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07/05/2001 | SUISSE | N°H.143/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 mai 2001, H.143/00


«AZA 7»
H 143/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Widmer et Ferrari; Frésard, Greffier

Arrêt du 7 mai 2001

dans la cause

G.________, recourant,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS/AI/APG, rue
du Lac 37, 1815 Clarens, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- G.________, né en 1934, est au bénéfice d'une
pension de retraite de la société X.________, qui s'éle

vait
à 99'612 francs. Il est affilié depuis le 1er janvier 1992
à la Caisse cantonale vaudoise de compensation comme
personne sans...

«AZA 7»
H 143/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Widmer et Ferrari; Frésard, Greffier

Arrêt du 7 mai 2001

dans la cause

G.________, recourant,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS/AI/APG, rue
du Lac 37, 1815 Clarens, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- G.________, né en 1934, est au bénéfice d'une
pension de retraite de la société X.________, qui s'élevait
à 99'612 francs. Il est affilié depuis le 1er janvier 1992
à la Caisse cantonale vaudoise de compensation comme
personne sans activité lucrative. Il est divorcé depuis
1998.

Ses cotisations ont tout d'abord été calculées sur la
base d'une fortune déterminante représentant la moitié de
la fortune nette du couple, soit 296'500 francs
(593'000 francs : 2). La fortune était augmentée de la
moitié du revenu sous forme de rente, par 49'806 francs
(99'612 francs : 2), multiplié par 20.
Le 10 mai 1999, la caisse de compensation a rendu une
décision provisoire par laquelle elle a modifié, en raison
du divorce des époux, le montant des cotisations dues par
l'assuré pour la période du 1er janvier 1998 au 30 juin
1999 (mois au cours duquel l'assuré accomplirait sa
65ème année). Les cotisations ont été fixées sur la base de
l'entier de la fortune (593'000 francs) et du revenu sous
forme de rente (99'612 francs). Pour la période du
1er janvier 1998 au 31 mars 1999, elles s'élevaient à 7'505
fr. 55; les cotisations (fixées sur les mêmes bases) dues à
compter du 1er avril 1999 jusqu'au 30 juin 1999 se
montaient à 1'501 fr. 10 au total. La caisse précisait que
son calcul serait revu dès réception de nouvelles communi-
cations fiscales de l'administration de l'impôt fédéral
direct.

B.- Par jugement du 30 septembre 1999, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé
contre cette décision par l'assuré.

C.- G.________ interjette un recours de droit admi-
nistratif dans lequel il demande que le montant de ses
cotisations soit calculé en fonction «de la rente (qu'il)
touche effectivement après déduction des montants versés à
l'ex-épouse».
La caisse de compensation conclut au rejet du recours.

D.- Par lettre du 31 janvier 2001, le juge délégué a
invité l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) à se
déterminer sur le recours, en particulier sur la prise en
compte de la pension alimentaire versée au conjoint divorcé
dans le calcul du revenu acquis sous forme de rente.

L'office s'est prononcé par écriture du 20 février
2001. Les parties n'ont pas fait usage de la possibilité
qui leur a ensuite été donnée de se déterminer sur cette
écriture.

Considérant en droit :

1.- Bien que «provisoire», la décision administrative
litigieuse est susceptible de recours devant l'autorité
cantonale compétente (art. 84 et 85 al. 1 LAVS; cf. ATF
109 V 70), dont le jugement peut ensuite faire l'objet d'un
recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral
des assurances (art. 97, 98 let. b à h et 98a OJ en corré-
lation avec l'art. 128 OJ).

2.- Comme aucune prestation d'assurance n'est liti-
gieuse, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si le jugement de première instance viole le droit
fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus du pouvoir
d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été consta-
tés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou
s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a
et b et 105 al. 2 OJ).
Il faut en outre tenir compte de l'art. 114 al. 1 OJ,
selon lequel le Tribunal fédéral des assurances n'est pas
lié par les conclusions des parties en matière de contribu-
tions publiques, lorsque le litige porte sur la violation
du droit fédéral ou sur la constatation inexacte ou incom-
plète des faits.

