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30/04/2001 | SUISSE | N°2A.545/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 avril 2001, 2A.545/2000


«AZA 1/4»
2A.545/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

30 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann, Betschart, Hungerbühler et Müller.
Greffier: M. Dayer.
______________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

la Banque Cantonale Vaudoise, à Lausanne, représentée par Me
Yves Noël, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 27 octobre 2000 par le Tribunal a

dministra-
tif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose la
recourante
à l'Administration cantonale des impôts du ...

«AZA 1/4»
2A.545/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

30 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann, Betschart, Hungerbühler et Müller.
Greffier: M. Dayer.
______________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

la Banque Cantonale Vaudoise, à Lausanne, représentée par Me
Yves Noël, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 27 octobre 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose la
recourante
à l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud;

(impôt fédéral direct 1995)

Etat de faits abrégé:

Instituée par décret du Grand Conseil du canton de
Vaud du 19 décembre 1845, la Banque Cantonale Vaudoise (ci-
après: la BCV) est une société anonyme de droit public au
sens de l'art. 763 al. 2 CO. Jusqu'au 31 décembre 1995, le
canton de Vaud a détenu 52,3 pour cent de son capital-ac-
tions.

Pour la période fiscale 1995, l'Administration can-
tonale des impôts du canton de Vaud l'a assujettie à l'impôt
fédéral direct sur l'entier de son bénéfice (84'524'300 fr.)
et de son capital imposables (1'722'412'000 fr.). Statuant
sur réclamation, elle a confirmé cette imposition.

Saisi d'un recours de la BCV, le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud l'a rejeté. Il a en particulier es-
timé que, même dans l'hypothèse où cette banque avait béné-
ficié jusqu'en 1994 d'une exonération partielle de son béné-
fice et de son capital imposables en vertu d'une décision du
Conseil fédéral prise dans le cadre de "l'impôt fédéral de
guerre de 1915", cette question pouvait être réexaminée par
l'autorité cantonale de taxation - seule compétente pour pro-
céder à l'imposition des personnes morales - à la lumière
des
dispositions de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'im-
pôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11) applicable au cas d'es-
pèce. A cet égard, l'intéressée ne pouvait être assimilée à
un établissement public cantonal exonéré en vertu de l'art.
56 lettre b LIFD. En tant que corporation de droit public,
elle était une personne morale dont l'exonération n'était
possible que si les conditions posées par l'art. 56 lettre g
LIFD étaient satisfaites, ce qui n'était toutefois pas le
cas. Enfin, même si, pour l'instant, elle n'était pas
traitée
fiscalement de la même manière que d'autres banques cantona-
les se trouvant dans la même situation qu'elle, le principe

de l'égalité de traitement ne lui était d'aucun secours,
l'Administration fédérale des contributions s'étant engagée
à
imposer la solution judiciaire du présent litige à toutes
les
administrations fiscales cantonales.

Agissant par la voie du recours de droit administra-
tif, la BCV demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt
et de renvoyer la cause à "l'autorité cantonale de l'impôt
fédéral direct pour une nouvelle taxation conforme à la déci-
sion du Conseil fédéral".

Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Extrait des considérants:

4.- a) La taxation et la perception de l'impôt fédé-
ral direct sont effectuées par les cantons, sous la surveil-
lance du Département fédéral des finances qui l'exerce pour
le compte de la Confédération (cf. art. 2 et 102 al. 1
LIFD).

L'Administration fédérale des contributions veille à
l'application uniforme de la loi; elle arrête les disposi-
tions d'exécution propres à assurer une taxation et une per-
ception correctes et uniformes de l'impôt; elle peut prescri-
re l'utilisation de formules déterminées (cf. art. 102 al. 2
et 103 LIFD).

L'administration cantonale de l'impôt fédéral direct
dirige et surveille l'exécution de la loi et veille à son ap-
plication uniforme; pour la taxation des personnes morales,
chaque canton désigne un service unique (cf. art. 104 al. 1
et 2 LIFD).

