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26/04/2001 | SUISSE | N°1A.278/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 avril 2001, 1A.278/2000


«/2»

1A.278/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

26 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Mme le Juge
suppléant Pont Veuthey. Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

A.________ et consorts, tous représentés par Me Jean-Claude
Perroud, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 29 septembre 2

000 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud dans la cause opposant les recou-
rants à la Municipalité de Laus...

«/2»

1A.278/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

26 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Mme le Juge
suppléant Pont Veuthey. Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

A.________ et consorts, tous représentés par Me Jean-Claude
Perroud, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 29 septembre 2000 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud dans la cause opposant les recou-
rants à la Municipalité de Lausanne, représentée par Me
Daniel Pache, avocat à Lausanne, et à l'Etablissement canto-
nal d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels,
représenté par Me Alexandre Bonnard, avocat à Lausanne;

(protection des monuments; art. 2 LPN)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L'Etablissement cantonal d'assurance contre
l'incendie et les éléments naturels (ci-après: l'Etablisse-
ment cantonal) est propriétaire des parcelles nos10058,
10059
et 10060 du Registre foncier de la Ville de Lausanne. Ces
bien-fonds, sur lesquels ont été édifiées des maisons d'habi-
tation, forment un îlot délimité par la rue Charles-
Vuillermet au Nord, la place de la Cathédrale au Sud, la rue
Cité-Devant à l'Ouest et la rue Cité-Derrière à l'Est.

Le 16 avril 1996, le Conseil communal de Lausanne a
approuvé le plan partiel d'affectation n°683 concernant les
terrains compris entre la place de la Cathédrale, la rue
Cité-Devant, la rue Charles-Vuillermet et la rue Cité-
Derrière (ci-après: le plan). Ce plan vise notamment à
conserver les bâtiments érigés sur la parcelle n°10059 et
sur
la majeure partie de la parcelle n°10060. Les bâtiments
nos8953 et 8954 édifiés sur la parcelle n°10058, ainsi
qu'une
partie du bâtiment n°8952 édifié sur la parcelle n°10060, se-
raient démolis et remplacés par un bâtiment affecté au loge-
ment, à des équipements publics, au commerce, à des bureaux
ou à de l'artisanat compatible avec le logement (art. 28 du
règlement annexé au plan). Ce plan, approuvé le 24 mars 1997
par le Département des travaux publics, de l'aménagement et
des transports du canton de Vaud, est entré en force.

En mars 1999, après le rejet d'un premier projet,
l'Etablissement cantonal a demandé une autorisation de
construire portant sur la démolition des bâtiments nos8953
et
8954, ainsi que d'une partie du bâtiment n°8952, en vue de
la
construction à leur place d'un bâtiment comprenant des loge-
ments, des bureaux et une salle de quartier.

Mis à l'enquête publique du 16 avril au 6 mai 1999,
ce projet a suscité six oppositions.

Le 25 juin 1999, la Municipalité de Lausanne a ac-
cordé l'autorisation de construire et rejeté les oppositions.

Par arrêt du 29 septembre 2000, le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud a rejeté le recours formé contre
cette décision, qu'il a confirmée. Il a notamment écarté
l'argument selon lequel la proximité de la Cathédrale aurait
exigé de recueillir l'avis de la Commission fédérale des mo-
numents historiques (ci-après: la Commission fédérale). Le
Tribunal administratif a estimé que le projet ne touchait
pas
à une tâche fédérale au sens de l'art. 2 LPN. Même si tel
eût
été le cas, l'avis de la Commission fédérale - produit spon-
tanément dans la procédure cantonale - n'aurait pas été né-
cessaire.

B.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, A.________ et dix-huit consorts demandent au Tri-
bunal fédéral d'annuler l'arrêt du 25 septembre 2000, ainsi
que, "en tant que de besoin" la décision municipale du 25
juin 2000 (recte: 1999). Ils invoquent la LPN, ainsi que
l'art. 29 al. 1 Cst. Ils demandent en outre que l'autorité
fédérale compétente soit invitée à produire les décisions ou
documents relatifs au subventionnement de travaux concernant
soit la Cathédrale, soit les bâtiments érigés sur les parcel-
les nos10058, 10059 et 10060.

Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt.
L'Etablissement cantonal conclut au rejet du recours, pour
autant qu'il soit recevable. La Section des monuments his-
toriques du Département cantonal des infrastructures a re-
noncé à se déterminer. L'archéologue cantonal a produit des
observations. La Municipalité propose le rejet du recours.

