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09/05/2001 | SUISSE | N°C.279/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 mai 2001, C.279/00


«AZA 7»
C 279/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Widmer, Leuzinger et Ferrari; Addy, Greffier

Arrêt du 9 mai 2001

dans la cause

A.________, recourant,

contre

Office cantonal de l'emploi, rue des Glacis-de-Rive 4-6,
1207 Genève, intimé,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- Après avoir bénéficié de trois délais-cadres
d'indemnisation entre le 4 septembre 1991

et le 30 novembre
1997, A.________ s'est vu dénier le droit à de nouvelles
prestations de l'assurance-chômage au motif qu'il ne
satisfa...

«AZA 7»
C 279/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Widmer, Leuzinger et Ferrari; Addy, Greffier

Arrêt du 9 mai 2001

dans la cause

A.________, recourant,

contre

Office cantonal de l'emploi, rue des Glacis-de-Rive 4-6,
1207 Genève, intimé,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- Après avoir bénéficié de trois délais-cadres
d'indemnisation entre le 4 septembre 1991 et le 30 novembre
1997, A.________ s'est vu dénier le droit à de nouvelles
prestations de l'assurance-chômage au motif qu'il ne
satisfaisait pas aux conditions relatives à la période de
cotisation (décision du 5 janvier 1998 de la Caisse
cantonale genevoise de chômage).

A la demande de la caisse de chômage, la section des
enquêtes de l'Office cantonal de l'emploi (ci-après : la
section des enquêtes de l'OCE) a examiné la situation de
A.________ vis-à-vis de l'assurance-chômage, plus parti-
culièrement ses liens et ceux de son épouse avec des
sociétés pour lesquelles il avait travaillé avant de tomber
au chômage ainsi qu'entre ses périodes d'indemnisation.
Dans un rapport du 29 octobre 1998, la section des
enquêtes de l'OCE a relevé que A.________ était ou avait
été propriétaire économique de quatre sociétés sises dans
le canton de Genève et en France voisine (B.________ SA,
C.________ Sàrl, D.________ SA et E.________ SA); qu'il se
trouvait dans une situation financière difficile depuis
1988/1989; qu'il avait depuis lors occupé à plusieurs
reprises une activité salariée dans ses propres sociétés,
notamment en qualité de directeur de B.________ SA du
1er décembre 1992 au 30 juin 1993 (pour un salaire de
7500 fr.) et du 1er juillet 1995 au 30 novembre 1995 (pour
un salaire de 8000 fr.); que ses périodes d'activité
avaient systématiquement été interrompues en raison de «la
non réalisation des affaires prévues»; que la durée de ces
périodes d'activité avait néanmoins été suffisante pour
justifier, à chaque fois, l'ouverture d'un nouveau délai-
cadre d'indemnisation; que les cotisations d'assurance-
chômage avaient toujours été payées à la caisse de
compensation bien que les salaires correspondants n'avaient
pas été versés par la société.
Sur le vu de ces constatations, la Section assurance-
chômage de l'Office cantonal de l'emploi (ci-après : la
SACH) a rendu, le 17 février 1999, une décision par la-
quelle elle a nié le droit de A.________ à des prestations
de chômage depuis l'ouverture de son premier délai-cadre
d'indemnisation le 4 septembre 1991. Pour l'essentiel, la

SACH a considéré que A.________ était dans une situation
comparable à celle d'un employeur, vu sa qualité d'action-
naire et d'administrateur unique de ses sociétés, de telle
sorte qu'il n'avait pas droit à des indemnités de chômage.
Saisi d'un recours de A.________, le Groupe réclama-
tions de l'Office cantonal de l'emploi (ci-après : le Grou-
pe réclamations de l'OCE) l'a partiellement admis, en ce
sens qu'il n'a nié le droit à des indemnités journalières
que pour le deuxième et le troisième délai-cadre, mais non
pour le premier (décision du 18 juin 1999).

