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01/05/2001 | SUISSE | N°1A.210/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 mai 2001, 1A.210/2000


«/2»

1A.210/2000
1P.436/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

1er mai 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit administratif
et le recours de droit public formés par

A.________, représentée par Me Robert Lei Ravello, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 5 juin 2000 par le Tr

ibunal administratif
du
canton de Vaud, dans la cause qui oppose la recourante,
ainsi
que B.________, représenté par ...

«/2»

1A.210/2000
1P.436/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

1er mai 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit administratif
et le recours de droit public formés par

A.________, représentée par Me Robert Lei Ravello, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 5 juin 2000 par le Tribunal administratif
du
canton de Vaud, dans la cause qui oppose la recourante,
ainsi
que B.________, représenté par Me Benoît Bovay, avocat à
Lausanne, à la Municipalité de Duillier, représentée par Me
Pierre-Dominique Schupp, avocat à Lausanne;

(ordre de démolition et interdiction d'exercer une activité;
art. 22 et 24 LAT)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- B.________ est propriétaire du domaine
X.________, d'une surface d'environ 71 hectares, sur les com-
munes de Duillier et de Nyon, en zone agricole et viticole.
Au mois de mars 1998, A.________ a pris à bail deux parties
du domaine X.________: d'une part, "La Ferme du Haut", soit
une écurie, silo, grange et hangar de 335 m2 et ses dépendan-
ces (espaces clôturés, parcs de 1900 et 4300 m2), précédem-
ment louée à C.________ qui y exploitait une pension pour
chevaux, et qui devait être affectée à un élevage de chevaux
de selle, cours d'équitation et hippothérapie; d'autre part,
"La Jumenterie", soit une écurie de 135 m2 et un paddock de
5300 m2 destinés à la pratique de l'équitation. Les contrats
prévoient la livraison de paille et de foin par le domaine,
dans les limites de ses stocks.

B.- Le 11 mai 1998, A.________ a sollicité l'auto-
risation de monter une tente d'exercice de 175 m2 afin de
permettre la poursuite de ses activités par temps de pluie
ou
de grand froid. Le 10 juillet 1998, le Service de l'aménage-
ment du territoire du canton de Vaud (SAT) refusa l'autorisa-
tion. Ayant constaté que des aménagements intérieurs avaient
été réalisés dans "La Ferme du Haut" (notamment l'installa-
tion d'un WC-douche), il relevait que ceux-ci pouvaient être
autorisés, après enquête publique, moyennant mise en confor-
mité avec les prescriptions de sécurité-incendie, et de pro-
tection de l'environnement (traitement des eaux usées).

Une demande de permis a été déposée par le proprié-
taire le 29 octobre 1998; elle mentionne l'installation de
sanitaires, cuisinette, vestiaire et réfectoire nécessaires
à
l'exercice d'activités agricoles et à but "socio-hippothéra-
peutique", le bâtiment abritant 23 chevaux.

Dans sa détermination, du 21 avril 1999, le SAT es-
timait qu'un centre équestre n'avait pas sa place en zone
agricole, à moins de constituer l'activité accessoire d'un
exploitant agricole; le propriétaire du Domaine était invité
à présenter un dossier de régularisation dans les trois
mois.
Quant à la pose de la tente, elle était exclue.

C.- Le 9 novembre, le SAT s'est adressé à la munici-
palité de Duillier: lors d'une inspection locale du 2 novem-
bre 1999, il avait été constaté que la tente avait été ins-
tallée, de même qu'une piscine et un couvert à foin. L'acti-
vité équestre de A.________ se poursuivait sans qu'aucune
des
conditions posées précédemment n'ait été remplie. Le domaine
X.________ était affermé, pour l'essentiel, le solde étant
exploité par son propriétaire; l'activité de A.________
n'était fonctionnellement rattachée à aucune de ces deux ex-
ploitations. La municipalité était priée d'ordonner la démo-
lition des installations illicites (tente, piscine, couvert
à
fourrage) et la remise en état, l'interdiction de poursuivre
les activités d'hippothérapie, manège ou autre activité de
nature sportive ou commerciale, dès le 1er décembre 1999,
ainsi que la remise en état et l'utilisation du bâtiment à
des fins d'écurie ou de dépôt exclusivement.

