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11/05/2001 | SUISSE | N°I.542/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 mai 2001, I.542/00


«AZA 7»
I 542/00 Ge

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Wagner,
Greffier

Arrêt du 11 mai 2001

dans la cause

T.________, recourant, représenté par Maître Henri Baudraz,
avocat, avenue Juste-Olivier 17, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- T.________, né le 5 janvier 1957, a travai

llé dès
le 1er décembre 1987 en qualité de boucher au service de
L.________ Frères SA. Son employeur a résilié le contrat de
tra...

«AZA 7»
I 542/00 Ge

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Wagner,
Greffier

Arrêt du 11 mai 2001

dans la cause

T.________, recourant, représenté par Maître Henri Baudraz,
avocat, avenue Juste-Olivier 17, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- T.________, né le 5 janvier 1957, a travaillé dès
le 1er décembre 1987 en qualité de boucher au service de
L.________ Frères SA. Son employeur a résilié le contrat de
travail pour le 30 avril 1995.

Le 14 septembre 1995, T.________ a présenté une
demande de prestations de l'assurance-invalidité. D'après
son médecin traitant, le docteur J.________, généraliste,
il présentait une incapacité totale de travail depuis avril
1995 dans la profession de boucher (rapport médical du
26 septembre 1995). Selon la doctoresse G.________,
spécialiste FMH en médecine interne-rhumatologie, le cas
évoluait vers une sinistrose et un état de revendication
important. Dans une activité adaptée à son état de santé,
l'assuré devrait pouvoir faire valoir une capacité
professionnelle de 75 %, alors qu'il présentait dans son
activité de boucher une incapacité de travail de l'ordre de
50 % (rapport médical du 4 octobre 1995).
Le docteur V.________, spécialiste FMH en chirurgie
orthopédique et médecin associé universitaire, a effectué
pour le compte de la Winterthur-Assurances, assu-
reur-maladie de T.________, une expertise du 13 février
1996 et produit un rapport complémentaire du 30 août 1996.
L'assuré a séjourné les 23, 25 et 26 septembre 1996 au
Centre médical d'observation de l'assurance-invalidité
(COMAI) situé à la Policlinique médicale universitaire de
X.________. Dans une expertise du 24 décembre 1996, le
docteur M.________, médecin-chef, a posé les diagnostics de
lombosciatalgies gauches chroniques, spondylolisthésis
L5-S1 de degré I et discopathie L5-S1, de coxarthrose
gauche débutante, de régression et troubles somatoformes
douloureux et de personnalité dépendante à traits caracté-
riels. Il proposait un emploi dans une boucherie, peut-être
une grande surface, où l'intéressé puisse être dispensé des
travaux les plus pénibles et orienté davantage vers la
vente. Dans cet emploi, comme dans d'autres activités ne
sollicitant pas fortement le dos, sa capacité de travail
était entière.

Dans un projet de décision du 18 juin 1998, l'Office
de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud a avisé
T.________ que sa demande devait être rejetée, son
invalidité étant de 17 %, compte tenu du revenu brut de
47 125 fr. par année qu'il pourrait réaliser comme vendeur
dans la boucherie d'un supermarché et du salaire annuel de
57 096 fr. qui serait le sien s'il avait continué de tra-
vailler pour son ancien employeur.
Le docteur J.________, par lettre du 24 juin 1998, a
contesté que l'assuré fût compétent dans l'activité de
vendeur dans une boucherie.
Par décision du 12 octobre 1998, l'office AI a rejeté
la demande.

B.- Par jugement du 11 mai 2000, le Tribunal des assu-
rances du canton de Vaud a rejeté le recours.

C.- T.________ interjette recours de droit admi-
nistratif contre ce jugement, en concluant, sous suite de
frais et dépens, à la réforme de celui-ci et de la décision
administrative litigieuse en ce sens qu'il a droit à une
rente entière d'invalidité. A titre subsidiaire, il demande
que le jugement attaqué soit annulé et la cause renvoyée à
la juridiction cantonale pour nouvel examen au sens des
considérants.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud conclut au rejet du recours.

