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27/04/2001 | SUISSE | N°C.103/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 avril 2001, C.103/00


«AZA 7»
C 103/00 Vr

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berthoud, Greffier

Arrêt du 27 avril 2001

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, 3003 Berne,
recourant,
contre

B.________, intimé, représenté par Maître Jean-Claude
Schweizer, avocat, avenue de la Gare 1, 2001 Neuchâtel,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- T.________ a travaillé en qualité de chauffeur

au
service de l'entreprise de transports B.________. Durant
quelques mois, de 1994 à 1995, la Caisse cantonale neuchâ-
teloise d...

«AZA 7»
C 103/00 Vr

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berthoud, Greffier

Arrêt du 27 avril 2001

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, 3003 Berne,
recourant,
contre

B.________, intimé, représenté par Maître Jean-Claude
Schweizer, avocat, avenue de la Gare 1, 2001 Neuchâtel,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- T.________ a travaillé en qualité de chauffeur au
service de l'entreprise de transports B.________. Durant
quelques mois, de 1994 à 1995, la Caisse cantonale neuchâ-
teloise d'assurance-chômage (la caisse) a versé des indem-
nités en cas de réduction de l'horaire de travail en faveur
d'T.________.
Le 14 février 1997, au plus tard, la caisse a été in-
formée qu'un litige civil opposait T.________ à son ancien
employeur devant le Tribunal cantonal, B.________ soutenant

avoir conclu un contrat de travail sur appel avec le
travailleur, tandis que ce dernier prétendait qu'il s'agis-
sait d'un contrat de travail à plein temps. Le litige a
pris fin le 7 décembre 1998, lorsque le Tribunal cantonal a
statué que les parties étaient liées par un contrat de
travail sur appel. Aussi, le 4 mars 1999, la caisse a-t-
elle décidé de refuser l'indemnité en cas de réduction de
l'horaire de travail à l'entreprise B.________ pour son
employé T.________, puis d'exiger la restitution de
13 514 fr. 95 versés à tort en 1994 et 1995.
B.________ a recouru contre cette décision devant le
Département de l'économie publique du canton de Neuchâtel,
qui l'a débouté par décision du 24 septembre 1999.

B.- B.________ a déféré cette décision devant le
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel en concluant
à son annulation.
Par jugement du 2 mars 2000, la juridiction cantonale
a admis le recours, annulé les décisions des 4 mars et
24 septembre 1999 et alloué 600 fr. à titre de dépens.

C.- Le Secrétariat d'Etat à l'économie interjette
recours de droit administratif contre ce jugement dont il
demande l'annulation.
B.________ conclut au rejet du recours, avec suite de
dépens, tandis que la caisse en propose l'admission.

Considérant en droit :

1.- a) Selon l'art. 95 al. 1 LACI, la caisse est tenue
d'exiger du bénéficiaire la restitution des prestations de
l'assurance auxquelles il n'avait pas droit. Elle exige de
l'employeur la restitution d'indemnités allouées en cas de
réduction de l'horaire de travail ou d'intempéries quand
cette indemnité a été versée à tort.

Aux termes de l'art. 95 al. 4, première phrase, LACI,
le droit de répétition se prescrit une année après que
l'organe qui a payé a eu connaissance des faits, mais au
plus tard cinq ans après le versement de la prestation.
Nonobstant la terminologie légale, il s'agit de délais de
péremption.
Selon la jurisprudence, le délai de péremption d'une
année de l'art. 95 al. 4 LACI commence à courir dès le
moment où la caisse de chômage aurait dû connaître les
faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve
de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger
d'elle. Cette jurisprudence s'inspire des principes déve-
loppés à propos de la réglementation analogue figurant à
l'art. 47 al. 2 LAVS. Elle vise un double but, à savoir
obliger l'administration à faire preuve de diligence, d'une
part, et protéger l'assuré au cas où celle-ci manquerait à
ce devoir de diligence, d'autre part. Elle est au demeurant
en harmonie avec les principes développés par le Tribunal
fédéral des assurances à propos de l'art. 82 al. 1 RAVS,
qui fixe le début du délai d'une année dans lequel la cais-
se de compensation doit demander la réparation d'un dommage
selon l'art. 52 LAVS dans des termes semblables à ceux
figurant à l'art. 47 al. 2 LAVS.

b) Ces principes correspondent à ceux qui s'appliquent
en droit civil. Selon la jurisprudence relative à l'art. 60
al. 1 CO, le créancier connaît suffisamment le dommage
lorsqu'il apprend, touchant son existence, sa nature et ses
éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver
une demande en justice; le créancier n'est pas admis à
différer sa demande jusqu'au moment où il connaît le mon-
tant absolument exact de son préjudice, car le dommage peut
devoir être estimé selon l'art. 42 al. 2 CO. Au demeurant,
le dommage est suffisamment défini lorsque le créancier
détient assez d'éléments pour qu'il soit en mesure de l'ap-
précier (ATF 113 V 183 consid. 3b et les arrêts cités).

