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03/05/2001 | SUISSE | N°I.15/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 mai 2001, I.15/01


«AZA 7»
I 15/01 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 3 mai 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève,
Boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève, recourant,

contre

K.________, intimé, représenté par Maître Pierre-Bernard
Petitat, avocat, 1211 Genève 4,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

A.- K.________, alors de nationalité iranienne, e

st
entré en Suisse le 30 mai 1985. Il a déposé une demande
d'asile le 12 juin 1985, qui a été rejetée le 17 mai 1991.
Depuis cette d...

«AZA 7»
I 15/01 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 3 mai 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève,
Boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève, recourant,

contre

K.________, intimé, représenté par Maître Pierre-Bernard
Petitat, avocat, 1211 Genève 4,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

A.- K.________, alors de nationalité iranienne, est
entré en Suisse le 30 mai 1985. Il a déposé une demande
d'asile le 12 juin 1985, qui a été rejetée le 17 mai 1991.
Depuis cette date, il a cependant bénéficié d'une admission
provisoire. Il a été naturalisé suisse le 5 juin 1998.

Depuis son enfance, K.________ souffre des séquelles
d'une poliomyélite qui limite sa mobilité. Il est titulaire
d'un baccalauréat en économie obtenu en Iran. Dès le
1er janvier 1994, il a travaillé au service de l'associa-
tion X.________, en qualité d'employé d'atelier protégé.
Son salaire mensuel pour un horaire de travail à plein
temps était de 1144 fr. Depuis le 1er août 1998, il ne
travaille que deux jours par semaine (soit à raison de
40 pour cent) au service de cette association, en raison
d'une diminution de sa capacité de travail attestée médi-
calement (rapport de la doctoresse V.________ du 22 juillet
1998).
Le 13 juillet 1998, K.________ a déposé une demande de
prestations de l'assurance-invalidité tendant à la mise en
oeuvre d'un reclassement professionnel et à la remise de
moyens auxiliaires (prothèses et fauteuil roulant). Par
décision du 27 octobre 1998, l'Office cantonal genevois de
l'assurance-invalidité a rejeté la demande de remise de
moyens auxiliaires, au motif que le requérant n'était pas
assuré à l'assurance-invalidité suisse au moment où le
besoin de moyens auxiliaires s'était fait sentir pour la
première fois, en 1973 selon l'office. Statuant sur recours
de l'assuré, la Commission cantonale genevoise de recours
en matière d'AVS/AI a partiellement admis le recours. Elle
a statué que l'assuré n'avait pas droit à la prise en
charge par l'assurance-invalidité d'orthèses; en revanche,
il pouvait prétendre la remise d'un fauteuil roulant
(jugement du 14 juillet 2000). Par arrêt du 15 décembre
2000, le Tribunal fédéral des assurances a rejeté les
recours de droit administratif interjetés contre ce
jugement à la fois par l'assuré et par l'office de l'as-
surance-invalidité (causes I 524/00 et I 534/00).

B.- Le 26 août 1999, l'office de l'assurance-invali-
dité a rendu une nouvelle décision, par laquelle il a

refusé d'accorder à l'assuré des mesures de reclassement
professionnel ainsi qu'une rente. Il a considéré, en parti-
culier, que des mesures de réadaptation professionnelle ne
pouvaient pas être accordées dans ce cas, attendu que la
carrière professionnelle de l'assuré avait été entravée par
le seul fait que son baccalauréat obtenu en Iran n'avait
pas été reconnu en Suisse. Il s'agissait là d'une circons-
tance sans rapport avec l'invalidité alléguée. La recon-
naissance en Suisse de ce diplôme aurait permis à l'in-
téressé de poursuivre ses études jusqu'à l'obtention d'une
licence en sciences économiques. Après l'achèvement de
cette formation universitaire, l'assuré aurait pu exercer
une activité professionnelle en position assise (travail de
bureau) avec un plein rendement.

C.- L'assuré a recouru contre cette décision. Statuant
le 4 octobre 2000, la Commission cantonale genevoise de re-
cours en matière d'AVS/AI a partiellement admis le recours.
Elle a renvoyé la cause à l'administration pour instruction
complémentaire afin qu'elle détermine la date de la surve-
nance de l'invalidité et qu'elle se prononce ensuite sur le
droit de l'assuré à des mesures de réadaptation profession-
nelle ou à une rente.

D.- L'office de l'assurance-invalidité interjette un
recours de droit administratif dans lequel il conclut à
l'annulation de ce jugement.
K.________ conclut au rejet du recours sous suite de
dépens. Il demande, en outre, à bénéficier de l'assistance
judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral des
assurances. Quant à l'Office fédéral des assurances socia-
les, il ne s'est pas déterminé sur le recours.