Les autorités de taxation établissent et tiennent à
jour un registre des contribuables (cf. art. 122 al. 1
LIFD).
Elles perçoivent l'impôt fédéral direct auprès des personnes
morales qui ont leur siège ou leur administration effective
dans le canton à la fin de la période fiscale ou de l'assu-
jettissement (cf. art. 105 al. 3 LIFD). Une taxation effec-
tuée par une autorité incompétente est nulle (cf. RF 54/1999
p. 118 consid. 7a/aa p. 123 et la jurisprudence citée).

b) Le Conseil fédéral peut arrêter certaines dispo-
sitions d'exécution de la loi fédérale sur l'impôt fédéral
direct (cf. art. 199 LIFD; Klaus A. Vallender, in Kommentar
zum schweizerischen Steuerrecht [ci-après: Kommentar], vol.
I/2b, Bâle 2000, n. 1 ad art. 199 LIFD). Il ne dispose en re-
vanche d'aucune compétence pour l'établissement du registre
des contribuables, ni pour la fixation ou la perception de
cet impôt auprès des personnes morales. Il ne lui appartient
dès lors pas de décider si celles-ci peuvent ou non bénéfi-
cier d'une exonération, notamment en vertu de l'art. 56 LIFD
(sur la "procédure d'exonération", cf. Marco Greter, in Kom-
mentar, vol. I/2a, Bâle 2000, n. 2 ad art. 56 LIFD).

Il en va de même de l'Administration fédérale des
contributions qui, ainsi qu'on vient de le voir, n'exerce
que
des fonctions d'organisation et de surveillance.

c) La recourante demande que son bénéfice et son
capital imposables pour la période fiscale litigieuse soient
exonérés proportionnellement à la participation du canton à
son capital-actions. Elle se fonde à cet égard sur une déci-
sion du Conseil fédéral prise en matière d'"impôt de guerre"
et prétend que seul celui-ci pourrait revenir sur sa déci-
sion, l'Administration cantonale des impôts n'étant pas com-
pétente pour l'abroger. Elle soutient également que sa con-
fiance dans la poursuite de l'application de cette décision
doit être protégée.

d) Selon les faits retenus par l'autorité intimée
(cf. art. 105 al. 2 OJ), l'intéressée a effectivement bénéfi-
cié jusqu'en 1994 d'une exonération dans une mesure corres-
pondant à ce qui a été voulu par le Conseil fédéral dans une
décision en matière d'"impôt fédéral de guerre", dont le tex-
te n'a cependant jamais été retrouvé (sur cette décision,
cf.
Bull. Stén. 1933 CE p. 348; Reto Kuster, Steuerbefreiung von
Institutionen mit öffentlichen Zwecken, thèse Zurich 1997,
p.
279). Même si une telle exonération a expressément été
voulue
par ledit Conseil, elle relève cependant sous l'empire du
nouveau droit en matière d'impôt fédéral direct (cf. consid.
4a et 4b ci-dessus), comme d'ailleurs sous celui de l'arrêté
du Conseil fédéral du 9 décembre 1940 concernant la percep-
tion d'un impôt fédéral direct (ci-après: AIFD; l'arrêté du
Conseil fédéral, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994; cf.
art. 65 ss AIFD; cf. également ATF 121 II 473 consid. 3b p.
481-483), de la compétence exclusive des autorités fiscales
vaudoises. A cet égard, rien ne permet de retenir que, dans
sa décision, dont la teneur exacte demeure inconnue, le Con-
seil fédéral ait voulu - à supposer qu'il en ait eu le pou-
voir - soustraire définitivement cette question à leur compé-
tence. Au demeurant, même si tel avait été le cas, il est
douteux qu'une telle décision puisse actuellement faire obs-
tacle à l'application des règles posées par le législateur
fédéral en matière de répartition des compétences entre les
diverses autorités (cf. consid. 4a et 4b ci-dessus). En ou-
tre, même si le fisc vaudois a admis l'exonération de la re-
courante pendant de nombreuses années, il pouvait légitime-
ment revoir son appréciation juridique lors de la taxation
pour la période fiscale en cause, celle-ci devant
s'effectuer
en application d'un nouveau droit (cf. dans ce sens Archives
55 p. 214 consid. 3b p. 217-218 = RDAF 1988 p. 182 consid.
3b
p. 185-186). Ce changement de législation empêche d'ailleurs
l'intéressée de se prévaloir avec succès de sa bonne foi
(sur

les conditions d'application du droit à la protection de la
bonne foi, cf. RF 55/2000 p. 24 consid. 3b p. 30-31, 54/1999
p. 118 consid. 8b p. 125 et la jurisprudence citée).