Considérant en droit :

1.- Le recourant allègue qu'il présente une invalidité
au sens de l'art. 4 al. 1 LAI, soit une diminution perma-
nente de sa capacité de gain, qui résulte en l'espèce d'une
atteinte à sa santé physique et mentale provenant de sa

maladie du système moteur. Reprochant aux premiers juges de
n'avoir pas pris en considération l'interaction entre les
troubles de nature somatique et psychique, il fonde l'es-
sentiel de son argumentation sur les conclusions du docteur
V.________ figurant dans son rapport du 13 février 1996
pour la Winterthur Assurances. Selon cette expertise, il
est fort probable que l'incapacité de travail reste totale
définitivement. D'autre part, la probabilité de la réussite
d'une reconversion professionnelle étant pratiquement nul-
le, l'on s'achemine malheureusement vers l'octroi d'une
rente totale de l'assurance-invalidité, les plaintes du
patient étant aussi importantes en position assise que
debout, de sorte que le docteur V.________ ne voyait pas
quel travail pourrait lui être proposé. Or, relève le
recourant, telle est également l'opinion de son médecin
traitant, exprimée dans une lettre à l'intimé du
17 septembre 1998 et confirmée devant la juridiction
cantonale lors de l'audience du 11 mai 2000.

2.- Le juge des assurances sociales doit examiner de
manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en
soit la provenance, puis décider si les documents à dispo-
sition permettent de porter un jugement valable sur le
droit litigieux. Si les rapports médicaux sont contra-
dictoires, il ne peut liquider l'affaire sans apprécier
l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour
lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas
sur une autre. C'est ainsi qu'il importe, pour conférer
pleine valeur probante à un rapport médical, que les points
litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée,
que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il
prenne également en considération les plaintes exprimées
par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine
connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte
médical et l'appréciation de la situation médicale soient

claires et enfin que les conclusions de l'expert soient
dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour
la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni
sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel
et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a et les réfé-
rences). Ces principes, développés à propos de l'assurance-
accidents, sont applicables à l'instruction des faits
d'ordre médical dans toutes les branches d'assurance so-
ciale (Spira, La preuve en droit des assurances sociales,
in Mélanges en l'honneur de Henri-Robert Schüpbach, Bâle
2000, p. 268).

3.- a) Se fondant sur l'expertise du 24 décembre 1996,
les premiers juges ont retenu que la composante psychogène
de l'atteinte à la santé de l'assuré avait été analysée par
les médecins du COMAI, qui sont d'avis qu'elle ne justifie
pas une incapacité de travail, mais apparaît plus suscep-
tible d'être à l'origine d'un processus de revendication.

b) La Cour de céans n'a aucune raison de s'écarter de
cette appréciation.
Le recourant a séjourné du 10 au 21 juillet 1995 dans
le Service de rhumatologie, médecine physique et réhabili-
tation du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV),
à X.________. Dans un rapport du 24 juillet 1995, les
docteurs B.________ et H.________ ont mis en évidence une
importante composante de surcharge chez le patient. Ils
étaient frappés par le fait qu'il était très tendu. Le
21 juillet 1995, il fut examiné par les médecins de la
Division autonome de médecine psycho-sociale du CHUV. Dans
un rapport du 25 juillet 1995, les docteurs I.________ et
A.________ ont posé le diagnostic de trouble somatoforme
douloureux persistant, chez un homme de 38 ans souffrant de
lombalgies chroniques et présentant un trouble de la per-
sonnalité mixte. Ils relevaient que les douleurs avaient

probablement une origine mixte, d'une part organique et
d'autre part comme l'expression d'une tension psychologique
qui ne peut trouver une issue à un niveau plus mentalisé.
Lors de son séjour au COMAI en septembre 1996, l'assu-
ré a été examiné par la doctoresse R.________ dans le cadre
d'une consultation de psychiatrie. Sur le plan psychique,
il paraissait d'une part assez angoissé face à l'avenir et,
d'autre part, il était irritable, impatient et exaspéré par
sa situation actuelle et il présentait une réactivité de
type caractériel. Dans le rapport du 24 décembre 1996, le
docteur M.________ a retenu une régression et des troubles
somatoformes douloureux chez une personnalité dépendante à
traits caractériels. En ce qui concerne la question de la
capacité de travail, il a répondu ce qui suit :

