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25/04/2001 | SUISSE | N°6S.168/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 avril 2001, 6S.168/2001


«/2»
6S.168/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

25 avril 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges.
Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________ représenté par Me Claude Brügger, avocat à
Tavannes,

contre

le jugement rendu le 30 août 2000 par la IIème Chambre
pénale de la Cour suprême bernoise dans la ca

use qui
oppose le recourant au Procureur général du canton de
B e r n e;

(homicide par négligence)

Vu les pièces ...

«/2»
6S.168/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

25 avril 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges.
Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________ représenté par Me Claude Brügger, avocat à
Tavannes,

contre

le jugement rendu le 30 août 2000 par la IIème Chambre
pénale de la Cour suprême bernoise dans la cause qui
oppose le recourant au Procureur général du canton de
B e r n e;

(homicide par négligence)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants :

A.- Le 6 avril 1994 vers 3 h 20, un incendie a
éclaté dans l'appartement de la famille D.________ au
troisième étage droit d'un immeuble à T.________. A 3 h
55, le premier groupe de pompiers est arrivé sur place.
Vu la gravité de l'incendie, le milicien A.________, com-
mandant des pompiers de T.________, a déclenché l'alarme
générale. Entre 4 h 15 et 4 h 20, B.________ a été
découverte inanimée dans son appartement au quatrième
étage droit. Malgré un transport rapide à l'Hôpital de
Moutier et les mesures de réanimation entreprises, elle
est décédée vers 5 h 45. La victime avait appelé à deux
reprises respectivement les numéros de secours 118 et 117
pour signaler qu'elle se trouvait prise dans l'incendie
et qu'elle était très angoissée, la dernière fois à
3 h 53 et 45 secondes. A.________ n'a pas été avisé de
ces appels.

Entendu par la police le 29 août 1994, A.________
a notamment indiqué ce qui suit:

"Dès mon arrivée sur place avec le sous-
commandant C.________, nous avons effectué une
reconnaissance. Nous avons constaté que les flammes
sortaient de la fenêtre du troisième étage, à gauche du
balcon, en léchant la façade jusque sous le toit. La cage
d'escalier était inaccessible dès le troisième étage, à
cause des flammes, de la fumée et de la chaleur [...]
Sitôt la reconnaissance terminée, et ayant constaté qu'il
y avait quatre personnes [la famille E.________] sur le
balcon, côté route cantonale, au troisième étage, j'ai
fait dresser l'échelle mécanique pour effectuer le
sauvetage [...] Au moment du sauvetage, j'ai eu contact
avec le fils D.________, habitant le troisième étage qui
m'a dit qu'il avait fait le tour du bâtiment et qu'il n'y
avait plus personne à l'intérieur. Il était à ce
moment-là 0400 heures [...] Lorsque j'ai eu cette
information, j'ai ordonné de lutter contre le feu selon
les principes établis: sauver, tenir, éteindre".

Lors de cette audition, A.________ a encore
précisé que s'il avait su qu'une personne se trouvait au
quatrième étage, elle aurait pu être sauvée avant celles
du troisième.

D.________ a admis lors de sa seconde audition
par la police que, contrairement à ce qu'il avait indiqué
à A.________, il n'était pas allé frapper à toutes les
portes car il n'avait pas pu monter jusqu'au quatrième en
raison de l'épaisse fumée dans le corridor.

Entendu par le juge d'instruction le 15 janvier
1996, A.________ a notamment déclaré qu'il avait cru
D.________ et que si celui-ci ne lui avait pas dit que
l'immeuble était vide, il l'aurait fait fouiller pièce
par pièce. Il a expliqué que si, en arrivant, il avait su
qu'une personne se trouvait au 5ème plancher, les
pompiers seraient immédiatement rentrés par le balcon,
car cette personne risquait davantage que les autres (les
membres de la famille E.________) en-dessous sur le
balcon.

Aux débats le 23 août 1999, A.________ a
notamment déclaré que la chambre de la victime était
située à l'endroit où le feu était le plus intense, qu'il
était difficile d'entrer par le balcon en raison de
l'appel d'air qui en serait résulté, que s'il avait su
que quelqu'un était enfermé dans la maison, il serait
entré par l'intérieur mais que, si la victime s'était
manifestée derrière une fenêtre, les pompiers auraient
alors placé l'échelle, cassé la vitre et sorti cette
personne en même temps qu'ils auraient giclé à l'inté-
rieur avec une lance. Il a indiqué qu'il avait donné
l'ordre de fouiller la maison, mais que cela n'était
possible qu'en opérant une progression.

