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01/05/2001 | SUISSE | N°5C.53/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 mai 2001, 5C.53/2001


«/2»
5C.53/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

1er mai 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Reeb, président,
Bianchi et L. Meyer. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, demanderesse et recourante, représentée par Me
Jean-Franklin Woodtli, avocat à Genève,

et

Y.________ Assurances, défenderesse et intimée, représentée
par Me Dominique Warluzel, avocat à Genève;

(contrat d'assurance)


Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- La société A.________ SA, à Lucerne, a conclu le
29 ...

«/2»
5C.53/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

1er mai 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Reeb, président,
Bianchi et L. Meyer. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, demanderesse et recourante, représentée par Me
Jean-Franklin Woodtli, avocat à Genève,

et

Y.________ Assurances, défenderesse et intimée, représentée
par Me Dominique Warluzel, avocat à Genève;

(contrat d'assurance)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- La société A.________ SA, à Lucerne, a conclu le
29 mars 1995, pour le compte de X.________, dont elle était
le fournisseur régulier, un contrat d'assurance avec
Y.________ Assurances.

L'assurance portait sur le risque pouvant survenir à
des marchandises en stock, soit à des sacs à ciment en
papier
semi-finis, entreposés à I.________ au Zaïre dans la
fabrique
de X.________, protégée par un haut mur et des gardes armés
vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à hauteur d'une somme
assurée de 1'000'000 USD. L'assurance, qui commençait le 23
février 1995 pour se terminer le 1er mars 1996, s'étendait
notamment aux "risques d'incendie", à savoir aux "dommages
dus à l'explosion, à la fumée (effet soudain et accidentel),
à la foudre et aux explosions".

B.- Le 12 septembre 1995, le directeur du siège de
X.________ a fait une déclaration de sinistre à la suite de
l'incendie survenu le jour précédent à deux heures du matin,
incendie qui a détruit 700'000 sacs et tubes à ciment d'une
valeur de plus ou moins 560'000 USD.

Tandis qu'un expert de la Lloyd's a conclu que le
sinistre avait été causé par un cocktail Molotov glissé dans
l'entrepôt, un autre expert, B.________, mandaté par le
CESAM
à Paris sur demande de Y.________ Assurances, a conclu que
l'incendie avait été allumé avec de l'essence.

Sur la base du rapport de l'expert B.________,
Y._________ Assurances a refusé le 27 octobre 1995 de
prendre
le sinistre en charge, pour le motif qu'il s'agissait d'un
incendie criminel causé directement par des flammes et non
par une explosion.

C.- Par demande du 18 mars 1996, A.________ SA - qui
a par la suite été écartée de la procédure - et X.________
ont actionné Y.________ Assurances devant le Tribunal de pre-
mière instance du canton de Genève. Ils concluaient au paie-
ment de 696'326 fr. 40 (soit l'équivalent de 17'584'000 BEF)
plus intérêts à 5% l'an dès le 11 septembre 1995, ainsi
qu'au
paiement de 717 fr. 55 plus intérêts à 5% l'an dès la même
date au titre de frais de l'agent de la Lloyd's.

Par jugement du 25 novembre 1999, le Tribunal de
première instance a fait entièrement droit aux conclusions
de
la demande, avec suite de dépens.

D.- Par arrêt du 14 décembre 2000, la Chambre civile
de la Cour de justice du canton de Genève a admis l'appel in-
terjeté par la défenderesse contre ce jugement et a débouté
la demanderesse des conclusions de sa demande, avec suite
des
dépens de première instance et d'appel.

E.- Agissant par la voie du recours en réforme au
Tribunal fédéral, la demanderesse conclut avec suite de dé-
pens à la réforme de cet arrêt dans le sens de l'admission
des conclusions de la demande. Il n'a pas été demandé de
réponse.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Les droits contestés dans la dernière instance
cantonale dépassent largement la valeur d'au moins 8'000 fr.
dont l'art. 46 OJ fait dépendre la recevabilité du recours
en
réforme dans les affaires pécuniaires autres que celles vi-
sées à l'art. 45 OJ. Le recours est donc recevable sous cet
angle. Déposé en temps utile contre une décision finale
prise
en dernière instance cantonale, il est également recevable
du
chef des art. 54 al. 1 et 48 al. 1 OJ.

