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11/05/2001 | SUISSE | N°4C.47/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 mai 2001, 4C.47/2001


«/2»
4C.47/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

11 mai 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, défendeur et recourant, représenté par Me Basile
Schwab, avocat à La Chaux-de-Fonds,

et

S.________, demandeur et intimé, représenté par Me Renaud
Gfeller, avocat à La Chaux-de-F

onds;

(contrat de travail;
résiliation immédiate pour justes motifs)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les ...

«/2»
4C.47/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

11 mai 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, défendeur et recourant, représenté par Me Basile
Schwab, avocat à La Chaux-de-Fonds,

et

S.________, demandeur et intimé, représenté par Me Renaud
Gfeller, avocat à La Chaux-de-Fonds;

(contrat de travail;
résiliation immédiate pour justes motifs)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 1er mars 1996, S.________ a été engagé en tant
que polisseur auprès de l'entreprise A.________, exploitée
en raison individuelle par P.________.

Par courrier du 28 mars 1998, P.________ a prié
S.________ d'arriver désormais à l'heure à sa place de tra-
vail. Le 15 avril 1998, il lui a envoyé une lettre l'avisant
qu'il avait constaté un net ralentissement de sa production,
ce que S.________ a aussitôt contesté.

Le 24 avril 1998, S.________ a été licencié avec effet
immédiat à la suite d'une altercation avec un autre employé.

Par courriers d'avril et de mai 1998, S.________, réfu-
tant les accusations et reproches portés contre lui, a con-
testé l'existence de justes motifs de résiliation immédiate.

B.- Par demande du 26 mai 1998 déposée devant le Tri-
bunal des prud'hommes du district de La Chaux-de-Fonds,
S.________ a conclu au versement, par son employeur, d'un
montant total de 39'748 fr.

Par jugement du 18 février 1999, le Tribunal des
prud'hommes a condamné P.________ à payer à S.________ la
somme de 1'145,30 fr., soit 232,80 fr. en rapport avec des
heures supplémentaires et 912,50 fr. en remboursement d'une
retenue de salaire indue. La demande de S.________ a été re-
jetée pour le surplus, les juges admettant que l'employeur
avait de justes motifs de mettre fin au contrat avec effet
immédiat.

Contre ce jugement, S.________ a recouru auprès de la
Cour de cassation civile neuchâteloise, contestant l'exis-
tence de justes motifs de résiliation immédiate et le mode
de calcul des heures supplémentaires.

Par arrêt du 20 octobre 1999, la Cour de cassation
civile a partiellement admis le recours de S.________. Elle
a cassé le jugement du 18 février 1999 dans la mesure où il
admettait des justes motifs de congé avec effet immédiat et
elle l'a confirmé pour le surplus, en particulier s'agissant
du calcul des heures supplémentaires. La cause a été ren-
voyée pour nouveau jugement au Tribunal des prud'hommes
du district du Locle, afin qu'il fixe le montant dû à
S.________ sur la base de l'art. 337c al. 1 CO et qu'il
se prononce sur le versement d'une éventuelle indemnité
au travailleur.

Le 4 février 2000, le Tribunal des prud'hommes a con-
damné P.________ à verser une indemnité de 9'246,15 fr.
bruts et de 440 fr. nets à S.________, représentant ce que
celui-ci aurait gagné si les rapports de travail avaient
pris fin à l'échéance du délai de congé. Il a également con-
damné l'employeur à payer 900 fr. à titre d'indemnité pour
résiliation injustifiée, correspondant environ à un quart
du salaire mensuel du travailleur.

Statuant le 5 janvier 2001, la Cour de cassation civile
a rejeté le recours formé par P.________ à l'encontre du ju-
gement du 4 février 2000. S'agissant de l'absence de justes
motifs de résiliation immédiate, la cour a renvoyé à son ar-
rêt du 20 octobre 1999.

C.- Contre l'arrêt du 5 janvier 2001, P.________ (le
défendeur) interjette un recours en réforme au Tribunal fé-
déral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et,

principalement, au rejet de toutes les conclusions de la re-
quête en paiement déposée par S.________, subsidiairement à
ce que la cause soit renvoyée à la cour cantonale pour nou-
vel arrêt dans le sens des considérants.

