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10/05/2001 | SUISSE | N°I.491/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 mai 2001, I.491/00


«AZA 7»
I 491/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Addy,
Greffier

Arrêt du 10 mai 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Jean-Daniel
Kramer, avocat, avenue Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-
de-Fonds,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel,
Espacité 4-5, 2301 La Chaux-de-Fonds, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- A.________ a é

té victime d'un accident de scooter
le 9 octobre 1997 durant un séjour en Espagne. Il a subi un
traumatisme crânio-cérébral avec hématom...

«AZA 7»
I 491/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Addy,
Greffier

Arrêt du 10 mai 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Jean-Daniel
Kramer, avocat, avenue Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-
de-Fonds,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel,
Espacité 4-5, 2301 La Chaux-de-Fonds, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- A.________ a été victime d'un accident de scooter
le 9 octobre 1997 durant un séjour en Espagne. Il a subi un
traumatisme crânio-cérébral avec hématome épidural qui lui
a notamment causé une aphasie motrice d'intensité sévère.

Grâce à une rapide récupération des facultés motrices,
A.________ a pu quitter l'hôpital et regagner son domicile
quelques jours après l'accident. Progressivement, il a
également été en mesure de reprendre sa troisième et
dernière année d'apprentissage de boulanger-pâtissier,
d'abord à raison de quatre matins par semaine dès le 2 fé-
vrier 1998, puis à plein temps dès le 19 mai 1998. Il a
toutefois dû repousser d'une année ses examens de fin
d'apprentissage pour les passer, avec succès, à la session
d'été 1999.
Entre-temps, A.________ a déposé, le 27 août 1998, une
demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à
l'octroi d'une rente d'invalidité destinée à compenser la
perte de gain résultant de la prolongation d'une année de
la durée de son apprentissage. Dès l'été 1998, il a par
ailleurs présenté des troubles psychiques d'allure dépres-
sive, réactionnels aux difficultés liées à sa réinsertion
professionnelle (rapport du 30 octobre 1998 du docteur
B.________, médecin traitant).
Sur mandat de l'Office de l'assurance-invalidité du
canton de Neuchâtel (ci-après : l'office AI), le professeur
C.________, neuropsychologue auprès de X.________, a exami-
né l'assuré. Dans un rapport d'expertise du 22 juillet
1999, il a posé le diagnostic de séquelles cognitives
(notamment langagières et mnésiques) et de modifications de
la personnalité avec troubles d'allure dysthymique et
irritabilité au premier plan; en outre, il a fait état
d'une incapacité de travail d'au moins 25 % depuis le jour
de l'accident, en précisant ceci : «il est probable que
dans le métier appris, soit celui de boulanger-pâtissier,
A.________ ne soit pas en mesure de faire valoir une
capacité de travail compte tenu notamment des difficultés
d'ordre comportemental qui de toute évidence seront
exacerbées par des horaires irréguliers et une activité
stressante». Le professeur C.________ a ainsi conseillé un
reclassement professionnel dans une activité moins
stressante comportant des horaires de travail réguliers.

Par décision du 22 février 2000, l'office AI a rejeté
la demande de prestations de l'assuré, motif pris que
celui-ci ne subissait pas de diminution durable de sa
capacité de gain.

B.- Saisi d'un recours, le Tribunal administratif de
la République et canton de Neuchâtel l'a rejeté, par juge-
ment du 11 août 2000, pour les mêmes motifs que l'offi-
ce AI.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert l'annulation
sous suite de frais et dépens, en concluant implicitement à
l'octroi de prestations d'invalidité.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas
déterminé.

Considérant en droit :

1.- Selon l'art. 28 al. 2 LAI, la réadaptation a la
priorité sur la rente dont l'octroi n'entre en ligne de
compte que si une réadaptation suffisante est impossible.
Saisie d'une demande de rente ou appelée à se prononcer à
l'occasion d'une révision de celle-ci, l'administration
doit donc élucider d'office, avant toute chose, la question
de la réintégration de l'assuré dans le circuit économique
(ATF 108 V 212 s., 99 V 48; voir aussi ATF 126 V 243 con-
sid. 5).
L'assuré a droit au reclassement dans une nouvelle
profession si son invalidité rend nécessaire le reclasse-
ment et si sa capacité de gain peut ainsi, selon toute
vraisemblance, être sauvegardée ou améliorée de manière
notable (art. 17 al. 1 LAI). La rééducation dans la même
profession est assimilée au reclassement (art. 17 al. 2
LAI).

