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15/05/2001 | SUISSE | N°2P.238/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 mai 2001, 2P.238/2000


2P.238/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

15 mai 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Betschart, Müller et Yersin.
Greffier: M. de Vries Reilingh.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Freddy Rumo, avocat à La
Chaux-de-Fonds,

contre

l'arrêt rendu le 22 septembre 2000 par la Chambre adminis-
trative du Tribunal cantonal d

u canton du Jura, dans la cau-
se qui oppose le recourant au Département de la santé, des
affaires sociales et de l...

2P.238/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

15 mai 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Betschart, Müller et Yersin.
Greffier: M. de Vries Reilingh.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Freddy Rumo, avocat à La
Chaux-de-Fonds,

contre

l'arrêt rendu le 22 septembre 2000 par la Chambre adminis-
trative du Tribunal cantonal du canton du Jura, dans la cau-
se qui oppose le recourant au Département de la santé, des
affaires sociales et de la police du canton du Jura;

(autorisation d'exercer la profession de médecin: art. 8 et
27 Cst.; loi fédérale sur le marché intérieur)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- La loi sanitaire du 14 décembre 1990 du canton du
Jura (ci-après: LSan, loi sanitaire) soumet au régime de
l'autorisation notamment l'exercice à titre indépendant des
professions médicales ou des autres professions de la santé
(art. 47). La profession de médecin fait partie des profes-
sions médicales (art. 45 lettre a LSan). En ce qui concerne
la formation requise, l'art. 49 LSan dispose que

"Peuvent exercer une profession médicale au sens de
l'art. 45:
a) les titulaires du diplôme fédéral;
b) les titulaires d'un diplôme suisse ou étranger équi-
valent, afin d'assurer pleinement l'assistance médicale
de la population; le Département statue après avoir
pris l'avis de l'association professionnelle concer-
née."

B.- X.________, ressortissant hongrois né le 12 mars
1948, est titulaire d'un permis d'établissement. Il possède
un diplôme de médecin de l'Université de Pécs (Hongrie) de-
puis 1973 et un diplôme hongrois de médecin spécialiste en
obstétrique et gynécologie délivré en 1977.

Le 28 novembre 1989, il a été engagé en qualité de mé-
decin gynécologue responsable de la maternité de l'Hôpital
du district de Y.________, à Z.________. A côté de cette ac-
tivité, il avait loué un local à l'hôpital pour y installer
un cabinet privé. En raison de la fermeture de la maternité
de l'Hôpital de Z.________, l'autorisation extraordinaire
d'exercer la médecine, qui avait été délivrée à l'intéressé
le 19 décembre 1989 par le Département de la santé, des af-
faires sociales et de la police du canton du Jura (ci-après:
le Département) pour une période de quatre ans, a été
annulée le 22 novembre 1993.

C.- Le 12 août 1996, le Département a accordé à
X.________ une autorisation extraordinaire d'exercer la pro-
fession de médecin. Son activité a toutefois été limitée à
la pratique de la gynécologie et de l'obstétrique dans le
district de Y.________.

Le 14 octobre 1996, sur opposition de l'intéressé, le
Département a levé la restriction limitant son activité à la
pratique de la gynécologie et de l'obstétrique et confirmé
sa décision précitée pour le surplus.

Par arrêt rendu le 16 mai 1997, la Chambre administra-
tive du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: la
Chambre administrative) a confirmé la décision prise le 14
octobre 1996 par le Département. Elle a notamment considéré
que la mention "extraordinaire" - qui n'était ni vexatoire
ni chicanière - figurant sur l'autorisation délivrée à
X.________ était admissible compte tenu de la distinction
opérée par les lettres a et b de l'art. 49 LSan.

D.- Le 2 mars 1999, le Département a refusé d'entrer en
matière sur la demande de reconsidération présentée par
l'intéressé.