Ces injonctions ont été notifiées par la municipali-
té par lettre du 16 novembre 1999 adressée à B.________ et
A.________.

D.- Ces derniers ont recouru auprès du Tribunal ad-
ministratif vaudois. A.________ demandait l'autorisation de
poursuivre ses activités avec les installations nécessaires.
Subsidiairement, elle demandait la mise en oeuvre d'une pro-
cédure de planification tendant à la création d'une zone spé-
ciale; elle évoquait les qualités reconnues de l'hippothéra-
pie, et l'adéquation de la "Ferme du Haut" à ce genre d'acti-
vité.

E.- Par arrêt du 5 juin 2000, le Tribunal adminis-
tratif a partiellement admis le recours de A.________.
Celle-ci n'était pas exploitante agricole, et son activité
n'avait pas sa place en zone agricole. L'équitation et l'hip-
pothérapie constituaient des activités nouvelles, ce que le
SAT ou la commune auraient dû constater dès le mois de juil-
let 1998; l'interdiction de poursuivre toute activité et
l'ordre d'enlever les aménagements extérieurs étaient justi-
fiés et conformes aux principes de la proportionnalité et de
la bonne foi. En revanche, les aménagements intérieurs pou-
vaient servir en cas de retour du bâtiment à une
exploitation
agricole, et étaient susceptibles d'être autorisés. Le dos-
sier devait être renvoyé à la municipalité afin qu'elle sta-
tue sur ce point, après avoir recueilli l'autorisation spé-
ciale nécessaire. Le Tribunal administratif n'avait pas à se
prononcer sur le changement d'affectation de la zone, en
l'absence de modifications déterminantes depuis l'adoption
du
plan en 1992, le droit cantonal ne permettant en outre d'en
demander la révision que tous les quinze ans.

F.- A.________ forme contre ce dernier arrêt un re-
cours de droit administratif et de droit public. Dans le pre-
mier, elle invoque les art. 22 et 24 LAT et conclut à l'annu-
lation de l'arrêt attaqué en ce sens que la poursuite des ac-
tivités d'hippothérapie est autorisée, avec installation
d'une tente d'exercice et le maintien d'une petite piscine.
Dans le second, elle se plaint d'une violation de son droit
d'être entendue et du principe de la répartition des compé-
tences et conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. Elle
soulève aussi des moyens, communs selon elle aux deux re-
cours, fondés sur les principes de la bonne foi et de la pro-
portionnalité. Elle demande l'effet suspensif afin de permet-
tre la poursuite de ses activités, ainsi que la suspension
de
la procédure jusqu'à droit connu sur sa demande de nouvelle
planification.

L'effet suspensif a été accordé à titre provisoire.
Par ordonnance du 5 septembre 2000, il a été octroyé s'agis-
sant du ch. II let. a du dispositif de l'arrêt attaqué
(ordre
de démolition), mais refusé à l'égard du ch. II let. c (in-
terdiction de poursuivre les activités d'hippothérapie). La
demande de suspension a été rejetée, l'issue de la demande
de
modification du plan d'affectation local paraissant par trop
incertaine.

B.________ a conclu à l'admission des recours. Par
la suite, il a décidé de s'en remettre à justice. La Munici-
palité de Duillier conclut au rejet des recours. Le SAT con-
clut au rejet des recours dans la mesure où ils sont receva-
bles.

L'Office fédéral du développement territorial (OFDT)
s'est prononcé sur l'application des nouvelles dispositions
de la LAT, entrées en vigueur le 1er septembre 2000.

