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26/04/2001 | SUISSE | N°5C.63/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 avril 2001, 5C.63/2001


«/2»
5C.63/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

26 avril 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

Dame X.________, demanderesse et recourante, représentée par
Me Ursula Zimmermann, avocate à Bienne,

et

X.________, défendeur et intimé, représenté par Me Yves
Richon, avocat à Moutier;

(divorce)

Vu les pièces du doss

ier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ et dame X.________ se sont connus
dans le courant de l'année 1997, pa...

«/2»
5C.63/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

26 avril 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

Dame X.________, demanderesse et recourante, représentée par
Me Ursula Zimmermann, avocate à Bienne,

et

X.________, défendeur et intimé, représenté par Me Yves
Richon, avocat à Moutier;

(divorce)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ et dame X.________ se sont connus
dans le courant de l'année 1997, par le biais d'une petite
annonce passée dans un journal par X.________. Celui-ci a dû
quitter la Suisse à la fin de la même année, en raison d'une
expulsion consécutive à une condamnation pénale dont il
avait
fait l'objet. Il a ensuite entrepris des démarches pour pou-
voir revenir en Suisse en vue de son mariage avec dame
X.________, qui a été célébré le 24 juillet 1998 à Bienne.
Des divergences importantes sont rapidement apparues au sein
du couple, aboutissant à une suspension de la vie commune
dès
la fin du mois d'octobre 1998.

B.- Le 20 janvier 1999, l'épouse a ouvert action en
divorce contre son mari, qui s'est opposé à la demande. Elle
a allégué que le comportement de celui qu'elle avait épousé
par amour s'était profondément modifié après la célébration;
prévenant et attentionné, le défendeur s'était rapidement
mué
en un personnage distant, refusant tout rapport intime avec
la demanderesse et offensant cette dernière tant par le
geste
que par la parole au cours de leur brève période de vie com-
mune. La demanderesse a affirmé s'être sentie trahie par un
homme dont elle avait découvert qu'il ne l'avait épousée que
pour obtenir le droit de continuer de séjourner en Suisse.

Par jugement du 8 mai 2000, le Président 1 de l'ar-
rondissement judiciaire II Bienne-Nidau a prononcé le
divorce
des parties en application de l'art. 115 CC.

C.- Saisie d'un appel du mari contre ce jugement, la
IIe Chambre civile de la Cour d'appel du canton de Berne a
rejeté la demande en divorce par jugement du 6 décembre
2000.
Elle a en outre décidé que les frais des deux instances
cantonales seraient supportés à parts égales entre les deux

parties tandis que les dépens des deux instances seraient
compensés, tout cela sous réserve de l'assistance judiciaire
gratuite octroyée aux deux parties.

D.- Agissant par la voie du recours en réforme au
Tribunal fédéral, la demanderesse conclut à la réforme du
jugement de la Cour d'appel dans le sens de l'admission de
la
demande en divorce, avec suite des frais et dépens des ins-
tances cantonales et fédérale. Elle sollicite en outre l'oc-
troi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.

Le défendeur conclut avec suite de frais et dépens
au rejet du recours et à la confirmation du jugement
attaqué.
Il demande lui aussi à être mis au bénéfice de l'assistance
judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Ayant pour objet le prononcé du divorce, la
présente cause porte sur un droit de nature non pécuniaire,
si bien que le recours est recevable du chef de l'art. 44
OJ.
Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue
en
dernière instance par le tribunal suprême du canton de
Berne,
le recours est également recevable au regard des art. 54 al.
1 et 48 al. 1 OJ.

2.- La cour cantonale a déclaré se rallier à l'ap-
préciation du premier juge selon laquelle il résulte de l'ad-
ministration des preuves que la demanderesse, qui éprouvait
sans nul doute un attachement sincère envers le défendeur, a
été manipulée et trompée par les sentiments de façade dont
le
défendeur faisait preuve à son égard avant le mariage (juge-
ment attaqué, consid. 4c; cf. dossier cantonal p. 74 in
fine). Quoique se disant ainsi "unanimement convaincue qu'en

fait le défendeur s'est marié abusivement avec la demanderes-
se", l'autorité cantonale a déclaré s'étonner de la naïveté
dont a fait preuve la demanderesse et même éprouver certains
doutes quant au fait qu'elle n'ait pas imaginé voire accepté
le risque d'être épousée pour obtenir le droit de séjourner
en Suisse (jugement attaqué, consid. 6b). En définitive, les
juges cantonaux ont considéré que la découverte par la deman-
deresse du fait que le défendeur l'avait trompé sur ses in-
tentions réelles ne constituait pas un motif sérieux au
point
de rendre l'idée même du lien conjugal si insupportable
qu'il
lui soit impossible d'attendre quatre ans avant d'obtenir le
divorce (jugement attaqué, consid. 6c).

La demanderesse soutient que les constatations de
fait de l'autorité cantonale, qui lient le Tribunal fédéral
(art. 63 al. 2 OJ), auraient dû conduire les juges cantonaux
à admettre l'action en divorce en application de l'art. 115
CC, le comportement abusif du défendeur ne méritant aucune
protection au regard de l'art. 2 al. 2 CC.

