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09/05/2001 | SUISSE | N°6S.853/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 mai 2001, 6S.853/2000


«/2»
6S.853/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

9 mai 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Wiprächtiger, Juges.
Greffière: Mme Revey.
__________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________

contre

l'ordonnance rendue le 22 novembre 2000 par la Chambre
d'accusation de la Cour de justice genevoise dans la
cause qui oppose le recourant au Procureur général

du
canton de G e n è v e et à Y.________, représenté par
Me Serge G. Fafalen, avocat à Genève;

(art. 173 ss et...

«/2»
6S.853/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

9 mai 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Wiprächtiger, Juges.
Greffière: Mme Revey.
__________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________

contre

l'ordonnance rendue le 22 novembre 2000 par la Chambre
d'accusation de la Cour de justice genevoise dans la
cause qui oppose le recourant au Procureur général du
canton de G e n è v e et à Y.________, représenté par
Me Serge G. Fafalen, avocat à Genève;

(art. 173 ss et 181 CP; art. 270 al. 1 aPPF:
atteinte à l'honneur, contrainte,
qualité pour former un pourvoi en nullité)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________, domicilié à Vandoeuvres, est
directeur général de la Banque A.________ SA. Un litige
oppose cet établissement à Y.________, en raison de la
réalisation d'actions de la Société C.________, que
Y.________ avait nanties auprès de lui.

Le 18 octobre 2000, Y.________ a fait notifier à
X.________ un commandement de payer de 14 millions de fr.
- plus intérêts à 5% dès le 13 octobre 1999 - à titre de
dommages et intérêts dans le cadre du litige susmen-
tionné. Ce commandement de payer était également adressé,
conjointement et solidairement, à trois autres personnes,
ainsi qu'à la Banque A.________ SA, à la société
B.________ SA et à la Société C.________.

B.- Le 26 octobre 2000, X.________ a déposé
plainte contre Y.________, notamment pour atteintes à
l'honneur.

Par ordonnance du 31 octobre 2000, le Procureur
général du canton de Genève a classé la plainte, au motif
qu'il n'était pas attentatoire à l'honneur de faire
l'objet d'une poursuite, même injustifiée.

Le 13 novembre 2000, X.________ a recouru contre
cette décision. Il soutenait qu'une poursuite injustifiée
était susceptible selon les circonstances de compromettre
l'honneur; en outre, en lui faisant notifier un commande-
ment de payer pour plus de 14 millions de fr., Y.________
exerçait à son encontre, de même qu'à l'égard de la

Banque A.________ SA, une pression constitutive de
contrainte au sens de l'art. 181 CP.

Statuant le 22 novembre 2000, la Chambre d'accu-
sation de la Cour de justice genevoise a confirmé le
prononcé du Procureur général. Elle retenait en bref que
l'envoi du commandement de payer ne constituait pas, en
l'espèce, un acte attentatoire à l'honneur. Quant à
l'infraction de contrainte - qui ne serait de toute façon
qu'une tentative -, elle n'était pas davantage réalisée
faute de dommage sérieux. Du reste, on discernait mal à
quoi la poursuite en cause pourrait contraindre l'inté-
ressé, sinon à payer un éventuel dû, cette question
relevant au demeurant du seul droit civil. Enfin, le but
réel de X.________ n'était pas d'initier une action
pénale mais d'obliger Y.________ à renoncer à le pour-
suivre.

C.- Agissant seul par la voie du pourvoi en nul-
lité, X.________ demande en substance au Tribunal fédéral
d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation du
22 novembre 2000. En annexe, il produit de nouvelles
pièces.

D.- Au terme de leurs observations, le Procureur
général et Y.________ concluent au rejet du recours. La
Cour de justice a renoncé à se déterminer.

