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04/05/2001 | SUISSE | N°H.354/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 mai 2001, H.354/00


«AZA 7»
H 354/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Beauverd, Greffier

Arrêt du 4 mai 2001

dans la cause

1. A.________,

2. B.________,

recourants, tous les deux représentés par Maître Hubert
Theurillat, avocat, rue P. Péquignat 12, 2900 Porrentruy 2,

contre

Caisse de compensation de la Société suisse des entre-
preneurs, Sumatrastrasse 15, 8006 Zurich, intimée,

et

Tribunal cantonal de la Ré

publique et canton du Jura,
Porrentruy

A.- La société X.________ SA était affiliée à la
Caisse de compensation de la Société suisse...

«AZA 7»
H 354/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Beauverd, Greffier

Arrêt du 4 mai 2001

dans la cause

1. A.________,

2. B.________,

recourants, tous les deux représentés par Maître Hubert
Theurillat, avocat, rue P. Péquignat 12, 2900 Porrentruy 2,

contre

Caisse de compensation de la Société suisse des entre-
preneurs, Sumatrastrasse 15, 8006 Zurich, intimée,

et

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Porrentruy

A.- La société X.________ SA était affiliée à la
Caisse de compensation de la Société suisse des entre-
preneurs (ci-après : la caisse). Son conseil d'adminis-

tration était formé de B.________, président, et
A.________, secrétaire.
Le 23 mai 1997, elle a obtenu un sursis concordataire
en vue d'un concordat-dividende. La publication a eu lieu
le 4 juin suivant dans la Feuille officielle suisse du
commerce (FOSC).
Par ordonnance du 5 novembre 1997, le président du
Tribunal I du district de Porrentruy a prolongé de six mois
la procédure de sursis concordataire.
Le 5 mai 1998, le commissaire au sursis a sollicité
une nouvelle prolongation de trois mois, en indiquant que
la procédure concordataire en cours devait être transformée
en une procédure concordataire par abandon d'actif. Après
avoir, par ordonnance du 6 mai 1998, invité les créanciers
à se prononcer, le président du Tribunal I, par ordonnance
du 20 mai 1998, a accordé une prolongation jusqu'au 23 août
1998.
Par publication dans la FOSC du 5 juin 1998, les
créanciers ont été informés du dépôt du projet de concordat
dès le 22 juin suivant chez le commissaire au sursis, où il
pouvait être consulté. En outre, ils étaient convoqués à
l'assemblée des créanciers fixée au 15 juillet 1998. Par
courrier du 30 juin 1998, le commissaire au sursis a infor-
mé personnellement les créanciers de la date de l'assemblée
des créanciers et leur a communiqué un rapport avec une
proposition concordataire.
Le 16 septembre 1998, le président du Tribunal I a
homologué le concordat par abandon d'actif. La caisse a
produit des créances pour un montant de 43 140 fr. 40,
somme qui a été colloquée entièrement en troisième classe.
Un dividende situé entre 11 et 23 % a été proposé aux
créanciers de ladite classe.

Par des décisions du 30 juin 1999, la caisse a réclamé
à B.________ et A.________ le paiement de la somme de
42 074 fr. 35, montant représentant les cotisations
AVS/AI/APG/AC encore dues, frais d'administration, de pour-
suite et intérêt moratoire compris.

B.- B.________ et A.________ ayant formé opposition,
la caisse a porté le cas devant la Chambre des assurances
du Tribunal cantonal du canton du Jura, en concluant à la
condamnation des opposants au paiement du montant précité.
Après avoir ordonné la jonction des procédures, la
juridiction cantonale a condamné solidairement les dé-
fendeurs au paiement de la somme de 42 074 fr. 35, sous
déduction du dividende à percevoir dans le cadre de la
liquidation du concordat (jugement du 21 août 2000).

C.- B.________ et A.________ interjettent recours de
droit administratif en concluant, sous suite de frais et
dépens, à l'annulation du jugement entrepris.
La caisse intimée et l'Office fédéral des assurances
sociales n'ont pas présenté de détermination.

Considérant en droit :

1.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le
Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner
si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation,
ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2 OJ).

2.- A l'appui de leurs conclusions, les recourants
font valoir que le droit de l'intimée de réclamer la répa-
ration du dommage est périmé.

a) L'art. 82 RAVS règle la prescription du droit de la
caisse de compensation de demander la réparation du dom-
mage. Un tel droit se prescrit lorsque la caisse ne le fait
pas valoir par une décision de réparation dans l'année
après qu'elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas,
à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait
dommageable (al. 1). Lorsque ce droit dérive d'un acte
punissable soumis par le code pénal à un délai de prescrip-
tion de plus longue durée, ce délai est applicable (al. 2).
En dépit de la terminologie dont use l'art. 82 RAVS, les
délais institués par cette norme ont un caractère péremp-
toire (ATF 121 III 388 consid. 3b, 119 V 92 consid. 3,
118 V 195 consid. 2b et les références).
Par moment de la «connaissance du dommage» au sens de
l'art. 82 al. 1 RAVS, il faut entendre, en règle générale,
le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre
compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement
exigible, que les circonstances effectives ne permettaient
plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient
entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF
121 III 388 consid. 3b, 119 V 92 consid. 3, 118 V 195
consid. 3a et les références).