S.________ (le demandeur) propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) L'arrêt attaqué, rendu en dernière instance can-
tonale par un tribunal supérieur, est une décision finale au
sens de l'art. 48 al. 1 OJ (cf. ATF 126 III 445 consid. 3b
p. 447; 122 III 92 consid. 2a p. 94). Il peut donc, si les
autres conditions de recevabilité sont réunies, faire l'ob-
jet d'un recours en réforme au Tribunal fédéral. Contraire-
ment à ce que soutient le demandeur, il importe peu d'exami-
ner si la décision de renvoi du 20 octobre 1999 aurait ou
non déjà pu être attaquée par cette même voie de droit. En
effet, le régime particulier permettant de recourir en ré-
forme immédiatement contre certaines décisions revêtant un
caractère incident ou préjudiciel (art. 49 et 50 OJ), voire
partiel (cf. ATF 124 III 406 consid. 1a; 123 III 140 consid.
2a) n'a, sous réserve des questions de compétence, qu'un ca-
ractère facultatif (art. 48 al. 3 OJ; cf. Bernard Corboz,
Le recours en réforme au Tribunal fédéral, SJ 2000 p. 1 ss,
11; Jean-François Poudret, COJ II, Berne 1990, art. 48 OJ
no 4.2.2 et 50 no 1 p. 342). Il ne saurait donc empêcher la
partie qui le préfère d'attendre le prononcé de la décision
finale avant de recourir au Tribunal fédéral.

b) Interjeté par le titulaire de la raison individuel-
le, qui a été condamné à verser différents montants à son
ancien employé pour résiliation injustifiée, le présent re-
cours porte sur une contestation civile dont la valeur liti-

gieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ); en outre,
il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans
les formes requises (art. 55 OJ). Il convient donc d'entrer
en matière.

2.- Selon l'art. 55 al. 1 let. c OJ, l'acte de recours
doit contenir les motifs à l'appui des conclusions. En l'es-
pèce, le défendeur demande à ce que son employé soit débouté
de l'ensemble de ses prétentions. Dans sa motivation, il ne
s'en prend toutefois qu'au refus de la cour cantonale de
reconnaître l'existence de justes motifs de résiliation im-
médiate. Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral ne re-
viendra pas sur les montants alloués au travailleur indépen-
damment du bien-fondé du congé avec effet immédiat, à savoir
232,80 fr. en relation avec des heures supplémentaires et
912,50 fr. pour une retenue indue sur le salaire, soit
1'145,30 fr. au total. Au demeurant, le défendeur n'a pas
recouru sur le plan cantonal contre le jugement de première
instance le condamnant au versement de cette somme, ce qui
exclut qu'il puisse remettre en cause ces postes devant la
Cour de céans (art. 55 al. 1 let. b OJ; Poudret, op. cit.,
art. 55 OJ no 1.4.3 let. b p. 426 s.).

3.- Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits conte-
nus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions
fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y
ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une in-
advertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille com-
pléter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 119
II 353 consid. 5c/aa; 117 II 256 consid. 2a). Celui qui s'en
prend à une constatation de fait, dans le cadre d'un recours

en réforme, doit établir les conditions de l'une de ces ex-
ceptions (ATF 115 II 399 consid. 2a p. 400). Sous réserve de
ces cas, il ne peut pas être présenté de griefs contre l'ap-
préciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité
cantonale ou contre les constatations de fait, ni de faits
ou moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF
126 III 59 consid. 2a; 120 II 280 consid. 6c).

En cherchant à démontrer que la cour cantonale aurait
dû reconnaître de justes motifs de résiliation immédiate, le
défendeur complète les faits constatés, sans se prévaloir
d'une exception lui permettant de s'en écarter: il reproduit
de larges extraits de témoignages et reprend l'appréciation
des juges de première instance, ce qui n'est pas admissible.
La Cour de céans se fondera donc uniquement sur les faits
retenus par l'autorité cantonale de recours pour contrôler
si le droit fédéral a été correctement appliqué.