E.- Le 8 février 2001, X.________ a transmis au
Tribunal fédéral une nouvelle pièce.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Il convient en premier lieu de déterminer si
le recourant a la qualité pour agir par la voie du pour-
voi en nullité. Cette question doit être examinée sous
l'angle de l'art. 270 al. 1 aPPF (modifié le 1er janvier
2001 [cf. RO 2000 2721], mais applicable à la présente
cause dès lors que l'autorité intimée a statué avant
cette date).

a) Selon l'art. 270 al. 1 aPPF, le lésé peut se
pourvoir en nullité s'il était déjà partie à la procédure
auparavant et dans la mesure où la sentence peut avoir
des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Le
lésé qui a la qualité de victime au sens de l'art. 2 LAVI
peut également déduire sa qualité pour recourir, aux
mêmes conditions, de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI (ATF 125
IV 109 consid. 1b; 120 IV 44 consid. 2a et b).

Le pourvoi n'ayant pas pour but de permettre au
lésé, ou à la victime, de se substituer au Ministère
public ou d'assouvir une soif de vengeance, mais d'in-
fluencer le sort des prétentions civiles que le recourant
pourrait faire valoir, il convient de se montrer strict
dans l'admission de la qualité pour recourir. Il appar-
tient ainsi au lésé, ou à la victime, d'exposer dans son
recours en quoi les conditions de recevabilité sont
réunies, afin que le Tribunal fédéral soit en mesure de
discerner ce qui justifie d'entrer en matière sur son
pourvoi (ATF 123 IV 184 consid. 1b, 190 consid 1, 122 IV
139 consid. 1; 120 IV 44 consid. 8. Lorsque le lésé, ou
la victime, ne fournit pas les indications exigées, le
recours est en règle générale irrecevable, dès lors que
les conditions de la qualité pour agir ne sont pas rem-

plies (cf. ATF 125 IV 109 consid. 1b; 123 IV 190 consid.
1, 254 consid. 1). Dans la mesure toutefois où il est
d'emblée manifeste que ces conditions sont réalisées, le
seul fait que cela ne soit pas exposé formellement dans
le mémoire n'entraîne pas l'irrecevabilité du recours
(cf. s'agissant de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI: Bernard
Corboz, Les droits procéduraux découlant de la LAVI, in
SJ 1996 p. 53 ss, spéc. p. 80: "sauf si cela est évi-
dent").

Pour que le pourvoi soit recevable, la jurispru-
dence exige en outre que le recourant ait pris des
conclusions civiles sur le fond dans le cadre de la
procédure pénale, pour autant que cela pouvait être
raisonnablement exigé de lui. Tel n'est pas le cas
lorsque le pourvoi est dirigé, comme en l'espèce, contre
une décision de classement ou de non-lieu, c'est-à-dire
avant tout jugement (ATF 125 IV 109 consid. 1b; 123 IV
190 consid. 1, 254 consid. 1).

Cependant, le devoir de motivation précité commande
au recourant qui n'a pas pris de conclusions civiles
d'expliquer pourquoi il n'a pas agi - à moins que le
pourvoi soit formé avant tout jugement -, quelles pré-
tentions civiles il entend faire valoir et en quoi la
décision attaquée peut influencer le jugement de celles-
ci (ATF 125 IV 109 consid. 1b; 123 IV 184 consid. 1b,
190 consid. 1, 254 consid. 1; 120 IV 44 consid. 8). En
l'absence de telles indications, le Tribunal fédéral
entre néanmoins en matière lorsqu'on peut déduire ces
éléments directement et sans ambiguïté, compte tenu
notamment de la nature de l'infraction.

b) La notion de prétentions civiles au sens des
art. 270 al. 1 aPPF et de la LAVI doit être interprétée

de manière large; en font partie non seulement les pré-
tentions en dommages-intérêts et en réparation du tort
moral, mais aussi celles qui visent toute satisfaction ou
protection offerte par le droit privé, telles que les
conclusions tendant à une interdiction, à la cessation
d'un comportement illicite ou à la constatation de ce
caractère illicite, comme le prévoit par exemple l'art. 9
de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD;
RS 241; ATF 122 IV 139 consid. 3b et 121 IV 76 consid. 1c
relatifs à l'art. 270 al. 1 aPPF). Il doit toutefois
s'agir de prétentions qui puissent être invoquées dans le
cadre de la procédure pénale par la voie d'une constitu-
tion de partie civile (ATF 125 IV 161 consid. 3),
c'est-à-dire de prétentions découlant de l'infraction.