Les parties ont eu l'occasion de répliquer.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine, d'office et libre-
ment, la qualification juridique et la recevabilité des re-
cours qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a; 126 I
257 consid. 1a, 126 II 506 consid. 1).

a) Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA,
le recours de droit administratif est ouvert contre les déci-
sions fondées sur le droit public fédéral - ou qui auraient
dû l'être -, rendues par les autorités énumérées à l'art. 98
OJ. Il est également recevable contre des décisions fondées
sur le droit cantonal et sur le droit fédéral, dans la
mesure
où la violation de dispositions de droit fédéral directement
applicables est en jeu (ATF 126 V 252 consid. 1a p. 254; 123

II 16 consid. 2a p. 20, 359 consid. 1a/aa p. 361; 121 II 161
consid. 2a et les arrêts cités). Le recours de droit adminis-
tratif est en particulier ouvert contre les décisions de der-
nière instance cantonale concernant des autorisations excep-
tionnelles de construire en dehors de la zone à bâtir, fon-
dées sur l'art. 24 LAT (art. 34 al. 1 LAT; cf. ATF 123 II
499
consid. 1a); il en va de même lorsque la décision attaquée
ordonne la démolition d'une construction réalisée sans auto-
risation, alors qu'une dérogation selon l'art. 24 LAT aurait
été requise, qu'elle se fonde directement sur cette disposi-
tion (cf. ATF 105 Ib 272 consid. 1c p. 276) ou sur une dispo-
sition du droit cantonal (cf. ATF 118 Ib 234 consid. 1b p.
237).

La recourante est la destinataire de l'ordre de re-
mise en état et de cessation d'activité. Elle a ainsi
qualité
pour agir (art. 103 let. a OJ). Les autres conditions de re-
cevabilité du recours de droit administratif sont pour le
surplus réunies. Il y a donc lieu d'entrer en matière.

b) Lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé
contre une décision émanant d'une autorité judiciaire, le
Tribunal fédéral est lié par les faits constatés par cette
autorité, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incom-
plets, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essen-
tielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ). Il revoit d'office
l'application du droit fédéral, qui englobe les droits cons-
titutionnels du citoyen (ATF 122 IV 8 consid. 1b p. 11). Les
griefs tirés des principes de la bonne foi et de la propor-
tionnalité peuvent ainsi être soulevés dans le cadre du re-
cours de droit administratif, mais également ceux qui concer-
nant le droit d'être entendu. Sur ce dernier point, le re-
cours de droit public doit être traité comme recours de
droit
administratif.

2.- La recourante se plaint d'une violation de son
droit d'être entendue et du principe de la répartition des
compétences, griefs d'ordre formel qu'il convient d'examiner
en premier lieu.

a) Dans son recours cantonal, la recourante deman-
dait à titre subsidiaire que la commune de Duillier et le
SAT
soient invités à accepter le principe d'une démarche de pla-
nification tendant à la création d'une zone spéciale permet-
tant la poursuite de ses activités. Le Tribunal
administratif
a considéré qu'il ne lui appartenait pas de contrôler la pla-
nification, à titre préjudiciel, en l'absence de modifica-
tions importantes dans la situation de fait ou de droit. Il
a
ensuite retenu que l'adaptation du plan d'affectation se
heurtait au principe, posé à l'art. 53 al. 3 de la loi vau-
doise sur l'aménagement du territoire et les constructions
(LATC), selon lequel la zone agricole est adoptée pour au
moins vingt-cinq ans, une dérogation étant de la compétence
du Conseil d'Etat. Une révision du plan (art. 75 al. 2 LATC)
ne pouvait être demandée qu'après quinze ans, alors que le
plan communal des zones datait de 1992.

b) La recourante ne saurait reprocher à la cour can-
tonale d'avoir ainsi empiété sur les compétences communales.
Saisi d'une conclusion formelle tendant à ce que les autori-
tés communales soient invitées à revoir l'aménagement local,
le Tribunal administratif était tenu de se prononcer, à
peine
de commettre un déni de justice formel. Il n'a ainsi pas man-
qué de relever que la question de la planification ne
pouvait
être examinée à titre préjudiciel, sauf cas exceptionnel. Il
s'est ensuite contenté de rappeler les dispositions
relatives
à l'adaptation de la zone agricole et à la révision des
plans
d'affectation, pour refuser de donner toute injonction à la
municipalité. Ce faisant, il s'en est tenu à une approche
prudente des dispositions cantonales, se contentant de rele-
ver que les délais prescrits n'étaient pas respectés. Ces

considérations, qui paraissent au demeurant pertinentes, ne
lient pas les autorités communales qui pourraient être direc-
tement saisies. Il n'y a, par conséquent, pas de violation
de
la répartition des compétences, et on ne voit pas en quoi
pourrait consister l'atteinte au droit d'être entendue de la
recourante.