3.- a) Conformément à l'art. 10 al. 1 LAVS (dans sa
teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000; RO 2000 2677),
les assurés n'exerçant aucune activité lucrative paient une

cotisation de 168 francs (actuellement 324 francs; cf.
aussi l'art. 2 de l'Ordonnance 2000 sur les adaptations à
l'évolution des prix et des salaires dans le régime de
l'AVS et de l'AI [RS 831.110]) à 8'400 francs par an
suivant leurs conditions sociales. L'art. 10 al. 3 LAVS
délègue au Conseil fédéral la compétence d'édicter des
règles plus détaillées sur le calcul des cotisations. C'est
ce que l'autorité exécutive a fait aux art. 28 à 30
RAVS : elle y concrétise notamment la notion de conditions
sociales en prescrivant de fixer les cotisations sur la
base de la fortune et du revenu annuel acquis sous forme de
rente (art. 28 RAVS). Le Tribunal fédéral des assurances a
toujours reconnu la légalité de cette disposition (ATF
125 V 233 consid. 3a et les références citées).
Jusqu'au 31 décembre 1996, les épouses d'assurés,
lorsqu'elles n'exerçaient pas d'activité lucrative,
n'étaient pas tenues de payer des cotisations à
l'assurance-vieillesse et survivants (ancien art. 3 al. 2
let. b LAVS). Cette situation a été modifiée avec l'entrée
en vigueur, le 1er janvier 1997, de la 10ème révision de
l'AVS, qui a introduit le principe de l'obligation de
cotiser pour toutes les personnes sans activité lucrative,
dans les limites d'âge fixées par l'art. 3 al. 1 LAVS (cf.
ATF 125 V 232 consid. 1b). Aussi bien l'art. 28 al. 4 RAVS
(introduit par le ch. I de l'ordonnance du 29 novembre
1995, en vigueur depuis le 1er janvier 1997 [RO 1996 668])
prévoit-il que si une personne mariée doit payer des
cotisations comme personne sans activité lucrative, ses
cotisations sont déterminées sur la base de la moitié de la
fortune et du revenu sous forme de rente du couple. Cette
disposition a été jugée conforme à la loi par le Tribunal
fédéral des assurances (ATF 125 V 221).

b) Selon l'art. 29 RAVS, dans sa version en vigueur
avant les modifications des 10 novembre 1999 (RO 1999 3044)
et 1er mars 2000 (RO 2000 1441) et déterminante en l'es-
pèce, la cotisation annuelle des personnes sans activité

lucrative est en général fixée pour une période de deux ans
(al. 1). En règle générale, elle est calculée sur le revenu
moyen acquis sous forme de rente d'une période de deux ans
ainsi que d'après la fortune; la période de calcul comprend
la deuxième et la troisième année antérieures à la période
de cotisation; le jour déterminant pour le calcul de la
fortune est en général le 1er janvier de l'année qui précè-
de la période de cotisations (al. 2). Les autorités fis-
cales cantonales établissent la fortune déterminant le
calcul des cotisations des personnes sans activité lucrati-
ve sur la base de la taxation cantonale passée en force;
elles tiennent compte des valeurs de répartition intercan-
tonales (al. 3). Les art. 22 à 27 RAVS sont applicables par
analogie à la fixation des cotisations selon les 1er à
3e alinéas (al. 4).