Considérant en droit :

1.- Même si elle ne met pas fin à la procédure, une
décision de renvoi, qui invite l'administration à statuer à
nouveau selon des instructions impératives, est une déci-
sion autonome, susceptible en tant que telle d'être atta-
quée par la voie du recours de droit administratif, et non
une simple décision incidente (ATF 117 V 241 consid. 1,
113 V 159).

2.- a) Par un premier moyen, le recourant reprend
l'argumentation qu'il a développée dans sa décision. Il
fait valoir que si l'assuré avait mené à terme ses études
et obtenu un titre universitaire, il aurait pu exercer un
travail léger de bureau, adapté à son handicap. Dans cette
hypothèse, il n'aurait pas subi de dommage économique, de
sorte qu'il ne serait pas invalide au sens de l'art. 4
al. 1 LAI. La diminution de la capacité de gain de l'assuré
étant due à son départ d'Iran et à la non-reconnaissance en
Suisse de son baccalauréat, c'est-à-dire à des facteurs
extérieurs à l'invalidité, il n'existe aucun lien de causa-
lité entre l'atteinte à la santé et la diminution de la
capacité de gain. Pour cette raison, l'assuré ne saurait
prétendre des prestations de l'assurance-invalidité.

b) Cette argumentation n'est pas fondée. Il n'est
guère contestable, en effet, que l'intimé souffre d'une
atteinte à sa santé qui est de nature à entraîner une inca-
pacité de gain. Il travaille depuis 1994 dans un atelier
protégé et c'est pour des raisons médicalement établies
qu'il a dû réduire son temps de travail.
Le fait que l'intimé aurait pu poursuivre des études
de sciences économiques s'il était resté en Iran et, éven-
tuellement, exercer ensuite une activité adaptée à son
handicap est sans pertinence dans ce contexte. Pour déter-
miner l'invalidité d'un assuré, il faut se fonder sur la

situation de fait qui prévaut au moment où il est statué
sur ses droits. Il n'y a pas lieu de se demander pour quel
motif un assuré n'a pas, dans le passé, entrepris une for-
mation qui lui eût permis de réaliser un revenu suffisant
pour exclure le droit à une rente à laquelle il pourrait
prétendre ultérieurement. L'argumentation du recourant
conduirait, pour fixer le degré de l'invalidité, à un
examen rétrospectif des possibilités de formation profes-
sionnelle qui eussent été exigibles de l'intéressé, au
regard de ses aptitudes, réelles ou supposées. Un tel
procédé sortirait clairement du cadre légal, en particulier
de la réglementation de l'art. 28 al. 2 LAI. Le point de
savoir ce qui est exigible de l'assuré, afin de satisfaire
à l'obligation qui lui incombe de diminuer le dommage, est
un élément qui doit être examiné sur la base des circons-
tances existant après la survenance de l'invalidité (cf.
Gabriela Riemer-Kafka, Die Pflicht zur Selbstverantwortung,
Fribourg 1999 p. 220).

3.- Les premiers juges ont estimé qu'un complément
d'instruction était nécessaire pour établir la date de la
survenance de l'invalidité et, dans l'affirmative, pour
examiner si les autres conditions du droit à des mesures de
réadaptation ou à une rente d'invalidité étaient remplies.

a) Selon l'art. 6 al. 1 LAI, (dans sa version, déter-
minante en l'occurrence, en vigueur jusqu'au 31 décembre
2000; voir infra consid. 4), les ressortissants suisses,
les étrangers et les apatrides ont droit aux prestations
conformément aux dispositions ci-après, s'ils sont assurés
lors de la survenance de l'invalidité (première phrase).
Selon l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée
survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité,
propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considéra-
tion. Ce moment doit être déterminé objectivement, d'après
l'état de santé; des facteurs externes fortuits n'ont pas

d'importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à
laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir
de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide
pas non plus nécessairement avec le moment où l'assuré
apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé
peut ouvrir droit à des prestations d'assurance (ATF
126 V 9 consid. 2b, 118 V 82 consid. 3a et les références).
S'agissant du droit à une rente, la survenance de
l'invalidité se situe au moment où celui-ci prend nais-
sance, conformément à l'art. 29 al. 1 LAI, soit dès que
l'assuré présente une incapacité de gain durable de 40 pour
cent au moins ou dès qu'il a présenté, en moyenne, une
incapacité de travail de 40 pour cent au moins pendant une
année sans interruption notable, mais au plus tôt le pre-
mier jour du mois qui suit le dix-huitième anniversaire de
l'assuré (art. 29 al. 2 LAI; ATF 126 V 9 consid. 2b). En ce
qui concerne, par ailleurs, une éventuelle mesure de re-
classement, la survenance de l'invalidité se situe au plus
tôt au moment auquel l'atteinte à la santé est devenue
suffisamment importante pour que l'on doive s'attendre à ce
que, dans un avenir proche, l'activité exercée ne puisse
plus être raisonnablement exigée de l'assuré (ATF 113 V 263
consid. 1b et les références).

