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10/05/2001 | SUISSE | N°C.196/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 mai 2001, C.196/00


«AZA 7»
C 196/00 Ge

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 10 mai 2001

dans la cause

X.________ SA, recourante, représentée par Maître Bernard
Geller, avocat, Place St-François 5, 1002 Lausanne,

contre

Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue
Caroline 9, 1014 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) Entre janvier 1987 et juin 1992, la société

X.________ SA a sollicité et obtenu pour ses employés des
indemnités en cas d'intempéries. A la suite d'une dénoncia-
tion d'un ancie...

«AZA 7»
C 196/00 Ge

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 10 mai 2001

dans la cause

X.________ SA, recourante, représentée par Maître Bernard
Geller, avocat, Place St-François 5, 1002 Lausanne,

contre

Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue
Caroline 9, 1014 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) Entre janvier 1987 et juin 1992, la société
X.________ SA a sollicité et obtenu pour ses employés des
indemnités en cas d'intempéries. A la suite d'une dénoncia-
tion d'un ancien salarié, l'Office fédéral de l'industrie,
des arts et métiers et du travail (OFIAMT; actuellement

Secrétariat d'état à l'économie [seco]) a fait deux ins-
pections dans l'entreprise qui ont donné lieu à un rapport
provisoire du 22 janvier 1993. Il ressort du décompte
établi par les contrôleurs que la société a perçu une
partie des prestations en cause de manière indue, soit
l'équivalent de 222 393 fr. 10.
Invitée à prendre position sur le contenu de ce rap-
port, X.________ SA s'est déterminée par l'intermédiaire
d'un avocat. La procuration jointe à cette détermination
conférait, à Me Bernard Geller notamment, les pouvoirs de
représenter la société et d'agir en son nom par toutes
voies amiables ou judiciaires dans le cadre du «rapport
communiqué le 22.1.93 par l'OFIAMT».
Le 19 mai 1993, cet office a rendu son rapport défini-
tif, qu'il a notifié en mains de la seule société. Dans le
même temps, il a enjoint à la Caisse cantonale vaudoise de
chômage (ci-après : la caisse) d'exiger de X.________ SA la
restitution d'un montant de 222 393 fr. 10, ce qu'elle a
fait par décision du 24 mai 1993. Tenue dans l'ignorance du
mandat de représentation donné à Me Bernard Geller, la
caisse a également communiqué sa décision directement à
l'employeur, qui l'a reçue le 25 mai 1993.

b) Par acte du 13 juillet 1993, le mandataire de la
société a recouru contre cette décision devant le Service
cantonal de l'emploi (ci-après : le service), en concluant
à l'annulation de la décision de la caisse. A titre préala-
ble, il requérait la restitution du délai de recours,
faisant valoir que ce n'était qu'en date du 9 juillet 1993
que sa mandante, convaincue que la décision du 24 mai 1993
avait également été notifiée à son conseil, avait appris
qu'en réalité celui-ci n'en avait jamais eu connaissance.
Le 16 novembre 1993, le service a suspendu - à la
demande de X.________ SA - la procédure jusqu'à droit connu
sur l'issue d'une plainte pénale déposé par l'OFIAMT le
18 août 1993.

Après avoir reçu, en janvier 1999, les jugements ren-
dus dans le cadre de la procédure pénale, le service a
repris l'instruction de la cause. Par décision du 27 juil-
let 1999, il a admis la requête en restitution du délai de
recours présentée par Me Bernard Geller et réduit les pré-
tentions de la caisse à 179 700 fr. 95, motif pris que les
indemnités versées avant le 24 mai 1988 tombaient sous le
coup de la prescription absolue prévue par l'art. 95 al. 3
LACI.

B.- La société a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Vaud.
Après l'avoir préalablement avisé de son intention de
procéder à une reformatio in pejus, le tribunal a rejeté
son recours et réformé la décision du 27 juillet 1999 «en
ce sens que le recours interjeté par X.________ SA le
13 juillet 1993 est irrecevable pour cause de tardiveté»
(jugement du 25 mai 2000).
En substance, la juridiction cantonale a considéré que
la décision de la caisse du 24 mai 1993 n'avait certes pas
été valablement notifiée, mais que dans le cas particulier,
la société ne pouvait, de bonne foi, se prévaloir de cette
circonstance pour se voir accorder une restitution du délai
de recours. En effet, dès lors qu'elle avait effectivement
reçu la décision litigieuse, que celle-ci mentionnait cor-
rectement les voies de droit, le délai de recours et lui
était clairement défavorable, que de surcroît le nom de son
conseil ne figurait pas sur la liste des destinataires de
l'envoi mentionnés au pied de la décision, elle aurait dû,
bien avant l'échéance du délai de recours, s'assurer auprès
de Me Bernard Geller qu'il avait recouru en temps utile
contre la décision en cause.