Le Département fédéral de l'intérieur (ci-après: le
Département fédéral) a produit des observations tendant à
l'admission du recours.

Invitées à se déterminer, les parties ont maintenu
leurs conclusions.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Selon les art. 97 et 98 let. g OJ, mis en re-
lation avec l'art. 5 PA, la voie du recours de droit adminis-
tratif est ouverte contre les décisions des autorités canto-
nales de dernière instance et qui sont fondées sur le droit
fédéral - ou qui auraient dû l'être - pour autant qu'aucune
des exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la légis-
lation spéciale ne soit réalisée (ATF 127 II 1 consid. 2b/aa
p. 3/4; 126 I 50 consid. 1 p. 52; 126 II 171 consid. 1a p.
173, 300 consid. 1a p. 301/302; 125 I 10 consid. 2a p. 13,
et
les arrêts cités). Le recours de droit administratif est aus-
si recevable contre les décisions cantonales fondées à la
fois sur le droit fédéral et sur le droit cantonal dans la
mesure où la violation de dispositions du droit fédéral di-
rectement applicables est en jeu (cf. art. 104 let. a OJ;
ATF
126 V 30 consid. 2 p. 31, 252 consid. 1a p. 253/254; 125 II
10 consid. 2a p. 13; 124 II 409 consid. 1d/dd p. 414/415, et
les arrêts cités). En revanche, c'est la voie du recours de
droit public qui est ouverte contre des décisions fondées
uniquement sur le droit cantonal et ne présentant pas un rap-
port de connexité suffisamment étroit avec l'application du
droit fédéral (ATF 126 II 171 consid. 1a p. 173; 126 V 252
consid. 1a p. 253/254; 124 II 409 consid. 1d/dd p. 414; 123
II 359 consid. 1a/aa p. 361; 121 II 72 consid. 1b p. 75).

b) L'autorisation litigieuse a été accordée au re-
gard du plan et des prescriptions du droit cantonal. Le Tri-
bunal administratif a rejeté l'argument selon lequel la LPN
serait applicable en l'espèce, le projet ne touchant pas à
une tâche fédérale au sens de l'art. 2 de cette loi. Les re-
courants contestent ce point, qu'il est nécessaire de tran-
cher préjudiciellement afin de déterminer si l'arrêt attaqué
peut faire l'objet d'un recours de droit administratif.

aa) Aux termes de l'art. 78 al. 1 Cst., la protec-
tion de la nature et du patrimoine est du ressort des can-
tons. Cette disposition reprend l'art. 24sexies al. 1 aCst.,
sous réserve du fait que celui-ci évoquait la protection du
paysage. Il était cependant admis que cette formulation, à
entendre au sens large, désignait aussi le patrimoine men-
tionné désormais à l'art. 78 al. 1 Cst. (cf. Jean-Baptiste
Zufferey, Commentaire LPN, chap. 2, N.14; lors des travaux
de
la révision de la Constitution, l'art. 78 al. 1 Cst. n'a pas
donné lieu à discussion; cf. BO 1998 CE p. 80; BO 1998 CN p.
280-283). La compétence originaire des cantons n'empêche pas
la Confédération d'agir en matière de protection des monu-
ments. En premier lieu, l'art. 78 al. 2 Cst. (dont le
libellé
correspond, matériellement, à celui de l'art. 24sexies al. 2
aCst.) oblige la Confédération, dans l'accomplissement de
ses
tâches, à protéger les sites historiques, ainsi que les monu-
ments naturels et culturels (cf. aussi l'art. 1 let. a LPN;
Zufferey, Commentaire LPN, chap. 2, N.49-51, 55-63; Anne-
Christine Favre, Commentaire LPN, art. 1 N.5-7). En deuxième
lieu, la Confédération peut soutenir les efforts déployés
pour soutenir le patrimoine et acquérir ou sauvegarder les
objets présentant un intérêt national (art. 78 al. 3 Cst.,
correspondant à l'art. 24sexies al. 3 Cst.; cf. art. 1 let.
b
LPN; Zufferey, Commentaire LPN, chap. 2, N. 52-54, 64-73;
Favre, Commentaire LPN, art. 1, N.8-10). Parmi les monuments
que la Confédération doit protéger dans l'accomplissement de
ses tâches, on distingue les objets d'importance nationale
et