3.- a) Un époux peut demander unilatéralement le
divorce lorsque, au début de la litispendance de la demande
ou au jour du remplacement de la requête par une demande
unilatérale, les conjoints ont vécu séparés pendant quatre
ans au moins (art. 114 CC); toutefois, chaque époux peut
demander le divorce avant l'expiration du délai de quatre
ans
visé par l'art. 114 CC lorsque des motifs sérieux qui ne lui
sont pas imputables rendent la continuation du mariage insup-
portable (art. 115 CC). Le divorce peut ainsi être prononcé
sur la base de l'art. 115 CC lorsque, pour des motifs
sérieux
qui ne sont pas imputables à l'époux demandeur, on ne
saurait
raisonnablement lui imposer la continuation du mariage - à
savoir le maintien du lien conjugal - durant les quatre an-
nées de séparation qui lui permettraient d'obtenir le
divorce
sur la base de l'art. 114 CC; savoir si tel est le cas
dépend
des circonstances particulières de chaque espèce, de sorte

qu'il n'est pas possible, ni souhaitable, d'établir des caté-
gories fermes de motifs sérieux au sens de l'art. 115 CC
(ATF
126 III 404 consid. 4g et 4h et les références citées). La
formulation ouverte de l'art. 115 CC doit précisément permet-
tre aux tribunaux de tenir compte des circonstances du cas
particulier et ainsi d'appliquer les règles du droit et de
l'équité (art. 4 CC); il s'agit de déterminer si le maintien
du lien légal peut raisonnablement être exigé sur le plan
affectif, autrement dit si la réaction mentalo-émotionnelle
qui pousse le conjoint demandeur à ressentir la perpétuation
des liens juridiques pendant quatre ans comme insupportable
est objectivement compréhensible (arrêt destiné à
publication
du 8 février 2001 dans la cause K. [5C.160/2000], consid. 3c
in fine).

b) Selon le Tribunal cantonal du canton de St-Gall,
on peut envisager parmi les "cas typiques" d'application de
l'art. 115 CC celui où l'un des conjoints a contracté
mariage
pour des motifs abusifs que l'autre conjoint ne connaissait
pas (RSJB 137/2001 p. 81 ss, consid. b in fine).
Concrétisant
cette idée, Steck envisage spécifiquement l'application de
l'art. 115 CC lorsque le conjoint qui voulait créer une com-
munauté conjugale se rend compte après le mariage que
l'autre
époux n'a jamais eu une telle intention et n'a contracté ma-
riage que pour se procurer des avantages en matière de
police
des étrangers; cet auteur se dit conscient que l'application
de l'art. 115 CC à de telles situations se heurtera souvent
au problème de la preuve (Daniel Steck, Scheidungsklagen, in
Das neue Scheidungsrecht, Zurich 1999, p. 25 ss, 37).

c) En l'espèce, les juges cantonaux ont constaté
souverainement (art. 63 al. 2 OJ) que la demanderesse
s'était
mariée par amour et qu'elle avait été trompée par les senti-
ments de façade dont le défendeur avait fait preuve à son
égard avant le mariage; ce n'est qu'après le mariage qu'elle
avait découvert que le défendeur ne l'avait épousée que pour

obtenir le droit de continuer de séjourner en Suisse. Dans
de
telles circonstances, il apparaît objectivement compréhensi-
ble que la demanderesse, ayant découvert après le mariage
que
le défendeur l'avait trompée sur son intention de créer une
communauté conjugale et donc sur le fondement même du lien
conjugal, ressente comme insupportable la perpétuation de ce
lien jusqu'à l'écoulement du délai qui lui permettrait d'ob-
tenir le divorce sur la base de l'art. 114 CC. Les
conditions
d'application de l'art. 115 CC étant ainsi remplies, les
juges cantonaux ont fait une fausse application du droit
fédéral en refusant de prononcer le divorce.

4.- En conclusion, le recours, fondé, doit être
admis et le jugement attaqué réformé en ce sens que le maria-
ge des parties est dissous par le divorce. La cause sera par
ailleurs renvoyée à la juridiction cantonale pour nouvelle
décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
Enfin, les deux parties satisfaisant aux réquisits de l'art.
152 al. 1 OJ, il convient de les mettre au bénéfice de l'as-
sistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal
fédéral.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et réforme le jugement attaqué
en ce sens que le mariage contracté par les parties le 24
juillet 1998 par-devant l'Officier d'état civil de Bienne
est
dissous par le divorce.

2. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure
cantonale.

3. Admet la demande d'assistance judiciaire de la
recourante et lui désigne Me Ursula Zimmermann, avocate à
Bienne, comme conseil d'office pour la procédure fédérale.

4. Admet la demande d'assistance judiciaire de
l'intimé et lui désigne Me Yves Richon, avocat à Moutier,
comme conseil d'office pour la procédure fédérale.

5. Met un émolument judiciaire de 1'000 fr. à la
charge de l'intimé, mais dit que cet émolument est provisoi-
rement supporté par la Caisse du Tribunal fédéral.

6. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à
Me Ursula Zimmermann et à Me Yves Richon une indemnité de
1'000 fr. chacun à titre d'honoraires d'avocat d'office.

7. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Chambre civile de la Cour
d'appel du canton de Berne.

__________

Lausanne, le 26 avril 2001
ABR/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.63/2001
Date de la décision : 26/04/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-26;5c.63.2001 ?
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