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18/04/2001 | SUISSE | N°4P.293/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 avril 2001, 4P.293/2000


«/2»

4P.293/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

18 avril 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu et Mme
Klett, juges. Greffière: Mme Charif Feller.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

R.________, représenté par Me Michel Ducrot, avocat à
Martigny,

contre

le jugement rendu le 2 novembre 2000 par la IIe Cour civile
du Tribunal cantonal du canton du Valais dans la cause qui
oppose le recourant Ã

  D.________, représenté par Me Bernard
Détienne, avocat à Sion;

(art. 9 et 29 al. 2 Cst; procédure civile)

Vu les p...

«/2»

4P.293/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

18 avril 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu et Mme
Klett, juges. Greffière: Mme Charif Feller.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

R.________, représenté par Me Michel Ducrot, avocat à
Martigny,

contre

le jugement rendu le 2 novembre 2000 par la IIe Cour civile
du Tribunal cantonal du canton du Valais dans la cause qui
oppose le recourant à D.________, représenté par Me Bernard
Détienne, avocat à Sion;

(art. 9 et 29 al. 2 Cst; procédure civile)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 7 mai 1991, R.________ a été nommé fondé de
pouvoir, avec signature collective à deux, de X.________
S.A., dont le but était la promotion du tourisme et de la
gastronomie notamment à travers la gérance et la location
d'établissements gastronomiques et d'hôtels, et dont la rai-
son sociale a été transformée, le même jour, en Compagnie
Y.________ S.A. (ci-après: Y.________). Le 22 mai 1991,
R.________ a été inscrit au registre du commerce. Le 1er
juillet 1991, D.________ est entré en fonction chez
Y.________, en qualité de directeur. Nommé membre et délégué
du conseil d'administration de Y.________ le 12 novembre
1991, il a été inscrit le 18 novembre au registre du
commerce
comme administrateur, avec signature collective à deux. Son
salaire mensuel s'élevait à 12 000/13 000 fr. Après son en-
trée en fonction, D.________ a rapidement informé les
membres
du conseil d'administration de la mauvaise situation finan-
cière de la société.

Le 16 juin 1992, Y.________ a été déclarée en fail-
lite. Le total des productions atteignait 8 096 713 fr.75.
La
Caisse de compensation Hotela (ci-après: Hotela), à laquelle
Y.________ était affiliée, a produit une créance relative
aux
soldes impayés des cotisations AVS pour un montant de
91 922 fr.10, admise en 2ème classe à l'état de collocation.
Après versement d'un dividende, le solde impayé s'élevait en-
core à 68 570 fr.20. La faillite a été clôturée le 19 août
1996. Les administrateurs français de Y.________ ayant été
déclarés en faillite en France, Hotela a rendu, le 7 février
1997, des décisions en réparation du dommage (art. 52 LAVS)
à
l'encontre des administrateurs suisses et de R.________, qui
ont tous formé opposition. Le 17 mars 1997, elle a remplacé
ses décisions précédentes par deux nouvelles décisions à

l'encontre de D.________, portant respectivement sur
20 702 fr.50 et 22 806 fr.90. Le 17 avril 1997, celui-ci a
payé les montants réclamés, soit 43 509 fr.40 au total. Le
même jour, D.________ a sollicité R.________ de rembourser,
à
l'instar d'un autre administrateur, le tiers de ladite
somme,
soit 14 503 fr.15. R.________ a refusé de payer, alors que
dans le courant de 1996, il avait partiellement remboursé à
D.________ le tiers d'un montant réclamé le 8 novembre 1995,
dans le cadre de la faillite de Y.________, par la Caisse de
compensation du canton de Berne.

B.- Le 7 octobre 1997, D.________ a assigné
R.________ en paiement de 14 503 fr.15, avec intérêts.

Par jugement du 2 novembre 2000, la IIe Cour civile
du Tribunal cantonal du canton du Valais a condamné
R.________ au paiement de 14 503 fr.15, plus intérêts.

C.- Parallèlement à un recours en réforme, qui a
été déclaré sans objet par arrêt séparé de ce jour,
R.________ forme un recours de droit public au Tribunal
fédéral. Il y conclut à l'annulation du jugement attaqué.

L'intimé propose le rejet du recours. Pour sa part,
la cour cantonale se réfère aux considérants de son jugement.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Invoquant l'art. 9 Cst., le recourant reproche
tout d'abord à la cour cantonale d'avoir retenu arbitraire-
ment qu'il était devenu, le 7 mai 1991, non seulement fondé
de pouvoir mais également membre du conseil
d'administration.

a) Une décision est arbitraire lorsqu'elle contre-
dit clairement la situation de fait, lorsqu'elle viole grave-
ment une norme ou un principe juridique clair et indiscuté,
ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment
de
la justice et de l'équité; à cet égard, le Tribunal fédéral
ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale
de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain.
Par
ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de l'arrêt attaqué
soient insoutenables, encore faut-il que ce dernier soit ar-
bitraire dans son résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire
du seul fait qu'une autre solution que celle de l'autorité
intimée apparaît comme concevable, voire préférable (ATF 125
II 10 consid. 3a; 124 I 247 consid. 5; 124 V 137 consid. 2b;
123 I 1 consid. 4a).

