La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2001 | SUISSE | N°U.204/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 avril 2001, U.204/00


«AZA 7»
U 204/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 30 avril 2001

dans la cause

Zurich Compagnie d'assurances, Mythenquai 2, 8022 Zurich,
recourante, représentée par Maître Serge Rouvinet, avocat,
rue Prévost-Martin 5, 1211 Genève 4,

contre

A.________, intimée, représentée par Maître Cécile M.
Ringgenberg, avocate, avenue Krieg 44bis, 1208 Genève,

et

Tribunal administratif

du canton de Genève, Genève

A.- a) A.________ travaillait comme employée au ser-
vice de X.________ SA. A ce titre, elle était a...

«AZA 7»
U 204/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 30 avril 2001

dans la cause

Zurich Compagnie d'assurances, Mythenquai 2, 8022 Zurich,
recourante, représentée par Maître Serge Rouvinet, avocat,
rue Prévost-Martin 5, 1211 Genève 4,

contre

A.________, intimée, représentée par Maître Cécile M.
Ringgenberg, avocate, avenue Krieg 44bis, 1208 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) A.________ travaillait comme employée au ser-
vice de X.________ SA. A ce titre, elle était assurée
contre le risque d'accidents professionnels et non profes-
sionnels auprès de la Zurich, Compagnie d'Assurances
(ci-après : la Zurich).

Le 16 mars 1994, elle a emprunté avec son mari
l'ascenseur de son immeuble pour se rendre au travail; le
frein automatique de l'ascenseur ayant lâché, ce dernier a
effectué une brutale descente de deux étages et s'est
arrêté quelques mètres avant le fond de la cage. A.________
a pu se retenir aux barres de soutien de la cabine, tandis
que son mari a été projeté au sol; ils sont restés bloqués
durant 45 minutes avant d'être libérés par le concierge de
l'immeuble. Nonobstant le choc, la prénommée a travaillé
normalement. Le lendemain, ressentant des céphalées, des
douleurs à la nuque et au bas du dos, elle a consulté le
docteur B.________, médecin répondant de la Permanence de
Y.________, qui a posé le diagnostic de contusion de la
colonne cervico-dorso-lombaire avec un débattement latéral
de L5 à S1 et attesté une incapacité de travail de 100 %
dès le jour de la consultation (certificat médical LAA du
4 mai 1994). Le 17 juillet suivant, ce médecin a signalé à
l'assureur-accidents l'absence d'amélioration de l'état de
santé de sa patiente ainsi que l'apparition d'une dépres-
sion réactionnelle nécessitant une prise en charge psy-
chiatrique. Sur la suggestion du docteur C.________, expert
mandaté par la Zurich, l'assurée a alors été soumise à de
nouvelles investigations médicales qui n'ont révélé aucun
déficit neurologique, mais confirmé l'existence probable de
troubles psychiques (rapports des docteurs D.________ et
E.________, respectivement des 15 et 20 décembre 1994).
Chargé d'une expertise au plan psychiatrique, le docteur
F.________ a retenu le diagnostic de syndrome de stress
post-traumatique avec angoisse généralisée et somatisation,
et estimé l'atteinte à son intégrité physique et mentale à
60 % (rapport du 9 février 1996).
Sur la base de cette expertise, A.________ a requis de
la Zurich l'octroi d'une rente d'invalidité ainsi que d'une
indemnité pour atteinte à l'intégrité, prestations que

cette dernière a lui refusé, estimant la poursuite du
traitement médical encore nécessaire, par décision du
17 juin 1996, confirmée sur opposition le 14 janvier 1997.

b) Vu la persistance de l'incapacité de travail de
l'assurée, la Zurich a confié une expertise pluridiscipli-
naire au Centre Z.________. Dans leur rapport du 21 avril
1997, les docteurs G.________, neurologue, et H.________,
psychiatre, sont parvenus à la conclusion que les troubles
présentés par A.________ aussi bien sur le plan somatique
que psychiatrique n'étaient plus en relation de causalité
naturelle avec l'incident du 16 mars 1994.
Se fondant sur cette expertise, la Zurich a, par déci-
sion du 30 avril 1997, mis un terme à ses prestations (in-
demnités journalières et prise en charge du traitement mé-
dical). Saisie d'une opposition, La Zurich a confirmé sa
prise de position initiale le 23 juillet 1997.

B.- L'assurée a recouru contre cette décision sur op-
position devant le Tribunal administratif du canton de
Genève, en produisant deux nouveaux rapports médicaux, l'un
émanant du docteur I.________, neurologue, et l'autre du
docteur J.________, médecin-directeur du Département de
neurologie de l'Institution K.________. A l'inverse de
l'avis soutenu par le docteur H.________, ces médecins ont
tous deux conclu à l'existence d'un rapport de cause à
effet entre l'événement accidentel du 16 mars 1994 et
l'état psychique présenté par A.________.
Par jugement du 4 avril 2000, le tribunal a admis le
recours, annulé la décision attaquée, condamné la Zurich à
reprendre le versement de ses prestations dès le 1er mai
1997 et alloué à l'assurée une indemnité de 2000 fr. à
titre de dépens pour la procédure cantonale.