2.- a) En sus des faits déjà exposés sous lettres A
et B ci-dessus, la cour cantonale a fondé son arrêt sur les
constatations de fait suivantes (cf. arrêt attaqué, p. 3-5):

"Le commandant M.________ des sapeurs-pompiers
d'I.________ a rédigé un rapport d'intervention le
12 septembre 1995. Il était sur place le 11 septem-
bre 1995 au matin. La partie de l'usine où étaient
entreposés les sacs, les tubes à ciment et du pa-
pier était totalement brûlée. L'incendie aurait été
provoqué par un inconnu qui a endommagé le treil-
lis. Il est supposé qu'il aurait fait tomber des
braises ou de l'essence sur les sacs, les tubes et
les papiers. Ce rapport ne fait pas mention de dé-
tonations.

Le commandant précité a indiqué lors de son
audition par le premier juge qu'il a vu à son arri-
vée sur place des sacs à moitié brûlés et qu'il a
interrogé trois gardiens qui ont entendu deux déto-
nations avant de voir des flammes. Il n'a pas mis
les scellés sur la porte du bâtiment dans lequel le
feu s'est déclaré. Il a toutefois fait fermer le
local à clé. Il est retourné sur place une seconde
fois le 19 octobre 1995. Il n'y est pas retourné
entre le 11 septembre et le 19 octobre 1995.

L'expert de la Lloyd's s'est rendu sur place du
19 au 21 septembre 1995 et a fait état d'un incen-
die criminel dans son rapport du 10 octobre 1995
qu'il a commencé à établir ce jour-là, mais qu'il a
terminé le 27 octobre 1995, auquel six photos du
sinistre sont annexées. Ont brûlé 700'000 tubes et
sacs, soit 228'880 sacs et 471'200 tubes. L'incen-
die aurait été causé par l'explosion d'un produit
inflammable. Les gardes de l'usine ont entendu une
sourde détonation. Un produit aurait été mis dans
une bouteille et glissé dans l'entrepôt. La bou-
teille aurait alors explosé. Ces faits sont corro-
borés par le rapport de police qui fait état de
débris de bouteille trouvés dans les cendres. Cet
expert a évalué le sinistre à 17'584'000 francs
belges, valeur de remplacement, le sac coûtant
25,12 francs belges l'unité. Le coût de cette ex-
pertise représente la somme de 18'069 francs bel-
ges.

(...)

Les 12 octobre et 27 novembre 1995, l'expert
B.________, mandaté par le CESAM à Paris, sur de-
mande de Y.________ Assurances, a rédigé deux rap-

ports de mission après s'être rendu à I.________,
qu'il a confirmés devant le Tribunal [de première
instance]. Il est arrivé sur place le 11 octobre
1995. Le sol des locaux en question n'avait pas été
ratissé. Il a constaté l'absence de traces de fou-
dre et d'explosion. La présence de traces de feu
sur le soubassement extérieur du mur et sur le sol
accrédite la thèse d'un incendie allumé avec de
l'essence. L'étendue du dommage est invraisemblable
au regard de la surface et du volume de cendres au
sol. Il n'est pas resté un seul morceau de papier
intact ou à demi consumé. L'expert a estimé que
220'000 sacs ou tubes au maximum ont été détruits.

Devant le premier juge, cet expert a déclaré
que le directeur de X.________ et les gardiens
interrogés ne lui ont pas parlé de bruit de détona-
tion. Il en a été fait mention après son passage.
Il n'a pas envisagé l'explosion. Il n'a pas fouillé
les gravats. Personne ne lui a parlé de tessons de
bouteille le 11 octobre 1995 sur les lieux de l'in-
cendie. Il était possible de mettre le feu par les
claustras avec de l'essence sur les sacs. Il est
aussi possible de passer un cocktail Molotov par
les claustras qui ensuite explose. L'expert a tou-
tefois exclu cette possibilité vu l'existence de
traces de brûlures à l'extérieur.

(...)