c) Selon la caisse de compensation et le premier juge,
qui se fondent sur les directives administratives, l'année
de divorce (en l'occurrence 1998) n'est pas réputée être
une année de mariage. Le changement d'état civil a des
effets sur l'année entière de cotisations. En conséquence,
jusqu'au 31 décembre 1997, les cotisations du recourant
doivent être calculées sur la base d'une fortune détermi-
nante représentant la moitié de la fortune nette du couple,
augmentée de la moitié du revenu sous forme de rente, capi-
talisé selon le facteur 20 (art. 28 al. 1 RAVS). Pour
l'année 1998, en revanche, les cotisations du recourant
doivent être fixées sur la base de l'entier de la fortune
(593'000 francs) et du revenu sous forme de rente
(99'612 francs).
A ce propos, les directives de l'OFAS auxquelles se
réfèrent l'administration et le premier juge prévoient en
effet l'obligation de payer des cotisations calculées en
fonction de la fortune personnelle et du revenu acquis
personnellement sous forme de rente pour l'année civile
entière au cours de laquelle a eu lieu le mariage, le

divorce ou le décès du conjoint (cf. les ch. m. 2064,
troisième phrase, et 2069.1, quatrième phrase, des
directives de l'OFAS sur les cotisations des travailleurs
indépendants et non-actifs dans l'AVS, AI et APG [DIN] dans
leur teneur valable depuis le 1er janvier 1997).
Dans un arrêt R. du 22 décembre 2000 (H 287/99; ATF
126 V 421), le Tribunal fédéral des assurances a jugé que
ces directives étaient contraires au règlement sur l'AVS.
Durant toute la période du mariage - y compris pendant les
mois de l'année civile qui ont précédé la dissolution de
celui-ci - les cotisations des époux doivent être fixées,
selon l'art. 28 al. 4 RAVS, sur la base de la moitié de la
fortune et du revenu acquis sous forme de rente du couple.
Après un changement d'état civil, une nouvelle procédure de
fixation des cotisations selon l'art. 25 al. 1 RAVS (dans
sa version, applicable en l'occurrence, en vigueur jusqu'au
31 décembre 2000 [RO 2000 1441]) peut être mise en oeuvre
également pour des personnes non actives. Cette disposi-
tion, à laquelle renvoie par analogie l'art. 29 al. 4 RAVS
précité, permet de fixer les cotisations sur la base du
revenu actuel lorsque, depuis la période de calcul ordinai-
re, les bases du revenu de l'assuré ont subi «une modifica-
tion durable due à un changement de profession ou d'éta-
blissement, commercial ou autre, à la disparition ou à la
naissance d'une source de revenu, à la répartition nouvelle
du revenu de l'exploitation, ou encore à une invalidité de
l'assuré qui entraîne une variation sensible du gain»
(procédure extraordinaire de fixation des cotisations).
Pour les personnes sans activité lucrative, la dissolution
du mariage par divorce ou par décès doit être assimilée aux
circonstances énumérées par cette disposition réglementaire
et peut donc justifier la fixation des cotisations d'après
la procédure extraordinaire. Encore faut-il que la modifi-
cation du revenu soit sensible. A cet égard, une variation
de 25 pour cent représente une telle modification sensible
(ATF 110 V 9 consid. 3c, 105 V 118).

Dans le cas particulier, il ressort du jugement atta-
qué que les époux sont divorcés depuis le 13 février 1998.
On ignore si cette date est celle du jugement de divorce ou
celle de l'entrée en force de ce jugement. Quoi qu'il en
soit, pour les mois de janvier et février 1998 et, le cas
échéant, jusqu'au moment de l'entrée en force du jugement
de divorce, les cotisations du recourant doivent être
fixées sur la base de la moitié de la fortune et du revenu
sous forme de rente, conformément aux principes ci-dessus
exposés. Pour la période ultérieure, il appartiendra à la
caisse de procéder à un calcul sur la base de la fortune et
du revenu sous forme de rente du recourant. S'il en résulte
une différence de 25 pour cent au moins, elle appliquera la
procédure extraordinaire.
Pour ce motif, le jugement attaqué, ainsi que la déci-
sion administrative litigieuse, doivent être annulés et la
cause renvoyée à l'administration pour qu'elle procède dans
ce sens.