b) Selon la cour cantonale, les actes du dossier
attesteraient que R.________ était déjà membre du conseil
d'administration de la société en mai 1991, à titre de fondé
de pouvoir, au moment où celle-ci changeait de raison socia-
le. La cour cantonale contredit manifestement sa propre cons-
tatation de fait, basée sur le registre du commerce, selon
laquelle le recourant a été inscrit, à la date mentionnée,
comme fondé de pouvoir uniquement. Le jugement attaqué
semble
opérer une confusion entre l'inscription formelle du recou-
rant au registre du commerce, en qualité de fondé de pouvoir
exclusivement, et sa situation de fait au sein de la
société,
telle que décrite par l'attaché de direction de celle-ci. In-
dépendamment de la question du rôle exercé en fait par le
recourant dans la société, la cour cantonale ne saurait dé-
duire du témoignage retenu qu'il était devenu membre du con-
seil d'administration, le 7 mai 1991. La distinction entre
les deux fonctions mentionnées pourrait revêtir une importan-
ce, dans la mesure où le fondé de pouvoir d'une société ano-
nyme a un pouvoir de représentation comparable à celui d'un

conseil d'administration, mais que, du point de vue juridi-
que, il lui est clairement subordonné (Watter, Basler Kommen-
tar, n. 4 ad art. 721 CO et n. 7 ad art. 459 CO). En
l'espèce
toutefois, l'affirmation erronée de la cour cantonale ne por-
te pas à conséquence, tant il est vrai que le recourant ne
conteste pas avoir été, durant une certaine période,
impliqué
dans la gestion de la société.

2.- Le recourant s'en prend à l'affirmation de la
cour cantonale selon laquelle il aurait joué un rôle impor-
tant dans la société après l'entrée en fonction du nouveau
directeur et jusqu'au jour du prononcé de la faillite. Le
recourant relève que toutes les dépositions, qui font état
de
ses activités de gestion, indiquent que celles-ci ont cessé
depuis l'entrée en fonction de l'intimé.

Selon le jugement attaqué, l'attaché de direction a
déclaré que le recourant fonctionnait, jusqu'à l'arrivée de
l'intimé, en tant que gestionnaire de la société et comme
son
véritable directeur. Toutefois, le recourant aurait continué
à se rendre à son siège après la nomination du nouveau direc-
teur et jusqu'au jour de la faillite de la société. Se
basant
sur le témoignage de l'intimé lui-même, la cour cantonale re-
tient par ailleurs que durant le premier trimestre suivant
la
nomination du nouveau directeur, soit de juillet à septembre
1991, le recourant se rendait au siège de la société pour
s'assurer de sa bonne marche.

S'il ressort de ces deux témoignages que le recou-
rant assumait une fonction importante dans la société jus-
qu'en juillet, voire jusqu'en septembre 1991, le fait qu'il
continuait éventuellement de s'y rendre par la suite ne suf-
fit pas pour en inférer qu'il y jouait encore un rôle impor-
tant au moment de la faillite en juin 1992. Outre les décla-
rations de l'intimé lui-même, très claires à ce sujet, cela
est corroboré par les témoignages de l'un des
administrateurs

de la société et du contrôleur de gestion, lesquels permet-
tent uniquement de constater respectivement que le recourant
a participé de manière irrégulière à des séances du conseil
d'administration à une époque indéterminée, voire que son
nom
figurait sur les procès-verbaux du conseil d'administration
ou de direction.

Par ailleurs, se basant sur la déposition d'une ad-
ministratrice, en fonction dans la société de janvier 1992 à
mai 1992, la cour cantonale a retenu que le recourant n'a
pas
participé à la séance du conseil d'administration du 28 jan-
vier 1992. A relever que l'administratrice tout comme le con-
trôleur de gestion, actifs dans la société en 1992, ont dé-
claré ne pas connaître le recourant personnellement, alors
que celle-là était capable de reconnaître les autres adminis-
trateurs de la société. Le jugement attaqué a également ex-
pressément écarté le témoignage d'une secrétaire de la socié-
té, qui a travaillé au service comptable jusqu'à la fin de
l'année 1991 et qui a déclaré ne jamais avoir vu le
recourant
et ignorer sa fonction.

L'attaché de direction étant le seul a avoir décla-
ré que le recourant se rendait encore au siège de la société
jusqu'à sa faillite, la cour cantonale, quand bien même elle
voulait tenir la présence de celui-ci au sein de la société
en 1992 pour établie, ne pouvait, sur la base de l'ensemble
des témoignages retenus, qualifier son rôle d'important jus-
qu'à la faillite. Comme déjà mentionné, le simple fait que
le
recourant passait au siège de la société ne signifie nulle-
ment qu'il y exerçait encore une fonction et encore moins
que
celle-ci était importante. Dès lors qu'elle contredit mani-
festement la situation de fait, la conclusion de la cour
cantonale doit être qualifiée d'arbitraire.

