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27/04/2001 | SUISSE | N°H.234/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 avril 2001, H.234/00


«AZA 7»
H 234/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 27 avril 2001

dans la cause

B.________, recourant, représenté par Maître Nicole
Dournow, avocate, avenue Pictet-de-Rochemont 27,
1207 Genève,

contre

Caisse interprofessionnelle d'AVS de la Fédération romande
des syndicats patronaux, rue de St-Jean 98, 1201 Genève,
intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d

'AVS/AI, Genève

A.- La société X.________ SA était affiliée à la
Caisse interprofessionnelle d'AVS de la Fédération romande
des...

«AZA 7»
H 234/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 27 avril 2001

dans la cause

B.________, recourant, représenté par Maître Nicole
Dournow, avocate, avenue Pictet-de-Rochemont 27,
1207 Genève,

contre

Caisse interprofessionnelle d'AVS de la Fédération romande
des syndicats patronaux, rue de St-Jean 98, 1201 Genève,
intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

A.- La société X.________ SA était affiliée à la
Caisse interprofessionnelle d'AVS de la Fédération romande
des syndicats patronaux (ci-après : la caisse). Son conseil
d'administration était composé de A.________, président, et
de B.________, administrateur, tous deux au bénéfice de la
signature individuelle.

Dès le mois de mars 1987, la société a accumulé du retard
dans le paiement des cotisations dues à la caisse. Entre
1988 et 1991, cette dernière lui a ainsi notifié une quin-
zaine de commandements de payer. Au mois de juin 1990, la
caisse a également déposé plainte pénale contre les deux
administrateurs. Par jugement du 18 octobre 1994, le Tri-
bunal de police du canton de Genève a toutefois acquitté
A.________ et B.________ du chef d'accusation de détourne-
ment de cotisations AVS. Entre-temps, le 23 août 1991,
X.________ SA a été déclarée en faillite par le Tribunal de
première instance du canton de Genève. La liquidation de la
société a été suspendue le 24 octobre 1994 et la faillite
clôturée par défaut d'actifs le 12 décembre 1994.
Par deux décisions du 19 septembre 1995, la caisse a
réclamé à A.________ et à B.________ un montant de
29 165 fr., somme correspondant au dommage subi par elle
ensuite de la faillite de X.________ SA.
La notification de la décision concernant A.________
s'est révélée infructueuse, l'intéressé ayant quitté la
Suisse sans laisser d'adresse. Quant au pli adressé à
B.________, remis à la poste le 18 septembre 1995 et indi-
quant l'ancienne adresse du prénommé, il a été renvoyé par
l'office postal destinataire avec la mention «a déménagé;
délai de réexpédition expiré». Après avoir eu connaissance
de sa nouvelle adresse, la caisse lui a communiqué, le
14 novembre 1995, une nouvelle décision de même teneur que
la précédente. Le 24 décembre 1995, B.________ a fait oppo-
sition contre cette décision.

B.- La caisse a porté le cas devant la Commission
cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-
vieillesse, survivants et invalidité (ci-après : la
commission), en concluant, préalablement, à l'irreceva-
bilité (pour cause de tardiveté) de l'opposition formée par

B.________ et, principalement, à ce que ce dernier fût
condamné à lui payer la somme de 29 165 fr.
Par jugement du 31 mars 2000, la commission a déclaré
l'opposition de l'intéressé recevable et admis la demande
de la caisse dans sa totalité.

C.- B.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert l'annulation, en
concluant au rejet de la demande de la caisse.
La caisse conclut au rejet du recours, tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas
déterminé.

Considérant en droit :

1.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le
Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner
si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation,
ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2 OJ).

2.- Le recourant soulève tout d'abord le moyen tiré de
la péremption du droit de la caisse de lui réclamer la ré-
paration du dommage qu'elle invoque. Selon lui, c'est à
tort que la commission a estimé que la caisse avait res-
pecté le délai d'une année prévu par l'art. 82 RAVS. En
effet, dans la mesure où le pli contenant la décision du
19 septembre 1995 ne l'avait pas atteint, ce n'est que par
l'envoi de la décision du 14 novembre 1995 que la caisse
lui avait valablement notifié sa demande en réparation. Or
à ce moment-là, le délai de péremption était déjà échu. En

tout état de cause, la décision du 19 septembre 1995 devait
être considéré comme nulle : d'une part, elle avait été
remplacée par une nouvelle décision du 14 novembre 1995 et,
d'autre part, elle était postdatée.