4.- Le recourant soutient que la pension alimentaire
qu'il verse à son ex-épouse doit être déduite de son revenu
déterminant pour la fixation de ses cotisations.

a) La notion de revenu acquis sous forme de rente doit
être comprise dans un sens très large, faute de quoi des
prestations importantes échapperaient souvent à l'obliga-
tion de cotiser, motif pris qu'il ne s'agit ni d'une rente
à proprement parler, ni d'un salaire déterminant au sens de
l'art. 5 al. 2 LAVS. Aussi, le critère décisif n'est-il pas
celui de savoir si les prestations perçues présentent plus
ou moins les caractéristiques d'une rente, mais bien plutôt
celui de savoir si elles contribuent à l'entretien de l'as-
suré, c'est-à-dire s'il s'agit d'éléments de revenu qui ont
une influence sur les conditions de vie de la personne sans
activité lucrative. Si tel est le cas, ces prestations

doivent être prises en compte dans le calcul des cotisa-
tions conformément à l'art. 10 LAVS (ATF 125 V 234
consid. 3b, 120 V 167 consid. 4a; RCC 1991 p. 434 con-
sid. 3a et les références).

b) Selon une jurisprudence déjà ancienne, la pension
alimentaire versée au conjoint divorcé ne peut pas être
déduite du revenu sous forme de rente et de la fortune des
assurés sans activité lucrative. Les dépenses qui consti-
tuent un emploi du revenu ne sont pas déductibles. Le ver-
sement d'une pension alimentaire n'est donc pas censé dimi-
nuer le revenu acquis sous forme de rente et peut consti-
tuer pour un tiers un revenu soumis à son tour à cotisation
(ATFA 1960 p. 38).
Cette jurisprudence est critiquée en doctrine. La
pension alimentaire versée au conjoint séparé ou divorcé
représente un revenu que le débiteur ne peut utiliser pour
son entretien personnel. Il en résulte, par ailleurs, une
double charge de cotisations, dans la mesure où des cotisa-
tions sont prélevées sur le même objet auprès de l'époux
crédirentier. Les époux divorcés sont ainsi taxés plus
lourdement que s'ils étaient encore mariés. Enfin, le main-
tien de la jurisprudence en cause n'est plus soutenable au
regard de l'évolution législative relative au traitement
fiscal des pensions alimentaires (sur ces divers points,
voir Hanspeter Käser, Unterstellung und Beitragswesen in
der obligatorischen AHV, 2ème édition, Berne 1996, p. 229
sv., ch. 10.31 ss; Ueli Kieser, Alters- und Hinterlassenen-
versicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht
[SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 72 et note en bas de page
no 357; du même auteur, Die Abgrenzung zwischen Erwerbs-
und Nichterwerbstätigen [einschliesslich Festsetzung der
Beiträge von Nichterwerbstätigen],
in : Aktuelle Fragen aus
dem Beitragsrecht der AHV, St-Gall 1998, p. 87).

c) En droit fiscal, les dépenses qui constituent un
emploi du revenu, c'est-à-dire qui ont servi à la satisfac-
tion de besoins personnels du contribuable, ne sont pas
déductibles, sauf disposition expresse. Aussi bien le con-
tribuable ne peut-il porter en déduction de son revenu les
dépenses faites pour son entretien et les personnes à sa
charge (Christine Jacques, De divers aspects du régime de
déduction et d'imposition des pensions alimentaires, in:
RDAF 1998 II p. 330 sv.). C'est en partant précisément de
ce principe que la réglementation prévue par l'arrêté sur
la perception d'un impôt fédéral direct (AIFD) n'autorisait
pas la déduction des pensions alimentaires du revenu du
contribuable : celles-ci étaient considérées comme des
dépenses analogues aux frais d'entretien du contribuable ou
de personnes à sa charge (Jacques, loc. cit., p. 331);
elles étaient en revanche exonérées du revenu du bénéfi-
ciaire (art. 21 al. 3 AIFD).
La loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédé-
ral direct (LIFD; RS 642.11), en vigueur depuis le
1er janvier 1995 (et qui a abrogé l'AIFD; art. 201 LIFD)
institue désormais un système inverse en prévoyant que la
pension alimentaire obtenue pour lui-même par le
contribuable divorcé ou séparé judiciairement ou de fait
est imposable (art. 23 let. f LIFD), alors qu'elle est
déductible du revenu du débiteur (art. 33 al. 1 let. c
LIFD). La loi fédérale du 14 décembre 1990 sur
l'harmonisation des impôts directs des cantons et des
communes (LHID; RS 642.14) instaure une réglementation
analogue (art. 7 al. 4 let. g et art. 9 al. 2 let. c LHID).
Les cantons dont le système s'écartait de la LHID devaient
adapter leur législation à cette loi jusqu'à la fin de
l'année 2000 (art. 72 al. 1 LHID).

