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17/04/2001 | SUISSE | N°6S.192/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 avril 2001, 6S.192/2001


«/2»

6S.192/2001/mnv

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
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17 avril 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Michellod.
_________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représentée par Me Claude Ulmann, avocat à
Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 31 janvier 2001 par la Chambre
d'accusation de la Cour de justice genevoise da

ns la
cause qui oppose la recourante au Procureur général
du canton de G e n è v e ainsi qu'à Y.________, re-
présenté ...

«/2»

6S.192/2001/mnv

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

17 avril 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Michellod.
_________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représentée par Me Claude Ulmann, avocat à
Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 31 janvier 2001 par la Chambre
d'accusation de la Cour de justice genevoise dans la
cause qui oppose la recourante au Procureur général
du canton de G e n è v e ainsi qu'à Y.________, re-
présenté par Me Jacques Roulet, avocat à Genève;

(principe "ne bis in idem")

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Le 3 novembre 1999, une collision s'est
produite entre le scooter conduit par X.________ et la
voiture conduite par Y.________; circulant sur la route
de Z.________ en direction du centre-ville de Genève,
X.________ a été dépassée par la voiture pilotée par
l'intimé. Peu après, ce dernier a tourné à droite en
coupant la route à la scootériste, ce qui a provoqué
sa chute. X.________ a subi d'importantes blessures.

Y.________ a été renvoyé devant le Tribunal de
police du canton de Genève pour violation des règles de
la circulation. Par jugement du 23 mai 2000, il a été
acquitté au bénéfice du doute. X.________ n'a pas été
entendue.

b) Le 20 novembre 2000, X.________ a déposé
plainte pénale pour lésions corporelles graves par né-
gligence contre Y.________. Le Procureur général du
canton de Genève a classé cette plainte le 27 novembre
2000, pour le motif qu'elle était tardive.

X.________ a déposé un recours auprès de la Cham-
bre d'accusation de la Cour de justice genevoise. Elle a
allégué avoir subi des lésions corporelles graves qui se
poursuivaient d'office; elle a soutenu que le principe
"ne bis in idem" ne s'appliquait pas dès lors que le Tri-
bunal de police avait uniquement été saisi d'un cas de
violation des règles de la circulation et n'avait pas eu
à examiner la problématique des lésions corporelles gra-
ves qu'elle avait subies.

c) Par ordonnance du 31 janvier 2001, la Chambre
d'accusation a rejeté le recours en vertu du principe "ne
bis in idem", les lésions corporelles en question n'étant
que les conséquences des fautes de circulation alléguées
et pour lesquelles Y.________ avait été acquitté par le
Tribunal de police.

B.- X.________ se pourvoit en nullité auprès de
la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral et con-
clut à l'annulation de l'ordonnance du 31 janvier 2001.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) En qualité de victime au sens de l'art. 2
LAVI ayant participé à la procédure cantonale, la recou-
rante a qualité pour interjeter un pourvoi en nullité
dans la mesure où l'ordonnance attaquée peut avoir des
incidences sur le jugement de ses prétentions civiles
découlant de l'infraction en cause (art. 270 let. e
ch. 1 PPF).

Lorsque la cause n'a pas été portée devant une
autorité de jugement et que la victime n'a donc pas pu
prendre de conclusions civiles dans la procédure pénale,
il lui incombe d'indiquer de manière suffisante dans son
mémoire de pourvoi quelles prétentions civiles elle en-
tend faire valoir et en quoi la décision attaquée pour-
rait avoir une influence négative sur le jugement de
celles-ci. Cette exigence a été posée par la jurispru-
dence pour que le Tribunal fédéral soit en mesure de dis-

cerner ce qui justifie d'entrer en matière sur le pour-
voi. Lorsque le recourant ne fournit pas les indications
ainsi exigées, le pourvoi est en règle générale irreceva-
ble, dès lors que l'une des conditions de la qualité pour
recourir n'est pas établie (cf. ATF 125 IV 109 consid. 1b
p. 111; 123 IV 254 consid. 1 p. 256). Dans la mesure tou-
tefois où il est d'emblée manifeste que cette condition
est réalisée, parce que les prétentions civiles que pour-
rait faire valoir le recourant sont évidentes et que l'on
discerne tout aussi clairement en quoi la décision atta-
quée peut influencer négativement le jugement de celles-
ci, le seul fait que cela ne soit pas exposé formellement
dans le mémoire n'entraîne pas l'irrecevabilité du pour-
voi.

