
le ainsi insoutenable; en ne le constatant pas, la Cour de
cassation pénale a elle-même fait preuve d'arbitraire, ce
qui
entraîne l'annulation de l'arrêt entrepris, sans qu'il y ait
lieu d'examiner le mérite du grief tiré de la violation du
principe de la célérité.

4.- Le recours doit ainsi être admis, dans la mesure
où il est recevable, ce qui rend sans objet la demande d'as-
sistance judiciaire. Conformément à l'art. 156 al. 2 OJ,
l'arrêt sera rendu sans frais. En revanche, l'Etat de Vaud
versera une indemnité de 1'200 fr. à titre de dépens au re-
courant qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un man-
dataire professionnel (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours dans la mesure où il est rece-
vable;
2. Annule l'arrêt rendu le 14 août 2000 par la Cour
de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud;

3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire;

4. Dit que l'Etat de Vaud versera au recourant une
indemnité de 1'200 fr. à titre de dépens;

5. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant, au Ministère public et au Tribunal cantonal
du canton du Vaud.

Lausanne, le 21 mai 2001
PMN/BMH

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.193/2001
Date de la décision : 21/05/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-21;1p.193.2001 ?
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