Le 26 octobre 1995, le commandant des sapeurs-
pompiers d'I.________ a rédigé un rapport complé-
mentaire selon lequel l'incendie a été provoqué par
l'explosion d'une bouteille dont des tessons ont
été retrouvés le 19 octobre 1995 après que les cen-
dres ont été ratissées sur son ordre. Il a été re-
trouvé aussi le fond d'une bouteille cassée. Il a
confirmé ces faits devant le Tribunal [de première
instance] en indiquant qu'il avait assisté sur pla-
ce à la fouille. Les agents de sécurité ont enten-
du, selon lui, quelques sourdes détonations avant
de voir les flammes."

b) En droit, les juges cantonaux ont considéré que
les déclarations des personnes qui avaient été entendues sur
place, notamment les gardiens de l'usine, devaient être écar-
tées car il s'agissait de témoignages indirects. En
revanche,
le commandant des sapeurs-pompiers, qui avait assisté person-
nellement à la fouille des cendres, était un témoin direct
de
la découverte des tessons de bouteille et du fond d'une bou-

teille. Toutefois, la cour cantonale a constaté qu'il ne les
avait découverts que le 19 octobre 1995, soit plus d'un mois
après l'incendie. Elle a également constaté que la déclara-
tion de sinistre du 12 septembre 1995 du directeur du siège
de X.________ et le rapport du commandant des sapeurs-pom-
piers du même jour ne mentionnaient aucune explosion ni déto-
nation ni l'existence de tessons de bouteille ou du fond
d'une bouteille. Le local avait été fermé depuis cette date,
mais pas avec des scellés. Du 21 septembre 1995, date de
l'intervention de l'agent de la Lloyd's, au 11 octobre 1995,
date de l'intervention de l'expert B.________, aucune consta-
tation sur l'incendie n'avait été faite et ne ressortait du
dossier, ce qui paraissait pour le moins insolite.

Au vu de ces circonstances, la cour cantonale a
décidé de se baser sur les premières constatations résultant
de la déclaration de sinistre et du rapport du commandant
des
sapeurs-pompiers du 12 septembre 1995, qui ne parlaient pas
d'explosion. Elle a ainsi décidé d'écarter les constatations
intervenues environ un mois plus tard, dont le rapport de la
Lloyd's qui admettait la thèse de l'explosion sur la base de
la découverte de tessons de bouteille et d'un fond de bou-
teille. En effet, ces constatations postérieures étaient
moins vraisemblables que celles faites le lendemain de l'in-
cendie; elles laissaient planer un doute qui ne pouvait être
totalement écarté. Il y avait dès lors lieu de retenir avec
une haute vraisemblance que l'incendie n'avait pas été causé
par un cocktail Molotov, de sorte que le sinistre n'était
pas
couvert par l'assurance (arrêt attaqué, consid. 4 p. 8/9).

3.- a) La demanderesse se plaint d'abord d'une vio-
lation de l'art. 8 CC du fait que, "à l'instar du premier
juge, la Cour de Justice a écarté un contexte de faits régu-
lièrement offerts en preuve par X.________". En effet, "en
sus de l'incendie, la demanderesse a régulièrement allégué,
au chapitre de son offre de preuve, que le couverture de

l'assurance ne comprenait pas seulement les risques
incendie,
dégâts d'eau et vol, mais aussi les risques de grève et trou-
bles sociaux". Or "la question de savoir quelle était l'éten-
due de l'assurance, en particulier sous l'angle de la couver-
ture du risque "grèves et troubles sociaux", couverture con-
testée par la défenderesse, était primordiale dans le cas
d'espèce, de sorte que tant le Tribunal de première
instance,
que la Cour de Justice genevoise dès lors qu'elle
n'admettait
pas la preuve de l'existence d'une explosion, auraient dû
faire procéder à l'administration des preuves susceptibles
de
permettre à X.________ de démontrer ce qu'elle affirmait.
Ainsi, les autorités judiciaires précitées, en
n'administrant
pas les preuves propres à établir un fait pertinent et con-
testé, ont manifestement violé l'art. 8 CC".

b) L'art. 8 CC, en tant qu'il consacre le droit à la
preuve, est violé lorsque le juge ne donne pas suite aux
offres de preuve d'une partie sur des faits pertinents pour
l'appréciation juridique de la cause; ce grief peut être
soulevé par la voie du recours en réforme (ATF 114 II 289
consid. 2a; 118 II 365; 121 III 60 consid. 3c). Le droit à
la
preuve suppose que la partie à laquelle incombe le fardeau
de
la preuve ait formulé un allégué régulier selon le droit de
procédure, que l'allégué se rapporte à un fait pertinent,
qu'il ait fait l'objet d'une offre de preuve valablement pré-
sentée selon le droit de procédure et que les moyens de preu-
ve proposés apparaissent idoines à prouver l'allégué (ATF
114
II 289 consid. 2a; 106 II 170 consid. 6b; 105 II 143 consid.
6a/aa; 97 II 193 consid. 3 et les références citées; cf. ATF
123 III 485 consid. 1 in fine).