Le 15 novembre 1999, la Chambre administrative a admis
partiellement le recours formé par X.________ contre cette
décision, qu'elle a annulée, et elle a renvoyé la cause au
Département pour procéder dans le sens des considérants.
Elle a notamment considéré que la situation pouvait avoir
évolué depuis 1996; ne disposant pas des données nécessaires
pour savoir si dans les districts de A.________ et de
B.________ l'assistance médicale était pleinement assurée
dans le domaine des prestations gynécologiques, elle a char-
gé le Département d'examiner cette question. Pour le sur-
plus, elle a confirmé que l'art. 49 lettre b LSan, qui ins-

taure une clause du besoin pour l'exercice d'une profession
médicale par le titulaire d'un diplôme équivalant au diplôme
fédéral, était conforme au principe de la liberté du commer-
ce et de l'industrie garantie par l'art. 31 aCst. ainsi
qu'au droit fédéral. En ce qui concernait la limitation ter-
ritoriale de l'activité, elle a retenu que, si l'autorisa-
tion était donnée de pratiquer dans tout le canton, soit
aussi ailleurs qu'à Y.________, le but poursuivi par la
clause du besoin ne serait plus atteint. D'ailleurs, il ne
se justifiait pas d'autoriser le recourant à traiter ses pa-
tientes dans les hôpitaux de B.________ et A.________ car
ces derniers disposaient des spécialistes nécessaires. Au
surplus, il n'y avait pas d'inégalité de traitement entre
X.________ et le Dr G.________ autorisé le 21 octobre 1991 à
pratiquer la gynécologie sans limite géographique. Ce cas
n'avait pas été décidé par la même autorité et remontait
d'ailleurs à plus de huit ans. Enfin, l'arrêt du 16 mai 1997
s'était déjà prononcé sur le caractère extraordinaire de
l'autorisation de sorte qu'on pouvait renvoyer aux motifs de
cet arrêt.

E.- Le 21 mars 2000, le Département "n'est pas entré en
matière" sur la demande de reconsidération de l'intéressé en
tant qu'elle concernait la limitation géographique de son
activité.

Par arrêt rendu le 22 septembre 2000, la Chambre admi-
nistrative a rejeté le recours formé par X.________ à l'en-
contre de cette décision. Elle a notamment refusé de réexa-
miner la qualification d'"extraordinaire" de son autorisa-
tion d'exercer, question déjà jugée dans ses arrêts anté-
rieurs. La conformité de l'art. 49 lettre b LSan au principe
de la liberté du commerce et de l'industrie avait été tran-
chée dans son arrêt du 15 novembre 1999. La nouvelle Consti-

tution fédérale - qui consacre la liberté économique à son
art. 27 et permet des restrictions à ce droit conformément à
l'art. 36 Cst. - ne changeait pas la situation qui prévalait
dans ce domaine sous l'empire de l'ancienne Constitution fé-
dérale. Par ailleurs étaient irrecevables notamment les
griefs de violation des principes de l'égalité de traitement
et de la légalité qui n'étaient aucunement étayés. Pour le
surplus, la Chambre administrative a confirmé le bien-fondé
de la décision attaquée.

F.- Agissant par la voie du recours de droit public,
X.________ demande l'annulation de l'arrêt précité et le
renvoi de la cause à "l'instance cantonale" pour nouvelle
décision dans le sens des considérants. Il invoque une vio-
lation des principes de la légalité, de la proportionnalité,
de l'égalité et de la liberté économique ainsi que de la loi
fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur (ci-
après: LMI, loi fédérale sur le marché intérieur; RS
943.02).

Invité à déposer sa réponse, le Département ne s'est
pas déterminé. La Chambre administrative a renoncé à se dé-
terminer sur le recours et confirme les considérants à la
base de son arrêt.