«Les limitations actuelles découlent des lombosciatalgies
chroniques, qui ne peuvent être reliées actuellement qu'à
l'existence d'un spondylolisthésis dont on sait qu'il
s'agit d'une affection qui peut être également asymptoma-
tique. Le début de la coxarthrose gauche ne joue actuelle-
ment pas de rôle limitant la capacité de travail, mais
pourrait le devenir en cas d'aggravation nette. Compte tenu
de ces affections, on peut retenir une incapacité de tra-
vail pour le port de charges lourdes et les travaux en
force tels qu'ils doivent être exécutés pour le port des
quartiers de boeuf ou de désossage. Pour le reste des
travaux de boucher, il n'y a pas de contre-indication. Afin
d'éviter l'apparition de douleurs liées aux longues sta-
tions debout, des changements de position et la marche
devraient être rendus possibles dans l'activité. Dans un
travail tenant compte de ces limitations, la capacité de
travail est entière».

Dès lors, quand bien même le recourant présente une
personnalité dépendante à traits caractériels et qu'il est
atteint de troubles somatoformes douloureux, il n'y a pas
de contre-indication, mis à part le port de charges lourdes
et les travaux en force, à l'exercice d'un emploi de bou-
cher dans une situation adaptée à son handicap physique,
par ex. une boucherie dans une grande surface. Dans un tel
emploi, orienté davantage vers la vente, sa capacité de
travail est entière. Il en va de même en ce qui concerne
toute autre activité ne sollicitant pas fortement le dos.

Certes, dans l'expertise du 13 février 1996 effectuée
pour la Winterthur Assurances, le docteur V.________ était
d'un autre avis. Cela ne saurait toutefois être décisif. Il
n'est pas non plus déterminant que le docteur J.________
ait la même opinion que ce spécialiste en chirurgie
orthopédique sur la question de la capacité de travail et
de la réadaptation de l'assuré. En effet, selon
l'expérience générale, l'avis du médecin de famille ou du
médecin traitant est, dans le doute, plutôt favorable au
patient, vu les liens de confiance qui existent entre eux
(ATF 125 V 353 consid. 3b/cc et les références).
Dans le rapport complémentaire du 30 août 1996, le
docteur V.________ a modifié sa position par rapport à
l'expertise du 13 février 1996. Se demandant si le recou-
rant n'exagérait pas un peu sa symptomatologie et n'évo-
luait pas vers une névrose d'assurance, ce praticien a
proposé un reclassement professionnel dans une activité
semi-assise ne nécessitant pas le port de charges de plus
de 10 kg, associé à une véritable prise en charge d'hygiène
posturale et gestuelle par un ergothérapeute.
Les médecins du COMAI ont aussi été frappés, comme le
docteur V.________, par l'important état de crispation de
l'assuré, ainsi que par les positions antalgiques qu'il
prend, et qui vont souvent à fin contraire. Dans ces condi-
tions, le traitement ergothérapeutique qui a été entrepris
leur paraît utile et devrait être poursuivi, afin qu'il
apprenne de meilleures postures, ainsi que des mesures de
protection lombaire (expertise du 24 décembre 1996).
Enfin, les autres arguments du recourant, qui tendent
à démontrer qu'il n'est pas un paresseux ni un simulateur,
ne changent rien à ce qui précède.

4.- a) Le recourant conclut qu'il a droit à une rente
entière d'invalidité.

b) On peut raisonnablement attendre de sa part qu'il
exerce à plein temps l'activité de vendeur dans la bouche-

rie d'un supermarché. A ce titre, il pourrait réaliser un
revenu brut de 47 125 fr. par année.
Il est établi que le salaire annuel du recourant
serait de 57 096 fr. s'il avait continué de travailler au
service de son ancien employeur.
Sur la base d'une comparaison des revenus, le taux de
son invalidité est donc de 17 % (art. 28 al. 2 LAI). Il ne
saurait dès lors prétendre une rente d'invalidité (art. 28
al. 1 LAI) et le recours se révèle infondé.

5.- Le recourant, qui succombe, n'a pas droit à une
indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159
al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 11 mai 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.542/00
Date de la décision : 11/05/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-11;i.542.00 ?
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