3.- Celle-ci invoque ensuite les art. 22 et 24 LAT.
Elle estime que la jurisprudence récente s'écarte du critère
fondé sur le seul rendement interne de l'exploitation agrico-
le. En l'espèce, il serait déterminant que l'exploitation de
la recourante soit fournie en paille et en foin par toute la
production du domaine X.________; il en résulterait une rela-
tion fonctionnelle étroite entre l'exploitation agricole et
le centre équestre, indépendamment du caractère agricole de
sa propre activité. S'agissant de l'application de l'art. 24
al. 1 LAT, la recourante soutient que la zone à bâtir consti-
tuerait un environnement inadéquat pour son activité: la sé-
rénité des chevaux et de leurs cavaliers, et la sécurité des
tiers ne seraient pas garanties. Le contact avec les
animaux,
principe même de l'hippothérapie, constituerait un élément
décisif (à l'instar du "travail du sol" mentionné dans l'ATF
112 Ib 99), et l'activité de la recourante n'aurait aucun ca-
ractère sportif ou commercial. Aucun intérêt public ne s'op-
poserait à une dérogation.

4.- a) Dans la zone agricole, un projet de construc-
tion ou de transformation peut être soit conforme à l'affec-
tation de la zone (cf. art. 22 al. 2 let. a LAT), soit non
conforme et partant nécessiter une dérogation. Le Tribunal
administratif a retenu cette seconde hypothèse et il a appli-

qué l'art. 24 LAT ("exceptions prévues hors de la zone à bâ-
tir"), dans sa teneur en vigueur à ce moment-là (avant la no-
velle du 20 mars 1998).

b) De nouvelles dispositions fédérales sur la desti-
nation de la zone agricole sont entrées en vigueur le 1er
septembre 2000 (art. 16, 16a et 16b LAT, art. 34 à 38 OAT).
Dans la nouvelle ordonnance sur l'aménagement du territoire
du 28 juin 2000 (OAT), le Conseil fédéral a prévu que les
procédures en cours au moment de l'entrée en vigueur de
cette
ordonnance et de la modification du 20 mars 1998 de la LAT
seraient soumises au nouveau droit (art. 52 al. 1 OAT) et
que
les procédures de recours pendantes demeuraient régies par
l'ancien droit, sauf si le nouveau droit était plus
favorable
au requérant (art. 52 al. 2 OAT). Cette disposition transi-
toire s'applique en cas de recours de droit administratif au
Tribunal fédéral. Il appartient donc à la Cour de céans -
qui
n'est du reste pas liée par les motifs que les parties invo-
quent (art. 114 al. 1 OJ) - d'examiner en premier lieu si
les
activités de la recourante peuvent désormais être
considérées
comme conformes à l'affectation de la zone agricole, cette
solution étant en principe plus favorable pour elle qu'une
dérogation au sens de l'art. 24 LAT.

c) aa) Le nouvel art. 16a al. 1, 1ère phrase LAT
pose le principe selon lequel sont conformes à l'affectation
de la zone agricole les constructions et installations qui
sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticul-
ture productrice. Cette définition correspond à celle que la
jurisprudence avait élaborée sur la base de l'ancien art. 16
LAT: seules les constructions dont la destination correspond
à la vocation agricole du sol peuvent donner lieu à une auto-
risation ordinaire au sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT; en
d'autres termes, le sol doit être le facteur de production
primaire et indispensable et les modes d'exploitation dans
lesquels le sol ne joue pas un rôle essentiel ne sont pas
agricoles (cf. ATF 125 II 278 consid. 3a p. 281 et les
arrêts
cités). Ainsi, en vertu de cette jurisprudence et du nouvel
art. 16a al. 1, 1ère phrase LAT, les constructions et instal-
lations pour l'élevage de bétail ne peuvent être jugées

conformes à l'affectation de la zone agricole que si une
part
prépondérante des fourrages provient de la production propre
à l'exploitation (ATF 117 Ib 270 consid. 3c p. 280, 502
consid. 4a p. 504).