B.- A.________ a recouru contre cette décision.
Par jugement du 30 septembre 1999, la Commission
cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-
chômage a rejeté le recours.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert implicitement
l'annulation, en concluant à ce que les prestations de
chômage qu'il a perçues soient reconnues comme étant
justifiées et, en tout état de cause, à ce qu'il soit
constaté que leur remboursement ne peut pas être exigé de
sa part, vu sa situation financière difficile.
La SACH et le Secrétariat d'Etat à l'économie ont
renoncé à se déterminer sur le recours.

Considérant en droit :

1.- La contestation a pour objet la décision de la
SACH du 17 février 1999 qui a été portée devant le Groupe
réclamations de l'OCE à la suite du recours de l'assuré.
Dans sa décision du 18 juin 1999, le Groupe récla-
mations a constaté que le recourant avait droit à des

indemnités de chômage pour son premier délai-cadre
d'indemnisation (soit du 4 septembre 1991 au 3 septembre
1993), mais qu'il ne remplissait pas, en revanche, les
conditions requises pour prétendre de telles indemnités
durant les deux délais-cadres suivants (soit du 22 septem-
bre 1993 au 21 septembre 1995, et du 1er décembre 1995 au
30 novembre 1997). L'objet de la contestation se limite
donc au point de savoir si le recourant réalisait, durant
ces périodes, les conditions du droit à l'indemnité de
chômage (art. 8ss LACI).
Dans cette mesure, sa conclusion tendant à faire
constater que le remboursement des prestations litigieuses
ne peut, vu sa situation financière difficile, être exigé
de sa part, sort de l'objet de la contestation et doit être
déclarée irrecevable. C'est en effet seulement lorsque la
caisse aura rendu, conformément à l'art. 95 al. 1 LACI, une
décision en restitution des prestations versées à tort, que
la question soulevée par le recourant en relation avec sa
situation financière pourra et devra, si nécessaire, être
examinée (ATF 126 V 399 consid. 2).

2.- a) D'après la jurisprudence, un travailleur qui
jouit d'une situation professionnelle comparable à celle
d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage
lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise,
il continue de fixer les décisions de l'employeur ou à in-
fluencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas
contraire, en effet, on détournerait par le biais d'une
disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation en
matière d'indemnité en cas de réduction de l'horaire de
travail, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI (ATF
123 V 234). Selon cette disposition, n'ont pas droit à
l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail les
personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur
- ou peuvent les influencer considérablement - en qualité

d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise
ou encore de détenteur d'une participation financière de
l'entreprise; il en va de même des conjoints de ces person-
nes qui sont occupés dans l'entreprise.
Dans ce sens, il existe donc un étroit parallélisme
entre le droit à l'indemnité en cas de réduction de
l'horaire de travail et le droit à l'indemnité de chômage.
La situation est en revanche différente quand le salarié,
se trouvant dans une position assimilable à celle de l'em-
ployeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la
fermeture de celle-ci; en pareil cas, on ne saurait parler
d'un comportement visant à éluder la loi. Il en va de même
lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le sala-
rié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt
définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme
dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre des
indemnités de chômage (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb).

b) En l'espèce, seul est encore litigieux, en instance
fédérale, le droit à des prestations de chômage se rappor-
tant au deuxième et au troisième délai-cadre d'indemnisa-
tion (soit du 22 septembre 1993 au 21 septembre 1995, et du
1er décembre 1995 au 30 novembre 1997). Cela étant, il est
constant qu'à l'ouverture de ces deux délais-cadres, le
recourant occupait le poste de Président du conseil d'admi-
nistration de la société B.________ SA, dont il était
également, selon ses déclarations, le propriétaire écono-
mique. A ce titre, il pouvait donc décider seul de son
engagement comme travailleur salarié au service de cette
société et, de la même façon, de son licenciement. C'est
d'ailleurs ce qu'il a fait en entrant, le 1er décembre
1992, au service de B.________ SA comme directeur, avant de
se licencier lui-même pour le 30 juin 1993; par ailleurs,
c'est son épouse F.________ qui a procédé à son engagement
et à son licenciement concernant le gain intermédiaire