ceux d'importance régionale et locale (art. 4 LPN). Si cette
distinction n'a pas pour effet de limiter l'engagement de la
Confédération aux seuls objets de la première catégorie
(Favre, Commentaire LPN, art. 4 N.2), elle circonscrit le
champ des inventaires fédéraux (art. 5 LPN) et détermine le
montant des subventions (art. 13 LPN), ainsi que la mise en
oeuvre des mesures de sauvegarde et de conservation (art. 15
et 16 LPN; Favre, Commentaire LPN, art. 4 N.5-7; cf. ATF 121
II 8 consid. 3a p. 14/15). Le Conseil fédéral établit les
inventaires des objets d'importance nationale (art. 5 LPN),
alors que les objets d'importance régionale et locale
peuvent
faire l'objet d'inventaires cantonaux (Favre, Commentaire
LPN, art. 4 N.11). Se fondant sur l'art. 5 LPN, le Conseil
fédéral a notamment adopté l'ordonnance concernant l'Inven-
taire fédéral des sites construits à protéger en Suisse, du
9 septembre 1981 (OISOS; RS 451.12). Selon l'art. 6 LPN,
l'inscription à l'inventaire fédéral a pour conséquence que
l'objet en question mérite spécialement d'être conservé in-
tact ou en tout cas d'être ménagé le plus possible (al. 1);
dans l'accomplissement d'une tâche fédérale, on ne peut por-
ter atteinte à un objet inscrit à l'inventaire que si des
intérêts équivalents ou supérieurs le commandent (al. 2). La
protection des monuments n'est ainsi une tâche fédérale que
lorsqu'elle concerne des objets d'importance nationale (ATF
121 II 8 consid. 3a p. 15, 190 consid. 3c/bb p. 196/197; 120
Ib 27 consid. 2c/dd p. 32/33; 120 Ib 27 consid. 2c/dd p.
32/33).

bb) En l'espèce, ni la ville de Lausanne comme
telle, ni le quartier de la Cité, ne sont inscrits à l'ISOS
-
du moins pour l'instant. Les bâtiments nos8952, 8953 et
8954,
ne font ainsi l'objet d'aucune protection fédérale. Ils ne
sont pas davantage classés à l'inventaire cantonal au sens
des art. 49ss de la loi vaudoise sur la protection de la na-
ture, des monuments et de sites, du 10 décembre 1969
(LPNMS).
Dans le recensement architectural établi selon l'art. 30 du

règlement d'application de la LPNMS, du 22 mars 1989
(RPNMS),
les bâtiments nos8953 et 8954 ont reçu une note d'évaluation
de 5, la partie à démolir du bâtiment n°8952, la note de 3.
Ils ne présentent ainsi aucun intérêt particulier. Leur démo-
lition et la reconstruction à leur place d'un nouveau bâti-
ment ne relève pas de l'accomplissement d'une tâche fédérale
au sens de l'art. 2 LPN. Les recourants ne le prétendent
pas,
au demeurant. Ils soutiennent en revanche que les travaux
projetés entreraient dans le champ d'application de l'art. 2
LPN en raison de la proximité de la Cathédrale, monument
d'intérêt national dont l'entretien et la restauration a bé-
néficié de subventions fédérales.

cc) Est notamment considérée comme une tâche fédé-
rale l'allocation de subventions pour des mesures de plani-
fication, pour des installations et des ouvrages, tels que
les améliorations foncières, l'assainissement des bâtiments
agricoles, les corrections de cours d'eau, les installations
de protection des eaux et les installations de
communications
(art. 2 let. c LPN). Dans l'accomplissement des tâches fédé-
rales, les autorités fédérales et cantonales prennent soin
de
ménager les monuments historiques et, lorsque l'intérêt géné-
ral prévaut, d'en préserver l'intégrité (art. 3 al. 1 LPN).
Ils s'acquittent de ce devoir notamment en n'allouant des
subventions que sous conditions (art. 3 al. 2 let. c LPN,
mis
en relation avec l'art. 2 let. c de la même loi). L'importan-
ce de l'objet, au sens de l'art. 4 LPN, n'est pas détermi-
nant; les mesures prises en application de l'art. 3 al. 2
LPN
ne doivent cependant pas aller au-delà de ce qu'exige la pro-
tection de l'objet et de ses environs (art. 3 al. 3 LPN). Si
un bâtiment ou un monument historique peut être gravement dé-
précié par des installations ou constructions édifiées aux
alentours, cela ne signifie pas encore que la préservation
de
son intégrité empêcherait l'octroi d'une autorisation de
construire dans ses abords immédiats; l'essentiel est que
l'objet protégé soit conservé dans son identité,
conformément

au but assigné à la mesure de protection (Zufferey, Commen-
taire LPN, art. 3, N.8 et 9).