c) En l'occurrence, le recourant se plaint d'at-
teinte à l'honneur et de contrainte.

aa) Au vu de la nature des infractions alléguées,
il sied de se demander si le recourant est une victime au
sens de l'art. 2 al. 1 LAVI (cf., quant aux atteintes à
l'honneur et à la contrainte, ATF 120 IV 44 consid. 2c,
90 consid. 1c; 120 Ia 157 consid. 2d/aa). La question
peut toutefois rester indécise, dès lors que les condi-
tions régissant la qualité pour se pourvoir en nullité au
sens de l'art. 270 al. 1 aPPF correspondent à celles de
l'art. 8 al. 1 let. c LAVI.

bb) Le recourant, qui n'est pas assisté d'un manda-
taire professionnel, déclare que son but est "d'obtenir
la protection du droit pénal (...) pour mettre fin à une
atteinte qui continue." Il souligne à cet égard que
l'atteinte subie n'est pas anodine, ni spécifique à sa
fonction de directeur. La poursuite litigieuse rend en
effet plus difficile la conclusion de certains contrats,

notamment de bail ou de leasing. De plus, aux yeux du
citoyen moyen, celui qui fait l'objet de poursuites est a
priori mauvais payeur, tricheur et méprisable. Enfin,
toujours d'après le recourant, la seule justification du
commandement de payer est "de lui nuire ou de se venger à
cause des poursuites intentées par la banque contre
Y.________ et de faire pression sur lui à titre
personnel, pour qu'il se montre plus conciliant comme
directeur de la banque." Par ailleurs, à supposer qu'elle
soit possible, une procédure civile visant à radier la
poursuite impliquerait une avance de frais judiciaires de
100'000 fr. environ.

cc) Ainsi, s'agissant de ses prétentions civiles,
le recourant se limite à vouloir "mettre fin à une
atteinte qui continue", en se plaignant à cet égard d'une
altération de son crédit et de son honorabilité, soit
d'un dommage immatériel. En revanche, il ne réclame pas
de dommages-intérêts découlant de contrats présumés
manqués, ni d'indemnités pour un éventuel tort moral. En
conséquence, force est de retenir que ses prétentions
civiles se bornent à l'annulation de l'inscription de la
poursuite litigieuse.

Encore peut-on relever que son pourvoi n'indique
pas clairement s'il se satisferait d'une constatation
négatoire de la créance, permettant de prohiber la com-
munication de l'inscription lors de la consultation ou
de la délivrance d'extraits, ou s'il entend requérir la
radiation totale de l'inscription, s'étendant au plan
interne de l'office des poursuites (Pierre-Robert
Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la
poursuite pour dettes et la faillite, vol. I, Lausanne
1999, nos 9-10, 38 ad art. 8 LP et nos 33 ss ad art. 8a
LP; cf. également art. 85a LP). Cette question peut
toutefois rester indécise.

Le recourant n'expose pas en quoi la décision
attaquée peut influencer le jugement desdites prétentions
civiles. Toutefois, il est manifeste qu'en retenant que
le commandement de payer litigieux ne constituait pas une
atteinte à l'honneur pénalement protégé et n'entraînait
pas davantage de contrainte, faute de menace d'un dommage
sérieux, la décision attaquée est de nature à influencer
négativement l'annulation de l'inscription litigieuse.

Dès lors, le recourant remplit les conditions de
l'art. 270 al. 1 aPPF pour se pourvoir en nullité.

2.- Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal
fédéral est lié par les constatations de fait contenues
dans la décision attaquée (art. 277bis al. 1 PPF).
L'appréciation des preuves et les constatations de fait
qui en découlent ne peuvent pas faire l'objet d'un
pourvoi en nullité, sous réserve de la rectification
d'une inadvertance manifeste. Le recourant ne peut pas
présenter de griefs contre des constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1
let. b PPF). Dans la mesure où il présenterait un état de
fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision
attaquée, il ne serait pas possible d'en tenir compte.
Autrement dit, le raisonnement juridique doit être mené
exclusivement sur la base de l'état de fait retenu par
l'autorité cantonale (ATF 126 IV 65 consid. 1; 124 IV 81
consid. 2a, 92 consid. 1 et les arrêts cités).