d) En dépit de cette évolution législative du droit
fiscal et des critiques doctrinales susmentionnées, il n'y
a pas lieu de se départir de la jurisprudence de l'arrêt
ATFA 1960 p. 38.

aa) La notion de revenu acquis sous forme de rente
selon l'art. 28 RAVS est indépendante de la notion de rente
ou de revenu au sens du droit fiscal. Du point de vue de
l'assurance-vieillesse et survivants, peu importe le régime
fiscal auquel est soumis le revenu à prendre en
considération (RCC 1991 p. 435 consid. 3c et les
références). De même, les déductions admissibles en matière
d'AVS ne sont pas identiques à celles prévues par le droit
fiscal, en particulier par la LIFD. Pour le revenu d'une
activité indépendante (art. 9 al. 2 LAVS; art. 17 et 18
RAVS), elles correspondent, dans une large mesure, à celles
autorisées par la LIFD (art. 27 à 29 LIFD); la différence
est en revanche nettement plus marquée en ce qui concerne
le revenu tiré d'une activité dépendante, pour laquelle
sont seules déductibles, au titre de frais généraux selon
l'art. 9 RAVS, les dépenses résultant pour le salarié de
l'exécution de son travail, ce qui ne coïncide pas avec les
frais professionnels selon l'art. 26 LIFD (sur ces divers
points, voir Reto Böhi, Der unterschiedliche Einkommens-
begriff im Steuerrecht und im Sozialversicherungsrecht und
seine Auswirkungen auf die Beitragserhebung, Berne 2001,
pp. 123 ss et 257 ss). Pour les personnes sans activité
lucrative, l'art. 28 RAVS se réfère au revenu acquis sous
forme de rente, sans prévoir de déductions particulières.
Cela s'explique par le fait que la déductibilité des frais
est en principe limitée aux dépenses nécessaires ou direc-
tement liés à l'obtention du revenu professionnel (cf. Wal-
ter Ryser/Bernard Rolli, Précis de droit fiscal suisse,
3e édition, Berne 1994, p. 157).
En outre, certaines déductions générales admises par
le droit fiscal (par exemple les primes d'assurance-acci-
dents pour une assurance conclue en faveur de l'exploitant
(cf. art. 33 al. 1 let. g LIFD) ne sont pas déductibles du
revenu déterminant dans l'assurance-vieillesse et survi-
vants (RCC 1986 p. 233). Il en va de même des déductions

sociales au sens de l'art. 35 LIFD. Le droit de l'assu-
rance-vieillesse et survivants ne prévoit pas non plus
- pour une ou plusieurs catégories de cotisants - la
possibilité de déduire du revenu les pensions alimentaires
versées à l'ex-conjoint.
En l'absence d'une règle spéciale sur ce point et
compte tenu des différences propres à chacun des deux régi-
mes, les innovations législatives en matière d'impôt fédé-
ral direct et d'harmonisation fiscale ne sauraient produire
un effet obligatoire dans le régime de l'assurance-vieil-
lesse et survivants. En ce domaine il faut donc s'en tenir
au principe général selon lequel les pensions alimentaires
constituent, sauf disposition contraire - et inexistante en
l'espèce - des dépenses analogues aux frais d'entretien du
contribuable ou des personnes à sa charge.

