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02/05/2001 | SUISSE | N°H.193/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 mai 2001, H.193/00


«AZA 7»
H 193/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 2 mai 2001

dans la cause

A.________, recourant,

contre

Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg
de l'Hôpital 28, 2001 Neuchâtel 1, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- Par deux décisions du 3 octobre 1997, la Caisse
cantonale neuchâteloise de compensation a informé

B.________ (associé-gérant avec signature individuelle) et
C.________ (associé, sans signature) qu'elle les rendait
responsables du pré...

«AZA 7»
H 193/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 2 mai 2001

dans la cause

A.________, recourant,

contre

Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg
de l'Hôpital 28, 2001 Neuchâtel 1, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- Par deux décisions du 3 octobre 1997, la Caisse
cantonale neuchâteloise de compensation a informé
B.________ (associé-gérant avec signature individuelle) et
C.________ (associé, sans signature) qu'elle les rendait
responsables du préjudice qu'elle avait subi dans la
faillite de la société X.________(perte de cotisations
paritaires), et qu'elle leur en demandait réparation
jusqu'à concurrence de 23 637 fr. 45.

Le 19 novembre 1997, la caisse a envoyé une décision
en réparation du dommage à A.________ pour le préjudice
subi dans la faillite précitée à titre d'organe de fait de
la société X.________ Sàrl.

B.- Les prénommés s'étant opposés à ces décisions, la
caisse a porté le cas devant le Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel, le 2 décembre 1997, à l'encontre de
B.________ et de C.________, d'une part, et, le 16 janvier
1998, à l'encontre de A.________, d'autre part, en conclu-
ant à ce qu'ils fussent condamnés solidairement à lui payer
la somme de 23 637 fr. 45.
Par jugement du 7 avril 2000, après avoir prononcé la
jonction des causes, la juridiction cantonale a adjugé
entièrement ses conclusions à la caisse demanderesse en ce
qui concerne B.________ et A.________. Quant au défendeur
C.________, les conclusions prises à son encontre ont été
rejetées.

C.- A.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont il demande implicitement
l'annulation, en concluant au rejet de la demande de la
caisse.
L'intimée conclut au rejet du recours. L'Office fédé-
ral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

D.- Statuant en la voie incidente le 20 décembre 2000,
le Tribunal fédéral des assurances a accordé à A.________,
l'assistance judiciaire.

Considérant en droit :

1.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le

Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner
si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation,
ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2 OJ).

2.- Le recourant conteste sa responsabilité et sa
qualité d'organe de fait. Il reproche au tribunal adminis-
tratif d'avoir considéré qu'il avait eu, au sein de la
société X.________ Sàrl, une influence déterminante sur la
marche des affaires.

a) En vertu de l'art. 52 LAVS, l'employeur qui, inten-
tionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des
prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de
compensation est tenu à réparation. Si l'employeur est une
personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre
subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATF
123 V 15 consid. 5b et les références).

b) La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en
principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754
al. 1 CO. En matière de responsabilité des organes d'une
société anonyme, l'art. 52 LAVS vise donc aussi, en
première ligne, les organes statutaires ou légaux de
celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou
les liquidateurs (Nussbaumer, Les caisses de compensation
en tant que parties à une procédure de réparation d'un
dommage selon l'art. 52 LAVS, RCC 1991 p. 403 sv.; Knus,
Die Schadenersatzpflicht des Arbeitgebers in der AHV, thèse
Zurich 1989, p. 14 ss). Mais les critères d'ordre formel ne

sont, à eux seuls, pas décisifs et la qualité d'organe
s'étend aux personnes qui ont pris des décisions réservées
aux organes ou se sont chargées de la gestion proprement
dite, participant ainsi de manière déterminante à la
formation de la volonté de la société (ATF 119 II 255,
117 II 571 consid. 3, 441 consid. 2b, 114 V 214 ss
consid. 4, 79 sv.; Forstmoser, Die aktienrechtliche Verant-
wortlichkeit, 2e éd., p. 209 ss; Böckli, Schweizer Aktien-
recht, 2e éd., p. 1072, note 1969; Forstmoser/Meier-Hayoz/-
Nobel, Schweizerisches Aktienrecht, § 37, note 4; Peter
Viktor Kunz, Rechtsnatur und Einredeordnung der aktien-
rechtlichen Verantwortlichkeitsklage, thèse Berne 1993,
p. 182 ss).
La qualité d'organe est donc réservée aux personnes
exécutant leurs obligations au sein de la société ou à
l'égard des tiers en vertu de leur propre pouvoir de déci-
sion. Le fait qu'une personne est inscrite au registre du
commerce avec droit de signature n'est, à lui seul, pas
déterminant (Forstmoser, op. cit., p. 209, note 656). La
préparation de décisions par une collaboration technique,
commerciale ou juridique ne suffit pas à conférer la quali-
té d'organe au sens matériel. En d'autres termes, la res-
ponsabilité liée à la qualité d'organe présuppose que l'in-
téressé ait eu des compétences allant nettement au-delà
d'un travail préparatoire et de la création des bases de
décisions, pour se concentrer sur la participation, comme
telle, à la formation de la volonté de la société. La
responsabilité pour la gestion ne vise ainsi que la direc-
tion supérieure de la société, au plus haut niveau de sa
hiérarchie (sur ces divers points, voir ATF 117 II 572 sv).
S'agissant plus particulièrement de fondés de procura-
tion, la qualité d'organe responsable ne doit être admise
qu'avec beaucoup de retenue; en règle ordinaire, elle doit
plutôt être niée, car, en principe, un fondé de procuration