qu'il a annoncé à la caisse pour la période du 1er au
30 septembre 1994; quant à sa troisième et dernière période
d'activité au service de B.________ SA, les lettres d'enga-
gement et de licenciement ont été signées par sa fille : en
l'absence d'autres indications - la prénommée n'était pas
membre du conseil d'administration de la société et n'occu-
pait, semble-t-il, pas de poste de direction au sein de
celle-ci -, il faut admettre que ces formalités ont été
faites à la demande de A.________ pour les besoins de la
cause, et à titre d'acte de pure complaisance, comme
F.________ l'a d'ailleurs précisé au sujet d'un autre
contrat d'engagement que sa fille avait signé en sa faveur
(cf. lettre du 24 avril 1998 de F.________ à l'OCE).
On ajoutera encore, à toutes fins utiles, que les
attestations d'employeur de l'assurance-chômage ont été
signées, soit directement par le recourant lui-même - y
compris à des dates où il n'était plus directeur de
B.________ SA (cf. attestation du 22 septembre 1993) -,
soit par son épouse.

c) Au regard de ces circonstances, le recourant ne
remplissait pas, au moment déterminant, les conditions pour
prétendre des indemnités en cas de réduction de l'horaire
de travail, et ne pouvait pas davantage, compte tenu de son
statut au sein de la société B.________ SA, obtenir des
indemnités de chômage. A cet égard, il convient de relever
que son droit à de telles indemnités n'était pas, comme il
le soutient, «d'emblée» exclu : c'est en effet seulement
parce qu'il a continué, après s'être trouvé au chômage, à
occuper une fonction dirigeante dans sa société et à
entretenir avec elle des liens étroits que sa situation
doit être comparée à celle d'un employeur et que des
prestations de l'assurance-chômage ne peuvent lui être
reconnues. Il en irait différemment s'il avait quitté une
fois pour toutes sa société ou s'il avait rompu
définitivement tout lien avec celle-ci (supra consid. 2a in
fine).

3.- Si le droit du recourant à des indemnités de
chômage doit être nié, c'est non seulement parce que sa
situation était comparable, durant la période considérée, à
celle d'un employeur, mais encore parce qu'il était inapte
au placement : plusieurs fois exprimée, sa volonté tendait
en effet tout entière vers un seul but, à savoir faire
redémarrer les activités de la société B.________ SA. Il
n'était donc, en réalité, pas disposé à prendre une
activité salariée auprès d'un employeur potentiel. Preuve
en est qu'il a accepté de travailler sans rémunération pour
B.________ SA - les salaires étaient certes comptabilisés,
mais non versés (cf. infra consid. 4b) - et qu'il a de
surcroît refusé de prendre un emploi temporaire afin de
pouvoir prolonger, pour un temps limité, son activité
auprès de cette société (cf. sa lettre du 30 juin 1995 à la
caisse de chômage). A cela s'ajoute que la quasi totalité
de ses nombreuses offres de service ont été adressées à des
sociétés internationales auxquelles il proposait de mettre
à disposition ses compétences dans le domaine bancaire et
financier. Dans la mesure où B.________ SA était précisé-
ment active dans ce domaine d'activité, la nature des
recherches d'emploi effectuées par le recourant ne fait
donc que souligner le fait que son véritable but n'était
pas tant de se trouver un emploi salarié que de réactiver
sa société, ainsi que l'ont également relevé les premiers
juges.