La victime a été trouvée vingt minutes après
'arrivée des pompiers sur place à la suite de l'in-
tervention du pompier F.________ et de G.________, un
ancien pompier arrivé le premier sur les lieux et qui
s'est mis à disposition. C'est en particulier ce dernier
qui a localisé la victime, après avoir atteint le
quatrième étage par l'intérieur, en passant par
l'appartement de la famille E.________.

B.- Par jugement du 25 août 1999, le Tribunal
d'arrondissement judiciaire I Courtelary-Moutier-La
Neuveville a libéré A.________ de la prévention
d'homicide par négligence prétendument commise par le
fait qu'en tant que commandant des pompiers et chef
d'intervention, il n'avait pas contrôlé ou fait contrôler
par ses hommes si la maison qui brûlait était vide de
tout occupant.

Le tribunal a en particulier retenu en fait que
A.________, même si ses premières déclarations pouvaient
paraître contradictoires, avait effectivement donné
l'ordre à F.________ et à G.________ de fouiller la
maison pièce par pièce.

C.- Par jugement du 30 août 2000, dont les
considérants écrits ont été communiqués le 2 février
2001, la IIème Chambre pénale de la Cour suprême bernoise
a admis le recours du Procureur général du canton de
Berne et a condamné A.________, pour homicide par négli-
gence, à sept jours d'arrêt avec sursis durant deux ans.

Selon la Chambre pénale, il est certes établi,
en référence au jugement de première instance, que
A.________ a donné l'ordre de fouiller toute la maison

mais cela n'avait pas grand sens puisqu'il n'était pas
possible d'atteindre le quatrième étage par l'intérieur
et qu'il fallait passer par l'extérieur; il est vrai que
D.________ a indiqué qu'il n'y avait plus personne dans
l'immeuble, mais A.________, qui connaissait la mauvaise
réputation de toxicomane de ce dernier, n'aurait pas dû
se fier aux informations ainsi reçues et arrêter la phase
"sauver"; s'agissant de la victime, il est établi qu'à 3
h 54, soit après son second appel téléphonique, elle
pouvait encore parler et qu'elle vivait encore au moment
où elle a été retrouvée, après 4 h 15; il aurait été
possible de la sauver si les pompiers avaient pu
intervenir aux environ de 4 h, soit cinq minutes après
leur arrivée sur les lieux.

D.- A.________ se pourvoit en nullité au
Tribunal fédéral contre ce jugement. Il conclut, sous
suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision
attaquée et à sa libération de la prévention d'homicide
par négligence.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le pourvoi n'a qu'un caractère cassatoire
(art. 277ter al. 1 PPF), de telle sorte que les conclu-
sions ne peuvent tendre à autre chose qu'à l'annulation
de la décision attaquée et au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour qu'il soit statué à nouveau
(ATF 123 IV 252 consid. 1 p. 252 et les arrêts cités).
Sont ainsi irrecevables les conclusions du recourant
tendant à sa libération de la prévention d'homicide par
négligence.

b) Le pourvoi ne peut être formé que pour viola-
tion du droit fédéral, et non pour violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 269 PPF).

La Cour de cassation n'est pas liée par les mo-
tifs invoqués dans le pourvoi mais elle ne peut aller
au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF),
lesquelles doivent être interprétées à la lumière de leur
motivation; celle-ci circonscrit donc les points liti-
gieux que la Cour de cassation peut examiner (ATF 126 IV
65 consid. 1 p. 66).

Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de
l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83). Sous
réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste,
la Cour de cassation est liée par les constatations de
fait contenues dans la décision attaquée (art. 277bis
al. 1 PPF). Elle est également liée par les constatations
d'instances inférieures ou d'experts lorsque la dernière
instance cantonale s'y réfère ou y renvoie, explicitement
ou implicitement. La Cour de cassation ne peut pas elle-
même compléter l'état de fait; elle examine l'application
du droit fédéral uniquement sur la base de l'état de fait
retenu. Le recourant ne peut pas présenter de griefs
contre des constatations de fait, ni de faits ou de
moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1 let. b PPF).
Dans la mesure où son argumentation serait fondée sur des
faits qui ne sont pas constatés dans l'arrêt attaqué, il
n'est pas possible d'en tenir compte. Le pourvoi en nul-
lité est une voie de recours qui provoque le contrôle de
l'application du droit fédéral à un état de fait arrêté
définitivement par l'autorité cantonale (ATF 126 IV 65
consid. 1 p. 66/67 et les arrêt cités).