Dans un premier moyen, les recourants exposent que
les fouilles archéologiques de l'ancien cloître cathédral
ont
été réalisées grâce à des subventions fédérales. Ils se fon-
dent à ce propos sur une indication contenue dans le volume
n°4 des Cahiers d'archéologie romande publié à Lausanne en
1975, consacré précisément aux fouilles effectuées dans l'an-
cien cloître. Celui-ci occupait le terrain qui forme aujour-
d'hui la place de la Cathédrale, entre ce monument et l'îlot
d'habitation dont font partie les bâtiments litigieux. Dans
sa réponse du 6 décembre 2000, l'archéologue cantonal a
confirmé que la Confédération a versé des subventions pour
ces fouilles, lesquelles toutefois ne concernaient pas les
parcelles nos10058 et 10060. Des fouilles ultérieures ont
été
effectuées dès 1992 dans les sous-sols des bâtiments sis à
la
rue Vuillermet 2-4, place de la Cathédrale 11-15, mais sans
subsides fédéraux. De ces indications, il ressort que les
parcelles visées par l'autorisation querellée n'ont pas fait
l'objet de travaux archéologiques effectués ou financés par
la Confédération, en accomplissement d'une tâche fédérale au
sens de l'art. 2 LPN.

Dans un deuxième moyen, les recourants exposent que
la Confédération a subventionné la rénovation de la Cathé-
drale.
Ce fait est confirmé par le Département fédéral, le-
quel a joint à sa réponse du 31 janvier 2001 la copie de la
décision qu'il a prise le 18 septembre 1990. Cette décision
porte sur l'octroi au canton de Vaud d'une subvention de
348'326 fr. pour les travaux de restauration de la
Cathédrale
effectués en 1989. Elle est assortie d'une condition
(portant
le n°5) selon laquelle le propriétaire du monument concerné
(soit, en l'occurrence, l'Etat de Vaud) devra veiller à une
protection suffisante des environs du monument et informer
le
service cantonal des monuments historiques et le Département

fédéral de "tout projet de construction voisine pouvant por-
ter atteinte à ce qui fait sa valeur".

Il est possible qu'en utilisant cette subvention
pour effectuer des travaux de restauration d'un monument
d'intérêt national, les autorités cantonales aient participé
à l'exécution d'une tâche fédérale au sens de l'art. 2 LPN.
On ne peut cependant en tirer la conclusion que toute déci-
sion concernant les alentours d'un bâtiment ou d'une instal-
lation ayant fait l'objet d'une subvention selon les art. 3
al. 2 let. c et 2 let. c LPN, relèverait ipso facto des tâ-
ches fédérales.

La condition n°5 attachée à la décision du 18 sep-
tembre 1980 impose uniquement à l'autorité cantonale le de-
voir de protéger la Cathédrale et d'informer le Département
fédéral de tout projet de construction de nature à porter
atteinte à la Cathédrale. Cette dernière obligation
disparaît
lorsque l'autorité cantonale, en se fondant sur l'avis du
service de protection des monuments historiques, estime que
l'ouvrage projeté ne cause pas une telle atteinte. Sur ce
point, la décision du 18 septembre 1990 n'a fait que repren-
dre, dans le mécanisme de subvention, le système de l'art. 7
LPN. On ne saurait en tout cas prêter à cette condition l'ef-
fet de donner à l'autorité fédérale le droit de s'opposer à
tout projet de construction aux abords d'un monument ayant
fait l'objet d'une subvention, alors même que la procédure
du
permis de construire est, comme en l'espèce, régie exclusive-
ment par le droit cantonal. Cela reviendrait, en fin de
compte, à battre en brèche la répartition des tâches entre
la
Confédération et les cantons en matière de protection du pa-
trimoine, telle qu'elle est fixée à l'art. 78 al. 1 Cst. De
toute manière, l'obligation de respecter les conditions atta-
chées à la subvention ne consiste pas à soumettre au
contrôle
de l'autorité fédérale toute construction autorisée selon le
droit cantonal aux abords de la Cathédrale. Même à supposer

que les autorités cantonales et communales aient méconnu la
condition assortie à la subvention, elles s'exposeraient à
l'obligation de restituer celle-ci, en tout ou partie (cf.
art. 11 OPN). Le système légal ne présente pas de faille à
cet égard, qu'il conviendrait de combler en faisant entrer,
par une interprétation extensive des art. 2 et 3 LPN, tous
les alentours des monuments d'intérêt national dans l'orbite
des tâches fédérales.