G.- Interpellée le 2 novembre 2000 par l'intéressé, la
Chambre administrative a reconnu que son arrêt rendu le 15
novembre 1999 contenait une erreur dans la mesure où elle y
a indiqué que le Dr G.________ ne pratique plus dans le can-
ton.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF

127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 II 506 consid. 1 p. 507;
126 I 81 consid. 1 p. 83; 207 consid. 1 p. 209).

b) Selon l'art. 87 OJ (dans sa teneur du 8 octobre
1999, entrée en vigueur le 1er mars 2000 [RO 2000 p. 416-
418]), le recours de droit public est recevable contre les
décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et
sur les demandes de récusation, prises séparément; ces déci-
sions ne peuvent être attaquées ultérieurement (al. 1). Il
est également recevable contre d'autres décisions préjudi-
cielles et incidentes prises séparément s'il peut en résul-
ter un dommage irréparable (al. 2). Lorsque le recours de
droit public n'est pas recevable selon l'al. 2 ou qu'il n'a
pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes
peuvent être attaquées avec la décision finale (al. 3). La
novelle du 8 octobre 1999 a pour effet d'étendre à tous les
recours de droit public formés contre les décisions préjudi-
cielles et incidentes la règle de l'ancien art. 87 OJ qui
s'appliquait uniquement aux recours formés pour violation de
l'art. 4 aCst. (Message du 11 août 1999, FF 1999 7145, 7160;
ATF 126 I 207 consid. 1b p. 209/210).

Il faut considérer comme une décision finale au sens de
l'art. 87 OJ toute décision qui clôt une procédure, sous ré-
serve de recours à une autorité supérieure, que ce soit par
jugement au fond ou pour des motifs de procédure. Les déci-
sions incidentes en revanche ne mettent pas fin à la procé-
dure mais représentent seulement une étape sur la voie de la
décision finale, peu importe qu'elles aient pour objet une
question de procédure ou, à titre préalable, une question de
droit matériel. A cet égard, le prononcé par lequel une au-
torité cantonale de recours renvoie une affaire, pour nou-
velle décision, à une autorité qui a statué en première ins-
tance ou à une autre autorité est une décision incidente. Il

s'agit en effet d'une simple étape avant la décision finale
qui doit mettre un terme à la procédure (ATF 122 I 39 con-
sid. 1a/aa p. 41 et l'arrêt cité).

Dans le cas particulier, l'arrêt rendu le 15 novembre
1999 est une décision incidente dans la mesure où il a ren-
voyé l'affaire au Département pour nouvelle décision dans le
sens des considérants. Il peut dès lors être attaqué avec la
décision finale, à savoir l'arrêt rendu le 22 septembre 2000
par l'autorité intimée.

c) Comme détenteur d'une autorisation d'établissement,
le recourant est légitimé à invoquer la liberté économique
(art. 88 OJ). Savoir si un étranger (à la différence d'un
Suisse) peut être exclu de l'exercice d'une profession par-
ticulière sur la base du droit cantonal n'est pas une ques-
tion de recevabilité mais de fond (ATF 116 Ia 237 consid.
2c/d p. 239 s. et la jurisprudence valable depuis lors, cf.
ATF 123 I 19 consid. 2a p. 20 s.; 212 consid. 2b p. 214 s.).

d) aa) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'es-
pèce, le recours de droit public est de nature purement cas-
satoire (ATF 126 II 377 consid. 8c p. 395 et la jurispruden-
ce citée). Dans la mesure où le recourant demande autre cho-
se que l'annulation de l'arrêt attaqué, soit le renvoi de la
cause à "l'instance cantonale" pour nouvelle décision dans
le sens des considérants, ses conclusions sont dès lors ir-
recevables.