4.- En plus des motifs exposés aux considérants qui
précèdent, le recours doit encore être rejeté pour une
autre raison.

a) Aux termes de l'art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans
les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3 LACI) a exercé du-
rant six mois au moins, une activité soumise à cotisation,

remplit les conditions relatives à la période de cotisa-
tion. Selon la jurisprudence, l'art. 13 al. 1 LACI pré-
suppose que l'assuré ait effectivement exercé une activité
soumise à cotisation, mais non que l'employeur ait réelle-
ment transféré à la caisse de compensation la cotisation du
salarié, en sa qualité d'organe participant à la procédure
de perception des cotisations (ATF 113 V 352).

b) En l'espèce, la société B.________ SA a certes payé
des cotisations à la caisse de chômage; mais elle n'a en
revanche pas versé au recourant les salaires correspondants
à ces cotisations, contrairement à ce qu'elle a annoncé
tant aux organes de l'AVS (en omettant d'apposer la mention
«pas de salaire», comme exigé sur la déclaration lorsque
l'employeur n'a pas versé de salaire) qu'à la caisse de
chômage (en indiquant sur les attestations d'employeur que
les salaires avaient été versés pour la période allant
jusqu'au dernier jour de travail effectué). Le recourant a
en effet reconnu qu'il n'avait touché aucune rémunération
effective pour son activité de directeur B.________ SA,
seule une créance de salaire en sa faveur ayant été
comptabilisée dans les comptes de la société.

c) Cette circonstance - inhabituelle - appelle d'ap-
porter une précision à la jurisprudence publiée aux ATF
113 V 352, en ce sens que l'exercice effectif d'une
activité salariée, comme exigence qui doit être satisfaite
pour remplir les conditions relatives à la période de
cotisation (art. 8 al. 1 let. e et 13 LACI), implique
également qu'un salaire soit réellement versé au tra-
vailleur (cf. DTA 1988, no 1, p. 19 sv. consid. 3b/c non
publié aux ATF 113 V 352). L'art. 13 al. 1 LACI exige en
effet l'exercice d'une activité soumise à cotisation; or,
aux termes de l'art. 2 al. 1 let. a LACI, est tenu de payer
des cotisations celui qui est obligatoirement assuré selon

la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants
(LAVS) et doit payer des cotisations sur le revenu d'une
activité dépendante en vertu de cette loi; il n'y
a donc
pas d'activité soumise à cotisation en l'absence d'une
rémunération versée à l'assuré. Par ailleurs, la qualité
d'employeur au sens de l'art. 2 al. 1 let. b LACI pré-
suppose également, en vertu du renvoi à l'art. 12 LAVS, le
versement d'une rémunération au sens de l'art. 5 al. 2 LAVS
(voir aussi Nussbaumer, Arbeitslosenversicherung, in :
Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale
Sicherheit, 1998, ch. 161; Gerhards, Kommentar zum
Arbeitslosenversicherungsgesetz, 1987, note 8 ad art. 13
LACI, p. 170).
Outre qu'elle découle de l'interprétation de la loi,
l'exigence d'un salaire effectif - pour admettre que les
conditions relatives à la période de cotisation sont
réunies - présente également l'avantage de prévenir les
abus qui pourraient résulter en cas d'accord fictif entre
un employeur et un travailleur au sujet du salaire que le
premier s'engage contractuellement à verser au second
(surtout lorsque, comme c'est le cas en l'occurrence,
l'employeur et le travailleur ne font en réalité qu'une
seule et même personne). A cet égard, les principes juris-
prudentiels développés à propos de l'art. 23 al. 1 LACI
peuvent être transposés mutatis mutandis : un salaire
contractuellement prévu ne sera dès lors pris en consi-
dération, sous l'angle de l'art. 13 al. 1 LACI, que s'il a
réellement été perçu par le travailleur durant une période
prolongée et que s'il n'a jamais fait l'objet d'une contes-
tation (DTA 1995 no 15 p. 79ss).
Le recourant, qui n'a pas reçu de salaire durant ses
périodes d'activité au service de B.________ SA, ne remplit
par conséquent pas les conditions relatives à la période de
cotisation.

5.- En tout point mal fondé, le recours doit être
rejeté.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Dans la mesure où il est recevable, le recours est
rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-chômage et au Secrétariat d'Etat à
l'économie.

Lucerne, le 9 mai 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.279/00
Date de la décision : 09/05/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-09;c.279.00 ?
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