2.- a) Le litige porte sur le moment à partir duquel
la caisse a eu connaissance, au sens de l'art. 95 al. 4
LACI, du caractère indu des prestations qu'elle avait ver-
sées de 1994 à 1995. Le recourant estime qu'il s'agit du
7 décembre 1998, alors que l'intimé soutient qu'il faut
partir du 14 février 1997.

b) En bref, le Tribunal administratif a considéré que
le droit de la caisse de demander la restitution des pres-
tations versées à tort était périmé une année après le mois
de février 1997. Selon la juridiction de recours, la caisse
a su, à ce moment-là, que l'employeur prétendait être lié
avec le travailleur par un contrat de travail sur appel. Le
Tribunal a ajouté que cette thèse, même si elle n'avait pas
encore été confirmée par le juge civil, pouvait sans autre
être opposée à l'employeur puisqu'il la soutenait lui-même.
L'intimé partage ce point de vue. Il estime par ail-
leurs que le simple fait, pour l'administration, d'avoir
reçu des informations propres à faire naître des doutes sur
le bien-fondé d'une indemnisation et d'avoir effectivement
nourri des doutes à ce sujet suffit à faire courir le délai
d'une année prévu à l'art. 95 al. 4 LACI.

3.- Il n'est pas contestable que la nature du contrat
qui liait l'intimé et T.________ était susceptible d'avoir
une incidence sur le droit de l'assuré aux indemnités en
cas de réduction de l'horaire de travail. En effet, selon
la jurisprudence, le travailleur sur appel ne subit, en
principe, pas de perte de travail, respectivement pas de
perte de gain à prendre en considération lorsqu'il n'est
pas appelé, car le nombre de jours où il est amené à tra-
vailler est considéré comme normal (ATF 107 V 61 consid. 1
et les références; DTA 1998 n° 20 p. 101 consid. 2a, 1995
n° 9 p. 48 consid. 2a, 1991 n° 7 p. 82 consid. 2c). Dans ce
cas, un salarié ne remplit pas la condition du droit à
l'indemnité prévue par l'art. 8 al. 1 let. b LACI.

A cet égard, l'autorité fédérale de surveillance relè-
ve à juste titre, dans son recours, que l'existence d'un
contrat de travail sur appel n'était pas clairement établie
en février 1997 et que les points de vue de l'employeur et
du travailleur étaient contradictoires à ce sujet. En ef-
fet, deux mois plus tôt (en décembre 1996), T.________
venait de saisir la justice civile afin d'obtenir le paie-
ment de salaires en contestant précisément l'existence d'un
engagement sur appel.
En pareilles circonstances, la caisse n'avait toute-
fois pas besoin de trancher elle-même cette question à
titre préjudiciel afin de procéder selon l'art. 95 al. 1
LACI en connaissance de cause, car cette tâche incombait
déjà au juge civil. De plus, un tel examen de la part de la
caisse aurait manifestement nui à la sécurité du droit, car
deux autorités auraient procédé parallèlement au même exa-
men, ce qui aurait risqué d'aboutir à deux solutions diffé-
rentes et, le cas échéant, à une procédure de révision de
la décision (cf. ATF 119 V 184 consid. 3a, 477 consid. 1a,
VSI 1997 p. 29 consid. 4b/cc; Meyer-Blaser, Résiliation
abusive du contrat de travail, nouvelles règles du Code des
obligations en la matière et incidences de ces dernières
dans le domaine de l'assurance sociale, en particulier sur
le maintien de la couverture d'assurance et le droit aux
prestations, in : Droit du travail et droit des assurances
sociales, Questions choisies, Colloque de Lausanne [IRAL]
1994, pp. 188-189 ch. 3).
Enfin, un allégué - de surcroît contesté - d'un
employeur ou d'un salarié quant à la nature juridique du
contrat de travail qui les liait ne suffit pas à faire
connaître un fait fondant une obligation de restituer,
voire à faire courir le délai de péremption d'une année
prévu à l'art. 95 al. 4 LACI. La situation pourrait en
revanche être différente, dans l'éventualité où les avis
des parties seraient convergents à ce sujet.

4.- En l'espèce, la caisse de chômage a eu connaissan-
ce de la nature exacte du contrat de travail et des faits
pouvant justifier la restitution des indemnités au moment
où le jugement du 7 décembre 1998 lui est parvenu. Son
droit de demander la restitution des prestations versées en
1994 et 1995 n'était donc pas encore atteint par la péremp-
tion (cf. art. 95 al. 4 LACI) lorsqu'elle a rendu sa déci-
sion litigieuse le 4 mars 1999.
La cause sera dès lors renvoyée aux premiers juges
afin qu'ils examinent les autres conditions de l'art. 95
LACI et statuent à nouveau sur le recours dont ils sont
saisis.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du
2 mars 2000 est annulé, la cause lui étant renvoyée
pour qu'il procède conformément au consid. 4.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Neuchâtel, au Dépar-
tement de l'économie publique du canton de Neuchâtel,
ainsi qu'à la Caisse cantonale neuchâteloise d'assu-
rance-chômage.

Lucerne, le 27 avril 2001
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.103/00
Date de la décision : 27/04/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-27;c.103.00 ?
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