L'intéressé conclut à l'annulation de l'arrêt du 22
septembre 2000 mais non à celle de l'arrêt rendu le 15 no-
vembre 1999 par l'autorité intimée. Dans ce dernier arrêt
(ainsi que dans celui rendu le 16 mai 1997 s'agissant de la
mention "extraordinaire), auquel elle renvoie dans son arrêt

du 22 septembre 2000, celle-ci s'était notamment prononcée
sur la qualification d'"extraordinaire" et la limitation
géographique de l'autorisation de pratiquer accordée au re-
courant. Vu l'issue du recours, la question de savoir si les
griefs de l'intéressé sur ces deux points sont recevables
peut rester indécise.

bb) En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de
recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes ju-
ridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribu-
nal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt
entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équi-
té. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le
recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues
griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 125 I 71 con-
sid. 1c p. 76; 115 Ia 27 consid. 4a p. 30; 114 Ia 317 con-
sid. 2b p. 318). En outre, dans un recours pour arbitraire
fondé sur l'art. 9 Cst. (cf. art. 4 aCst.), l'intéressé ne
peut se contenter de critiquer l'arrêt attaqué comme il le
ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours
peut revoir librement l'application du droit. Il doit préci-
ser en quoi cet arrêt serait arbitraire, ne reposerait sur
aucun motif sérieux et objectif, apparaîtrait insoutenable
ou heurterait gravement le sens de la justice (ATF 125 I 492
consid. 1b p. 495 et la jurisprudence citée).

C'est à la lumière de ces principes que doivent être
appréciés les moyens soulevés par le recourant.

2.- Dans un recours de droit public, le Tribunal fédé-
ral se fonde, en règle générale, sur l'état de fait tel

qu'il a été retenu dans l'arrêt attaqué, à moins que l'auto-
rité cantonale n'ait constaté les faits de manière inexacte
ou incomplète en violation de la Constitution (ATF 118 Ia 20
consid. 5a p. 26; 118 III 37 consid. 2a p. 39; 107 Ia 265
consid. 2a; cf. également Walter Kälin, Das Verfahren der
staatsrechtlichen Beschwerde, 2ème éd. Berne 1994, p. 369-
371). Dès lors que l'autorité intimée admet que son arrêt du
15 novembre 1999 contient une erreur dans la mesure où elle
y a indiqué que le Dr G.________ ne pratique plus dans le
canton alors qu'il exerce son art comme médecin-chef de la
division gynécologie et obstétrique à l'Hôpital régional de
B.________ et en tant que médecin privé dans cette ville, il
y a lieu d'en tenir compte.

3.- a) Le recourant prétend
que la clause du besoin
instaurée par l'art. 49 LSan serait contraire au principe de
la liberté économique garantie par les art. 27 Cst. et 8
lettre k de la Constitution jurassienne (RS 131.235). La
restriction apportée à ladite liberté ne reposerait pas sur
une base légale suffisante et serait disproportionnée. Par
ailleurs, la restriction géographique de l'autorisation et
la mention "extraordinaire" sur cette dernière ne seraient
prévues ni par la loi sanitaire ni par l'ordonnance juras-
sienne du 7 septembre 1993 concernant l'exercice de la méde-
cine (ci-après: l'ordonnance concernant l'exercice de la mé-
decine).

b) aa) Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique est
garantie (al. 1); elle comprend notamment le libre choix de
la profession, le libre accès à une activité économique lu-
crative privée et son libre exercice (al. 2).

Cette liberté protège toute activité économique privée,
exercée à titre professionnel et tendant à la production

d'un gain ou d'un revenu (cf. Message du Conseil fédéral du
20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédéra-
le, in FF 1997 I p. 1 ss, p. 176), telle celle de médecin
(cf. dans ce sens ATF 118 Ia 175 consid. 1 p. 176).

L'art. 8 lettre k de la Constitution jurassienne, qui
garantit la liberté de commerce et d'industrie, n'a pas de
portée allant au delà de la protection accordée par la Cons-
titution fédérale (Jean Moritz, Commentaire de la Constitu-
tion jurassienne, vol. I, Courrendlin 1997, no. 63 ad art. 8
p. 99).

bb) Aux termes de l'art. 36 Cst., toute restriction
d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale;
les restrictions graves doivent être prévues par la loi; les
cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés (al.
1); toute restriction d'un droit fondamental doit être jus-
tifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit
fondamental d'autrui (al. 2); toute restriction d'un droit
fondamental doit être proportionnée au but visé (al. 3);
l'essence des droits fondamentaux est inviolable (al. 4).

c) aa) En l'espèce, l'art. 49 LSan constitue la base
légale formelle réservant l'autorisation d'exercer les pro-
fessions médicales à titre indépendant aux seuls titulaires
du diplôme fédéral et soumettant l'autorisation de pratiquer
de titulaires d'autres diplômes que le diplôme fédéral à une
clause du besoin.