n'assume pas, au plus haut niveau, la gestion et la direc-
tion de la société (ATF 117 II 570, 114 V 213, 111 V 172;
Kunz, op. cit., p. 185 sv.; Böckli, ibidem).

3.- Les premiers juges ont constaté que le recourant
exerçait, aux côtés de D.________, la direction de la
société X.________ Sàrl et assumait ainsi les fonctions
d'un organe de fait. En bref, il avait participé à la
création de la société (dont le but était d'éponger les
dettes de la société Y.________ Ltd, une société gérée et
dirigée par D.________ et sa fille, qui connaissait des
difficultés financières et dans laquelle le recourant a
assumé une fonction de comptable). Il avait pris, aux côtés
de D.________, les décisions d'investissement et celles qui
avaient trait à l'achat des machines. On s'adressait à lui
pour les questions financières et salariales. C'était le
recourant qui effectuait des démarches pour trouver des
financements et décidait de tout ce qui devait être payé.
En outre bien que le siège de la société fût à E.________,
chez C.________, le courrier était dévié chez lui. Enfin,
la correspondance avec la Caisse cantonale neuchâteloise de
compensation était adressée à la fiduciaire A.________.

4.- a) Les constatations de la cour cantonale, dont il
ressort qu'il prenait une part décisive aux décisions
sociales importantes (investissement, achat de machines,
recherche de financement), procèdent d'une appréciation
insoutenable des preuves. Il ressort en effet du témoignage
de D.________ que c'est C.________ qui gérait en principe
la société, (tout en demandant conseil au recourant) et
qu'il «menait la barque sur le plan technique», alors
que A.________ n'avait aucun pouvoir de décision et se
limitait à exécuter les prestations qu'on lui demandait.
L'achat des nouvelles machines était proposé par C.________
qui a confirmé ce fait, en précisant qu'il établissait les

nécessités en matière d'achat (d'outillage, de machines et
de matériaux) et en discutait avec A.________, qui «défi-
nissait ce qu'il était possible d'acheter vu la situation
financière». Il résulte également de ce témoignage que lors
des réunions entre les différents intéressés concernant les
affaires sociales, les décisions étaient finalement prises
par D.________. Ces faits sont en outre corroborés par les
déclarations du mécanicien F.________ qui avait des
contacts avec le recourant pour des questions financières,
soit «pour obtenir des montants qui ne dépassaient pas
500 francs». Quant à B.________, il a déclaré qu'il
participait au versement des salaires, ainsi que, sur les
directives de C.________, aux démarches pour trouver un
financement, démarches effectuées en collaboration avec
A.________.

b) Dans ces circonstances, et en l'absence d'autres
éléments que ces témoignages, c'est à tort que la cour
cantonale a retenu que le recourant prenait une part
décisive aux investissements (en général). En effet, le but
principal de la société X.________ Sàrl était l'exploita-
tion d'un atelier de mécanique. Les seules décisions de
nature financière d'une certaine importance prises par
cette société avaient trait aux achats de machines. Or,
précisément, il résulte de trois témoignages, dont celui de
C.________ qui n'avait aucun intérêt à disculper
A.________, que l'achat des machines était proposé par
C.________, qui en discutait avec le recourant (en sa qua-
lité de comptable), pour savoir si la situation financière
de la société permettait l'acquisition envisagée, les déci-
sions finales étant prises par D.________ (selon le même
témoignage de C.________). Le dossier ne contient, en
outre, pas d'éléments qui infirmeraient la valeur de ces
témoignages.