4.- Selon le défendeur, la cour cantonale a méconnu
les art. 328 et 337 CO en refusant d'admettre l'existence
de justes motifs permettant une résiliation immédiate, alors
que le demandeur avait gravement porté atteinte à la person-
nalité d'un autre employé.

a) Selon l'art. 337 al. 1 1ère phrase CO, l'employeur
et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat
en tout temps pour de justes motifs. Doivent notamment être
considérées comme tels toutes les circonstances qui, selon
les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de
celui qui a donné le congé la continuation des rapports de
travail (cf. art. 337 al. 2 CO).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour
justes motifs doit être admise de manière restrictive
(Christiane Brunner/Jean-Michel Bühler/Jean-Bernard Waeber,

Commentaire du contrat de travail, 2e éd. Lausanne 1996,
art. 337c CO no 1; Ullin Streiff/Adrian von Kaenel, Leitfa-
den zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd. Zurich 1992, art. 337
CO no 3 et les références citées). D'après la jurisprudence,
les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent
avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui consti-
tue le fondement du contrat de travail (ATF 124 III 25 con-
sid. 3c p. 29). Seul un manquement particulièrement grave
du travailleur justifie son licenciement immédiat; si le
manquement est moins grave, il ne peut entraîner une rési-
liation immédiate que s'il a été répété malgré un avertis-
sement (ATF 127 III 153 consid. 1a). Par manquement du tra-
vailleur, on entend la violation d'une obligation découlant
du contrat de travail, comme par exemple le devoir de fidé-
lité (ATF 121 III 467 consid. 4d p. 472 et les arrêts ci-
tés).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs
(art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de
l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en considéra-
tion tous les éléments du cas particulier, notamment la po-
sition et la responsabilité du travailleur, le type et la
durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et
l'importance des manquements (ATF 116 II 145 consid. 6a
p. 150; 111 II 245 consid. 3). Le Tribunal fédéral revoit
avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance
cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans rai-
son des règles établies par la doctrine et la jurisprudence
en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie
sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient
jouer aucun rôle, ou à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu
compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en
considération; il sanctionnera en outre les décisions ren-
dues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles abou-
tissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniqui-
té choquante (ATF 127 III 153 consid. 1a p. 155; 123 III 246

consid. 6a, 274 consid. 1a/cc p. 279 s.; 122 III 262 consid.
2a/bb p. 267; 121 III 64 consid. 3c).

b) En l'espèce, l'arrêt entrepris renvoie entièrement à
la décision du 20 octobre 1999 concernant l'absence de jus-
tes motifs de résiliation immédiate. Il convient donc de se
fonder sur les éléments ressortant de cette décision pour
contrôler l'application de l'art. 337 CO.

aa) Le défendeur a tout d'abord fait grief au deman-
deur, par courrier du 28 mars 1998, d'arriver en retard à
son poste de travail. Il n'a pas été démontré que ces re-
tards, qui allaient d'une à cinq minutes selon les témoins,
se soient poursuivis par la suite. Comme l'a relevé à juste
titre la cour cantonale, ce manquement de moindre gravité
aurait dû se répéter après l'avertissement pour justifier
un licenciement immédiat (cf. Adrian Staehelin, Commentaire
zurichois, art. 337 CO no 19), ce qui n'a pas été établi.

bb) Le défendeur a également écrit au demandeur pour
lui reprocher une baisse de production. Cet élément, que
le travailleur a toujours contesté, n'a pu être prouvé par
l'employeur, de sorte que la cour cantonale n'avait pas à le
prendre en considération. Au demeurant, un tel grief n'est
en principe pas un motif de renvoi immédiat (cf. ATF 97 II
142 consid. 2a p. 146).

cc) Il en va de même de l'animosité existant entre les
parties, dont la cour cantonale a relevé qu'elle ignorait
les causes précises et la manière dont elle s'exprimait.

dd) Reste la question litigieuse de l'attitude du de-
mandeur vis-à-vis de l'un de ses collègues de travail. Selon
les faits constatés par la cour cantonale, d'une manière qui
lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al.
2 OJ), le comportement du demandeur était inadmissible. Hor-

mis des disputes très fréquentes (jusqu'à deux fois par jour
selon un témoin), le demandeur a insulté à plusieurs repri-
ses cet employé et, en 1997, il s'en est même pris physique-
ment à lui. Le 24 avril 1998, soit le jour du licenciement,
le demandeur l'aurait menacé de lui "faire la peau". Le tra-
vailleur en cause a alors demandé l'intervention de la poli-
ce.