Le centre équestre ouvert par la recourante n'est
manifestement pas conforme à la zone agricole, puisqu'il ne
correspond en rien à une exploitation agricole en rapport
avec l'utilisation du sol comme moyen de production. Il est
de jurisprudence qu'un élevage de chevaux pratiqué notamment
comme simple loisir, n'a pas de caractère agricole au sens
de
l'art. 16 LAT (ATF 122 II 160 consid. 3b p. 162 et la juris-
prudence citée, 111 Ib 217 consid. 3b). Lorsque l'apprécia-
tion globale à long terme du système d'exploitation révèle,
comme en l'espèce, que l'élevage des chevaux est devenu une
activité commerciale qui ne correspond pas à l'engraissement
du bétail ou à une autre activité accessoire usuelle et né-
cessaire à une exploitation agricole traditionnelle, la
conformité des installations litigieuses à la destination de
la zone agricole ne saurait être admise. La recourante se dé-
fend d'exercer une activité commerciale, en soutenant
qu'elle
ne retire guère de bénéfice de son activité. Il n'en demeure
pas moins que celle-ci n'a, en tant que telle, aucun caractè-
re agricole. Comme le relève l'OFDT, le législateur n'a pas
voulu étendre la notion d'exploitation agricole aux entrepri-
ses destinées aux sports ou loisirs équestres.

bb) La novelle du 20 mars 1998 élargit par ailleurs
la définition de la conformité à l'affectation de la zone
agricole: elle est désormais admise non seulement pour les
constructions et installations répondant à la définition de
l'art. 16a al. 1, 1ère phrase LAT mais également, aux termes
de l'art. 16a al. 2 LAT, pour celles qui servent au dévelop-
pement interne d'une exploitation agricole ou d'une exploita-
tion pratiquant l'horticulture productrice. Il y a "dévelop-
pement interne" lorsqu'un secteur de production non tributai-

re du sol - garde d'animaux de rente (cf. art. 36 OAT), cul-
tures maraîchères ou horticoles indépendantes du sol (cf.
art. 37 OAT) - est adjoint à une exploitation tributaire de
façon prépondérante du sol afin que la viabilité de cette
exploitation soit assurée (cf. Message relatif à la dernière
révision partielle de la LAT, FF 1996 III 489). Jusqu'à l'en-
trée en vigueur de l'art. 16a al. 2 LAT, la jurisprudence
n'admettait les constructions ou installations servant au
développement interne qu'aux conditions restrictives de
l'art. 24 LAT (cf. ATF 117 Ib 270 consid. 4 p. 281, 502
consid. 5 p. 505). Par ailleurs, selon la jurisprudence déve-
loppée sous l'empire de l'ancien droit, les constructions et
installations pour l'élevage du bétail ne peuvent être auto-
risées en zone agricole en application de l'art. 22 LAT que
si une part prépondérante des fourrages provient de la pro-
duction propre de l'exploitation (ATF 122 II 160 consid. 3c
p. 163, 117 Ib 270 consid. 3a p. 278, 502 consid. 4c p. 504
et les arrêts cités).

