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24/04/2001 | SUISSE | N°2P.44/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 avril 2001, 2P.44/2001


«/2»

2P.44/2001 viz

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
*********************************************

24 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann et Berthoud, juge suppléant. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, 2900 Porrentruy,

contre

l'arrêt rendu le 21 décembre 2000 par la Chambre administra-
tive du Tribunal cantonal du canton du Jura, dans la cause
qui oppose la recourante au

Département de l'économie et de
la coopération du canton du J u r a;

(expiration des rapports de service)
...

«/2»

2P.44/2001 viz

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
*********************************************

24 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann et Berthoud, juge suppléant. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, 2900 Porrentruy,

contre

l'arrêt rendu le 21 décembre 2000 par la Chambre administra-
tive du Tribunal cantonal du canton du Jura, dans la cause
qui oppose la recourante au Département de l'économie et de
la coopération du canton du J u r a;

(expiration des rapports de service)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contrat de travail de droit privé du 18 juin
1997, A.________ a été engagée en qualité de responsable de
l'atelier "couture" au sein des Ateliers de Formation prati-
que, à X.________. Ce contrat, conclu pour une durée indé-
terminée, stipule qu'après le temps d'essai, chacune des
parties pourra y mettre fin, moyennant congé signifié par
lettre recommandée trois mois à l'avance pour la fin d'un
mois. Le contrat se réfère, au titre des dispositions spé-
ciales, à certains articles de la loi jurassienne du 26 oc-
tobre 1978 sur le statut des magistrats, fonctionnaires et
employés (LStMF) et prévoit pour le surplus l'application du
titre dixième du Code des obligations.

Le 20 octobre 1999, B.________, chef des Ateliers de
Formation pratique, a informé A.________ de son intention de
mettre un terme aux rapports de travail. L'intéressée a été
entendue le 27 octobre 1999 par le chef du service du per-
sonnel du canton du Jura. La cessation des rapports de tra-
vail, annoncée oralement le 15 novembre 1999, a fait l'objet
d'une décision formelle du Ministre de l'économie et de la
coopération du 9 décembre 1999, motivée par les résultats
insatisfaisants de l'Atelier "création-textile" et l'insuf-
fisance des compétences de A.________ en matière de direc-
tion de personnel et de gestion. L'échéance des rapports de
travail a été fixée au 31 mars 2000.

Par lettre du 29 décembre 1999, adressée au Ministre de
l'économie et de la coopération, A.________ a sollicité la
reconsidération de la décision de résiliation du 9 décembre
1999 et l'ouverture d'une enquête à l'encontre de B.________

pour "mobbing" et propos sexistes, reproches qu'elle avait

formulés oralement le 27 octobre 1999 en présence du chef du
service du personnel.

B.- Par acte du 14 janvier 2000, A.________ a recouru
contre son licenciement, qualifié d'abusif. Elle a également
invoqué un déni de justice, sa plainte dirigée contre
B.________ étant restée sans suite.

Dans un arrêt du 3 avril 2000, la Chambre administra-
tive du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: le
Tribunal cantonal) a notamment jugé que le litige opposant
A.________ au Département de l'économie et de la coopération
(ci-après: le Département cantonal) relevait du droit public
et a transmis le recours du 14 janvier 2000 au Département
cantonal pour qu'il le traite comme une opposition à sa dé-
cision de licenciement du 9 décembre 1999.

Dans un deuxième arrêt, du 13 octobre 2000, le Tribunal
cantonal a constaté que le Département cantonal avait commis
un déni de justice en ne statuant pas sur la plainte déposée
par A.________ le 29 décembre 1999 contre B.________ et l'a
invité à rendre une décision formelle.

C.- Statuant le 20 juin 2000 sur l'opposition formée
par A.________ le 14 janvier 2000, le Département cantonal a
confirmé la cessation des rapports de travail de l'intéres-
sée, dont l'échéance a été reportée au 30 septembre 2000.

Le 13 juillet 2000, A.________ a recouru contre cette
décision. Contestant les faits invoqués par l'autorité in-
timée à l'appui de son licenciement, elle a essentiellement
fait valoir l'absence de motifs justifiés au sens de l'art.
47 LStMF et a conclu à l'annulation de la décision attaquée.

Par arrêt du 21 décembre 2000, le Tribunal cantonal a
admis partiellement le recours. Il a retenu en substance,

sur la base des preuves administrées, que le licenciement de
A.________ reposait sur des motifs objectivement fondés et
devait être confirmé, mais que l'échéance des rapports de
service devait être fixée au 30 avril 2001, en application
de l'art. 336c al. 1 lettre c CO.

D.- Agissant par la voie du recours de droit public,
A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais
et dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 21
décembre 2000, d'ordonner la destruction du constat établi
le 8 décembre 1999 par le chef de la logistique des mesures
du marché du travail et de lui allouer une indemnité de
5'000 fr. en réparation des torts subis.

Le Tribunal cantonal et le Département cantonal con-
cluent au rejet du recours.