bb) Contrairement à ce que soutient le recourant, il
ne s'agit pas d'un cas de double imposition. La double
imposition, qui est d'ailleurs une notion de droit fiscal,
supposerait, entre autres conditions, la perception d'une
contribution auprès de la même personne (identité du
contribuable) et un conflit de souveraineté fiscale
(cf. Jean-Marc Rivier, Droit fiscal suisse: l'imposition du
revenu et de la fortune, 2ème édition, 1998, p. 109).
Il est vrai que, revenant sur sa jurisprudence anté-
rieure, le Tribunal fédéral a renoncé exceptionnellement à
l'exigence de l'identité des sujets fiscaux, en ce qui
concerne précisément le traitement fiscal, dans les rap-
ports intercantonaux, des pensions alimentaires versées à
un conjoint divorcé ou séparé pour lui-même et les enfants
dont il a la garde. Il s'imposait, en particulier, de mieux
tenir compte des liens juridiques et économiques existant
encore entre les ex-époux s'agissant des aliments versés
par l'un des conjoints à l'autre. Suivant en cela l'évolu-
tion du droit dans les cantons et sur le plan fédéral, il
convenait donc que le canton de domicile du débiteur re-
nonçât à imposer les montants versés par le jeu d'une

déduction; ces montants pouvaient être imposés par le can-
ton de domicile du créancier. Une telle solution était
seule susceptible d'éviter que les époux séparés ne fussent
imposés plus lourdement que les époux faisant ménage commun
(ATF 121 I 150; cf. aussi ATF 121 I 75 et 118 Ia 277; voir
également Danielle Yersin, De quelques développements
récents de la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière
d'impôts directs, in: Archives 65 [1996/97] p. 363 ss;
Jacques, loc. cit., p. 332 sv.). Mais ces considérations ne
sont pas transposables sans plus au domaine des cotisations
AVS, où la finalité contributive est différente, puisqu'il
s'agit, pour chacun des conjoints sans activité lucrative,
d'acquitter des cotisations qui sont en principe formatri-
ces de rentes.
Au demeurant, le système critiqué ne conduit pas né-
cessairement à un double prélèvement de cotisations sur le
même objet. Ainsi, quand le conjoint créancier exerce une
activité lucrative durable, il paie des cotisations en tant
que salarié ou indépendant. Ce peut aussi être le cas s'il
exerce une activité lucrative à temps partiel, voire occa-
sionnelle ou intermittente. En effet, d'après l'art. 28bis
RAVS, les personnes qui n'exercent pas durablement une
activité lucrative à plein temps acquittent les cotisations
comme les personnes sans activité lucrative, lorsque, pour
une année civile, les cotisations qu'elles paient sur le
revenu d'un travail, ajoutées à celles dues par leur emplo-
yeur, n'atteignent pas la moitié de la cotisation due selon
l'art. 28 RAVS; leurs cotisations payées sur le revenu d'un
travail doivent dans tous les cas atteindre le montant de
la cotisation minimale. Cette règle implique donc un calcul
comparatif. Il faut calculer les cotisations de l'assuré en
tant que personne dite «active», puis en tant que personne
sans activité lucrative, avant de comparer les montants
respectifs qui en découlent. Si le premier des montants à
considérer n'atteint pas la moitié du second, l'assuré
acquittera des cotisations comme personne sans activité

lucrative; s'il est équivalent ou supérieur, il sera consi-
déré, selon les cas, comme un salarié ou un indépendant et
versera des cotisations en cette qualité
(Greber/Duc/Scartazzini, Commentaire des articles 1 à 16 de
la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants
[LAVS], note 19 ad art. 10). Dans cette dernière éven-
tualité, il n'y a pas non plus un double prélèvement de
cotisations.