Enfin, si elle avait effectivement voulu empêcher
toute construction aux abords de la Cathédrale ou, du moins,
s'assurer de leur compatibilité avec l'objet protégé, la
Confédération aurait pu prendre des mesures plus incisives,
appropriées à ce but. Par exemple, elle aurait pu, en appli-
cation de l'art. 15 LPN et de la LEx, constituer des servitu-
des pour limiter les possibilités de rebâtir les environs de
la Cathédrale (cf. ATF 114 Ib 321). Or, elle ne l'a pas
fait.
Un résultat équivalent ne peut être atteint par l'entremise
d'une condition attachée à une décision de subvention.

c) L'autorisation litigieuse ne mettant pas en jeu
une tâche fédérale au sens de l'art. 2 LPN, le recours de
droit administratif est irrecevable quant à son objet.

2.- A titre subsidiaire, les recourants déclarent
vouloir agir par la voie du recours de droit public s'agis-
sant des griefs qu'ils soulèvent en relation avec la viola-
tion de leurs droits constitutionnels.

a) Un recours de droit administratif peut être
converti en recours de droit public, pour autant que les
conditions de forme légales sont respectées (ATF 122 I 328
consid. 2d p. 333).

b) Ont qualité pour agir notamment les particuliers
lésés par des arrêtés ou des décisions qui les concernent
personnellement ou qui sont d'une portée générale (art. 88
OJ); la qualité pour recourir s'appréciant au regard du seul
art. 88 OJ, le fait que la qualité de partie ait, comme en
l'espèce, été reconnue aux recourants dans la procédure can-
tonale n'est pas déterminant (ATF 125 I 71 consid. 1b/aa p.
75, 253 consid. 1b p. 254/255; 123 I 279 consid. 3b p. 280;
120 Ia 369 consid. 1a p. 371, et les arrêts cités). La qua-
lité pour agir au sens de l'art. 88 OJ se détermine en fonc-
tion des griefs soulevés dans le recours (ATF 123 I 212
consid. 1c p. 214; 116 Ia 316 ss). Le recours de droit
public
est ouvert seulement à celui qui est atteint par l'acte atta-
qué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés;
le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou de
simples intérêts de fait est irrecevable. L'intérêt
juridique
protégé dont le recourant doit se prévaloir, peut découler
de
la loi fédérale ou cantonale, voire directement d'un droit
constitutionnel spécifique, pourvu qu'il entre dans le champ
d'application de la norme constitutionnelle invoquée (ATF
123
I 41 consid. 5b p. 42ss, 279 consid. 3c/ee p. 281; 122 I 373
consid. 1 p. 374, et les arrêts cités). Celui qui agit par
la
voie du recours de droit public doit, conformément à l'art.
90 al. 1 let. b OJ, présenter au Tribunal fédéral des élé-
ments de fait qui permettent à celui-ci de déterminer dans
quelle mesure la décision attaquée porte une atteinte actuel-
le et personnelle aux intérêts juridiquement protégés du re-
courant (ATF 125 I 173 consid. 1b p. 175; 123 I 279 consid.
3c/bb p. 280; 120 Ia 227 consid. 1 p. 229). La prohibition
de
l'arbitraire ne fonde pas à elle seule la qualité pour agir
au sens de l'art. 88 OJ (ATF 123 I 41 consid. 5b p. 42/43,
279 consid. 3c/aa p. 280; 122 I 44 consid. 3b/bb p. 47, 373
consid. 1a p. 374, et les arrêts cités). Cette
jurisprudence,
développée sous l'empire de l'art. 4 aCst., demeure applica-
ble au regard de l'art. 9 Cst. (ATF 126 I 81), y compris
pour
ce qui concerne le recours de droit public formé par le pro-
priétaire voisin contre une autorisation de construire (ar-
rêts non publiés M., du 9 juin 2000, consid. 2a et M. du 7
juillet 2000, consid. 1b/aa).

