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15/05/2001 | SUISSE | N°4P.68/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 mai 2001, 4P.68/2001


«/2»

4P.68/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

15 mai 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

les époux B.________, représentés par Me Bernard Lachenal,
avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 21 mai 1999 par la Chambre civile de la
Cour
de justice du canton de Genève et le jugement prononcé le 21
déce

mbre 2000 par le Tribunal de première instance du canton
de Genève dans la cause qui divise les recourants d'avec
X.________ S.A., rep...

«/2»

4P.68/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

15 mai 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

les époux B.________, représentés par Me Bernard Lachenal,
avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 21 mai 1999 par la Chambre civile de la
Cour
de justice du canton de Genève et le jugement prononcé le 21
décembre 2000 par le Tribunal de première instance du canton
de Genève dans la cause qui divise les recourants d'avec
X.________ S.A., représentée par Me Andreas von Planta,
avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; responsabilité du mandataire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 11 février 1991, les époux B.________, do-
miciliés en France, ont ouvert un compte numérique auprès de
Y.________ S.A., à Genève, devenue par la suite X.________
S.A. Ils y ont fait virer les montants de 955 156,10 US$ et
319 164,79 DEM. Cet argent devait être placé sous forme de
dépôts fiduciaires à terme. Cependant, le 18 avril 1991, les
époux B.________ ont autorisé oralement le gestionnaire du
compte, à investir un maximum de 10% de leurs avoirs en
warrants.

Les différentes opérations postérieures au 18 avril
1991 ont porté essentiellement sur l'achat et la vente de
warrants, d'actions, de calls et de notes convertibles.

Par courrier du 18 août 1993, les époux B.________
ont demandé à Y.________ S.A. de clôturer leur compte et
d'en
virer le solde auprès d'une autre banque. Seules des
actions,
d'une valeur globale de 148 131 fr.90, ont pu être transfé-
rées, dès lors qu'il n'existait plus aucun placement fidu-
ciaire.

B.- Reprochant à la banque d'avoir méconnu les ins-
tructions qu'ils lui avaient données, les époux B.________
ont ouvert action contre X.________ S.A., le 11 octobre
1996,
en vue d'obtenir le paiement d'une somme qu'ils ont arrêtée
en dernier lieu à 1 166 608 fr.60.

La défenderesse a conclu au rejet intégral de la
demande. Elle estimait n'avoir pas dépassé les limites du
mandat de gestion qui lui avait été confié et déclinait en
conséquence toute responsabilité quant aux pertes subies par
les demandeurs dans ce cadre-là.

Par jugement du 22 octobre 1998, le Tribunal de
première instance du canton de Genève a condamné la défende-
resse à payer aux demandeurs la somme de 1 035 134 fr.55,
plus intérêts. Il a considéré, en bref, que la défenderesse
n'avait pas respecté les instructions de ses mandants en pla-
çant la totalité de leurs avoirs de façon spéculative, alors
qu'elle aurait dû placer le 90% de ceux-ci sous forme de dé-
pôts fiduciaires.

Saisie d'un appel interjeté par la défenderesse, la
Cour de justice du canton de Genève, statuant par arrêt du
21
mai 1999, a annulé ce jugement et renvoyé la cause au
premier
juge pour qu'il procède à une instruction complémentaire et
rende une nouvelle décision. Contrairement à ce magistrat,
la
cour cantonale a estimé que la limite de 10%, assignée par
les demandeurs à la défenderesse, ne visait que les investis-
sements dans des valeurs présentant un haut degré de volati-
lité, tels les warrants, et ne s'appliquait donc pas aux in-
vestissements à risque moyen comme les dépôts fiduciaires ou
l'achat d'actions cotées en bourse. Admettant ainsi, dans
son
principe, l'existence du dommage allégué, la Cour de justice
a chargé le premier juge d'évaluer à nouveau l'ampleur du
préjudice subi par les demandeurs et lui a donné des consi-
gnes précises à cette fin au considérant 4 de son arrêt.

Le 21 décembre 2000, le Tribunal de première ins-
tance a rendu son nouveau jugement au terme duquel il a con-
damné la défenderesse à payer aux demandeurs les sommes de
110 261,95 US$, 126 318 fr.35 et 356 579,40 fr.fr. avec les
intérêts y afférents. Ce faisant, il s'est conformé aux di-
rectives de la Cour de justice. Ledit jugement a été notifié
le 8 janvier 2001 aux parties.

C.- Le 12 mars 2001, les demandeurs ont déposé, pa-
rallèlement, un recours de droit public et un recours en ré-
forme. Dans le premier, ils concluent à l'annulation tant de

l'arrêt rendu le 21 mai 1999 par la Cour de justice que du
jugement prononcé le 21 décembre 2000 par le Tribunal de pre-
mière instance.