c) Par ailleurs, pour ce concerne la recherche de
financements, le témoignage de B.________ met en évidence
que ce dernier effectuait ces démarches, sous les direc-
tives de C.________, en collaboration avec le recourant. A
cet égard, il ressort d'une énumération chronologique éta-
blie par le recourant, à la demande de la cour cantonale
- concernant les activités de C.________ en 1996 - qu'une
fois X.________ Sàrl fondée, A.________ a rencontré à deux
reprises des représentants bancaires pour un probable fi-
nancement. Le dossier ne contient pas de mention d'autres
circonstances dans lesquelles le recourant aurait pris part
à la recherche de financements durant la vie de la société.
On ne saurait, ici non plus, affirmer que le recourant a
joué un rôle décisif dans la recherche de financements, dès
lors qu'il agissait sous les directives de C.________,
d'une part, et que son intervention (toujours conjointe
avec celle de C.________ et consorts ou B.________), s'est
limitée à deux rencontres.
En revanche, il résulte de deux lettres de la société
Z.________ SA des 11 septembre 1996 et 17 mars 1997 que
c'est C.________ qui s'occupait du financement d'un certain
nombre de machines par la voie du leasing, pour un loyer
mensuel de l'ordre de 5000 fr. En outre, selon les témoi-
gnage de G.________, c'est également C.________ qui a
négocié, seul, un arrangement avec Z.________ SA dont il
ressort que X.________ Sàrl a accepté de verser 30 000 fr.
pour mettre un terme au litige opposant les deux sociétés.

d) De surcroît, les contacts avec les clients (anciens
et nouveaux) étaient établis, la plupart du temps, avec
C.________.
Il découle des considérants précédents, que l'on ne
saurait en déduire que le recourant a pris une part
déterminante dans les décisions sociales importantes,

telles que les achats de machines, le financement de
X.________ Sàrl et les relations contractuelles avec les
clients.

5.- a) Les autres éléments retenus par la cour canto-
nale ne suffisent pas pour en déduire que le recourant, qui
n'était pas associé de la société et n'était pas inscrit au
registre du commerce, a agi comme un organe de fait de la
société X.________ Sàrl. Qu'il ait assisté aux réunions
relatives à l'achat de machines et ait été consulté pour
des questions financières découlait nécessairement des
tâches en relation avec le contrat de travail conclu avec
la société le 1er juillet 1996 (tenue de la comptabilité,
établissement de l'état permanent des débiteurs et créan-
ciers, règlement du contentieux, paiements des créanciers,
paiement des salaires, établissement des décomptes AVS-AC
etc). Il percevait d'ailleurs pour cette activité un
salaire de 3000 fr. par mois. En outre, on ne peut rien
déduire du fait que la Caisse de compensation corresponde
directement avec A.________ à l'adresse de sa fiduciaire,
dès lors qu'il était responsable des déclarations d'AVS et
du paiement des salaires. De surcroît, ni les circonstances
de la création de la société X.________ Sàrl ni la réexpé-
dition du courrier ne sont des éléments déterminants pour
retenir que A.________ était un organe de fait. Il résulte
en effet sans ambiguïté de l'ensemble du dossier que
A.________ n'avait en aucun cas la maîtrise financière de
la société. Il est inconcevable d'ailleurs que les per-
sonnes intéressées financièrement, soit B.________ (qui
possédait 19 parts sociales sur 20) et D.________ (qui
avait mis à la disposition de X.________ Sàrl un titre
hypothécaire d'une valeur de 150 000 fr. en garantie d'un
prêt bancaire de 120 000 fr. octroyé à la société), aient
associé de manière déterminante A.________ - simple employé
à mi-temps - aux destinées de la société.

b) Il est vrai que, à partir du moment où la situation
de la société s'est dégradée, quelques mois après sa fonda-
tion en juin 1996, les associés - dont l'un des deux, le
responsable technique, a quitté abruptement X.________ Sàrl
le 6 février 1997, laissant en plan créanciers, fournis-
seurs et clients - ont manifesté un désintérêt croissant
pour la société. Mais rien ne permet de dire que le recou-
rant se soit substitué aux organes de la société en agis-
sant en lieu et
place de ceux-ci. En particulier, le fait
que A.________ a déployé avec B.________, après le prononcé
de la faillite, des efforts pour tenter de redresser la
situation de la société ne constitue pas un indice dans ce
sens, contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale.

6.- Sur le vu de ce qui précède, on ne saurait tenir
pour établi que A.________ ait eu qualité d'organe de fait.
Partant, une responsabilité découlant de l'art. 52 LAVS
doit être niée en ce qui le concerne.

7.- Compte tenu de l'issue du recours, les frais de la
procédure, qui n'est pas gratuite en l'occurrence (art. 134
OJ a contrario), seront supportés par la caisse de compen-
sation.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel du 7 avril 2000
est annulé, dans la mesure où il se rapporte à
A.________.

II. La demande de la caisse de compensation, en tant
qu'elle est dirigée contre A.________, est rejetée.

III. Les frais de la cause, consistant en un émolument de
justice de 1700 fr., sont mis à la charge de la
Caisse cantonale neuchâteloise de compensation.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Neuchâtel et à l'Of-
fice fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 mai 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.193/00
Date de la décision : 02/05/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-02;h.193.00 ?
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