En matière d'autorisation de construire, les pro-
priétaires voisins ont qualité pour recourir selon l'art. 88
OJ s'ils invoquent la violation de dispositions qui tendent
non seulement à la sauvegarde des intérêts de la collectivi-
té, mais aussi à la protection de leurs intérêts de voisins.
Il faut en outre que les voisins se trouvent dans le champ
de
protection des dispositions dont ils allèguent la violation
et qu'ils soient touchés par les effets prétendument illici-
tes de la construction litigieuse (ATF 118 Ia 112 consid. 2a
p. 116, et les arrêts cités). En application de ces princi-
pes, la jurisprudence a reconnu la qualité pour agir aux voi-
sins se plaignant de la violation des prescriptions
relatives
aux distances, aux dimensions des bâtiments et à la densité
des constructions, qui sont des règles mixtes (ATF 118 Ia
232
consid. 1b p. 235; 117 Ia 18 consid. 3b p. 20, et les arrêts
cités). En l'espèce, les recourants ne se prévalent d'aucune
règle qui les protégerait comme voisins. En outre, ils ne
sont pas recevables à remettre en cause, comme ils le font,
le caractère esthétique des bâtiments projetés (ATF 118 Ia
232 consid. 1b p. 235). Le grief tiré de l'art. 33 al. 2 et
al. 3 let. b LAT, tel qu'il est invoqué, n'a pas de portée
propre à cet égard. Les recourants ne sont pas davantage ha-
bilités à se plaindre d'une atteinte à la vue, faute pour
eux
d'avoir invoqué une norme spéciale protégeant la vue et qui
pourrait fonder leur qualité pour agir sous cet aspect parti-
culier. Enfin, ils ne peuvent se plaindre de la violation de
la règle de la bonne foi, à raison d'assurances données pré-
tendument à un tiers et que les autorités communales n'au-
raient pas respectées.

Les critiques de fond que les recourants adressent
au projet sont ainsi irrecevables au regard de l'art. 88 OJ.

c) La jurisprudence admet qu'indépendamment de la
qualité pour agir au fond, le particulier puisse se
plaindre,
par la voie du recours de droit public, de la violation
d'une
garantie de procédure équivalant à un déni de justice
formel.
Dans ce cas, l'intérêt juridique protégé exigé par l'art. 88
OJ découle non pas du droit matériel, mais du droit de parti-
ciper à la procédure. Un tel droit existe lorsque le particu-
lier avait qualité de partie en procédure cantonale et il
peut se plaindre de la violation des droits formels que lui
reconnaît le droit cantonal ou qui découlent des art. 29
Cst.
et 6 CEDH (ATF 125 II 86 consid. 3b p. 94; 123 I 25 consid.
1
p. 26/27; 122 I 267 consid. 1b p. 270, et les arrêts cités).

aa) Les recourants ne se prévalant pas des règles du
droit cantonal régissant leur droit d'être entendus, c'est à
la lumière de l'art. 29 al. 2 Cst. qu'il convient d'examiner
leur grief (ATF 125 I 257 consid. 3a p. 259; 124 I 49
consid.
3a p. 51; 119 Ia 136 consid. 2c p. 138, 260 consid. 6 p.
260/261, et les arrêts cités).

bb) Le droit d'être entendu inclut le droit du par-
ticulier de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise
à
son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de na-
ture à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de
participer à l'administration des preuves, d'en prendre
connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 V
130
consid. 2 p. 130-132; cf., pour la jurisprudence relative à
l'art. 4 aCst., ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16; 124 I 49
consid. 3a p. 51, 242 consid. 2 p. 242; 124 V 90, 180
consid.
1a p. 181, et les arrêts cités). L'autorité peut renoncer au
moyen de preuve offert par une partie, pour autant qu'elle
puisse admettre sans arbitraire que ce moyen n'aurait pas
changé sa conviction (ATF 124 I 241 consid. 2 p. 242; 124 V
90 consid. 4b p. 94; 122 II 464 consid. 4a p. 469; 122 V 157
consid. 1d p. 162, et les arrêts cités). Le droit d'être en-
tendu est cependant violé lorsque l'autorité nie sans motifs

suffisants toute pertinence à un moyen de preuve (ATF 114 II
289 consid. 2a p. 291). Le Tribunal fédéral revoit cette
question sous l'angle restreint de l'arbitraire, car elle
porte uniquement sur l'appréciation des preuves, et non
point
sur la portée du droit d'être entendu (ATF 115 Ia 8 consid.
3a p. 11/12; 106 Ia 161).

cc) Les recourants reprochent au Tribunal adminis-
tratif de n'avoir pas tenu compte de l'avis de la Commission
fédérale.