3.- Le recourant se plaint encore d'une absence de
motivation de certains faits pertinents, constitutive d'un

déni de justice formel ou d'une application arbitraire de
l'art. 213 al. 1 let. c et d du Code de procédure civile va-
laisanne (ci-après: CPC/VS).

a) Selon l'art. 213 al. 1 let. c et d CPC/VS, le
jugement doit contenir les conclusions des parties et l'expo-
sé des faits ainsi que les considérants. Ces exigences vont
au-delà du standard minimum de la Constitution fédérale
(Michel Ducrot, Le droit judiciaire privé valaisan, 2000, p.
375). Le tribunal ne peut ainsi se contenter de mentionner
brièvement les motifs conformément à ce qui découle de
l'art.
29 al. 2 Cst. (cf. ATF 126 I 97 consid. 2b et les arrêts ci-
tés). Il doit, tout d'abord, constater les faits, ce qui im-
plique d'indiquer pour quelles raisons il retient un fait
plutôt qu'un autre lorsqu'il y a contestation. Ensuite, le
juge est tenu d'énoncer les principes juridiques et les con-
séquences qu'il en tire.

b) Le recourant reproche à la cour cantonale, d'une
part, de ne pas avoir retenu de constatation sur les activi-
tés et responsabilités de l'intimé quant aux décomptes avec
la caisse de compensation, au paiement des salaires et des
charges sociales, ainsi que, d'autre part, de ne pas avoir
indiqué durant quelles périodes et pour quels salaires les
cotisations n'ont pas été versées.

En l'espèce, les décomptes de la caisse de compen-
sation, cités par le jugement attaqué, mentionnent des fac-
tures d'avril et de mai 1992. La cour cantonale retient va-
guement que le manque de liquidités nécessaires aux verse-
ments des cotisations sociales concernait les derniers mois
précédant la faillite; elle n'a donc manifestement pas pris
en compte les moyens de défense pertinents que le recourant
a
allégués à cet égard par-devant elle. Elle a de surcroît
ignoré, sans explication, les dépositions de l'intimé et du
contrôleur de gestion, dont il ressort que celui-là avait la

responsabilité globale des opérations portant sur le verse-
ment des salaires et des charges sociales et qu'il
vérifiait,
en signant les pièces bancaires, l'activité de la personne
chargée desdits versements.

La cour cantonale se borne à insister sur le fait
que le recourant connaissait la mauvaise situation
financière
de la société alors qu'il la dirigeait effectivement, soit
avant que l'intimé n'entre en fonction, et qu'il avait eu
l'occasion, durant cette période, de prendre les mesures
éventuelles pour éviter un dommage aux caisses de compensa-
tion. Dès lors, on ne comprend pas pourquoi le recourant se-
rait responsable du dommage survenu les derniers mois avant
la faillite, puisque, comme on l'a vu, la présence de
celui-ci dans la société, à l'époque considérée comme déter-
minante par le jugement attaqué, ne permet pas d'en inférer
qu'il la gérait toujours, c'est-à-dire qu'il influait de ma-
nière déterminante sur la volonté de la société (ATF 126 V
237 consid. 4 et les arrêt cités), et qu'il disposait encore
d'un pouvoir décisionnel lui permettant d'empêcher le non-
paiement desdites cotisations (cf. ATF 112 V 152 consid. 5),
ce d'autant plus que la société était alors gérée par un nou-
veau directeur et administrateur délégué. Au demeurant, la
cour cantonale ne dit rien sur la teneur de la stratégie com-
merciale, que le recourant devait définir une année avant la
faillite, ni sur son éventuel impact sur l'ensemble des admi-
nistrateurs. En particulier, elle ne prétend pas que le re-
courant aurait contribué à retarder la mise en faillite de
la
société en affirmant notamment que celle-ci était viable et
en aggravant ainsi le dommage subi en définitive par la Cais-
se de compensation (cf. ATF 112 V 152, consid. 4, extrait
non
publié; 108 V 189 consid. 4). Enfin, s'agissant de la réac-
tion du recourant quant au dommage subi par la Caisse de com-

pensation du canton de Berne, on ne peut en déduire l'admis-
sion implicite de sa part d'une responsabilité dans le cadre
du présent litige. En effet, le jugement attaqué ne précise

pas non plus à quelles périodes se rapportaient les arriérés
des cotisations, dus à la Caisse de compensation du canton
de
Berne, de sorte que l'on ne peut déterminer les compétences
du recourant au moment de la naissance de ce dommage.

Vu l'absence de motivations sur ces points, la cour
cantonale a violé le droit d'être entendu, tel qu'il découle
de l'art. 213 al. 1 let. c et d CPC/VS.

4.- Cela étant, le recours doit être admis et le
jugement attaqué annulé. Il se justifie de mettre les frais
de justice à la charge de l'intimé qui versera en outre au
recourant une indemnité à titre de dépens.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule le jugement attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de l'intimé;

3. Dit que l'intimé versera au recourant une indem-
nité de 2500 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton du Valais.

___________

Lausanne, le 18 avril 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.293/2000
Date de la décision : 18/04/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-18;4p.293.2000 ?
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