L'exigence du diplôme fédéral vise la protection de la
santé publique. Elle n'a pas pour but de rendre plus diffi-
cile l'exercice de la profession à titre indépendant, mais
d'apporter la preuve que l'intéressé possède les connaissan-
ces professionnelles indispensables à la pratique de son
art. S'il n'est pas exclu que le titulaire d'un diplôme

étranger possède ces connaissances, il peut néanmoins s'avé-
rer difficile de le vérifier dans le cas particulier, de
sorte que l'exigence du diplôme fédéral est conforme à
l'art. 27 Cst. Cette restriction est en effet proportionnée
au but de santé publique poursuivi et ne viole pas l'essence
de la liberté économique (ATF 125 I 267 consid. 2c p. 270,
critiqué par Yvo Hangartner in PJA 2000 p. 100 ss; arrêt non
publié du 14 mars 2001 en la cause Anton contre la Direction
de la santé publique du canton de Zurich consid. 3a; arrêt
du 4 juillet 1997 publié in Pra 87/1998 n° 3 p. 19 ss con-
sid. 2c p. 19/20; arrêt du 22 mai 1974 publié in ZBl 75/1974
p. 407 ss, consid. 1 p. 407/408).

S'agissant de la clause du besoin permettant aux auto-
rités cantonales d'accorder l'autorisation de pratiquer aux
personnes non titulaires du diplôme fédéral lorsqu'il n'y a
pas suffisamment de médecins possédant un tel diplôme, elle
est destinée à assurer des prestations médicales suffisantes
à la population. Les autorités cantonales peuvent dès lors
n'accorder une telle autorisation que si l'intérêt public
l'exige (arrêt non publié du 3 juin 1994 en la cause A. con-
tre le Conseil d'Etat du canton du Valais, consid. 2a; l'ar-
rêt du 22 mai 1974 publié in ZBl 75/1974 p. 407 ss, consid.
2 p. 408/409).

bb) Dans le cadre du contrôle préjudiciel de la consti-
tutionnalité des dispositions cantonales, le Tribunal fédé-
ral ne peut donc que constater que la réglementation du can-
ton du Jura ne viole pas, comme telle, le principe de la li-
berté économique garantie aux art. 27 Cst. et 8 lettre k de
la Constitution jurassienne, ni d'ailleurs les principes de
la légalité et de la proportionnalité.

4.- a) Dans la mesure où l'art. 49 lettre b LSan a été
édicté uniquement dans un but de santé publique et n'accorde
aux particuliers aucun droit à une autorisation à pratiquer

la médecine (voir dans ce sens ATF 117 Ia 90 consid. 3b p.
94; arrêt du 4 juillet 1997 publié in Pra 87/1998 n° 3 p. 19
ss consid. 2c p. 19/20; arrêts non publiés du 20 janvier
1999 en la cause J. contre le canton de St-Gall consid. 3c
et du 20 avril 1995 en la cause T. consid. 1d), il est dou-
teux que l'intéressé puisse se prévaloir de l'application
arbitraire de cette disposition - de même que de l'ordonnan-
ce concernant l'exercice de la médecine - devant le Tribunal
fédéral (ATF 123 I 1 consid. 2b p. 3-4 et les références ci-
tées; cf. également Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel
Hottelier, Droit constitutionnel suisse, Volume I, Berne
2000, n. 1740 p. 612-613). La question peut cependant rester
indécise dès lors que les griefs invoqués par le recourant -
dans la mesure où leur motivation satisfait aux exigences de
l'art. 90 OJ - à l'encontre de la restriction géographique
de son autorisation ainsi que de la qualification d'"ex-
traordinaire" de cette dernière doivent de toute façon être
rejetés (cf. consid. 4b ci-après).