5.- a) L'art. 56 lettre b LIFD, dans sa teneur en
vigueur en 1995, prévoit l'exonération de l'impôt sur le bé-
néfice et le capital pour les cantons et leurs établisse-
ments.

b) La notion d'établissement au sens de cette dis-
position se recoupe avec celle d'établissement de droit pu-
blic communément admise en droit administratif. Elle
recouvre
toute institution régie par le droit public, créée et sur-
veillée par l'Etat ou une autre corporation de droit public,
dotée de moyens financiers et de personnel et destinée à
l'accomplissement durable de tâches de droit public (cf. Gre-
ter, op. cit., n. 5 par renvoi du n. 9 ad art. 56 LIFD qui
se
réfère à Kuster, op. cit., p. 16 et les références citées).
Un tel établissement se distingue notamment d'une société de
droit public, notamment d'une société anonyme au sens de
l'art. 763 CO (cf. dans ce sens ATF 115 Ib 233 consid. 1 p.
234-235 et consid. 3 p. 237-238; Pierre Moor, Droit adminis-
tratif, vol. III, Berne 1992, p. 67 ss et 79 ss; Kuster, op.
cit., p. 16-20 et 27-29; cf. également Marc Russenberger,
Die
Sonderstellung der Schweiz. Kantonalbanken, thèse Zurich
1988, p. 62-67; Hans Beeli, Das öffentliche und gemischtwirt-
schaftliche Unternehmen am Beispiel der Luzerner und Zuger
Kantonalbank, p. 61-67; Dieter Zobl, in Kommentar zum Bundes-
gesetz über die Banken und Sparkassen, n. 6 et 20 ss ad art.
3a LB; Gaudenz Schwitter, Die Privatisierung von Kantonal-
banken, thèse Fribourg 2000, p. 65-71).

La BCV est une société anonyme de droit public au
sens de l'art. 763 al. 2 CO qui, depuis sa création, n'a ja-
mais bénéficié de la garantie de l'Etat (cf. Kuster, op.
cit., p. 28 note 191; Exposé des motifs et projet de loi sur

la Banque Cantonale Vaudoise adopté par le Conseil d'Etat
vaudois le 15 janvier 2001, n. 248, P.L. 1/01, R. 3/01, p.
8). Le fait qu'une telle garantie limitée à 40'000 fr. par
déposant profite aux dépôts auprès de la Caisse d'Epargne
Cantonale Vaudoise ne change au demeurant rien à l'apprécia-
tion de la nature juridique de la recourante. Il ne s'agit
en
effet que d'un appui très partiel à une entité ne dépendant
d'elle que depuis le 31 décembre 1995 (cf. art. 2 et 3 du dé-
cret du 20 juin 1995 sur l'organisation de ladite Caisse).
L'intéressée ne peut dès lors être assimilée à un établisse-
ment de droit public cantonal (cf. dans ce sens Blaise
Knapp,
Aspects du droit des banques cantonales, in Festschrift für
Ulrich Häfelin, Zurich 1989, p. 459 ss, p. 460-461; Zobl,
op.
cit., n. 27 ad art. 3a LB; Kuster, op. cit. p. 28; Moor, op.
cit., p. 81) et ne saurait par conséquent bénéficier du
motif
d'exonération prévu par l'art. 56 lettre b LIFD (cf. dans ce
sens Greter, op. cit., n. 8 par renvoi du n. 9 ad art. 56
LIFD; d'un avis contraire, Peter Locher, Steuerrechtliche As-
pekte der Privatisierung, in Rechtliche Probleme der Priva-
tisierung, Berne 1998, p. 241 ss, p. 251). Le fait qu'elle
tire son existence d'une loi cantonale et que son administra-
tion s'effectue avec le concours du canton n'y change rien,
l'art. 763 al. 2 CO prévoyant expressément de telles caracté-
ristiques pour les sociétés anonymes de droit public qu'il
mentionne sans les assimiler aux établissements publics can-
tonaux.