Tout en relevant que l'employeur aurait depuis long-
temps dû prendre des mesures afin de mettre un terme au
comportement inadmissible du demandeur en vertu de l'art.
328 CO, la cour cantonale n'a pas retenu de justes motifs
de résiliation immédiate. Elle a considéré que l'employeur
n'avait jamais adressé le moindre avertissement à son em-
ployé, bien que celui-ci eût été particulièrement justifié
en 1997, lorsque le demandeur avait agressé physiquement son
collègue,
démontrant ainsi qu'il s'accommodait de la situa-
tion. En outre, la nouvelle altercation du 24 avril 1998,
comparée aux précédentes disputes, n'apparaissait apparem-
ment pas comme la plus grave. C'est du reste à la demande
de l'employé agressé que la police s'était rendue sur place,
mais elle avait jugé son intervention inutile et aucune
plainte n'avait par la suite été déposée contre le deman-
deur. Cet événement n'était donc pas de nature à ruiner ou
à ébranler les liens de confiance existant entre l'employeur
et son travailleur au point de rendre impossible la conti-
nuation du contrat de travail jusqu'au plus prochain terme
de résiliation.

Une telle position ne peut être suivie. En effet, selon
l'art. 328 al. 1 CO, l'employeur protège et respecte, dans
les rapports de travail, la personnalité du travailleur.
Cette obligation lui impose de prendre des mesures adéquates
si la personnalité du travailleur fait l'objet d'atteintes
notamment de la part d'autres membres du personnel (Manfred
Rehbinder, Commentaire bernois, art. 328 CO no 4; du même

auteur, Commentaire bâlois, art. 328 CO no 3). La doctrine
s'accorde à considérer que, lorsqu'un employé porte sérieu-
sement atteinte aux droits de la personnalité de l'un de
ses collègues, par exemple en proférant des menaces à son
encontre, il viole gravement une des obligations découlant
du contrat de travail (art. 321a CO), de sorte qu'une rési-
liation immédiate au sens de l'art. 337 CO peut s'imposer
(cf. Staehelin, op. cit., art. 337 CO no 22; Brunner/Bühler/
Waeber, op. cit., art. 337 CO no 8 p. 227; Bernard
Schneider, La résiliation immédiate du contrat de travail,
in Journée 1993 de droit du travail et de la sécurité so-
ciale, Zurich 1994, p. 51 ss, 58; cf. également Streiff/
von Kaenel, op. cit., art. 337 CO no 5 p. 370 et Rehbinder,
Commentaire bernois, art. 336 CO no 3 p. 84). La jurispru-
dence l'admet également de façon implicite (consid. 1b non
publié de l'ATF 120 II 243; arrêt non publié du 11 mai 1993
dans la cause A. contre C., consid. 2b; arrêt non publié du
24 octobre 1988 dans la cause N. contre G., consid. 2). Dans
cette hypothèse, c'est l'obligation pour l'employeur de pro-
téger ses autres travailleurs, sous peine d'engager sa pro-
pre responsabilité (cf. Jean-Bernard Waeber, Le mobbing ou
harcèlement psychologique au travail, quelles solutions ?
AJP 1998 p. 792 ss, 793), qui est à l'origine du licencie-
ment immédiat. Pour apprécier la gravité de l'atteinte, il
convient donc de mesurer son impact sur la personnalité du
travailleur qui en a été victime, en tenant compte de l'en-
semble des circonstances et notamment des événements qui
l'ont précédée. L'effet du comportement en cause sur
l'employeur n'est pas déterminant, puisque celui-ci n'est
qu'indirectement touché. Il peut du reste arriver que l'em-
ployeur, ne se sentant pas concerné, tarde à réagir. Son in-
action, contraire aux obligations issues de l'art. 328 CO,
ne saurait alors être utilisée pour minimiser la gravité
de l'atteinte à la personnalité subie par l'employé.