2.- Le recourant conteste sa condamnation en
vertu de l'art. 117 CP.

a) L'art. 117 CP, qui réprime l'homicide par
négligence, suppose la réunion de trois conditions: le
décès d'une personne, une négligence et un lien de
causalité entre la négligence et la mort (ATF 122 IV 145
consid. 3 p. 147 et la référence citée; cf. aussi arrêt
non publié du 4 juillet 1997, consid. 2, paru in SJ 1997
p. 668).

b) L'art. 18 al. 3 CP donne une définition de la
négligence: "celui-là commet un crime ou un délit par
négligence, qui, par une imprévoyance coupable, agit sans
se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de
son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur de
l'acte n'a pas usé des précautions commandées par les
circonstances et par sa situation personnelle".

Pour qu'il y ait négligence, il faut d'une part,
d'un point de vue objectif, que l'auteur ait violé les
règles de prudence que les circonstances lui imposaient
pour ne pas excéder les limites du risque admissible et,
d'autre part, d'un point de vue subjectif, qu'il n'ait
pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait
attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 122
IV 145 consid. 3b/aa p. 147 et les arrêts cités).

Pour déterminer plus précisément quels étaient
les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à
des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la
sécurité et éviter des accidents; à défaut de disposi-
tions légales ou réglementaires, on peut se référer à des
règles analogues qui émanent d'associations privées ou
semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues;
la violation des devoirs de la prudence peut aussi être

déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale
de sécurité n'a été violée (ATF 122 IV 145 consid. 3b/aa
p. 147 et les arrêts cités).

c) De manière générale, la Chambre pénale a
renvoyé aux faits constatés en première instance (cf.
jugement attaqué, p. 5 al. 3). On peut donc se référer
ici aux faits ressortant dudit jugement ou aux pièces du
dossier auxquelles celui-ci se rapporte. Il en va de même
des différentes déclarations du recourant durant la phase
de l'instruction ou aux débats, qu'évoque la Chambre
pénale dans son jugement.

d) S'agissant de définir les devoirs de diligence
du recourant en sa qualité de commandant des pompiers, on
déduit des principes généraux que les pompiers ont pour
mission première de veiller à la sauvegarde des individus
menacés par un incendie. Cette responsabilité incombe au
premier rang au commandant, lequel doit gérer les diffé-
rentes interventions sur l'incendie de manière à pouvoir
secourir prioritairement les personnes dont la vie ou
l'intégrité physique est en danger. A cet égard, le
recourant avait donc un devoir juridique d'agir découlant
d'une position de garant de sorte qu'une omission peut
lui être reprochée (cf. ATF 122 IV 17 consid. 2b/aa
p. 20; 121 IV 207 consid. 2a p. 211).

La Chambre pénale a considéré qu'il importait peu
que le recourant ait donné l'ordre de fouiller toute la
maison dans la mesure où il savait que le quatrième étage
était inaccessible par l'intérieur; que la priorité était
de s'assurer qu'il n'y avait personne au quatrième étage;
que le recourant aurait dû faire fouiller cet étage par
une échelle extérieure, la même que celle utilisée pour
le sauvetage de la famille E.________ au troisième, qui
n'était pas en danger et qui aurait encore pu rester sur

le balcon en attendant que l'autre équipe de secours
alertée arrive; que c'est par légèreté que le recourant
avait agi avec la conviction qu'il n'y avait personne au
quatrième puisque les informations qu'il avait reçues de
D.________ émanaient d'une personne peu fiable; que de
toute façon, il ne pouvait se satisfaire de telles
informations (cf. jugement attaqué, p. 12-14).

On comprend donc que la Chambre pénale a reproché
au recourant d'avoir mal fixé les priorités en procédant
au sauvetage de la famille E.________ et en négligeant
ainsi de fouiller le quatrième étage à l'aide de
l'échelle.

Le recourant, qui n'est pas un pompier profes-
sionnel mais un milicien (cf. jugement attaqué, p. 18 in
fine), est intervenu dans une situation d'urgence au
milieu de la nuit, a dû gérer l'arrivée progressive des
pompiers sur les lieux, était confronté à la famille
E.________ qui appelait à l'aide sur le balcon au
troisième alors que personne n'était visible au
quatrième. La première question à résoudre est de
déterminer si, compte tenu des circonstances, les règles
de l'art lui imposaient effectivement ou non de faire
dresser en toute priorité l'échelle de manière à pouvoir
accéder au quatrième étage pour le fouiller.