c) Au demeurant, sous l'empire de l'arrêté du Con-
seil fédéral, la BCV n'était pas exonérée pour le motif
qu'elle était vue comme un établissement de droit public can-
tonal (cf. art. 16 ch. 1 et 2 AIFD; Heinz Masshardt/François
Gendre, Commentaire IDN, Lausanne 1980, n. 4 ad art. 16;
Charles Perret/Pierre Grosheintz, Commentaire de l'arrêté
concernant l'impôt fédéral pour la défense nationale, Zurich
1941, n. 3 ad art. 16; Ernst Känzig, Wehrsteuer, Ière
partie,
2ème éd. Bâle 1982, n. 3 et 6 ad art. 16 AIFD), mais en rai-

son du fait que la participation du canton à son capital-ac-
tions était considérée comme affectée à des services publics
au sens de l'art. 16 ch. 2 AIFD (cf. Kuster, op. cit., p.
279; Locher, op. cit., p. 251). Or, du moment que les motifs
d'exonération prévus par l'art. 56 LIFD (à l'exceptions des
lettres g et h) ont matériellement une portée analogue à cel-
le des cas mentionnés aux art. 16 et 17 AIFD (cf. Message du
Conseil fédéral du 25 mai 1983 concernant les lois fédérales
sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des
communes ainsi que sur l'impôt fédéral, in FF 1983 III p. 1
ss, p. 198 et 349-350) et ont été adoptés par les Chambres
fédérales sans modifications par rapport au projet du
Conseil
fédéral, il n'y a aucune raison de s'écarter pour l'interpré-
tation de l'art. 56 lettre b LIFD de la pratique en vigueur
sous l'ancien droit (cf. dans ce sens, s'agissant de l'inter-
prétation de l'art. 56 lettre c LIFD, ATF 125 II 177 consid.
3b p. 180-181 et les références citées).

6.- a) Aux termes de l'art. 56 lettre g LIFD, égale-
ment dans sa teneur en vigueur en 1995, les personnes
morales
poursuivant des buts de service public ou de pure utilité pu-
blique sont exonérées sur le bénéfice et le capital exclusi-
vement et irrévocablement affectés à ces buts; des buts éco-
nomiques ne peuvent être considérés en principe comme étant
d'intérêt public. L'acquisition et l'administration de par-
ticipations en capital importantes à des entreprises ont un
caractère d'utilité publique lorsque l'intérêt au maintien
de
l'entreprise occupe une position subalterne par rapport au
but d'utilité publique et que des activités dirigeantes ne
sont pas exercées.

b) Une personne morale poursuit des buts de pure
utilité publique lorsqu'elle fournit des prestations de ma-
nière désintéressée, dans l'intérêt
général, en faveur d'un
cercle en principe illimité de destinataires (cf. Greter,
op.
cit., n. 28 ss ad art. 56 LIFD).

Elle poursuit des buts de service public si elle
accomplit des tâches étroitement liées aux tâches étatiques
(cf. Greter, op. cit., n. 35 ss ad art. 56 LIFD). Tel n'est
notamment pas le cas, en règle générale, si elle vise princi-
palement des buts lucratifs, quand bien même elle serait éga-
lement au service de buts d'intérêt public. Une exonération,
du moins partielle, demeure toutefois possible si elle est
chargée de tâches d'intérêt public par un acte de droit pu-
blic (par exemple une loi), si elle est soumise à une cer-
taine surveillance de la collectivité publique et si ses
fonds propres sont affectés par ses statuts de manière ex-
clusive et irrévocable à ses buts d'intérêt public qu'elle
réalise en outre effectivement (cf. Archives 63 p. 138 ss,
p.
141-142; cf. également Greter, op. cit., n. 39 ad art. 56
LIFD; Madeleine Simonek, Steuerbefreiung und Privatisierung,
in L'Expert-comptable suisse 2000 p. 230 ss; Peter Agner/An-
gelo Digeronimo/Hans-Jürg Neuhaus/Gotthard Steinmann, Kommen-
tar zum Gesetz über die direkte Bundessteuer,
Ergänzungsband,
Zurich 2000, n. 11a ad art. 56 LIFD).

7.- a) La définition des buts poursuivis par la BCV
a évolué au fil des révisions successives de sa loi d'organi-
sation.

