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18/05/2001 | SUISSE | N°6S.282/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 mai 2001, 6S.282/2001


«/2»

6S.282/2001/vlc

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

18 mai 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffier: M. Denys.

______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Alain Veuillet, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 19 mars 2001 par la Chambre pénale de la
Cour de j

ustice genevoise dans la cause qui oppose le re-
courant à Y.________, représenté par Me Pierre Siegrist,
avocat à Genève;

...

«/2»

6S.282/2001/vlc

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

18 mai 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffier: M. Denys.

______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Alain Veuillet, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 19 mars 2001 par la Chambre pénale de la
Cour de justice genevoise dans la cause qui oppose le re-
courant à Y.________, représenté par Me Pierre Siegrist,
avocat à Genève;

(recevabilité du pourvoi en nullité)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 19 juillet 1999 vers 19 h 40 à Genève,
Y.________ circulait au guidon d'une moto de grosse cy-
lindrée sur l'avenue Georges-Favon en direction du pont
de la Coulouvrenière lorsque le piéton X.________ s'est
engagé sur le passage pour piétons sis à la hauteur du
quai de la Poste. Y.________ a freiné d'urgence, perdu la
maîtrise de sa moto et chuté; la moto est allée percuter
les jambes de X.________, lequel a sérieusement été bles-
sé à la tête et aux jambes. X.________ a déposé plainte
pénale.

B.- Y.________ a été renvoyé devant le Tribunal
de police. La cause a été instruite le 11 octobre 2000;
X.________ s'est présenté, assisté de son avocat, et a
réservé ses droits. Par jugement du 15 novembre 2000, le
Tribunal de police a reconnu Y.________ coupable de lé-
sions corporelles graves par négligence et l'a condamné
à une amende de 2'500 francs; il a en outre réservé les
droits de la partie civile X.________.

Y.________ a interjeté appel; X.________ n'a pas
comparu à l'audience du 16 janvier 2001. Par arrêt du 19
mars 2001, la Chambre pénale de la Cour de justice gene-
voise a admis l'appel et a acquitté Y.________.

C.- X.________ se pourvoit en nullité au Tribu-
nal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à l'annulation
de la décision attaquée.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) En vertu de l'art. 270 let. e ch. 1 PPF,
entré en vigueur le 1er janvier 2001 (RO 2000 III p. 2721
et 2723), la victime d'une infraction au sens de l'art. 2
LAVI, si elle était déjà partie à la procédure cantonale,
peut se pourvoir en nullité, mais, conformément à l'art.
8 al. 1 let. c LAVI, uniquement dans la mesure où la sen-
tence touche ses prétentions civiles ou peut avoir des
incidences sur le jugement de celles-ci. Sur ce point, la
révision de l'art. 270 PPF par la novelle du 23 juin 2000
n'a rien modifié; la jurisprudence rendue sous l'ancien
droit garde toute sa portée.

La jurisprudence impose que la victime ait pris
des conclusions civiles sur le fond dans le cadre de la
procédure pénale, pour autant que cela pouvait raisonna-
blement être exigé d'elle. Cette exigence découle de la
conception de la LAVI, qui a en particulier pour but de
permettre à la victime de faire valoir ses prétentions
dans la procédure pénale elle-même (ATF 120 IV 94 consid.
1a/aa p. 95, 44 consid. 4a et 4b p. 52 ss).

Lorsque la victime n'a pas pris de conclusions
civiles, il lui incombe alors d'expliquer quelles préten-
tions civiles elle entend faire valoir, dans quelle mesu-
re la décision attaquée a une incidence sur lesdites pré-
tentions, et pourquoi elle n'a pas été en mesure d'agir
dans le cadre de la procédure pénale. Comme il n'appar-
tient pas à la victime de se substituer au Ministère pu-
blic ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurispruden-
ce entend se montrer restrictive et stricte, et le Tribu-
nal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon
suffisamment précise de la motivation du pourvoi que les
conditions précitées sont réalisées (ATF 125 IV 161 con-

sid. 1 p. 163; 123 IV 184 consid. 1b p. 187/188; 122 IV
139 consid. 1 p. 141; 120 IV 44 consid. 8 p. 57). Dans
la mesure toutefois où l'on peut directement et sans am-
biguïté déduire, compte tenu notamment de la nature de
l'infraction, quelles prétentions civiles pourraient être
élevées par la victime et où l'on discerne tout aussi
clairement en quoi la décision attaquée peut influencer
négativement le jugement de celles-ci, le fait que le mé-
moire ne contienne formellement pas d'indications à ce
propos n'entraîne pas l'irrecevabilité du pourvoi, du
moins lorsque la procédure n'a pas été menée jusqu'à un
stade permettant la prise de conclusions civiles.