En l'espèce, le premier juge, par ordonnance prépa-
ratoire du 4 mars 1998, a ordonné des enquêtes limitées aux
deux points contestés par la défenderesse, à savoir la cause
du sinistre (incendie simple ou incendie provoqué par une
explosion) et l'étendue du dommage. Ensuite d'une lettre de

la demanderesse, il a confirmé cette ordonnance le 20 mars
1998, attendu que la demanderesse n'alléguait pas que le
sinistre ait été provoqué par des "grèves ou des troubles
sociaux" et qu'il n'y avait donc pas à instruire ce qui
était
en dehors de l'offre de preuve des parties. Dès lors que le
premier juge a fait droit aux conclusions de la demande, la
demanderesse n'allait évidemment pas appeler de ces ordonnan-
ces préparatoires avec le jugement au fond (cf. art. 295 al.
2 LPC/GE). En revanche, du moment que la défenderesse avait
appelé de ce jugement, la demanderesse aurait pu demander à
la Cour de justice d'ordonner les mesures probatoires (cf.
art. 307 al. 2 et 3 LPC/GE) qu'elle lui reproche maintenant
-
sans d'ailleurs aucunement préciser en quoi ces mesures au-
raient dû consister - de n'avoir pas ordonné. Il s'avère
ainsi que la demanderesse n'a pas valablement présenté d'of-
fre de preuve selon le droit de procédure. Au surplus, on ne
voit pas quelle pertinence pourrait avoir l'étendue de l'as-
surance au risque "grève et troubles sociaux", dans la
mesure
où la demanderesse n'a pas allégué que le sinistre ait été

provoqué par de tels événements. Le grief de violation de
l'art. 8 CC apparaît ainsi mal fondé.

c) Toujours en relation avec la couverture du risque
"grève et troubles sociaux", la demanderesse se plaint d'une
violation des art. 33 LCA et 18 CO. En effet, bien que la
demanderesse n'ait pas été amenée à prouver la réalité de ce
qu'elle alléguait à ce sujet, la procédure d'administration
restreinte des preuves admise par le Tribunal de première
instance a néanmoins permis de prouver de manière
irréfutable
que le risque "grève et troubles sociaux" figurait explicite-
ment dans la police d'assurance au chapitre des risques assu-
rés. Dès lors, en se contentant d'admettre que l'assurance
ne
couvrait que le risque incendie, les juges cantonaux
auraient
violé l'art. 33 LCA, qui prévoit l'obligation pour
l'assureur
de répondre de tous les événements présentant le caractère
du
risque contre les conséquences duquel l'assurance a été con-

clue. Ils auraient également violé l'art. 18 CO dans la mesu-
re où il ressort des preuves administrées que la réelle et
commune intention des parties était d'inclure le risque "grè-
ve et troubles sociaux" dans la couverture d'assurance.

Le Tribunal fédéral, lorsqu'il statue comme juridic-
tion de réforme, fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils
ont été constatés par la dernière autorité cantonale (art.
63
al. 2 OJ). En dehors des exceptions réservées par les art.
63
al. 2 et 64 OJ, il ne peut ainsi être présenté dans un re-
cours en réforme de griefs contre les constatations de fait,
ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1
let. c, 3e phrase OJ; ATF 122 III 26 consid. 4a/aa, 61 con-
sid. 2c/bb; 121 III 436 consid. 5b; 120 II 97 consid. 2b;
119
II 84; 115 II 484 consid. 2a). En l'espèce, l'arrêt attaqué
ne contient aucune constatation sur la couverture du risque
"grève et troubles sociaux". Or c'est bien cela que la deman-
deresse reproche en réalité à la cour cantonale, sous
couvert
du grief de violation des art. 33 LCA et 18 CO. Sa critique
apparaît ainsi irrecevable dans un recours en réforme. On ne
discerne au demeurant pas ce que la demanderesse entendrait
tirer de la constatation que l'assurance couvrait également
le risque "grève et troubles sociaux", dans la mesure où il
ne ressort aucunement de l'arrêt attaqué que le sinistre
résulterait de tels événements.