Il en découle que la cour cantonale ne pouvait, dans le
cadre de son pouvoir d'appréciation, refuser de reconnaître
l'existence d'un juste motif de licenciement immédiat, parce
que l'employeur avait, dans le passé, fermé les yeux sur des
atteintes plus graves que celle en cause. Si l'on examine
l'altercation du 24 avril 1998, il apparaît que le demandeur
a menacé son collègue de lui "faire la peau". Cette menace,
qui n'est pas contestée, a été formulée alors que, depuis
longtemps, le demandeur avait une attitude qualifiée d'inad-
missible à l'égard de cet employé, consistant en des dispu-
tes quotidiennes, des injures et même en une agression phy-
sique. Dans un tel contexte, la menace de mort n'apparaît
pas comme une plaisanterie et l'on peut comprendre que son
destinataire l'ait prise au sérieux et ait appelé la police.
Le fait que les policiers dépêchés sur place aient considéré
que leur intervention n'était pas justifiée n'enlève rien au
caractère particulièrement inquiétant des propos proférés
dans les circonstances d'espèce. Enfin, ce n'est pas parce
que la victime, après avoir vu son harceleur licencié avec
effet immédiat, n'a pas déposé une plainte pénale contre
celui-ci, que l'on peut en conclure que le manquement de
ce dernier n'était pas grave.

Dans ces circonstances, force est de constater que le
comportement du demandeur lors de l'altercation du 24 avril
1998 était objectivement grave et de nature à porter sérieu-
sement atteinte à la personnalité de son collègue, de sorte
que l'employeur était en droit de considérer que le rapport
de confiance avec cet employé était rompu et de le licencier
avec effet immédiat, même sans avertissement préalable. En
refusant de l'admettre, la cour cantonale a usé de son pou-
voir d'appréciation d'une manière incompatible avec l'art.
337 CO.

5.- Le recours doit ainsi être partiellement admis.
L'arrêt du 5 janvier 2001 est annulé, ce qui entraîne éga-
lement l'annulation partielle de la décision du 20 octobre
1999, dans la mesure où l'arrêt attaqué s'y réfère s'agis-
sant de l'absence de justes motifs de résiliation immédiate.
Par conséquent, le demandeur sera débouté de toutes ses pré-
tentions, sous réserve du montant de 1'145,30 fr. alloué in-
dépendamment du bien-fondé du congé immédiat par le tribunal
de première instance (cf. supra consid. 2).

6.- a) Comme la valeur litigieuse, selon la prétention
du demandeur à l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 con-
sid. 5b p. 41; 100 II 358 consid. a), dépasse 20'000 fr.,
la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO).

b) Compte tenu de l'issue du litige, il y a lieu de
répartir les frais à raison de trois quarts à la charge du
demandeur et d'un quart à la charge du défendeur (art. 156
al. 3 OJ). Entre les parties, la même clé de répartition
sera appliquée, ce qui revient à allouer au défendeur des
dépens réduits de moitié (art. 159 al. 3 OJ).

Il convient en outre de renvoyer le dossier à la cour
cantonale pour qu'elle statue à nouveau sur les dépens de
la procédure cantonale (art. 157 et 159 al. 6 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours et annule l'arrêt at-
taqué.

2. Condamne le défendeur à verser au demandeur le mon-
tant de 1'145,30 fr. Rejette la demande pour le surplus.

3. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à raison de
1'500 fr. à la charge du demandeur et de 500 fr. à la charge
du défendeur.

4. Dit que le demandeur versera au défendeur une indem-
nité de 1'000 fr. à titre de dépens réduits.

5. Renvoie la cause à la cour cantonale pour nouvelle
décision sur les dépens de la procédure cantonale.

6. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et à la Cour de cassation civile du Tribunal
cantonal neuchâtelois.

__________

Lausanne, le 11 mai 2001
ABY/mnv

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.47/2001
Date de la décision : 11/05/2001
1re cour civile

Analyses

Art. 48 al. 1 et 3 OJ; décision finale, recevabilité du recours en réforme. Le régime particulier permettant de recourir en réforme immédiatement contre certaines décisions n'ayant pas un caractère final est facultatif, sous réserve des questions de compétence (consid. 1). Art. 328 et 337 CO; protection de la personnalité du travailleur; justes motifs de résiliation immédiate. Justes motifs de résiliation immédiate admis dans le cas de menaces proférées par un employé à l'encontre de l'un de ses collègues de travail (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-11;4c.47.2001 ?
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