b) Dans le cas particulier, l'intimé souffre depuis
son enfance des séquelles d'une poliomyélite. Comme le
Tribunal fédéral des assurances l'a constaté dans son arrêt
du 15 décembre 2000, son état s'est progressivement aggravé
après son arrivée en Suisse (1985). A l'époque il pouvait
se déplacer et supporter la station debout, même prolongée,
grâce à des orthèses pour les jambes. Dès les années
1988/1989, le besoin d'un fauteuil roulant s'est fait sen-
tir, pour les déplacements courants. Ce besoin s'est mani-
festé en raison de dorsalgies et d'une fatigabilité accrue,
ainsi que des douleurs des membres supérieurs. Il ressort

d'autre part du rapport du médecin traitant de l'intimé que
celui-ci a subi une incapacité de travail de 65 pour cent à
partir du mois de juillet 1998 (rapport de la doctoresse
V.________ du 22 juillet 1998).
Il n'est donc pas possible d'affirmer avec plus ou
moins de certitude que l'invalidité est survenue avant
l'entrée de l'intimé en Suisse (comp. avec ATF 126 V 5). Le
recourant soutient un point de vue inverse, mais seulement
en ce qui concerne d'éventuelles mesures de réadaptation
d'ordre professionnel. Pour ce qui est d'une rente, on ne
peut en tout cas pas retenir, sur la base des seules pièces
du dossier, que le droit à une telle prestation était déjà
donné à l'époque de l'entrée en Suisse de l'intimé.
Certes, celui-ci ne paraît avoir travaillé de manière
régulière que dans le cadre d'un atelier protégé, à partir
de 1994. On ignore toutefois si une activité dans le cir-
cuit économique normal eût été possible, compte tenu de son
handicap. Le relevé des comptes individuels de l'assuré
indique par ailleurs que ce dernier a réalisé certains
revenus - peu importants il est vrai - entre 1986 et 1990.
On ne sait cependant pas quel type d'activité il a exercé
et si c'est pour des raisons de santé qu'il n'a pas été en
mesure d'exercer une activité professionnelle régulière
durant ces années. Sur ces divers points, l'office de
l'assurance-invalidité n'a pas mené d'investigations. Il
s'est contenté d'entendre l'intimé au cours d'un entretien
du 22 avril 1999, mais n'a pas recueilli, à cette occasion,
des informations déterminantes pour l'issue de la procé-
dure.

c) Dans ces conditions, on peut admettre, avec les
premiers juges, que les faits n'ont pas été établis à suf-
fisance. L'autorité cantonale était donc fondée à renvoyer
la cause à l'office de l'assurance-invalidité pour complé-

ment d'instruction et nouvelle décision (voir aussi RAMA
1993 no U 170 p. 136, 1989 no K 809 p. 206 consid. 4 et les
références).

4.- Bien que cela n'aie pas d'incidence sur l'issue du
présent litige, il convient de relever que l'art. 6 al. 1
LAI a été modifié avec effet au 1er janvier 2001 par le
chiffre 1 de l'annexe à la loi fédérale du 23 juin 2000
(RO 2000 2677 et 2682). Par cette modification, le légis-
lateur a supprimé le dernier membre de la première phrase
de l'art. 6 al. 1 aLAI, relatif à la clause d'assurance
(voir à ce sujet Alessandra Prinz, Suppression de la clause
d'assurance pour les rentes ordinaires de l'AI : consé-
quences dans le domaine des conventions internationales,
Sécurité sociale 1/2001 p. 42 ss).
Dès lors, si sa demande de prestations devait être
rejetée, parce qu'il ne remplit pas la clause d'assurance,
l'intimé conserve la possibilité de présenter une nouvelle
demande, qui devra être examinée à la lumière du nouvel
art. 6 al. 1 LAI (voir le ch. 4 des dispositions finales de
la modification du 23 juin 2000; RO 2000 2683).

5.- Vu la nature du litige, la procédure est gratuite
(art. 134 OJ a contrario).
Par ailleurs, l'intimé, qui obtient gain de cause, a
droit à une indemnité de dépens (art. 159 al. 1 OJ). La
demande d'assistance judiciaire qu'il a déposée dans la
présente procédure est dès lors sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité
versera à K.________ une indemnité de dépens de
2500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) pour
la procédure fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 3 mai
2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.15/01
Date de la décision : 03/05/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-03;i.15.01 ?
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