4.- a) La demanderesse reproche ensuite à la cour
cantonale d'avoir déduit des éléments de fait qui lui
étaient
soumis qu'il y avait lieu de retenir avec une haute vraisem-
blance que l'incendie n'avait pas été causé par un cocktail
Molotov (cf. consid. 2b supra). Selon la demanderesse, "[c]e
faisant et d'une part, la Cour de justice genevoise a nié la
thèse sans conteste la plus plausible, en omettant
totalement
de se référer au critère de la haute vraisemblance des cir-
constances selon l'expérience générale de la vie, alors que
d'autre part, au niveau du raisonnement mis en exergue, son

raisonnement procède, à deux reprises au moins, d'une inad-
vertance manifeste au sens de l'art. 55 al. 1 litt. d OJF".

b) Selon la jurisprudence, il y a inadvertance mani-
feste au sens de l'art. 63 al. 2 OJ lorsque l'autorité canto-
nale a omis de prendre en considération une pièce
déterminée,
versée au dossier, ou l'a mal lue, s'écartant par mégarde de
sa teneur exacte, en particulier de son véritable sens lit-
téral, et qu'il en résulte une erreur évidente dans la cons-
tatation des faits pertinents (ATF 115 II 399 consid. 2a;
109
II 159 consid. 2b et les arrêts cités).

En l'occurrence, force est de constater que la de-
manderesse ne reproche pas à la cour cantonale une erreur
dans la constatation des faits, mais une appréciation
erronée
des faits en vue de déterminer si le sinistre était ou non
la
conséquence d'une explosion. Ainsi, la demanderesse ne se
plaint pas d'une erreur dans la constatation de la date à
laquelle les tessons et le fond de bouteille ont été décou-
verts, mais d'une appréciation erronée de cet élément au
regard de l'ensemble des circonstances. De même, elle ne
reproche pas aux juges cantonaux de ne pas avoir constaté
que
l'entrepôt était resté fermé à clef entre l'incendie et l'in-
tervention des experts, mais d'avoir considéré à tort qu'il
subsistait néanmoins un doute sur l'origine des tessons et
du
fond de bouteille découverts plus d'un mois après le sini-
stre, ce qui n'a rien à voir avec une inadvertance manifeste.

c) Pour le reste, en tant que la demanderesse se
réfère à l'"expérience générale de la vie" pour mettre en
cause l'appréciation des juges cantonaux selon laquelle il
n'a pas été rendu hautement vraisemblable que le sinistre
ait
été provoqué par l'explosion d'un cocktail Molotov (cf. con-
sid. 2b supra), elle critique en réalité l'appréciation des
preuves à laquelle se sont livrés les juges cantonaux, ce
qui
est inadmissible en instance de réforme (cf. consid. 3c su-

pra). Certes, la jurisprudence citée par la demanderesse
assimile à des dispositions juridiques les règles d'expérien-
ce et les données scientifiques qui ont une valeur normative
et sont destinées à être utilisées, de la même manière que
des règles juridiques, pour trancher un nombre indéterminé
de
cas futurs analogues (ATF 117 II 256 consid. 2b et les
arrêts
cités). En l'occurrence, toutefois, l'autorité cantonale
s'est bornée à apprécier les moyens de preuve qui lui
étaient
présentés et dont la portée était limitée au seul cas d'espè-
ce. Le grief soulevé relève ainsi de l'appréciation des preu-
ves et est irrecevable dans un recours en réforme.

5.- En conclusion, le recours se révèle mal fondé en
tant qu'il est recevable et doit par conséquent être rejeté
dans cette même mesure, ce qui entraîne la confirmation de
l'arrêt attaqué. La recourante, qui succombe, supportera les
frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche
pas lieu d'allouer de dépens dès lors que l'intimée n'a pas
été invitée à répondre au recours et n'a ainsi pas assumé de
frais pour la procédure devant le Tribunal fédéral (Poudret/
Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, Vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable et confirme l'arrêt attaqué.

2. Met un émolument judiciaire de 10'000 fr. à la
charge de la recourante.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 1er mai 2001
ABR/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.53/2001
Date de la décision : 01/05/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-01;5c.53.2001 ?
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