La défenderesse et la cour cantonale n'ont pas été
invitées à se déterminer sur le recours de droit public.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec
une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui
sont
soumis (ATF 126 I 81 consid. 1 p. 83 et les arrêts cités).

2.- Aux termes de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de
droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions
prises en dernière instance cantonale.

a) Dans la mesure où il vise le jugement rendu le
21 décembre 2000, le recours de droit public formé par les
demandeurs n'a pas pour objet une décision prise en dernière
instance cantonale. En effet, le jugement en question aurait
pu être soumis à l'examen de la Cour de justice par la voie
de l'appel conformément à l'art. 291 de la loi de procédure
civile genevoise. Les demandeurs, qui n'ont pas fait usage
de
ce moyen de droit, croient néanmoins pouvoir fonder la rece-
vabilité de leur recours de droit public sur le principe, po-
sé par la jurisprudence et la doctrine, selon lequel l'arrêt
cantonal statuant sur une partie des conclusions et
renvoyant
le surplus à la juridiction de première instance pour déci-
sion complémentaire devient final lorsque celle-ci est ren-
due, ne fait pas l'objet d'un recours cantonal et entre en
conséquence en force, car cet arrêt statue alors sur les seu-
les conclusions demeurant litigieuses: il peut faire l'objet
d'un recours en réforme dans les trente jours à dater de

l'entrée en force du jugement complémentaire de première ins-
tance (ATF 62 II 226; Poudret, COJ, n. 1.1.7.4 ad art. 48,
p.
293, et n. 4.1.1 ad art. 48, p. 320; Wurzburger, Les condi-
tions objectives du recours en réforme au Tribunal fédéral,
thèse Lausanne 1964, n. 268; Birchmeier, Bundesrechtspflege,
p. 167). Pour les demandeurs, ce principe jurisprudentiel,
appliqué mutatis mutandis au recours de droit public, les au-
torisait à attaquer, dans le délai de trente jours à compter
de l'entrée en force du jugement prononcé le 21 décembre
2000, l'arrêt rendu le 21 mai 1999 par la Cour de justice et
à soutenir que les directives données par les juges d'appel
au Tribunal de première instance, qui les a appliquées cor-
rectement dans son second jugement, reposaient sur des cons-
tatations de fait entachées d'arbitraire.

La prémisse de ce raisonnement est erronée. En ef-
fet, il a échappé aux demandeurs que l'arrêt rendu le 21 mai
1999 par la Cour de justice n'était pas un jugement partiel,
mais un jugement préjudiciel ne tombant pas sous le coup du
principe susmentionné. Le jugement partiel proprement dit,
seul visé par la jurisprudence précitée, est celui qui
statue
sur une partie quantitativement limitée de la prétention li-
tigieuse ou sur l'une des prétentions en cause (en cas de cu-
mul d'actions ou lorsqu'une demande reconventionnelle a été
formée en plus de la demande principale), tandis que le juge-
ment préjudiciel est celui qui tranche une question
préalable
de fond (sur ces notions, cf., mutatis mutandis, l'ATF 116
II
80 consid. 2b et les références). Or, la décision qui admet
le principe de la responsabilité du défendeur appartient in-
dubitablement à cette seconde catégorie de jugements (cf.
Poudret, op. cit., n. 1.1.7.1 ad art. 48 OJ, p. 290). Aussi
bien, pour paraphraser l'ATF 62 II 222 déjà cité, on ne peut
pas soutenir qu'après l'entrée en force du jugement rendu le
21 décembre 2000 par le Tribunal de première instance, l'a-
rrêt de la Cour de justice du 21 mai 1999 statuerait "sur
les
seules conclusions litigieuses". En effet, cet arrêt s'est

prononcé uniquement sur le principe de la responsabilité de
la défenderesse et les modalités de calcul du dommage subi
par les demandeurs, laissant pour le surplus à la
juridiction
de première instance le soin de statuer sur les conclusions
pécuniaires prises par ces derniers.