En l'occurrence, les nouvelles pièces déposées par
le recourant devant le Tribunal fédéral ne peuvent être
prises en considération, de sorte que le pourvoi est
irrecevable dans cette mesure.

3.- Le recourant soutient en premier lieu que le
commandement de payer litigieux constitue une atteinte à
l'honneur au sens des art. 173 ss CP.

a) L'honneur protégé par le droit pénal est le
droit de chacun de ne pas être considéré comme une per-
sonne méprisable (ATF 117 IV 27 consid. 2c). Selon la
jurisprudence, les art. 173 ss CP ne protègent que l'hon-
neur personnel, la réputation et le sentiment d'être une
personne honorable, de se comporter, en d'autres termes,
comme une personne digne a coutume de le faire selon les
idées généralement reçues; échappent à ces dispositions
les déclarations qui sont propres seulement à ternir de
quelque autre manière la réputation dont jouit quelqu'un
dans son entourage ou à ébranler sa confiance en lui-
même: ainsi en va-t-il des critiques qui visent comme
tels la personne de métier, l'artiste ou le politicien
(ATF 119 IV 44 consid. 2a; 117 IV 27 consid. 2c; 116 IV
205 consid. 2). L'honneur protégé par le droit pénal doit
être conçu de façon générale comme un droit au respect,
qui est lésé par toute assertion propre à exposer la
personne visée au mépris en sa qualité de personne (ATF
117 IV 27 consid. 2c et les arrêts cités). Pour déter-
miner si une déclaration est attentatoire à l'honneur,
il faut procéder à une interprétation objective selon le
sens qu'un auditeur ou un lecteur non prévenu devait,
dans les circonstances données, lui attribuer (ATF 119 IV
44 consid. 2a; 117 IV 27 consid. 2c et les arrêts cités).

b) En l'occurrence, c'est à bon escient que l'auto-
rité cantonale a refusé de voir une atteinte à l'honneur
dans la notification du commandement de payer litigieux.
Une telle poursuite n'est en principe susceptible de
mettre en doute que la solvabilité ou
la volonté de payer
de la personne visée, soit sa réputation au point de vue

économique, sans pour autant altérer son honorabilité.
Certes, il n'est pas exclu que, selon les circonstances,
une ou plusieurs poursuites puissent flétrir la réputa-
tion de bonne moralité du débiteur présumé. En l'espèce
toutefois, on ne voit pas qu'un seul commandement de
payer suffise à faire apparaître le recourant comme
méprisable au motif qu'il refuserait sans raison
d'acquitter son dû.

4.- Le recourant affirme ensuite que le procédé en
cause constitue une contrainte au sens de l'art. 181 CP.

a) Se rend coupable de contrainte au sens de l'art.
181 CP, celui qui, en usant de violence envers une
personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux ou en
l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté
d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à
laisser faire un acte.

La menace est un moyen de pression psychologique
consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisa-
tion est présentée comme dépendante de la volonté de
l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette
dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b; 106
IV 125 consid. 2a) ni que l'auteur ait réellement la vo-
lonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 consid. 2a).
Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur
entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa
liberté d'action; cette formule générale doit être
interprétée de manière restrictive; n'importe quelle
pression de peu d'importance ne suffit pas; il faut que
le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la vio-
lence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à im-
pressionner une personne de sensibilité moyenne et à

l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté
de décision ou d'action; il s'agit donc de moyens de
contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont
analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi
(ATF 119 IV 301 consid. 2a et les références).

Selon la jurisprudence, la contrainte n'est con-
traire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17
consid. 2a et les arrêts cités). Tel est notamment le cas
lorsqu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre
un but légitime constitue, au vu des circonstances, un
moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 120
IV 17 consid. 2a/bb; 119 IV 301 consid. 2b et les arrêts
cités).

b) En l'espèce, le recourant reproche à Y.________
de lui avoir fait notifier un commandement de payer de
plus de 14 millions de fr. de manière abusive, dès lors
qu'il n'est pas impliqué à titre personnel dans le litige
à la base de cette poursuite, à savoir la réalisation des
actions de la Société C.________. Le commandement de
payer a pour seul but de le pousser à se montrer plus
"conciliant" dans cette affaire, comme directeur de la
Banque A.________ SA, soit à inciter cet établissement à
renoncer aux prétentions légitimes soulevées à l'encontre
de Y.________ dans le contentieux précité.