2.- a) S'exprimant en qualité d'expert commis par
l'office AI, le professeur C.________ a considéré que
l'incapacité de travail du recourant était d'au moins 25 %
depuis le jour de l'accident, ajoutant qu'il était même
«probable» que celui-ci ne puisse à l'avenir plus oeuvrer
comme boulanger-pâtissier, compte tenu notamment de ses
difficultés d'ordre comportemental qui seront encore
amplifiées par le stress et les horaires irréguliers
inhérents à cette profession. En revanche, le professeur
C.________ est d'avis que, dans une activité adaptée, une
capacité de travail de l'ordre de 80 % «paraît pouvoir être
attendue», même si les troubles cognitifs séquellaires du
recourant sont de nature à compromettre l'acquisition
«massive» de nouvelles connaissances. Enfin, il préconise
un reclassement dans une activité moins stressante avec des
horaires de travail réguliers (rapport du 22 juillet 1999,
p. 6 et 7).
Dans une lettre adressée à la Winterthur Assurances
datée du même jour que son rapport, l'expert a confirmé les
conclusions de celui-ci, précisant en outre que la capacité
de travail du recourant comme boulanger-pâtissier diplômé
était faible, de l'ordre de 40 %.

b) Selon l'intimé et les premiers juges, les conclu-
sions du professeur C.________ ne peuvent être suivies, car
elles reposent sur des constatations inexactes et des
considérations «plus ou moins incohérentes».
Il est vrai que, postérieurement à la survenance de
l'accident du 9 octobre 1997, le recourant a repris son
activité de boulanger-pâtissier, d'abord à raison de quatre
matins par semaine dès le 2 février 1998, puis à temps
plein dès le 19 mai 1998. Cette circonstance ne permet
toutefois pas de conclure, à elle seule, que l'incapacité
de travail attestée par l'expert ne serait pas en accord
avec la réalité des faits. Le docteur B.________, médecin

traitant, a en effet expressément relevé, neuf mois avant
que le professeur C.________ ne rende ses conclusions, que
la reprise du travail s'accompagnait depuis l'été 1998 de
troubles psychiques d'allure dépressive nécessitant une
prise en charge thérapeutique (rapport du 30 octobre 1998).
Par ailleurs, ce sont les «difficultés d'ordre comporte-
mental» du recourant que le professeur C.________ a mises
au premier plan comme cause de son incapacité de travail,
en soulignant que celles-ci pouvaient être aggravées lors
de situations de stress. Or, l'acuité de ces difficultés
s'est vérifiée quelque temps plus tard, à l'occasion d'une
tentative infructueuse de reprise du travail effectuée en
septembre-octobre 1998 dans une boulangerie industrielle.
Cette tentative a été commentée en ces termes par l'em-
ployeur (notice de réadaptation du 24 novembre 1999) :

«A.________ a été ponctuel et présent pendant les cinq
semaines de travail. Son attitude a été ressentie comme
très négative, il était détesté par tout le monde. Il
s'agit de quelqu'un de finalement "inutilisable". Le patron
a dû intervenir à plusieurs reprises pour calmer les con-
flits à la suite de malhonnêtetés proférées par A.________
envers les ouvriers plus anciens de la boîte.
Néanmoins, A.________ rendait service à l'entreprise
qui aurait souhaité lui laisser plus de temps pour s'habi-
tuer à une entreprise presque industrielle ou alors qu'il
reste encore une semaine de plus. A.________ aurait dit
qu'il avait autre chose et il est parti à fin octobre en
donnant sa lettre de démission dans les délais légaux. Il
n'a pas présenté de certificat maladie».

c) L'intimé et les premiers juges ne pouvaient donc
pas, comme ils l'ont fait, dénier toute valeur probante à
l'expertise du professeur C.________ et tenir le recourant
pour parfaitement à même de travailler dans la profession
de boulanger-pâtissier qu'il a apprise, du seul fait qu'il
a été en mesure, postérieurement à l'accident, de mener à
terme son apprentissage et de travailler durant un mois
- non sans difficultés - dans une boulangerie industrielle.