La recourante soutient qu'il conviendrait de se li-
vrer à une appréciation d'ensemble du domaine X.________. La
totalité du fourrage produit serait affectée aux besoins des
chevaux de son exploitation. Il y aurait ainsi un rapport
étroit avec l'exploitation du domaine agricole. La
recourante
perd de vue que son exploitation est gérée de manière totale-
ment indépendante du domaine agricole voisin: le terrain et
les installations lui ont été remis à bail, et la gestion du
centre équestre a lieu pour son seul compte, et à ses
risques
et périls. L'existence d'un contrat portant sur la
fourniture
du fourrage ne change rien au fait que cette production
n'émane pas de l'exploitation proprement dite de la recouran-
te. L'indépendance des exploitations ne permet pas
d'admettre
un rapport avec l'exploitation du sol (cf. ATF 118 Ib 17 con-
sid. 2a p. 18), ou un cas de développement interne. Il n'est
d'ailleurs pas prétendu que la fourniture de fourrage consti-

tue un revenu complémentaire nécessaire à la survie à long
terme de l'exploitation agricole.

cc) L'art. 16a al. 3 LAT prévoit encore la possibi-
lité pour les cantons de désigner, au terme d'une procédure
de planification, des parties de la zone agricole où les
constructions et installations dépassant le cadre de ce qui
peut être admis au titre du développement interne peuvent
être déclarées conformes à l'affectation de la zone. L'art.
34 OAT précise la portée de cette norme: seules sont visées
les constructions et installations utilisées pour la produc-
tion de denrées provenant de la culture de végétaux et de la
garde d'animaux de rente (art. 34 al. 1 let. a OAT), ou pour
l'exploitation de surfaces proches de leur état naturel
(let.
b). La recourante ne saurait être mise au bénéfice de ces
dispositions puisqu'il n'y a pas, dans son cas,
développement
interne d'une exploitation agricole. Au surplus, la destina-
tion de la zone agricole n'a pas été modifiée dans le sens
prévu à l'art. 16a al. 3 LAT. Aussi cette disposition
n'entre-t-elle pas en considération dans le cas particulier.

d) Il s'ensuit que l'exploitation de la recourante
n'est pas conforme à l'affectation de la zone agricole après
la dernière révision de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire; elle ne l'était pas non plus sous l'ancien droit.
Il y a donc lieu de s'interroger sur la possibilité d'une dé-
rogation au sens de l'art. 24 LAT. Les règles légales relati-
ves aux "exceptions prévues hors de la zone à bâtir" ayant
également été modifiées par la novelle du 20 mars 1998 (nou-
veaux art. 24 à 24d LAT; cf. aussi art. 39 à 43 OAT), il y a
lieu également d'appliquer le nouveau droit s'il est plus fa-
vorable au requérant.

5.- La recourante évoque les difficultés liées à
l'installation de ses activités hors de la zone agricole: on
ne trouverait pas de surface permettant à une quarantaine de

chevaux de demeurer sans être assignés en permanence à l'écu-
rie. Les activités d'hippothérapie correspondraient à un in-
térêt évident. Le contact avec les animaux devrait être pris
en compte, indépendamment de l'exploitation du sol; aucun in-
térêt public ne s'y opposerait. L'organisation, à peu de dis-
tance, de la manifestation annuelle "Paléo Folk Festival"
permettrait de nier l'existence d'intérêts contraires prépon-
dérants.

a) Selon l'art. 24 al. 1 LAT, des autorisations peu-
vent être délivrées pour de nouvelles constructions ou ins-
tallations, ou pour tout changement d'affectation, si l'im-
plantation hors de la zone à bâtir est imposée par la desti-
nation de la construction (let. a) et si aucun intérêt pré-
pondérant ne s'y oppose (let. b), ces deux conditions étant
cumulatives (ATF 118 Ib 19 consid. 2a, 113 Ib 313 consid. 4,
112 Ib 263 consid. 3 et les arrêts cités). Pour satisfaire à
la première de ces deux conditions, l'implantation de l'ou-
vrage doit être justifiée par des motifs objectifs, comme
des
raisons d'ordre technique, liées à l'économie d'une entrepri-
se ou découlant de la configuration du sol; les seuls motifs
personnels ou financiers ne suffisent pas (ATF 118 Ib 119
consid. 2b, 117 Ib 267 consid. 2a, 281 consid. 4a, 505 con-
sid. 5a et les arrêts cités). La jurisprudence a considéré
que les exigences de l'art. 24 al. 1 let. a LAT étaient rem-
plies pour des installations agricoles en dehors de la zone
à
bâtir (ATF 115 Ib 299 consid. 3a). En revanche des établisse-
ments sans rapport suffisant avec la culture du sol et pou-
vant trouver leur place dans certaines zones à bâtir, ne sau-
raient en général bénéficier d'une telle dérogation en zone
agricole, pour les mêmes motifs d'ailleurs que ceux condui-
sant à refuser d'admettre la conformité au sens de l'art. 22
let. a LAT. Une dérogation selon l'art. 24 al. 1 LAT
pourrait
toutefois être éventuellement envisagée, à titre exception-
nel, pour certaines installations qui ne se prêtent pas à un