C.- La Zurich interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont elle requiert l'annulation, en
concluant à la confirmation de sa décision sur opposition
du 23 juillet 1997.
A.________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du
recours, tandis que l'Office fédéral des assurances so-
ciales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Au vu des nombreuses pièces médicales figurant au
dossier, on peut retenir que l'intimée ne subit plus d'in-
capacité de travail à raison d'éventuelles séquelles physi-
ques imputables à l'événement accidentel du 16 mars 1994
(voir notamment les rapports des docteurs D.________ et
E.________ ainsi que les appréciations des docteurs
I.________ et J.________, d'après lesquels A.________
présente un status neurologique et ostéo-ligamentaire
fondamentalement normal).
Cela étant, il est indéniable que l'intimée souffre de
troubles psychiques. Dans la mesure où les médecins
- exception faite du docteur H.________ - sont unanimes
pour mettre ces troubles sur le compte de la frayeur
ressentie par l'intimée au moment de la chute de l'ascen-
seur, le lien de causalité naturelle entre ceux-ci et l'in-
cident du 16 mars 1994 peut être tenu pour établi.

2.- Selon la jurisprudence, l'existence d'un lien de
causalité adéquate entre un accident insignifiant ou de peu
de gravité et des troubles psychiques peut, en règle géné-
rale, être d'emblée niée, tandis qu'en principe, elle doit
être admise en cas d'accident grave; pour admettre le
caractère adéquat du lien de causalité entre un accident de

gravité moyenne et des troubles psychiques, il faut que
soient réunis certains critères particuliers et objectifs
(ATF 115 V 139 sv. consid. 6, 408 consid. 5). Dans cette
dernière éventualité, le juge des assurances ne peut admet-
tre la causalité adéquate que si l'un des critères retenus
s'est manifesté de manière particulièrement marquante pour
l'accident, ou si ces critères déterminants se trouvent
soit cumulés, soit réunis d'une façon frappante.
En outre, il convient, aux fins de procéder à une
classification des accidents de nature à entraîner des
troubles psychiques, non pas de s'attacher à la manière
dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique,
mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif,
sur l'événement accidentel lui-même (ATF 115 V 139 con-
sid. 6, 407 s. consid 5).

3.- Les premiers juges ont, à juste titre, qualifié
l'incident du 16 mars 1994 comme étant de gravité moyenne.
En effet, dès lors qu'il y a lieu de faire abstraction de
la manière dont l'assurée a ressenti le choc traumatique,
force est de constater que le déroulement de l'événement en
cause et l'intensité des atteintes qu'il a générées ne sont
pas tels qu'il faille admettre l'existence d'un accident
grave. En revanche, l'analyse des critères objectifs déga-
gés par la jurisprudence en matière de troubles psychiques
consécutifs à un accident de gravité moyenne ne permet pas
de conclure, comme l'a fait la juridiction cantonale, à
l'existence d'un rapport de causalité adéquate entre
l'accident assuré et l'affection psychique présentée par
l'intimée.
Le fait de se trouver dans un ascenseur dont le frein
automatique lâche subitement est certes une circonstance de
nature à susciter chez toute personne un sentiment d'ef-
froi, si bien que l'on ne peut nier le caractère impres-
sionnant de l'événement accidentel du 16 mars 1994. Pour

autant, on ne saurait dire que ce critère revêt, dans le
cas particulier, une intensité telle qu'il suffirait à lui
seul pour faire admettre l'existence d'une relation de cau-
salité adéquate, surtout que l'accident assuré ne se situe
pas à la limite de la catégorie des accidents graves (cf.
Jean-Maurice Frésard, L'assurance-accidents obligatoire,
in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], n. 40
p. 17). D'une part, la cabine a parcouru une distance assez
courte (deux étages) et s'est arrêtée d'elle-même sans
heurter le fond de la cage. D'autre part, les époux
A.________ n'ont subi ni l'un ni l'autre de lésions physi-
ques sérieuses à la suite de ce choc, l'intimée ayant même
pu se rendre normalement au travail aussitôt après avoir
été libérée de la cage d'ascenseur.
Quant aux autres critères requis par la jurisprudence,
ils font en l'occurrence défaut. C'est à tort que les pre-
miers juges n'ont opérée aucune distinction entre la durée
du traitement médical et de l'incapacité de travail due aux
seules lésions physiques de l'intimée, de celle générée par
ses troubles psychiques. En effet, seule la durée qui se
rapporte aux atteintes somatiques résultant de l'accident
assuré doit être prise en considération dans l'examen de la
causalité adéquate entre un accident de gravité moyenne et
des troubles psychiques. Or, tous les médecins qui ont été
appelés à examiner l'assurée s'accordent à dire que le choc
traumatique en lui-même n'a entraîné chez l'intimée qu'une
distorsion lombaire bégnine, atteinte rapidement reléguée à
l'arrière-plan par l'apparition d'un état psychique défavo-
rable (cf. les rapports des docteurs I.________ et
J.________). A partir du mois d'août 1994, la poursuite du
traitement médical a consisté essentiellement dans une pri-
se en charge psychiatrique et dès le mois de décembre 1994,
toute hypothèse d'une séquelle d'ordre neurologique a pu
être écartée (cf. rapports des docteur D.________ et
E.________). C'est donc avant tout les répercussions

psychiques de l'événement accidentel qui ont eu une
influence déterminante sur la persistance de l'incapacité
de travail de l'intimée. Enfin, il n'y a eu ni complica-
tions importantes, ni erreur médicale dans le processus de
guérison.
En conséquence, contrairement aux considérations des
premiers juges, la recourante était fondée à mettre fin à
ses prestations d'assurance avec effet au 30 avril 1997.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal
administratif du canton de Genève du 4 avril 2000 est
annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Genève et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 30 avril 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.204/00
Date de la décision : 30/04/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-30;u.204.00 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award