Pour autant, les conclusions de l'expertise ne permet-
tent pas de trancher le litige, car elles ne renseignement
pas avec suffisamment de précision sur la capacité de
travail résiduelle du recourant, que ce soit dans sa
profession ou dans une activité adaptée.

aa) Ainsi, l'expert a fait état d'une capacité de
travail de 75 % au plus depuis le jour de l'accident dans
la profession de boulanger-pâtissier, en relevant qu'il
était même «probable» que le recourant ne soit plus, à
l'avenir, en mesure d'exercer cette activité, compte tenu
notamment de ses difficultés d'ordre comportemental. Par
ailleurs, le même jour qu'il rendait son rapport, l'expert
informait la Winterthur Assurances que la capacité de tra-
vail du recourant comme boulanger-pâtissier était faible et
ne dépassait guère 40 %.
Imprécises voire contradictoires, ces indications
n'autorisent ainsi aucune conclusion au sujet de la mesure
dans laquelle le recourant peut encore exercer la profes-
sion qui était la sienne avant la survenance de l'invali-
dité.

bb) Quant à la capacité de travail du recourant dans
une activité adaptée, l'expert l'a évaluée à 80 %, en
réservant toutefois d'éventuelles difficultés qui pour-
raient se présenter lorsque l'intéressé sera «confronté aux
exigences de la vie professionnelle». Or, les tentatives de
retour à la vie active ont jusqu'ici toutes échoué en
raison, essentiellement, des troubles comportementaux du
recourant. C'est ainsi que le dernier employeur a stigmati-
sé la manière dont celui-ci s'était comporté dans l'entre-
prise à l'égard de ses collègues de travail, en mettant par
ailleurs ses difficultés sur le compte d'un manque de
volonté.

En outre, à l'issue des tests d'aptitude que le recou-
rant a réalisés, les spécialistes de la réadaptation ont
émis un pronostic réservé quant aux chances de succès d'une
mesure de reclassement, vu d'une part les séquelles lais-
sées par l'accident - principalement un blocage du langage
écrit et une impulsivité fortement accrue - et, d'autre
part, le niveau plutôt bas des connaissances scolaires
(cf. notice de réadaptation du 1er octobre 1999).
Cela étant, en l'absence d'indications médicales plus
précises, notamment sur le caractère invalidant des trou-
bles du comportement qui ont été diagnostiqués (dysthymie,
irritabilité...), et en l'absence de renseignements plus
détaillés sur les aptitudes et facultés professionnelles du
recourant, il n'est pas possible de dire si, et le cas
échéant, dans quelle mesure, celui-ci peut être reclassé
dans une nouvelle profession.

cc) Aussi bien le jugement et la décision attaqués
doivent-ils être annulés et le dossier renvoyé à l'intimé
pour qu'il élucide ces questions en mettant en oeuvre
toutes les mesures d'instruction utiles. En particulier, il
recueillera l'avis d'un spécialiste (par exemple un psy-
chiatre ou un neuropsychologue) qui dira, aussi objecti-
vement que possible, si la mise à profit d'une capacité de
travail peut encore, pratiquement, être raisonnablement
exigée du recourant ou si, au contraire, elle ne peut plus
l'être ou serait même insupportable pour la société
(cf. ATF 102 V 165; VSI 1996 p. 153 consid. 2a et les
références). Après quoi l'intimé rendra une nouvelle déci-
sion.

3.- Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à
une indemnité de dépens à la charge de l'intimé qui succom-
be (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis. Le jugement du 11 août 2000 du
Tribunal administratif de la République et canton de
Neuchâtel, ainsi que la décision du 22 février 2000 de
l'Office de l'assurance-invalidité du canton de
Neuchâtel, sont annulés, la cause étant renvoyée audit
office pour instruction complémentaire et nouvelle
décision au sens des motifs.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'intimé versera au recourant la somme de 2500 fr. à
titre de dépens pour l'instance fédérale.

IV. Le Tribunal de la République et canton de Neuchâtel
statuera sur les dépens pour la procédure de première
instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif de la République et canton de
Neuchâtel, à la Caisse cantonale neuchâteloise de
compensation et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 10 mai 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.491/00
Date de la décision : 10/05/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-10;i.491.00 ?
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