Ainsi, il eût appartenu aux demandeurs d'interjeter
appel contre le jugement du 21 décembre 2000, puis, le cas
échéant, de former un recours de droit public contre l'arrêt
rendu sur cet appel, ce qui leur eût permis de critiquer, à
cette occasion, les considérations émises par la Cour de jus-
tice dans son jugement préjudiciel du 21 mai 1999. Dans ces
conditions, le présent recours de droit public est irreceva-
ble faute d'épuisement des moyens de droit cantonal.

b) Les demandeurs pourraient certes objecter - et
ils semblent le faire, à tout le moins de manière implicite
-
que déposer un appel contre le jugement du 21 décembre 2000
eût été une formalité vide de sens et inutile, puisqu'ils ne
contestent pas que l'autorité inférieure a suivi
correctement
les instructions de la cour d'appel, mais s'en prennent ex-
clusivement à ces instructions, lesquelles figurent dans
l'arrêt du 21 mai 1999 que la Cour de justice ne serait sans
doute pas encline à modifier si elle devait se prononcer à
nouveau sur le même objet, sauf à se dédire.

Sans doute une jurisprudence établie de longue date
admet-elle une exception au principe de l'épuisement préala-
ble des moyens de droit cantonal dans des situations de ce
genre, en particulier lorsque seules sont critiquées les di-
rectives données au juge de première instance par une autori-
té de recours qui a renvoyé le dossier à ce magistrat afin
qu'il statue à nouveau (cf. ATF 106 Ia 229 consid. 4 p. 236,
105 Ia 54 consid. 1a, 103 Ia 360 consid. 1a p. 363; voir aus-
si les arrêts plus anciens cités par Ludwig, Endentscheid,
Zwischenentscheid und Letztinstanzlichkeit im staatsrechtli-

chen Beschwerdeverfahren, in RJB 110/1974 p. 193 in fine).
Cependant, il n'est déjà pas sûr que la Cour de justice, si
elle avait été saisie d'un appel contre le jugement du 21
décembre 2000, eût été juridiquement liée par son propre
arrêt du 21 mai 1999 et qu'elle n'eût pas pu faire machine
arrière au cas où les critiques formulées contre son premier
arrêt eussent emporté sa conviction. Il s'agit là d'une ques-
tion qui relève du droit de procédure cantonal; certains can-
tons, tels Zurich (Frank/Sträuli/Messmer, Kommentar zur zür-
cherischen Ziviprozessordnung, 3e éd., n. 11 ad § 270) et
Thurgovie (arrêt non publié du 25 septembre 1995, dans la
cause 4C.487/1994, consid. 1a in fine), autorisent
l'autorité
de recours à revenir sur sa précédente décision en pareille
hypothèse; les demandeurs ne précisent pas si la Cour de jus-
tice genevoise se trouve dans la même situation. Quoi qu'il
en soit, même si tel était le cas, le recours de droit
public
formé par eux n'en serait pas moins irrecevable pour avoir
été déposé tardivement. En effet, si les demandeurs avaient
la faculté d'attaquer directement le jugement du 21 décembre
2000 par la voie du recours de droit public et de s'en pren-
dre indirectement, ce faisant, à l'arrêt du 21 mai 1999, ils
auraient dû le faire dans les trente jours dès la communica-
tion du jugement de première instance (art. 89 al. 1 OJ; cf.
ATF 105 Ia 54 consid. 1a). Or, ils n'ont déposé leur recours
que trente jours après l'entrée en force de celui-ci, soit à
un moment où ledit jugement bénéficiait déjà de l'autorité
de
la chose jugée. Il est vrai que cette décision aurait pu fai-
re l'objet d'un appel de la part de la défenderesse. Toute-
fois, cette seule circonstance n'impliquait nullement un re-
port du délai dans lequel les demandeurs auraient dû former
leur recours de droit public, car, contrairement à l'hypothè-
se du jugement partiel examinée plus haut (cf. let. a), l'ob-
jet du recours de droit public n'est pas ici l'arrêt rendu
par la cour d'appel mais uniquement le second jugement rendu
par le Tribunal de première instance en exécution dudit ar-
rêt. Au demeurant, il aurait suffi au Tribunal fédéral de

suspendre l'instruction de la procédure du recours de droit
public si un appel avait été effectivement déposé par la dé-
fenderesse.

Par conséquent, en tant qu'il vise le jugement pro-
noncé le 21 décembre 2000 par le Tribunal de première instan-
ce, le recours de droit public formé par les demandeurs est
irrecevable pour cause de tardiveté.

3.- Les frais de la procédure fédérale seront mis
solidairement à la charge des demandeurs, qui succombent
(art. 156 al. 1 et 7 OJ). Il n'y a pas matière à allocation
de dépens du moment que la défenderesse n'a pas été invitée
à
se déterminer sur le recours.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Déclare le recours de droit public irrecevable;

2. Met un émolument judiciaire de 3000 fr. à la
charge des recourants, solidairement entre eux;

3. Communique le présent arrêt en copie aux
mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 15 mai 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.68/2001
Date de la décision : 15/05/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-15;4p.68.2001 ?
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