Selon le préambule du décret du Grand Conseil vau-
dois du 19 décembre 1845, l'intéressée a été constituée eu
égard aux avantages qu'offrirait à l'agriculture, à l'indus-
trie et au commerce du canton, une institution de crédit
ayant pour but de fournir aux citoyens la facilité de se pro-
curer de l'argent à un taux d'intérêt modéré et moyennant
des
garanties suffisantes, ainsi que de mettre en circulation
une
assez grande quantité de numéraire alors improductif.

Selon la loi cantonale du 24 novembre 1965, qui a
succédé audit décret, la recourante devait contribuer au dé-
veloppement du commerce, de l'industrie, de l'artisanat, du

tourisme, de l'agriculture et de la viticulture; toute opéra-
tion spéculative lui était en outre interdite (cf. art. 2).

Entrée en vigueur le 1er novembre 1981 et demeurée
en force jusqu'au 31 décembre 1995, soit jusqu'au terme de
la
période fiscale litigieuse, la loi cantonale du 25 mai 1981
assigne à la BCV la mission de contribuer, dans les différen-
tes régions du canton, au développement de toutes les bran-
ches de l'économie privée et au financement des tâches des
collectivités et corporations publiques; elle traite toutes
les opérations bancaires prévues dans ses statuts et s'abs-
tient de toute opération à caractère purement spéculatif
(cf.
art. 3).

b) L'art. 3 des statuts de la recourante du 9 novem-
bre 1981 (ci-après: les statuts), en vigueur jusqu'au 31 dé-
cembre 1995, prévoit que, dans le but de contribuer dans les
différentes régions du canton au développement de toutes les
branches de l'économie privée et au financement des tâches
des collectivités et corporations publiques, l'intéressée
traite notamment les opérations bancaires suivantes: (a) ré-
ception de fonds en dépôts sous toutes les formes bancaires
usuelles; (b) réception de fonds en qualité d'office de con-
signation légal; (c) escompte et encaissement d'effets de
change; (d) ouverture de crédits garantis ou en blanc; (e)
crédits hypothécaires; (f) achat et vente de
papiers-valeurs,
de monnaies étrangères, de devises et de métaux précieux;
(g)
ouverture de crédits documentaires, paiement et encaissement
d'accréditifs; (h) octroi de garanties bancaires; (i) garde
et gérance de titres et objets de valeur, gestion de
fortunes
et de fonds de prévoyance, location de compartiments de cof-
fres-forts; (j) prise ferme d'emprunts et participation aux
émissions et opérations financières de corporations de droit
public, de sociétés et de particuliers, individuellement ou
dans le cadre de syndicats; (k) prise de participations per-
manentes ou temporaires dans des entreprises commerciales,

industrielles, financières et bancaires, y compris, le cas
échéant, la participation à la gestion de ces entreprises;
(l) exécution de fonctions de domicile de souscription et de
banque dépositaire de fonds de placements; (m) achat et ven-
te, pour son propre compte, d'immeubles ou de
capital-actions
de sociétés immobilières; (n) toutes opérations ordinaires
de
banques.

Cette disposition indique également que la recouran-
te coopère à l'activité de l'Union des Banques Cantonales
Suisses et s'abstient de toute opération à caractère
purement
spéculatif.

8.- a) La BCV ne poursuit manifestement pas des buts
de pure utilité publique au sens de l'art. 56 lettre g LIFD.
Elle ne le prétend d'ailleurs pas.

Comme l'a relevé l'autorité intimée, les activités
qui lui sont assignées par l'art. 3 de la loi cantonale du
25
mai 1981 ainsi que par l'art. 3 de ses statuts (cf. consid.
7
ci-dessus) apparaissent toutefois, du moins en partie, comme
d'intérêt public dans la mesure où elles visent la promotion
de l'économie cantonale et le soutien aux collectivités pu-
bliques. De tels objectifs légaux et statutaires ne consti-
tuent cependant des buts de service public au sens de l'art.
56 lettre g LIFD que si l'intéressée les réalise effective-
ment (cf. dans ce sens ATF 114 Ib 277 consid. 3a p. 279 et
les références citées).