La réponse à cette question exige des connais-
sances spéciales, de telle sorte que le concours d'un
expert paraît indispensable. Or, la Chambre pénale a
reproché au recourant d'avoir omis d'ordonner la fouille
du quatrième étage en passant par l'extérieur au moyen de
l'échelle sans rien dire des critères sur lesquels elle
se fondait pour aboutir à cette conclusion, se contentant
de noter que les affirmations de l'inspecteur du feu ne
pouvaient être suivies (cf. jugement attaqué, p. 14

al. 4). Celui-ci a pourtant conclu qu'aucun grief ne
pouvait être fait au recourant dans cette affaire ni à
ses hommes (cf. dossier cantonal, p. 845). L'absence de
toute explication de la Chambre pénale rend impossible
l'examen de cette question. Il manque des éléments
essentiels dans le jugement attaqué pour apprécier s'il y
a eu une négligence. La cause doit donc être retournée à
l'autorité cantonale en application de l'art. 277 PPF.
Elle devra déterminer précisément si, compte tenu des
circonstances concrètes, les règles de l'art commandaient
au recourant de fouiller en priorité le quatrième étage
en passant par l'extérieur à l'aide de l'échelle. Dans ce
cadre, il conviendra notamment de se prononcer sur le
danger, évoqué en procédure (cf. déclarations de
G.________ et du recourant aux débats, dossier cantonal
p. 841 et 827), que pouvait représenter le passage par
la fenêtre en raison de l'appel d'air non seulement à
l'égard des pompiers mais aussi d'une éventuelle personne
à l'intérieur de l'appartement.

Si la détermination devait être négative (il ne
s'imposait pas dans les circonstances d'espèce de dresser
en priorité l'échelle pour fouiller le quatrième) ou
indécise (on ne peut raisonnablement dire s'il s'imposait
de dresser en priorité l'échelle pour fouiller le qua-
trième), aucune violation fautive des devoirs de la pru-
dence ne pourrait alors être mise à la charge du recou-
rant. En revanche, dans l'hypothèse d'une détermination
positive (il fallait en priorité dresser l'échelle pour
fouiller le quatrième), il resterait encore à définir
d'une part si, au vu des circonstances personnelles du
recourant, en particulier de ses connaissances et de sa
formation, on peut lui reprocher d'avoir omis cette
manoeuvre et, d'autre part, si la recherche de la victime
opérée grâce à l'échelle aurait, avec une probabilité
confinant à la certitude, empêché l'issue mortelle. Sur

ce dernier point, il s'agira notamment de prendre en
compte les difficultés évoquées par le recourant lors des
débats (cf. dossier cantonal, p. 827), à savoir que, la
victime ne se trouvant pas derrière la fenêtre mais dans
un corridor à proximité de la porte d'entrée, les pom-
piers entrés par la fenêtre auraient d'abord dû fouiller
deux pièces enfumées avant de pouvoir la repérer.

A noter ici que les renseignements fournis par
D.________ selon lesquels il n'y avait plus personne dans
l'immeuble paraissent ne jouer aucun rôle sur la question
à trancher. En effet, il ressort de la déclaration du
recourant à la police du 29 août 1994 reprise en page 7
du jugement attaqué que c'est au moment du sauvetage de
la famille E.________ que D.________ s'est adressé à lui
(cf. aussi jugement de première instance, p. 16 al. 3 in
initio). L'échelle était donc déjà destinée au sauvetage
du troisième étage. Or, c'est dans la phase qui précède
l'engagement au troisième étage qu'il convient d'établir
si le recourant a commis ou non une négligence en
n'ordonnant pas d'utiliser l'échelle pour fouiller le
quatrième. Tout au plus, au moment de leur émission, les
déclarations de D.________ ont-elles pu conforter le
recourant dans l'option de sauvetage choisie. On peut
encore observer que si le recourant avait obtenu les
informations de D.________ avant l'engagement de
l'échelle au troisième étage, ces données, jugées
crédibles par d'autres personnes présentes, auraient pu
être à l'origine d'une erreur excusable dans l'appré-
ciation du recourant et dans son choix des priorités.
Sous réserve de l'existence d'indices contraires, les
informations d'un habitant de l'immeuble en feu n'appa-
raissent en effet pas sans portée quant à l'orientation
des secours dans une situation d'urgence.