E.- Par ordonnance du 7 mars 2001, le Président de la
IIe Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspen-
sif présentée par A.________.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec plein
pouvoir d'examen la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 126 I 81 consid. 1 p. 83; 126 III 274 consid. 1
p. 275 et les arrêts cités).

a) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce,
le recours de droit public ne peut tendre qu'à l'annulation
de la décision attaquée (ATF 126 II 377 consid. 8c p. 380;
125 I 104 consid. 1b p. 107; 125 II 86 consid. 5a p. 96 et
les arrêts cités). Dès lors, les conclusions de la recou-
rante tendant à ordonner la destruction d'un document et à

lui allouer une indemnité en réparation des torts subis sont
irrecevables.

b) En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de
recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juri-
diques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a
donc pas à vérifier de lui-même si la décision attaquée est
en tous points conforme au droit ou à l'équité; il est lié
par les moyens invoqués dans le recours et peut se prononcer
uniquement sur les griefs de nature constitutionnelle que le
recourant a non seulement invoqués, mais suffisamment moti-
vés (ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76; 122 I 70 consid. 1c p.
73). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur
les critiques de nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid.
1b p. 495). En outre, dans un recours pour arbitraire, l'in-
téressé ne peut se contenter de critiquer l'arrêt attaqué
comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité
de recours peut revoir librement l'application du droit. Il
doit préciser en quoi cet arrêt serait arbitraire, ne repo-
serait sur aucun motif sérieux et objectif, apparaîtrait
insoutenable ou heurterait gravement le sens de la justice
(cf. ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et la jurisprudence
citée).

C'est à la lumière de ces principes que doivent être
appréciés les griefs de l'intéressée.

c) La recourante se plaint, pour la première fois de-
vant le Tribunal fédéral, d'une violation du droit à un con-
gé pour allaitement et d'une violation de la loi fédérale
sur la protection des données. Or, ces nouveaux moyens - si
tant est qu'ils soient suffisamment motivés au sens de
l'art. 90 al. 1 lettre b OJ - se confondent largement avec

le grief d'arbitraire; partant, ils sont irrecevables, con-
formément à la jurisprudence (ATF 119 Ia 88 consid. 1a p.
90).

2.- Invoquant l'art. 6 par. 1 CEDH, la recourante sou-
lève des griefs relatifs au déroulement de la procédure et à
l'appréciation des preuves et des faits. Or, selon la juris-
prudence (ATF 126 I 33 consid. 2b et les références citées),
les litiges concernant le recrutement, la carrière et la
cessation d'activité des agents publics ne tombent pas né-
cessairement sous le coup de l'art. 6 par. 1 CEDH. On peut
donc se demander si la recourante peut se réclamer d'une
telle disposition. Point n'est besoin cependant de trancher
cette question, du moment que, dans ce contexte, les garan-
ties qu'offre l'art. 6 CEDH ont une portée équivalente à
celles des dispostions constitutionnelles de droit interne
(cf. ATF 122 I 109 consid. 3c p. 114).

3.- La recourante se plaint d'une appréciation arbi-
traire des faits et des preuves.

a) La jurisprudence rendue en application de l'art. 4
aCst., mais qui garde toute sa valeur sous l'empire de
l'art. 9 Cst., reconnaît au juge un important pouvoir d'ap-
préciation dans la constatation des faits et leur apprécia-
tion (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Le Tribunal fédéral
n'intervient en conséquence que si le juge du fait a abusé
de ce pouvoir, en particulier lorsqu'il méconnaît des preu-
ves pertinentes ou qu'arbitrairement il n'en tient pas comp-
te (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 112 Ia 369 consid. 3 p.
371; 100 Ia 119 consid. 4 p. 127), lorsque des constatations
de fait sont manifestement fausses (ATF 101 Ia 298 consid. 5
p. 306; 98 Ia 140 consid. 3a p. 142 et les arrêts cités),
enfin lorsque l'appréciation des preuves est tout à fait in-
soutenable (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 116 Ia 85 con-
sid. 2b p. 88).

b) La recourante soutient que plusieurs faits perti-
nents n'auraient pas été constatés dans la décision atta-
quée. Celle-ci ne ferait notamment pas mention de tous les
éléments confirmant les allégations contenues dans la plain-
te pour harcèlement qu'elle a déposée contre son supérieur
hiérarchique le 27 octobre 1999. Un tel grief est toutefois
mal fondé. En effet, il ressort des pièces du dossier que
l'état de fait n'est manifestement pas lacunaire, mais con-
tient tous les éléments de fait déterminants pour trancher
le présent litige qui porte uniquement sur le licenciement
de la recourante, la plainte pour harcèlement faisant l'ob-
jet d'une procédure séparée pendante devant les autorités
cantonales. A noter que la disjonction de ces procédures
n'apparaît pas arbitraire, contrairement à l'opinion de la
recourante.