b) Il n'est pas douteux que la recourante a été
créée essentiellement afin de poursuivre des objectifs d'in-
térêt public (cf. consid. 7a ci-dessus), comme d'ailleurs
l'ensemble des autres banques cantonales (cf. Russenberger,
op. cit., p. 1 ss; Knapp, op. cit., p. 467; Zobl, op. cit.,
n. 7 ad art. 3a LB). Au fil des décennies et jusqu'à la pé-
riode fiscale litigieuse, son activité a toutefois évolué

vers celle d'une banque universelle - ce qui ressort claire-
ment de la liste des services qu'elle offrait durant ladite
période (cf. art. 3 de ses statuts) - et s'est finalement
concentrée de manière prioritaire sur la recherche du profit
(cf. notamment la "Charte d'entreprise" et "La BCV en 1995",
p. 9 et 21-24 de son rapport annuel 1995). Une telle évolu-
tion correspond à celle des autres grandes banques cantona-
les, dont les tâches sont devenues comparables à celles des
établissements bancaires privés avec lesquels elles sont en
concurrence directe (cf. dans ce sens ATF 120 II 321 consid.
2d p. 325-326; cf. également Beeli, op. cit., p. 182-191;
Knapp, op. cit., p. 470; Thomas Hammer, Aufgabenwandel bei
öffentlich-rechtlichen Unternehmungen, dargestellt am Bei-
spiel der Kantonalbanken, in Festgabe Alfred Rötheli,
Soleure
1990, p. 417 ss, p. 419 et 425 ss; Ulrich Zimmerli,
Bedeutung
und Zukunft der Kantonalbanken, in Aktuelle Probleme im Bank-
recht, Berne 1994, p. 85-86; Kuster, op. cit. p. 235-236).
L'intéressée admet du reste expressément cette évolution et
reconnaît être devenue, comme la plupart des instituts ban-
caires cantonaux, une banque universelle offrant toute la
gamme des produits bancaires.

c) Dans ces conditions, même si, au cours de la pé-
riode fiscale litigieuse, la recourante poursuivait encore
effectivement certains buts d'intérêt public, l'orientation
générale de ses activités était prioritairement dirigée vers
la recherche du profit. Aucune disposition de ses statuts ne
prescrivait en outre qu'une partie de ses fonds propres de-
vait être affectée de manière exclusive et irrévocable à ses
buts d'intérêt public (cf. consid. 6b ci-dessus). Elle n'a
de
plus fait valoir aucune charge financière spéciale liée à
l'accomplissement de tels buts. Elle ne peut dès lors bénéfi-
cier d'une exonération, même partielle, fondée sur l'art. 56
lettre g LIFD.

9.- a) La BCV se plaint d'une inégalité de traite-
ment en affirmant que les banques cantonales de Zoug, du Ju-
ra, du Valais et de Genève, qui, comme elle, sont organisées
sous la forme de sociétés anonymes de droit public, ont con-
tinué à bénéficier jusqu'à ce jour d'une exonération propor-
tionnelle à la participation du canton dans leur capital-
actions.

b) Ce moyen n'est pas fondé. En effet, tant devant
l'autorité intimée, que dans ses déterminations sur le pré-
sent recours, l'Administration fédérale des contributions a
expressément indiqué qu'à l'issue de la présente procédure,
elle mettrait tout en oeuvre pour que les autorités fiscales
cantonales compétentes en matière d'impôt fédéral direct
traitent de manière identique les banques cantonales dans la
même situation que l'intéressée. Les conditions pour que cel-
le-ci puisse bénéficier de l'égalité dans l'illégalité ne
sont ainsi pas réunies (cf. ATF 125 II 152 consid. 5 p.
166;
122 II 446 consid. 4a p. 451-452 et les références citées).

Lausanne, le 30 avril 2001


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.545/2000
Date de la décision : 30/04/2001
2e cour de droit public

Analyses

Impôt fédéral direct; banque cantonale; exonération. Une décision du Conseil fédéral prise en matière d'"impôt fédéral de guerre" ne peut fonder une exonération sous l'empire du droit actuel en matière d'impôt fédéral direct (consid. 4). La Banque Cantonale Vaudoise ne peut être exonérée, ni en vertu de l'art. 56 let. b LIFD (consid. 5), ni en vertu de l'art. 56 let. g LIFD (consid. 6-8). Égalité dans l'illégalité: conditions non réunies en l'espèce (consid. 9).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-30;2a.545.2000 ?
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