b) Il est vrai que - comme le relève l'intéressé - la
limitation géographique de son autorisation n'est pas ex-
pressément prévue par le droit jurassien. Toutefois, cette
restriction contribue à sauvegarder la santé publique dès
lors qu'elle vise à répartir les prestations médicales sur
tout le territoire du canton. La limitation géographique de
l'autorisation de pratiquer accordée au recourant n'apparaît
dès lors pas comme une interprétation arbitraire de l'art.
49 LSan. Elle est également soutenable au regard de l'art.
27 Cst. Au surplus, elle est conforme au principe de la pro-
portionnalité dans la mesure où elle permet d'accorder l'au-
torisation de pratiquer dans un district particulier plutôt
que de la refuser pour tout le canton.

L'intéressé ne critique par ailleurs pas la motivation
de l'autorité intimée qui a considéré - à juste titre - que
si l'autorisation était donnée de pratiquer dans tout le

canton, soit aussi ailleurs qu'à Y.________, le but pour-
suivi par la clause du besoin ne serait plus atteint.

L'absence de division de gynécologie-obstétrique à
l'hôpital de Y.________ ne l'empêche au demeurant pas de
procéder aux accouchements et aux opérations gynécologiques
dans les autres hôpitaux jurassiens. Le recourant est libre
de conclure un accord avec le Centre de gestion hospitalière
du canton du Jura, respectivement la direction d'un hôpital,
afin de pouvoir traiter ses patientes dans un hôpital juras-
sien (cf. art. 25 al. 2 lettre g et 33 lettre c de la loi
jurassienne du 22 juin 1994 sur les hôpitaux). A cet égard,
la limitation territoriale de son autorisation de pratiquer
ne saurait l'empêcher de suivre ses patientes dans un hôpi-
tal situé dans un autre district jurassien, ainsi que l'a
considéré le Département dans sa décision du 2 mars 1999. La
question de savoir si l'intéressé a un droit d'accès aux hô-
pitaux jurassiens et, le cas échéant, à quelles conditions
ne fait toutefois pas l'objet du présent recours, de sorte
qu'il n'y a pas lieu de l'examiner.

Quant à la qualification d'extraordinaire de son auto-
risation de pratiquer, le recourant se limite à observer que
cette mention n'est pas prévue par la loi et entend en dé-
duire une violation de la liberté économique. Il n'indique
toutefois pas en quoi ladite mention violerait la liberté
économique, mettrait en cause ses qualités professionnelles
ou serait autrement discriminatoire. Il ne critique pas non
plus l'appréciation de la Chambre administrative qui a esti-
mé à juste titre que cette qualification était admissible
compte tenu de la distinction opérée par les lettres a et b
de l'art. 49 LSan.

Vu ce qui précède, les griefs soulevés doivent être re-
jetés.

5.- a) L'intéressé invoque une violation du principe de
l'égalité par rapport à un autre gynécologue non porteur du
diplôme fédéral. Le fait que le Dr G.________ a été autorisé
à exercer la profession de médecin le 21 octobre 1991 sans
que son activité n'ait été limitée géographiquement lui pa-
raît démontrer qu'un autre médecin se trouvant dans la même
situation aurait été traité de manière plus favorable que
lui.

b) Selon l'art. 27 Cst., qui garantit également le
principe de l'égalité de traitement entre personnes apparte-
nant à la même branche économique, les mesures qui causent
une distorsion de la compétition entre concurrents directs,
c'est-à-dire qui ne sont pas neutres sur le plan de la con-
currence, sont interdites. On entend par concurrents di-
rects, les membres de la même branche, qui s'adressent avec
les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes
besoins. A cet égard, l'art. 27 Cst. offre une protection
plus étendue que celle de l'art. 8 Cst. (ATF 125 I 431 con-
sid. 4b/aa p. 435-436 et la jurisprudence citée; cf. égale-
ment Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit
constitutionnel suisse, Volume II, Berne 2000, n. 696 p.
356).