b) La jurisprudence considère que le créancier qui
entend demander la réparation d'une perte qu'il subit dans
une faillite ou un concordat par abandon d'actif connaît
suffisamment son préjudice, en règle ordinaire, lorsqu'il
est informé de sa collocation dans la liquidation. La par-
tie lésée peut toutefois, en raison de circonstances spé-
ciales, acquérir la connaissance nécessaire avant le dépôt
de l'état de collocation. Ainsi, dès lors que son devoir de

diligence lui commande de suivre l'évolution de la procédu-
re de faillite, on peut exiger d'une caisse qu'elle assiste
ou se fasse représenter à la première assemblée des créan-
ciers ou, du moins, qu'elle requière le procès verbal de
cette assemblée et le rapport du préposé (arrêt B. du
14 décembre 2000, H 283/99, destiné à la publication [cf.
VSI 2001, p. 97]).
Selon la jurisprudence, même la connaissance d'un
dommage partiel est suffisante pour faire courir le délai
prévu à l'art. 82 al. 1 RAVS (ATF 121 V 243 consid. 3c/bb).

3.- a) En l'occurrence, la juridiction cantonale a
considéré que la caisse avait eu connaissance du dommage le
2 juillet 1998, date à laquelle elle a reçu la lettre du
commissaire au sursis du 30 juin précédent, dont les an-
nexes comprenaient une proposition de concordat. Aux termes
de cette proposition, la caisse pouvait envisager recouvrer
un dividende situé entre 11 et 23 % de sa créance de troi-
sième classe.
De leur côté, les recourants allèguent que la caisse
devait avoir eu connaissance du dommage le 28 mai 1997,
date de la publication dans la FOSC du sursis concordataire
accordé le 23 mai précédent. En effet, en sa qualité de
titulaire d'une créance devant être colloquée en troisième
classe (cf. art. 219 al. 4 LP, dans sa teneur - applicable
en l'espèce - en vigueur du 1er janvier 1997 au 31 décembre
2000), la caisse devait déjà savoir à ce moment-là qu'elle
ne pourrait recouvrer la totalité de sa créance de cotisa-
tion. A tout le moins, elle aurait dû avoir connaissance du
dommage au plus tard le 5 novembre 1997 ou le 20 mai 1998,
dates auxquelles le juge a accordé la prolongation du
sursis concordataire.

b) Le point de vue de la juridiction cantonale, selon
lequel l'intimée n'a eu connaissance du dommage que le
2 juillet 1998 ne saurait être partagé.

Dans son ordonnance de prolongation du sursis concor-
dataire du 20 mai 1998, notifiée à tous les créanciers, le
juge a notamment relevé ce qui suit :
«Vu le rapport du commissaire au sursis du 15 mai
1998, requis par le soussigné, aux termes duquel il ressort
que si X.________ SA devait tomber en faillite, les créan-
ciers de troisième classe ne toucheraient aucun dividende;
que, par contre, l'aboutissement d'un concordat par abandon
d'actif permettrait d'obtenir un montant équivalent à un
dividende de 20 % environ, voire plus dans la mesure où les
tractations menées avec la Banque Y.________ aboutiraient
favorablement...».
Dans la mesure où il ne mentionne pas ce fait, le
jugement entrepris repose sur une constatation incomplète
des faits pertinents, à laquelle le Tribunal fédéral des
assurances doit remédier (art. 105 al. 2 OJ; cf. con-
sid. 1). Or, à réception de l'ordonnance précitée, l'inti-
mée devait se rendre compte qu'elle subirait un dommage. En
effet, même en cas d'aboutissement des tractations aux-
quelles il est fait allusion, la caisse devait s'attendre à
perdre la plus grande partie de sa créance de cotisation.
Aussi, doit-on admettre qu'à réception de l'ordonnance de
prolongation du sursis concordataire du 20 mai 1998, elle
avait une connaissance suffisante du dommage. Dans la
mesure où la caisse ne l'a fait valoir que par des déci-
sions du 30 juin 1999, son droit à la réparation du dommage
subi était dès lors périmé.
Cela étant, la juridiction cantonale n'était pas fon-
dée à condamner B.________ et A.________ au paiement de la
somme de 42 074 fr. 35 à titre de réparation du dommage
subi par la caisse ensuite du non-paiement des cotisations
encore dues par la société X.________ SA. Le recours se
révèle ainsi bien fondé.

4.- La procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a
contrario). La caisse, qui succombe, supportera les frais
de justice (art. 156 al. 1 en liaison avec l'art. 135 OJ).
Les recourants, qui obtiennent gain de cause, sont
représentés par un avocat. Ils ont droit à une indemnité de
dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en relation
avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal canto-
nal du canton du Jura du 21 août 2000 est annulé.

II. Les frais de justice, d'un montant de 3500 fr., sont
mis à la charge de l'intimée.

III. Les avances de frais versées par les recourants, d'un
montant de 3500 fr. chacun, leur sont restituées.

IV. L'intimée versera aux recourants la somme de 2500 fr.
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

V. Le Tribunal cantonal du canton du Jura statuera sur
les dépens pour la procédure de première instance, au
regard de l'issue du procès de dernière instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal cantonal du canton du Jura, Chambre des
assurances, et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 4 mai 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
p. le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.354/00
Date de la décision : 04/05/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-04;h.354.00 ?
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