Dans le cours de la procédure cantonale, l'Office
fédéral de la culture a, le 4 novembre 1999, transmis sponta-
nément au Tribunal administratif un avis de la Commission fé-
dérale, établi le 25 octobre 1999. Cet avis, intitulé "exper-
tise", critique le projet autorisé par la Municipalité, au
motif qu'il porterait atteinte "d'une certaine manière" à la
Cathédrale et au caractère du quartier de la Cité. La Commis-
sion fédérale a recommandé que le projet soit repris ab ovo
ou, du moins, "retravaillé". Le Tribunal administratif a com-
muniqué cette prise de position aux parties, qui se sont dé-
terminées à ce sujet.

Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif,
après avoir constaté que le projet ne touchait pas à une tâ-
che fédérale au sens de l'art. 2 LPN, a estimé qu'aucun avis
ou expertise de l'autorité fédérale n'était nécessaire au
sens de l'art. 7 al. 1 in initio LPN (dans sa teneur du 18
juin 1999, entrée en vigueur le 1er janvier 2000, soit avant
le prononcé de l'arrêt attaqué). Même à supposer que le pro-
jet touchait à une tâche fédérale, les autorités cantonales
auraient pu, selon le Tribunal administratif, se dispenser
de
requérir une expertise fédérale, comme le permet l'art. 7
al.
1 in fine LPN (consid. 3c de l'arrêt attaqué). Par surabon-
dance, le Tribunal administratif a écarté les objections ex-
primées par la Commission fédérale, en considérant que les

critiques de celle-ci étaient en fait dirigées contre le
plan
et non contre l'autorisation de construire; elles ne pou-
vaient, partant, plus être retenues à ce stade, eu égard
aussi au fait que le projet avait reçu l'aval de la Section
cantonale des monuments historiques.

On ne voit pas en quoi le Tribunal administratif au-
rait violé le droit d'être entendus des recourants en procé-
dant et en décidant comme il l'a fait. Les parties ont eu
connaissance de l'avis du 25 octobre 1999, qu'elles ont eu
l'occasion de discuter. Sur le fond, dès l'instant où le Tri-
bunal administratif pouvait, sans violer le droit fédéral,
admettre que le projet de démolition et de reconstruction li-
tigieux ne touchait pas à une tâche fédérale au sens de
l'art. 2 LPN (cf. consid. 1 ci-dessus), il pouvait se dispen-
ser de prendre en compte l'avis de la Commission fédérale,
laquelle n'avait plus de titre à intervenir dans la procé-
dure. Quant aux raisons pour lesquelles le Tribunal adminis-
tratif a, par surabondance de droit, estimé qu'il n'y avait
pas lieu de suivre l'avis et les recommandations fédérales,
elles échappent à la critique. Sous couvert de la violation
de leur droit d'être entendus, les recourants cherchent à
contester au fond la solution retenue dans l'arrêt attaqué,
ce qu'ils ne sont pas autorisés à faire sur le vu de la ju-
risprudence qui vient d'être rappelée.

3.- Le recours est irrecevable
comme recours de
droit administratif. Traité comme recours de droit public,
il
doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les
frais en incombent aux recourants (art. 156 OJ), ainsi
qu'une
indemnité en faveur de l'Etablissement cantonal, à titre de
dépens (art. 159 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens
à la Municipalité de Lausanne, censée pouvoir intervenir
sans
l'assistance d'un mandataire.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare le recours de droit administratif irrece-
vable.

2. Rejette le recours, traité comme recours de droit
public, dans la mesure où il est recevable.

3. Met à la charge des recourants un émolument judi-
ciaire de 5000 fr., ainsi que, solidairement entre eux, une
indemnité de 2000 fr. en faveur de l'Etablissement cantonal
d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels, à
titre de dépens.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens pour le sur-
plus.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Département des infrastructures et au
Tribunal administratif du canton de Vaud, ainsi qu'au Dépar-
tement fédéral de l'intérieur.

Lausanne, le 26 avril 2001
ZIR/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.278/2000
Date de la décision : 26/04/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-26;1a.278.2000 ?
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