La notion de prétentions civiles englobe non seu-
lement les prétentions en dommages-intérêts et en répara-
tion du tort moral, mais aussi celles qui visent toute
satisfaction ou protection offerte par le droit privé
(ATF 122 IV 139 consid. 3b p. 143; 121 IV 76 consid. 1c
p. 80). Il doit toutefois s'agir de prétentions qui puis-
sent être invoquées dans le cadre de la procédure pénale
par la voie d'une constitution de partie civile, c'est-à-
dire de prétentions contre l'accusé découlant de la com-
mission même de l'infraction (ATF 125 IV 161 consid. 3
p. 164). Une créance future éventuelle est sans perti-
nence (ATF 123 IV 184 consid. 1b in fine p. 188).

La notion d'influence du jugement pénal sur les
prétentions civiles est par contre stricte. La victime ne
peut pas s'opposer à une décision parce qu'elle ne faci-
lite pas son action sur le plan civil. Elle ne peut en
particulier pas exiger des autorités qu'elles conduisent
jusqu'à leur terme des poursuites pénales inopportunes
uniquement pour la placer dans une position aussi favora-
ble que possible pour faire valoir ses prétentions civi-
les. Dès lors que la décision attaquée ne contient rien
qui puisse lui être opposé sur le plan civil, il y a lieu

d'admettre que la sentence n'a pas d'effet sur le juge-
ment de ses prétentions civiles. Il faut que la décision
attaquée ait pour conséquence que la victime rencontrera
plus de difficultés à faire valoir ses prétentions civi-
les (ATF 120 IV 38 consid. 2c p. 41). La décision atta-
quée ne peut évidemment avoir un effet négatif sur le
jugement de l'action civile que pour autant que cette
dernière existe encore; si la prétention civile a déjà
été tranchée par un jugement entré en force ou si la
créance invoquée est éteinte pour n'importe quel autre
motif, il ne peut plus être question d'un effet sur le
jugement des prétentions civiles (ATF 121 IV 317 consid.
3a p. 323).

b) En l'espèce, la procédure pénale a été menée
jusqu'au stade du jugement, ce qui en principe aurait dû
permettre au recourant d'y articuler ses prétentions ci-
viles. Il s'est cependant limité à demander la réserve de
ses droits; en d'autres termes, il a simplement signalé
qu'il pourrait s'en prévaloir ultérieurement, dans une
autre procédure. Ce faisant, il n'a pas pris de conclu-
sions civiles sur le fond. Il lui incombait donc d'expo-
ser, dans son pourvoi, les raisons de son abstention. Or,
il ne s'explique nullement. En l'absence de toute préci-
sion, on ne discerne rien qui l'empêchait de conclure sur
le fond, au moins sur le tort moral, voire sur certains
postes du dommage. Pour ce qui concerne le dommage, on ne
perçoit d'ailleurs pas l'incidence de la décision atta-
quée dans la mesure où l'intimé en répond causalement et
où aucune faute du recourant n'a été retenue (cf. art. 58
et 59 LCR). Dans ces conditions, la qualité du recourant
pour se pourvoir en nullité en vertu de l'art. 270 let. e
ch. 1 PPF n'est pas établie, de sorte qu'il ne saurait
remettre en cause le prononcé pénal.

2.- Selon l'art. 270 let. f PPF, en vigueur de-
puis le 1er janvier 2001, le plaignant peut se pourvoir
en nullité pour se plaindre d'une violation de son droit
de porter plainte; par cette disposition, le législateur
a codifié la jurisprudence antérieure (cf. ATF 120 IV 107
consid. 1b in fine p. 109). En l'espèce, le recourant
conteste le jugement sur le fond mais non une éventuelle
irrégularité quant à son droit de plainte et ses condi-
tions. Au demeurant, l'autorité cantonale a apprécié la
culpabilité de l'intimé au regard des lésions corporelles
graves par négligence, soit une infraction poursuivie
d'office (art. 125 al. 2 CP). Le recourant ne peut donc
pas déduire sa qualité pour recourir du fait qu'il a dé-
posé plainte pénale.

3.- Le pourvoi est irrecevable. Le recourant,
qui succombe, supporte les frais de la procédure (art.
278 al. 1 PPF). Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à
l'intimé, qui n'a pas eu à intervenir dans la procédure
devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare le pourvoi irrecevable.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 francs à
la charge du recourant.

3. Communique le présent arrêt en copie aux man-
dataires des parties, au Procureur général du canton de
Genève et à la Chambre pénale de la Cour de justice gene-
voise.

________

Lausanne, le 18 mai 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.282/2001
Date de la décision : 18/05/2001
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 270 let. e ch. 1 PPF; qualité de la victime pour former un pourvoi en nullité. Récapitulatif des conditions auxquelles le nouvel art. 270 let. e ch. 1 PPF permet à la victime de se pourvoir en nullité (consid. 1). Art. 270 let. f PPF; qualité du plaignant pour se pourvoir en nullité relativement à son droit de porter plainte. En vertu de l'art. 270 let. f PPF, le plaignant peut uniquement se pourvoir en nullité pour se plaindre d'une irrégularité quant à son droit de plainte et ses conditions mais non pour contester la décision attaquée sur le fond (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-18;6s.282.2001 ?
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