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23/04/2001 | SUISSE | N°2A.483/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 avril 2001, 2A.483/2000


«/2»
2A.483/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

23 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann et Wuilleret, suppléant. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

R.________, né le 10 janvier 1961, son épouse N.________,
née le 7 mars 1967, et leur fils H.________, né le 23 sep-
tembre 1997, tous trois représentés par Me Patrick Stoud-
mann, avocat à Lausanne,



contre

l'arrêt rendu le 15 septembre 2000 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud, dans...

«/2»
2A.483/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

23 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann et Wuilleret, suppléant. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

R.________, né le 10 janvier 1961, son épouse N.________,
née le 7 mars 1967, et leur fils H.________, né le 23 sep-
tembre 1997, tous trois représentés par Me Patrick Stoud-
mann, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 15 septembre 2000 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les re-
courants au Service de la population du canton de V a u d;

(art. 9 al. 4 lettre a LSEE;
révocation d'une autorisation d'établissement)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- R.________, de nationalité tunisienne, a épousé,
le 6 avril 1993, une ressortissante suisse et a obtenu de
ce fait une autorisation de séjour.

Le divorce des époux R.________ a été prononcé par ju-
gement du 4 juin 1996. Celui-ci a toutefois été annulé le 8
janvier 1998 pour des raisons procédurales.

En avril 1998, R.________ a requis une autorisation
d'établissement, qui lui a été délivrée par les autorités
de police des étrangers du canton de Vaud selon décision
du 14 août 1998.

Par jugement du 8 mars 1999 (devenu définitif et exé-
cutoire le 20 mars 1999), le Président du Tribunal civil
du district de Lausanne a prononcé le divorce des époux
R.________.

B.- Le 26 avril 1999, R.________ a sollicité une auto-
risation de séjour en faveur de sa femme N.________ qu'il
avait épousée, le 26 mai 1996, en Tunisie et de l'enfant
H.________, né de cette union en 1997. Il exposait qu'il
avait dû se marier avec sa femme, laquelle résidait en Suis-
se depuis le 2 février 1998, sous la pression de sa belle-
famille. Il reconnaissait donc s'être rendu coupable de bi-
gamie, mais contestait avoir dissimulé des faits essentiels
aux autorités suisses dans le but d'obtenir une autorisation
d'établissement.

Le 6 mars 2000, le Service de la population du canton
de Vaud a décidé de révoquer l'autorisation d'établissement
de R.________ et, en conséquence, de ne pas délivrer, au ti-

tre de regroupement familial, une autorisation de séjour à
N.________, respectivement une autorisation d'établissement
à l'enfant H.________. Ledit service a considéré que, s'il
avait eu connaissance du mariage conclu le 26 mai 1996, il
aurait non seulement refusé d'octroyer en août 1998 l'auto-
risation d'établissement à R.________, mais encore mis fin
au séjour de celui-ci en Suisse. Depuis son second mariage,
l'intéressé n'avait donc pu rester en Suisse que parce qu'il
avait dissimulé des faits essentiels.

Statuant sur recours le 15 septembre 2000, le Tribunal
administratif du canton de Vaud a confirmé cette décision.

C.- Agissant par la voie du recours de droit adminis-
tratif, les époux R.________ et N.________, ainsi que leur
fils H.________ demandent au Tribunal fédéral, principale-
ment, d'annuler l'arrêt du 15 septembre 2000 du Tribunal
administratif.

Le Service de la population s'en remet intégralement
aux déterminations du Tribunal administratif qui conclut au
rejet du recours. L'Office fédéral des étrangers propose
également de rejeter le recours.

D.- Par ordonnance présidentielle du 21 novembre 2000,
la requête d'effet suspensif au recours a été admise.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- L'arrêt attaqué porte sur la révocation de l'auto-
risation d'établissement de l'époux d'une part et le refus
de délivrer une autorisation de séjour à l'épouse, respecti-
vement une autorisation d'établissement à l'enfant d'autre
part.

Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de
droit administratif n'est pas recevable en matière de police
des étrangers contre l'octroi ou le refus d'autorisations
auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit. Cette
clause d'exclusion ne concerne toutefois pas la révocation
d'une autorisation d'établissement (art. 101 lettre d OJ;
cf. ATF 112 Ib 161, 473). Et, dans la mesure où le conjoint
d'un étranger titulaire d'une autorisation d'établissement
(aussi longtemps que celle-ci subsiste) et l'enfant mineur
du couple ont en principe droit à une autorisation de police
des étrangers (art. 17 al. 2 de la loi fédérale du 26 mars
1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers [LSEE;
RS 142.20]), le présent recours de droit administratif est
recevable à l'égard de tous les recourants.

2.- Selon la décision entreprise, fondée sur l'art. 9
al. 4 lettre a LSEE, il est fait grief à l'époux d'avoir ce-
lé la conclusion de son second mariage aux autorités suisses
et d'avoir ainsi abusivement invoqué un mariage avec une
Suissesse qui n'existait plus que formellement dans le seul
but d'obtenir une autorisation d'établissement et à terme le
regroupement avec sa famille tunisienne.

a) Selon l'art. 7 al. 1 LSEE, le conjoint étranger d'un
ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la prolongation
de l'autorisation de séjour. Selon la jurisprudence (ATF 121
II 97 consid. 2 p. 100), il suffit en principe que le maria-
ge existe formellement. Toutefois, le conjoint étranger abu-
se de ce droit lorsqu'il invoque un mariage n'existant plus
que formellement dans le seul but d'obtenir une autorisation
de séjour, car cet objectif n'est pas protégé par l'art. 7
al. 1 LSEE (ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103/104). Après un
séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, le conjoint
étranger d'un ressortissant suisse a en principe droit à une
autorisation d'établissement. Celle-ci n'étant pas limitée
dans le temps, un divorce éventuel ne pourra plus influer

sur le droit à l'établissement en Suisse de l'étranger. A
l'échéance de ces cinq ans, il n'a plus besoin de se référer
au mariage. Il est donc déterminant de savoir si l'abus de
droit existait déjà avant l'écoulement de ce délai (ATF 121
II 97 consid. 4c p. 104/105).