C.- X.________ SA interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, en concluant, sous suite de
frais et dépens, principalement, à ce qu'il soit constaté

qu'elle n'est pas débitrice de la caisse et, subsidiaire-
ment, au renvoi de la cause à l'autorité de première ins-
tance pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
En ce qui concerne la question de la tardiveté du
recours formé en première instance, la société soutient
qu'elle n'avait aucune raison de penser que son conseil
n'avait pas reçu la décision de la caisse, de sorte que sa
demande en restitution de délai, présentée quatre jours
après la découverte de l'irrégularité de la notification,
était non seulement recevable mais bien fondée.
La caisse s'en rapporte à justice, tandis que le seco
ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- En instance fédérale, le litige porte uniquement
sur le point de savoir si c'est à bon droit que la juridic-
tion cantonale a réformé la décision du 27 juillet 1999 en
déclarant irrecevable, pour cause de tardiveté, le recours
formé le 13 juillet 1993 par la société X.________ SA de-
vant l'autorité de première instance. Partant, les conclu-
sions de la recourante tendant à l'annulation de la demande
de restitution sont irrecevables.

2.- A juste titre, personne ne conteste que la notifi-
cation du rapport définitif de l'OFIAMT, puis celle de la
décision de la caisse, étaient irrégulières. En effet, bien
que la procuration produite à l'époque par Me Bernard
Geller portât sur le rapport provisoire communiqué par
l'OFIAMT, cet office ne pouvait raisonnablement partir de
l'idée que le mandat confié à l'avocat se limitait à la
seule contestation de ce rapport; à l'évidence, la validité
de cette procuration s'étendait également à la procédure en
restitution qui allait suivre. L'OFIAMT aurait donc dû com-
muniquer au mandataire de la recourante - et non à celle-ci

directement - son rapport définitif et informer la caisse
de l'existence d'un mandat de représentation.

3.- a) La notification irrégulière d'une décision ne
doit entraîner aucun préjudice pour les parties (cf. pour
le droit fédéral les art. 38 PA et 107 al. 2 OJ). Cepen-
dant, la jurisprudence n'attache pas nécessairement la
nullité à l'existence de vices dans la notification; la
protection des parties est suffisamment garantie lorsque la
notification irrégulière atteint son but malgré cette irré-
gularité. Il y a donc lieu d'examiner, d'après les circons-
tances du cas concret, si la partie intéressée a réellement
été induite en erreur par l'irrégularité de la notification
et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet
égard de s'en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent
une limite à l'invocation du vice de forme (ATF 122 I 99
consid. 3a/aa, 111 V 150 consid. 4c et les références; RAMA
1997 no U 288 p. 444 consid. 2b/bb; ZBl 95/1994 p. 530
consid. 2; Jean-François Egli, La protection de la bonne
foi dans le procès, in Juridiction constitutionnelle et
juridiction administrative, Zurich 1992, p. 231 sv). Cela
signifie notamment qu'une décision, fut-elle notifiée de
manière irrégulière, peut entrer en force si elle n'est pas
déférée au juge dans un délai raisonnable (SJ 2000 I 118
consid. 4).
Dans un arrêt récent du 13 février 2001 (C 168/00), le
Tribunal fédéral des assurances a eu l'occasion de préciser
dans quel délai une partie est tenue d'attaquer une dé-
cision lorsque celle-ci n'est pas notifiée à son repré-
sentant - dont l'existence est connue de l'autorité -, mais
directement en ses mains. Dans de telles situations, il a
jugé que l'intéressé doit, en vertu de son devoir de di-
ligence, se renseigner auprès de son mandataire de la suite
donnée à son affaire au plus tard le dernier jour du délai

de recours depuis la notification de la décision litigieu-
se, de sorte qu'il y a lieu de faire courir le délai de
recours dès cette date.

b) A la lumière de la jurisprudence précitée, le délai
de recours contre la décision de la caisse du 24 mai 1993
- dont il est constant qu'elle a été effectivement reçue
par la recourante le 25 mai 1993 - a commencé à courir le
24 juin 1993 pour arriver à échéance le 23 juillet 1993. En
adressant l'acte de recours à l'autorité de première ins-
tance le 13 juillet 1993, le mandataire de X.________ SA a
donc agi en temps utile. Par conséquent, c'est à tort que
les premiers juges ne sont pas entrés en matière sur le
fond du litige.
Dans cette mesure, le recours de droit administratif
se révèle bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Dans la mesure où il est recevable, le recours est
admis. Le jugement du Tribunal administratif du canton
de Vaud du 25 mai 2000 est annulé, la cause étant
renvoyée à ce tribunal pour jugement sur le fond.

II. Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont
mis à la charge de l'intimée. L'avance de frais effec-
tuée par la recourante, d'un montant de 500 fr., lui
est restituée.

III. La Caisse publique cantonale vaudoise de chômage ver-
sera à la recourante la somme de 1500 fr. (y compris
la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour
l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Vaud, au Service
cantonal de l'emploi du canton de Vaud et au Secréta-
riat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 10 mai 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.196/00
Date de la décision : 10/05/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-10;c.196.00 ?
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