3.- a) L'art. 82 RAVS règle la prescription du droit
de la caisse de compensation de demander la réparation du
dommage. Un tel droit se prescrit lorsque la caisse ne le
fait pas valoir par une décision de réparation dans l'année
après qu'elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas,
à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait
dommageable (al. 1). Lorsque ce droit dérive d'un acte
punissable soumis par le code pénal à un délai de prescrip-
tion de plus longue durée, ce délai est applicable (al. 2).
En dépit de la terminologie dont use l'art. 82 RAVS, les
délais institués par cette norme ont un caractère péremp-
toire (ATF 121 III 388 consid. 3b, 119 V 92 consid. 3,
118 V 195 consid. 2b et les références).
Par moment de la «connaissance du dommage» au sens de
l'art. 82 al. 1 RAVS, il faut entendre, en règle générale,
le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre
compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement
exigible, que les circonstances effectives ne permettaient
plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient
entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF
121 III 388 consid. 3b, 119 V 92 consid. 3, 118 V 195
consid. 3a et les références).
Lorsque la liquidation de la faillite est suspendue
faute d'actifs, le délai d'une année court à partir de la
publication de la suspension (RCC 1990 p. 306 con-
sid. 4c/bb).

b) En l'espèce, la suspension de la liquidation de
X.________ SA ayant été publiée le 24 octobre 1994, il est
constant que la notification de la décision du 14 novembre
1995, intervenue le 23 novembre 1995, n'a pas eu lieu dans
le délai d'une année dès la connaissance du dommage.

Il convient donc d'examiner si la caisse a fait valoir
en temps utile son droit de demander la réparation du dom-
mage en déposant sa première décision (du 19 septembre
1995) à un bureau de poste le 18 septembre 1995, bien que
le pli ait été renvoyé à l'expéditeur parce qu'il indiquait
une adresse erronée.

4.- a) Selon la jurisprudence, le délai pour faire
valoir une créance en réparation du dommage est sauvegardé
par la remise en temps utile de la décision en réparation à
un bureau de poste et non par sa notification régulière au
destinataire. Du moment que le prononcé d'une décision de
réparation du dommage est l'unique moyen d'éviter la pé-
remption du droit et qu'au moment du prononcé de cette
décision, il n'existe en principe aucun litige ni aucune
procédure en cours entre la caisse et la personne tenue à
réparation, le respect du délai de péremption dépend dès
lors uniquement des mesures entreprises par la caisse et
non de circonstances en rapport avec le fonctionnement de
la poste ou de l'attitude du destinataire, sur laquelle la
caisse n'a aucune influence. Celle-ci fait donc valoir son
droit en temps utile au sens de l'art. 82 RAVS, lorsqu'elle
remet la décision en réparation du dommage à la poste dans
l'année après qu'elle a eu connaissance du dommage et, en
tout cas, avant l'expiration d'un délai de cinq ans à
compter du fait dommageable, les délais de prescription
pénale plus longs étant réservés (ATF 119 V 96 consid. 4c).

b) Dans le cas particulier, bien que l'indication de
l'ancienne adresse du recourant ne soit pas une circons-
tance directement en rapport avec le fonctionnement de la
poste, ni avec l'attitude du destinataire, il y a lieu de
considérer que la caisse, en remettant sa décision à la
poste le 18 septembre 1995, soit dans le délai prescrit à
l'art. 82 RAVS, a fait valoir en temps utile sa créance en
réparation du dommage. En effet, la non-communication d'une
décision n'affecte pas sa validité mais exclusivement son

opposabilité, c'est-à-dire ses effets. Une décision qui n'a
pas été notifiée n'est pas nulle, mais elle ne peut avoir
aucun effet pour celui auquel elle aurait dû être notifiée
(Knapp, Précis de droit administratif, 4ème édition Bâle
1991, n. 699 p. 152). En l'occurrence, cela a notamment
pour conséquence que le délai pour former opposition contre
la décision en réparation du dommage n'a commencé à courir
qu'à partir de sa notification effective au recourant. A
cet égard, il importe peu que la caisse n'a pas procédé à
une nouvelle notification de sa décision du 19 septembre
1995, mais en a rendu une seconde en date du 14 novembre
1995. A l'évidence, il s'agit de la même décision puisque
le contenu en est strictement identique. On ne saurait y
voir, comme le voudrait le recourant, deux décisions diffé-
rentes dont l'une serait annulée par l'autre. C'est égale-
ment en vain que le recourant excipe de la nullité de la
décision du 19 septembre 1995 au motif que celle-ci porte
une date postérieure d'un jour à son établissement. C'est
une inadvertance qui n'a aucune conséquence sur sa validité
formelle.