cc) Enfin, l'assurance-vieillesse et survivants est
fondée sur une conception universaliste, c'est-à-dire une
assurance couvrant en principe l'ensemble de la population,
active ou non-active professionnellement
(Greber/Duc/Scartazzini, op. cit., note 4 ad art. 10). Les
personnes sans activité lucrative visées par l'art. 10
al. 1 LAVS ont donc un statut de cotisant au même titre que
les assurés qui exercent une activité lucrative, dépendante
ou indépendante. Elles disposent d'autres ressources qu'un
salaire ou un revenu provenant d'une activité lucrative
indépendante. Par l'adoption des art. 10 LAVS et 28 RAVS,
il s'est agi de trouver des modalités de perception des
cotisations qui tiennent compte de la capacité contributive
du débiteur de cotisations, en fonction de ces ressources
(Greber/Duc/Scartazzini, op. cit., note 23 ad art. 10;
Peter Binswanger, Kommentar zum Bundesgesetz über die
Alters- und Hinterlassenenversicherung, Zurich 1950/51,
pp. 81 ss). Mais le fait qu'une pension alimentaire est
payée au moyen du revenu acquis sous forme de rente et/ou
de la fortune de l'assuré n'est pas en soi un motif
suffisant pour établir une distinction avec les autres
catégories de cotisants, notamment les assurés exerçant une
activité indépendante, pour lesquels la pension versée au
conjoint séparé ou divorcé ne saurait, selon le régime
légal actuel, être déduite du revenu de l'activité
lucrative (cf. Käser, op. cit., p. 230 ch. 10.33.). S'il
est vrai, de manière générale, qu'une déduction de la pen-

sion alimentaire du revenu du débiteur est mieux propor-
tionnée à la capacité contributive de celui-ci (cf. le
message du Conseil fédéral du 25 mai 1983 concernant les
lois fédérales sur l'harmonisation des impôts directs des
cantons et des communes ainsi que sur l'impôt fédéral
direct, FF 1983 III 174), il ne se justifie pas, pour la
perception des cotisations de l'assurance-vieillesse et
survivants, de traiter différemment les assurés en fonction
de la provenance de leur revenu.

dd) En définitive, c'est au législateur qu'il appar-
tient de décider s'il y a lieu ou non d'admettre dans le
domaine de l'assurance-vieillesse et survivants, pour les
assurés sans activité lucrative seulement ou de manière
plus générale, une déduction des pensions alimentaires du
revenu du débiteur.

5.- En conclusion, le recours apparaît partiellement
bien fondé, cela pour les motifs exposés au consid. 3
ci-dessus. Vu la nature du litige, la procédure n'est pas
gratuite (art. 134 OJ a contrario). Les frais judiciaires
seront répartis par moitié entre les parties (art. 156
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis. Le jugement du
Tribunal des assurances du canton de Vaud du
30 septembre 1999, ainsi que la décision de la Caisse
cantonale vaudoise de compensation du 10 mai 1999,
sont annulés, la cause étant renvoyée à ladite caisse
pour nouvelle décision au sens des motifs (considé-
rant. 3).

II. Les frais de justice, d'un montant de 700 fr., sont
mis pour moitié à la charge du recourant et pour
moitié à la charge de la caisse intimée. La part mise
à la charge du recourant est couverte par l'avance de
frais de 700 fr. qu'il a versée; la différence, d'un
montant de 350 fr., lui est restituée.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 7 mai 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.143/00
Date de la décision : 07/05/2001
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 10 al. 1 et 3 LAVS; art. 28 RAVS: Fixation des cotisations dues par des personnes sans activité lucrative. Confirmation de la jurisprudence selon laquelle la pension alimentaire versée par l'assuré divorcé ou séparé à son ex-conjoint n'est pas déductible du revenu acquis sous forme de rente (ou de la fortune déterminante) selon l'art. 28 RAVS. L'évolution législative relative au traitement fiscal des pensions alimentaires ne justifie pas un changement de jurisprudence.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-07;h.143.00 ?
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