Par ailleurs, l'art. 9 al. 4 lettre a LSEE dispose que
l'autorisation d'établissement est révoquée lorsque l'étran-
ger l'a obtenue par surprise, en faisant de fausses déclara-
tions ou en dissimulant des faits essentiels. Lorsque ces
conditions sont remplies, l'autorité n'est toutefois pas
tenue de prononcer la révocation; elle doit examiner les
données du cas particulier et dispose d'une certaine marge
d'appréciation (ATF 112 Ib 473 consid. 4 p. 477). Au sur-
plus, selon la jurisprudence, une simple négligence ne suf-
fit pas; il faut que le requérant ait intentionnellement
donné de fausses indications ou dissimulé des faits essen-
tiels dans l'intention d'obtenir l'autorisation d'établisse-
ment (ATF 112 Ib 473 consid. 3 p. 475 précité). Ne sont pas
seulement essentiels les faits au sujet desquels l'autorité
administrative pose expressément des questions au requérant
mais aussi ceux dont le requérant doit savoir qu'ils sont
déterminants pour l'octroi de l'autorisation. L'autorité
doit dès lors examiner si, en connaissance de cause, elle
aurait pris une autre décision au moment de la délivrance
de l'autorisation.

b) En l'espèce, il est établi que R.________ a contrac-
té, le 26 mai 1996, un mariage avec une compatriote, alors
qu'il était encore marié à une Suissesse. Lorsqu'il a sol-
licité la délivrance d'une autorisation d'établissement en
avril 1998, le prénommé était donc bigame, puisque le divor-
ce d'avec son épouse suisse n'est finalement entré en force
que le 20 mars 1999. L'intéressé ayant sciemment dissimulé
un fait essentiel aux autorités suisses avant de demander
une telle autorisation, les conditions de l'art. 9 al. 4

lettre a LSEE sont donc clairement réalisées (cf. arrêt non
publié du 13 janvier 2000 en la cause S. c. canton des Gri-
sons, où le Tribunal fédéral a confirmé la révocation d'une
autorisation d'établissement du simple fait que l'intéressé
était bigame au moment de l'octroi d'une telle autorisa-
tion). C'est donc à bon droit que les autorités cantonales
ont révoqué l'autorisation d'établissement de R.________ et,
en conséquence, refusé de délivrer une autorisation de sé-
jour à sa femme, respectivement une autorisation d'établis-
sement à son enfant.

L'époux ne conteste pas avoir dissimulé la conclusion
de son second mariage aux autorités suisses avant de requé-
rir une autorisation d'établissement en 1998. Mais il allè-
gue qu'il l'a fait essentiellement par "désarroi personnel
et par incertitude de l'avenir" et non pour tromper les au-
torités. Il explique qu'il n'aurait jamais consenti libre-
ment à épouser sa femme actuelle, avec laquelle il avait en-
tretenu une relation hors mariage, sans la pression exercée
par sa belle-famille. Selon lui, on ne saurait dès lors en
conclure que sa précédente union n'existait que formellement
à partir du 26 mai 1996. Mais l'intéressé ne peut pas tirer
argument de son prétendu "désarroi personnel" pour justifier
son silence. En effet, il savait ou aurait dû savoir que la
célébration de son second mariage était un élément détermi-
nant à l'égard de sa situation sur le plan de la police des
étrangers et que s'il avait annoncé cette union immédiate-
ment, il n'aurait pas pu continuer à demeurer en Suisse. Si-
non, on ne comprend pas pourquoi il a attendu près de trois
ans pour informer les autorités de ce mariage. Ce n'est du
reste qu'une fois que son divorce d'avec sa première femme
est devenu définitif le 20 mars 1999 qu'il a annoncé l'exis-
tence de sa seconde épouse et de son fils, avec lesquels il
souhaite partager sa vie. Tous ces éléments tendent à démon-
trer qu'il a intentionnellement caché sa réelle situation
familiale au moment du dépôt de la requête tendant à l'oc-

troi d'une autorisation d'établissement afin de tromper les
autorités.

En résumé, l'autorité intimée n'a pas abusé de son pou-
voir d'appréciation en retenant qu'à partir du 26 mai 1996
au plus tard, R.________ ne pouvait plus invoquer son pre-
mier mariage - qui n'existait que formellement - pour obte-
nir une autorisation de police des étrangers, sous peine de
commettre un abus de droit manifeste. Comme cet abus exis-
tait déjà avant l'écoulement du délai de cinq ans, l'époux
ne saurait exiger le maintien de son autorisation d'établis-
sement sur la base de l'art. 7 al. 1 LSEE.

3.- Mal fondé, le présent recours doit être rejeté.
Succombant, les recourants doivent supporter les frais ju-
diciaires, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1.- Rejette le recours.

2.- Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la char-
ge des recourants, solidairement entre eux.

3.- Communique le présent arrêt en copie au mandataire
des recourants, au Service de la population et au Tribunal

administratif du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Office fédéral
des étrangers.

Lausanne, le 23 avril 2001
LGE/mnv

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.483/2000
Date de la décision : 23/04/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-23;2a.483.2000 ?
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