c) L'application de la clause du besoin conduit inévi-
tablement à un traitement différent dans le temps dès lors
que la situation - en l'espèce le besoin de prestations mé-
dicales ainsi que le nombre des médecins dans une région
donnée - évolue. L'autorité intimée a tenu compte de cet
élément. Dans son arrêt du 15 novembre 1999, elle avait en
effet chargé le Département d'examiner la question de savoir
si l'assistance médicale de la population dans les districts
de A.________ et de B.________ était suffisamment assurée. A
la suite de cette étude, elle a conclu, comme le Départe-
ment, que tel était le cas, de sorte qu'il n'y avait pas

lieu d'accorder au recourant une autorisation de pratiquer
dans ces districts. L'intéressé, qui ne critique pas cette
motivation, ne prétend par ailleurs pas se trouver dans la
même situation que le Dr G.________ à l'époque où l'autori-
sation lui avait été accordée.

Au surplus, l'autorisation a été octroyée à ce dernier
médecin sur la base d'une autre loi, à savoir la loi juras-
sienne du 26 octobre 1978 concernant l'exercice des profes-
sions médicales, en vigueur jusqu'au 30 juin 1992 et abrogée
par la loi sanitaire (cf. art. 73 lettre a LSan) qui est ap-
plicable au recourant.

Le grief soulevé doit dès lors être écarté.

6.- a) L'intéressé estime que la réglementation juras-
sienne qui lui est applicable viole la loi fédérale sur le
marché intérieur.

b) Aux termes de l'art. 2 al. 1 LMI, toute personne a
le droit d'offrir des marchandises, des services et des
prestations de travail sur tout le territoire suisse pour
autant que l'exercice de l'activité lucrative en question
soit licite dans le canton ou la commune où elle a son siège
ou son établissement. Des restrictions à ce droit sont pos-
sibles si elles remplissent les conditions de l'art. 3 LMI
(ATF 125 I 267 consid. 3a p. 271/272 et les références ci-
tées).

La loi fédérale sur le marché intérieur règle toutefois
la situation juridique d'offreurs externes dans les rela-
tions intercantonales ou intercommunales, mais non celle
d'offreurs locaux. L'art. 2 LMI ne s'applique par conséquent
pas aux décisions cantonales qui règlent l'activité de per-
sonnes établies dans le canton (ATF 125 I 267 consid. 3b p.
272; FF 1995 I 1264 s.).

c) Le recourant a son domicile dans le canton du Jura
et voudrait obtenir une autorisation professionnelle plus
étendue dans ce canton. Dès lors qu'il ne s'agit pas d'un
rapport intercantonal qui tomberait dans le champ d'applica-
tion de l'art. 2 LMI, selon l'alinéa 3 de cette disposition,
l'admission à l'exercice de la profession de l'intéressé re-
lève exclusivement du droit jurassien (ATF 125 I 267 consid.
3c p. 272).

Au surplus, celui-ci ne prétend pas être au bénéfice
d'un certificat de capacité cantonal ou reconnu au niveau
cantonal au sens de l'art. 4 LMI (cf. à ce sujet ATF 125 I
267 consid. 3d et e p. 272-273 et les références citées).

d) Vu ce qui précède, il ne peut invoquer la loi fédé-
rale sur le marché intérieur à l'appui de son grief de sorte
que celui-ci est mal fondé.

7.- Le présent recours doit ainsi être rejeté dans la
mesure où il est recevable.

Succombant, le recourant doit supporter les frais judi-
ciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à
des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la charge
du recourant.

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, au Département de la santé, des affaires so-
ciales et de la police ainsi qu'à la Chambre administrative
du Tribunal cantonal du canton du Jura.

_________

Lausanne, le 15 mai 2001
DVR/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.238/2000
Date de la décision : 15/05/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-15;2p.238.2000 ?
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