C'est également à tort que la recourante reproche à
l'autorité intimée d'avoir retenu les témoignages qui lui
étaient défavorables et d'avoir écarté ceux qui lui étaient
favorables. Le Tribunal cantonal n'a pas négligé les témoi-
gnages favorables à la recourante. C'est ainsi qu'il a admis
que les participantes aux cours dispensés par la recourante
étaient, dans l'ensemble, satisfaites de leur passage dans
l'atelier "création-textile" et qu'elles ne se plaignaient
pas d'une insuffisance de l'augmentation de leurs compéten-
ces à l'issue de leur stage. Le Tribunal cantonal a cepen-
dant retenu que la recourante ne suivait pas toujours les
instructions de son chef et que cette attitude expliquait
les reproches formulés par ce dernier. Il a exposé avec soin
les motifs de sa conviction, fondés sur les témoignages re-
cueillis, et n'a pas omis de tenir compte des relations des
témoins avec les parties. Il s'est également fondé sur des
faits objectifs pour admettre que la recourante n'avait pas
amélioré ses prestations, malgré l'intervention et l'appui
de ses supérieurs, en matière de diversification des travaux
proposés dans son atelier.

L'autorité intimée n'a donc pas abusé de son pouvoir en
matière d'appréciation des faits et des preuves.

4.- a) Dans une motivation de nature essentiellement
appellatoire, la recourante se plaint ensuite d'une applica-
tion incorrecte de certaines dispositions légales. A suppo-
ser même qu'elle ait soulevé de manière conforme à l'art. 90
al. 1 lettre b OJ le grief de l'arbitraire, ce moyen devrait
de toute façon être manifestement rejeté.

b) aa) La recourante soutient que son licenciement est
la conséquence directe de la plainte dirigée contre
B.________ et, qu'à ce titre, il est abusif au sens de
l'art. 336 al. 1 lettre b CO. La recourante perd de vue que
B.________ lui avait fait part de son intention de la licen-
cier le 20 octobre 1999, soit avant qu'elle ait fait état
oralement de sa décision de porter plainte contre lui, en
date du 27 octobre 1999. En outre, l'instruction de la cause
a permis d'établir que les motifs du licenciement étaient
étrangers à cette plainte.

bb) La recourante critique l'application que le Tribu-
nal cantonal a faite de l'art. 47 LStMF et lui reproche
d'avoir retenu un motif de licenciement étranger à la déci-
sion attaquée. Or l'autorité intimée a précisément jugé que
l'art. 47 LStMF, réservé aux fonctionnaires nommés, ne s'ap-
pliquait pas en l'espèce; le contrat de travail de la recou-
rante ne s'y réfère d'ailleurs pas. En outre, il n'est pas
déterminant que l'un des motifs retenu pour justifier le
congé, soit le non respect de certaines instructions, n'ait
pas été invoqué par l'autorité cantonale de première instan-
ce. L'autorité cantonale de recours n'est en effet pas liée
par les motifs des décisions qui lui sont déférées et peut
procéder à une substitution de motifs.

cc) La recourante fait encore valoir que le congé no-
tifié le 17 décembre 1999 était nul, qu'il n'a pu prendre
effet que le 30 juin 2000 et qu'à cette date elle bénéfi-
ciait de la protection de l'article 336c CO. Selon la re-
courante, les motifs de nullité du licenciement du 17 dé-
cembre 1999 tiennent à l'absence d'indication de la procé-
dure d'opposition et à la violation de son droit d'être en-
tendue. Le congé donné le 17 décembre 1999 n'était pas nul
du seul fait de l'absence de mention de la voie de l'oppo-
sition, mais seulement incomplet. En outre, le droit d'être
entendue de la recourante, à supposer qu'il n'ait pas été
respecté - la recourante a été entendue les 27 octobre et 15
novembre 1999 -, a été rétabli dans la procédure d'opposi-

tion et dans la procédure de recours. La date de notifica-
tion du congé, déterminante pour l'application de l'art.
336c CO, est bien celle du 17 décembre 1999 et le Tribunal
cantonal a correctement appliqué la loi.

dd) Enfin, la répartition des frais et dépens, telle
qu'opérée par l'autorité intimée, est conforme aux principes
applicables en la matière, dans la mesure où la recourante a
succombé pour l'essentiel (annulation de la décision atta-
quée) mais obtenu gain de cause dans ses conclusions subsi-
diaires tendant à la prolongation du délai de congé. Elle
échappe par conséquent au grief d'arbitraire.

c) Pour le surplus, les autres griefs - tels que celui
tiré de la violation du principe de la bonne foi - ne sont
pas suffisamment motivés au regard de l'art. 90 al. 1 lettre
b OJ, si bien qu'ils sont irrecevables.

5.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans
la mesure où il est recevable, avec suite de frais à la
charge de la recourante (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours dans la mesure il est recevable.

2. Met à la charge de la recourante un émolument judi-
ciaire de 2'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie à la recouran-
te, au Département de l'économie et de la coopération et à
la Chambre administrative du Tribunal cantonal du Jura.

Lausanne, le 24 avril 2001
LGE

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.44/2001
Date de la décision : 24/04/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-24;2p.44.2001 ?
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