c) Contrairement à ce que semble soutenir l'auto-
rité intimée, le comportement reproché ne constitue
pas une menace au sens de l'art. 181 CP, dès lors que
Y.________ n'a pas seulement menacé le recourant de lui
faire notifier un commandement de payer, mais a déjà agi
en ce sens. Il reste à examiner si la poursuite en cause
pourrait entraver le recourant "de quelque autre manière"
dans sa liberté d'action.

Pour une personne de sensibilité moyenne, faire
l'objet d'un commandement de payer d'une importante somme
d'argent est, à l'instar d'une plainte pénale, une source
de tourments et de poids psychologique, en raison des
inconvénients découlant de la procédure de poursuite
elle-même et de la perspective de devoir peut-être payer
le montant en question. Un tel commandement de payer est
ainsi propre à inciter une personne de sensibilité
moyenne à céder à la pression subie, cas échéant, donc à
l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de
décision ou d'action.

Certes, faire notifier un commandement de payer
lorsqu'on est fondé à réclamer une telle somme est lici-
te. En revanche, utiliser un tel procédé comme moyen de
pression pour dissuader la personne visée d'agir correc-
tement dans sa profession est clairement abusif, donc
illicite (cf. ATF 115 III 18 consid. 3, 81 consid. 3b
et arrêt du 3 décembre 1986 de l'Autorité genevoise de
surveillance des offices de poursuite pour dettes et de
faillite, publié in SJ 1987 p. 156 ss).

En l'espèce, il est établi que Y.________ a fait
notifier un commandement de payer de plus de
14 millions de fr. au recourant, soit une somme énorme.
En outre, le recourant a allégué que la créance était
manifestement inexistante et que ce procédé avait pour
but de le pousser à inciter son employeur, contrairement
aux intérêts de celui-ci, à abandonner les poursuites
dirigées contre Y.________.

En conséquence, il est concevable, au vu des faits
retenus et des allégués du recourant, qu'une tentative de
contrainte ait été réalisée, de sorte que l'autorité
intimée a violé le droit fédéral en retenant d'emblée,
sans approfondir les faits, que tel n'était pas le cas.

d) Le pourvoi en nullité est bien fondé sur ce
point. L'affaire doit être renvoyée à la Chambre d'accu-
sation pour qu'elle procède aux investigations propres à
déterminer si une tentative de contrainte est réalisée.
Il lui appartiendra notamment d'examiner si la créance
est manifestement inexistante, si Y.________ entendait
abuser de la procédure de poursuite dans le but allégué
par le recourant et si ce procédé était effectivement
susceptible d'avoir un tel effet.

5.- Vu ce qui précède, le pourvoi en nullité doit
être partiellement admis en tant que recevable, l'arrêt
attaqué annulé dans le sens des considérants et la cause
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Le recourant obtenant gain de cause pour l'essentiel, il
n'y a pas lieu de mettre à sa charge des frais judi-
ciaires. Il ne convient pas davantage de lui octroyer des
dépens, dès lors qu'il n'était pas assisté d'un manda-
taire professionnel (art. 278 al. 3 aPPF). L'intimé
succombe dans ses conclusions tendant au rejet du pour-
voi, de sorte qu'il ne peut exiger de dépens (art. 278
al. 3 aPPF). Toutefois, celles-ci n'étant pas dénuées de
chances de succès, il n'a pas à supporter de frais judi-
ciaires.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le pourvoi en nullité en
tant que recevable, annule l'arrêt attaqué dans le sens
des considérants et renvoie la cause à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision.

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires
ni alloué de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie au recou-
rant, au mandataire de Y.________, au Procureur général
du canton de Genève et à la Chambre d'accusation de la
Cour de Justice genevoise.
__________

Lausanne, le 9 mai 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.853/2000
Date de la décision : 09/05/2001
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-09;6s.853.2000 ?
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