5.- a) Le jugement entrepris expose correctement les
dispositions légales et la jurisprudence applicables en
matière de responsabilité de l'employeur et des organes de
celui-ci (art. 52 LAVS), de sorte qu'il suffit d'y ren-
voyer.

b) Les premiers juges ont constaté, de manière à lier
la Cour de céans (consid. 1) que le recourant, inscrit com-
me administrateur de X.________ SA dès le 14 février 1983,
avait conservé cette fonction par amitié envers A.________
jusqu'au 21 mai 1991, quand bien même il s'était retiré, en
1985 déjà, de la gestion de la société. Ils ont également
retenu qu'il était au courant des difficultés financières
de la société mais qu'il n'avait rien entrepris pour re-
médier à cette situation, s'en remettant sur ce point aux
explications fournies par A.________. Ils en ont déduit

que le recourant avait, par son attitude passive, commis
une négligence grave au sens de l'art. 52 LAVS, laquelle
était en relation de causalité naturelle et adéquate avec
le dommage subi par la caisse.

c) Comme en procédure cantonale, le recourant fait va-
loir qu'il a effectivement quitté la société en 1985 et
qu'il n'avait eu, depuis lors, plus aucune influence sur la
marche des affaires de la fiduciaire. Le seul reproche
qu'on pouvait lui adresser était d'avoir omis d'effectuer
sa radiation comme administrateur auprès du registre du
commerce dès son retrait effectif du conseil d'administra-
tion. En outre, il estime que son comportement, qualifié de
léger par les premiers juges, ne saurait constituer une né-
gligence grave au sens de l'art. 52 LAVS.

d) Cette argumentation se situe à la limite de la té-
mérité. Non seulement le recourant s'est borné, durant
toute la procédure, à prétendre sa démission du conseil
d'administration sans pouvoir en apporter la moindre
preuve, mais il a encore reconnu, devant le juge d'ins-
truction pénal, «que du moment où (il avait) conservé ces
fonctions, (il était) solidairement responsable avec
A.________» (cf. procès-verbal de l'audience du 26 février
1991).
En demeurant administrateur sans en assumer la charge
dans les faits, le recourant a tout simplement méconnu
l'une des attributions intransmissibles et inaliénables que
lui confère l'art. 716a al. 1 CO, soit l'exercice de la
haute surveillance sur les personnes chargées de la ges-
tion, pour s'assurer notamment que celles-ci observent la
loi, les règlements et les instructions données (ch. 5). En
réalité, sa situation n'était pas très éloignée à celle
d'un homme de paille, et c'est précisément en cela que ré-
side sa faute, car celui qui se déclare prêt à assumer ou à
conserver un mandat d'administrateur, tout en sachant qu'il
ne pourra pas le remplir consciencieusement, viole son

obligation de diligence (ATF 122 III 200 consid. 3b; RDAT
1993, I, p. 374 consid. 6). Sa négligence doit donc, sous
l'angle de l'art. 52 LAVS, être qualifiée de grave (ATF
112 V 3 consid. 2b), surtout qu'elle s'est prolongée sur
une période relativement longue. Que le recourant a finale-
ment été acquitté de toute infraction en relation avec le
non paiement des cotisations AVS n'est pas ici un élément
décisif car, comme l'ont fait remarquer à juste titre les
premiers juges, l'infraction réprimée à l'art. 87 al. 3
LAVS est soumise à des conditions de punissabilité diffé-
rentes.
La passivité du recourant est, de surcroît, en rela-
tion de causalité naturelle et adéquate avec le dommage
subi par la caisse de compensation. En effet, s'il avait
correctement exécuté son mandat, il aurait pu constater que
les cotisations sociales étaient impayées et prendre les
mesures qui s'imposaient; s'il n'avait plus la volonté de
s'occuper de la gestion de la société, il devait alors dé-
missionner de ses fonctions. Ne l'ayant pas fait, il répond
du dommage qui en est résulté pour la caisse.
Le recours est mal fondé.

6.- La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un
litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de presta-
tions d'assurance (art. 134 OJ a contrario). Le recourant,
qui succombe, supportera les frais de justice (art. 156
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Les frais de justice, d'un montant de 1900 fr., sont
mis à la charge du recourant et sont compensées avec
l'avance de frais
qu'il a effectuée.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 27 avril 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.234/00
Date de la décision : 27/04/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-27;h.234.00 ?
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