emplacement dans une zone à bâtir (ATF 118 Ib 19 consid. 2c,
115 Ib 301 et les arrêts cités).

Les activités équestres que la recourante déploie ne
sont pas de celles qui sont totalement exclues dans une zone
à bâtir: selon la jurisprudence constante, un manège n'est
pas une construction imposée par sa destination (ATF 111 Ib
213 consid. 3 p. 216). Il en va de même pour les activités
d'hippothérapie, dont le but est certes différent de celui
d'un manège ordinaire, mais dont les modalités d'exploita-
tion, du point de vue de l'aménagement du territoire, sont
identiques. Comme le relève l'OFDT, il y a la place pour de
telles activités, par exemple dans une zone spéciale en bor-
dure de la zone à bâtir, et les inconvénients évoqués par la
recourante ne constituent pas des obstacles absolus. Il n'y
a
donc pas de motif objectif, au sens de la jurisprudence pré-
citée, pour autoriser l'ouvrage litigieux en zone agricole
(ATF 124 II 391 consid. 2a p. 393).

b) Les nouvelles dispositions de la LAT relatives au
changement d'affectation ne sauraient en outre être appli-
quées au cas de la recourante. L'art. 24a LAT suppose l'ab-
sence de travaux de transformation. Les art. 24c et 37a LAT
ne seraient pas davantage applicables, puisqu'ils supposent
une affectation précédente conforme à la législation, ce qui
ne serait de toute façon pas le cas de la personne qui ex-
ploitait, avant la recourante, une pension pour chevaux.

Les activités de la recourante ne pouvant être auto-
risées, il reste à examiner les griefs relatifs à l'ordre de
démolition et de remise en état.

6.- La recourante argumente, à ce sujet, sur la base
des principes de la bonne foi et de la proportionnalité.
Dans
un premier temps, le SAT avait fait savoir que les aménage-
ments internes pourraient faire l'objet d'une autorisation

spéciale après mise à l'enquête, admettant ainsi implicite-
ment les activités de la recourante, que la Municipalité
connaissait d'ailleurs dès le début de l'année 1998. Inter-
pellé le 5 août 1998 au sujet des conditions d'admission
d'un
centre équestre, le SAT avait répondu que la création d'une
zone ad hoc pouvait être envisagée. La recourante a alors
pris des dispositions telles que l'hébergement de divers ani-
maux afin de répondre aux besoins d'une centaine de clients.
Le SAT aurait attendu le 9 novembre 1999 pour s'opposer aux
activités de la recourante. Sans ce comportement contradic-
toire de l'autorité, la recourante n'aurait pas pris de tel-
les dispositions. Les activités thérapeutiques de la recou-
rante correspondraient à un important intérêt local dont la
suppression apparaîtrait disproportionnée, notamment au re-
gard de la manifestation "Paléo Folk Festival", autorisée
aux
environs immédiats. Il n'existerait aucune solution de re-
change.

a) Le principe de la bonne foi, qui s'impose en ver-
tu des art. 5 al. 3 et 9 Cst., permet à l'administré d'obte-
nir, dans certaines circonstances, le respect d'assurances
données, éventuellement contraires au droit matériel. Il
faut
pour cela que l'autorité ait agi dans une situation particu-
lière, qu'elle ait été compétente - ou censée l'être -, que
l'administré n'ait pas pu, de bonne foi, reconnaître l'illé-
galité de l'assurance donnée, qu'il ait pris sur cette base
des dispositions irréversibles et que la réglementation
n'ait
pas changé entre temps (ATF 125 I 209 consid. 9c p. 219/220
et la jurisprudence citée).