e) A supposer qu'aucune violation fautive des
devoirs de la prudence ne puisse être imputée au
recourant pour ce qui concerne le non-déploiement
immédiat de l'échelle pour fouiller le quatrième étage,
il conviendra encore d'examiner si une négligence peut
lui être reprochée dans les opérations de sauvetage
effectivement menées. A cet égard, en page 14 de son
jugement, la Chambre pénale s'est référée à l'audition de
G.________ par la police cantonale le 30 août 1994
(p. 146 dossier cantonal). Il en ressort notamment ce qui
suit:

"Sur le balcon j'ai rejoint deux ou trois col-
lègues, dont F.________. C'est à ce moment-là que Mme
E.________ m'a dit qu'il y avait encore une personne à
l'étage supérieur. Je savais à ce moment-là qu'il
s'agissait de l'appartement situé au-dessus de chez
D.________, l'autre étant vide. J'ai communiqué à
F.________ qu'il y avait encore une personne à l'étage et
qu'il en fasse part au commandant, par radio. Moi-même,
je n'étais pas équipé d'un appareil radio. Après cela, je
suis entré dans l'appartement E.________, complètement
enfumé, en m'assurant au moyen d'une corde. J'ai pu
ressortir de l'appartement E.________ par la porte
donnant sur la cage d'escalier. La chaleur était
tellement vive que j'ai dû rebrousser chemin. Dans
l'appartement E.________, j'ai demandé à F.________ de
venir avec moi. Ensemble, nous sommes retournés dans la
cage d'escalier pour essayer d'atteindre le quatrième
étage. Je précise qu'à ce moment j'entendais déjà le
signal de retraite de mon appareil. Je suppose qu'il en
était de même pour l'appareil de F.________, nous étant
équipés ensemble. F.________ est venu un bout avec moi,
puis il a rebroussé chemin car il manquait d'air. Pour
mon compte, j'ai continué car je savais qu'il y avait
cette personne à sauver. Je savais que je prenais de gros
risques. Il n'y avait aucune protection d'eau au qua-
trième étage. La porte d'entrée étant fermée de l'inté-
rieur, j'ai dû casser une vitre pour l'ouvrir, en passant
le bras. En entrant dans l'appartement, la visibilité
était nulle à cause de la fumée et de la forte chaleur.
J'ai avancé en tâtonnant des pieds et des mains. C'est de
cette façon que j'ai senti, avec les pieds, qu'une
personne était couchée par terre. Je me suis baissé pour
la tirer vers la sortie, côté corridor, mais j'ai été
bloqué par manque d'air. J'ai été obligé de laisser cette
personne et de sortir pour respirer. J'ai même dû enlever
mon masque. J'ai informé immédiatement F.________ ou

A.________, qu'il y avait cette personne par terre [...]
j'ai dit d'envoyer une deuxième équipe [...] La deuxième
équipe a effectué ce sauvetage sous la protection d'une
lance".

Selon les constatations faites en première
instance, le recourant avait donné l'ordre à F.________
et à G.________ de fouiller la maison pièce par pièce.
Les constatations cantonales ne permettent cependant pas
de savoir si le recourant a été ou non averti par radio
de la découverte de la victime par G.________ (cf.
notamment les déclarations de F.________ aux débats,
dossier cantonal, p. 843). S'il ne l'a pas été, on ne
saurait lui reprocher une négligence dans le déroulement
de l'intervention. En revanche, s'il l'a été, il
incombera à l'autorité cantonale de déterminer si, selon
les règles de l'art, il était approprié d'envoyer la
deuxième équipe par l'intérieur de l'immeuble ou si une
intervention par l'extérieur en utilisant l'échelle
s'imposait et aurait permis de sauver la victime.

f) En définitive, l'élucidation incomplète des
faits ne permet pas de revoir l'application de la loi. Le
jugement attaqué doit donc être annulé conformément à
l'art. 277 PPF et la cause renvoyée à la juridiction
cantonale.

3.- Il est statué sans frais et une indemnité
est allouée au recourant (art. 278 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le pourvoi en application de l'art. 277
PPF, annule le jugement attaqué et renvoie la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

3. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera
au recourant une indemnité de 2'000 francs.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Procureur général du canton de
Berne et à la IIème Chambre pénale de la Cour suprême
bernoise.
__________

Lausanne, le 25 avril 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.168/2001
Date de la décision : 25/04/2001
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-25;6s.168.2001 ?
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