On ne saurait en l'occurrence considérer que la re-
courante a été mise
au bénéfice d'une quelconque assurance
de
la part de l'autorité compétente. Après une visite des
lieux,
le SAT s'est clairement opposé, le 10 juillet 1998, à l'ins-
tallation de la tente d'exercice. Après avoir estimé qu'une
autorisation pourrait être accordée, après enquête, pour les

aménagements intérieurs, il a précisé qu'une utilisation du
fonds à des fins commerciales par d'autres personnes que son
propriétaire était exclue. Cela fut confirmé le 21 avril
1999: la garde de chevaux n'était admissible qu'à condition
de constituer une activité accessoire à l'exploitation agri-
cole. Compte tenu de ces prises de position, la recourante
ne
peut prétendre que la décision du 16 novembre 1999 constitue
un revirement inattendu de l'autorité.

b) Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une
construction édifiée sans permis et pour laquelle une autori-
sation ne peut être accordée n'est en principe pas contraire
au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autori-
té devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se
préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au
droit que des inconvénients qui en découlent pour le cons-
tructeur (ATF 108 Ia 216 consid. 4b p. 218). L'autorité doit
renoncer à une telle mesure si les dérogations à la règle
sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature
à
justifier le dommage que la démolition causerait au maître
de
l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autori-
sé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de
faire reconnaître la construction comme conforme au droit
qui
aurait changé dans l'intervalle (ATF 123 II 248 consid. 4a
p.
255).

La recourante ne saurait se prévaloir de sa bonne
foi dès lors qu'elle a entrepris d'ériger les aménagements
intérieurs et extérieurs sans avoir obtenu l'autorisation de
construire nécessaire à cet effet. Contrairement à ce
qu'elle
prétend, l'intérêt public à empêcher toute construction illi-
cite hors de la zone à bâtir n'est pas purement théorique;
il
l'emporte manifestement sur son intérêt à poursuivre ses ac-
tivités dans une zone qui n'est pas, juridiquement, destinée
à les accueillir. Il n'est pas prétendu que les frais de dé-
molition et de remise en état des lieux seraient excessifs.

L'ordre de démolition et de cessation d'activités ne viole
dès lors pas le principe de la proportionnalité.

7.- L'OFDT relève enfin que les aménagements inté-
rieurs, non nécessaires à l'activité agricole, ne pourraient
être autorisés, d'autant moins que l'affectation future des
locaux est incertaine. Cette question (ainsi que celle d'une
éventuelle reformatio in peius) n'a pas à être examinée à ce
stade, car l'arrêt cantonal comporte sur ce point un renvoi
à
la Municipalité afin que ces transformations partielles
soient examinées au regard de l'art. 24 al. 2 LAT, compte
tenu de l'affectation autorisée de la "Ferme du Haut".

8.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit
administratif doit être rejeté, de même que le recours de
droit public, traité comme recours de droit administratif.
Un
émolument judiciaire est mis à la charge de la recourante,
conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, ainsi qu'une indemnité
de
dépens allouée à la Municipalité de Duillier, qui a procédé
par l'entremise d'un mandataire professionnel.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours de droit administratif.

2. Rejette le recours de droit public, traité comme
recours de droit administratif.

3. Met à la charge de la recourante un émolument
judiciaire de 6000 fr.

4. Alloue à la Municipalité de Duillier une indemni-
té de dépens de 2000 fr., à la charge de la recourante.

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Service de l'aménagement et au Tribu-
nal administratif du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Office fé-
déral du développement territorial.

Lausanne, le 1er mai 2001
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.210/2000
Date de la décision : 01/05/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-01;1a.210.2000 ?
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