b) En l'espèce, la recourante se limite à affir-
mer, sans autre démonstration ou indication, que la re-
connaissance de la culpabilité de l'intimé aura des con-
séquences sur ses prétentions civiles au sens où l'entend
l'art. 270 PPF; une telle affirmation ne satisfait évi-
demment pas aux exigences précitées. Toutefois, le pour-
voi porte sur la question de savoir si la constatation
que l'intimé n'a pas commis de faute de circulation est
définitive ou non; l'absence de faute de l'intimé réduit
les dommages-intérêts que la recourante peut lui récla-
mer. Les conséquences d'une admission du présent pourvoi
sur les conclusions civiles de la recourante sont donc
manifestes et il y a lieu d'entrer en matière.

c) Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre
de l'appréciation des preuves et des constatations de
fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83 et
les arrêts cités). Sous réserve de la rectification d'une
inadvertance manifeste, la Cour de cassation est liée par
les constatations de fait de l'autorité cantonale (art.
277bis al. 1 PPF). Il ne peut être présenté de griefs

contre celles-ci, ni de faits ou de moyens de preuve nou-
veaux (art. 273 al. 1 let. b PPF). Dans la mesure où le
recourant présenterait un état de fait qui s'écarte de
celui contenu dans la décision attaquée, il n'est pas
possible d'en tenir compte; le raisonnement juridique
doit être mené exclusivement sur la base de l'état de
fait retenu par la cour cantonale (cf. ATF 124 IV 92 con-
sid. 1 p. 93, 81 consid. 2a p. 83 et les arrêts cités).

La Cour de cassation n'est pas liée par les mo-
tifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des con-
clusions du recourant (art. 277bis PPF), lesquelles doi-
vent être interprétées à la lumière de leur motivation
(ATF 124 IV 53 consid. 1 p. 55; 123 IV 125 consid. 1
p. 127).

2.- La recourante se plaint d'une mauvaise ap-
plication du principe "ne bis in idem".

a) Selon la jurisprudence, le principe "ne bis in
idem" appartient au droit pénal fédéral (ATF 125 II 402
consid. 1b; 116 IV 262 consid. 3a). Il en résulte que sa
violation peut donner lieu à un pourvoi en nullité (art.
269 al. 1 PPF). Ce principe, qui est un corollaire de
l'autorité de chose jugée, interdit qu'une personne soit
pénalement poursuivie deux fois pour les mêmes faits.
L'autorité de chose jugée et le principe "ne bis in idem"
supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procé-
dure, de la personne visée et des faits retenus (ATF 123
II 464 consid. 2b p. 466; 120 IV 10 consid. 2b p. 12 s.;
118 IV 269 consid. 2 p. 271).

b) Aux termes de l'art. 125 CP, celui qui, par
négligence, aura fait subir à une personne une atteinte
à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte,

puni de l'emprisonnement ou de l'amende; l'auteur sera
poursuivi d'office si la lésion est grave.

L'art. 18 al. 3 CP donne une définition de la né-
gligence: "celui-là commet un crime ou un délit par né-
gligence, qui, par une imprévoyance coupable, agit sans
se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences
de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur
de l'acte n'a pas usé des précautions commandées par les
circonstances et par sa situation personnelle".

Pour qu'il y ait lésions corporelles par négli-
gence, il faut tout d'abord que l'auteur ait violé les
règles de la prudence que les circonstances lui impo-
saient pour ne pas excéder les limites du risque admis-
sible. Pour déterminer plus précisément quels étaient
les devoirs imposés par la prudence, on peut en particu-
lier se référer à des normes édictées par l'ordre juri-
dique pour assurer la sécurité et éviter les accidents.
S'agissant d'accidents de la route, ce sont les règles
de la circulation routière qui déterminent quels étaient
les devoirs de la prudence (ATF 126 IV 91 consid. 4a/aa
p. 92; 122 IV 133 consid. 2a p. 135, 225 consid. 1a
p. 227).

c) L'intimé a été renvoyé devant le Tribunal de
police pour violation de règles de la circulation lors de
l'accident du 3 novembre 1999; cette autorité, au terme
d'une procédure ordinaire, a acquitté l'intimé au béné-
fice du doute. Le jugement d'acquittement est entré en
force; l'intimé ne peut donc pas une seconde fois être
jugé pour son comportement au volant. La Chambre d'accu-
sation cantonale en a pertinemment déduit qu'une condam-
nation de l'intimé pour lésions corporelles par négli-
gence, qui présuppose que l'intimé ait violé une règle
de la circulation, est dès lors exclue. Dans ces circons-

tances, la décision de classer la procédure pour lésions
corporelles par négligence ne prête pas flanc à la cri-
tique.

3.- La recourante se plaint d'une violation de
l'art. 125 al. 2 CP. Elle soutient que c'est à tort que
la Chambre d'accusation a nié la réalisation de cette in-
fraction et qu'elle a perdu de vue que celle-ci se pour-
suivait d'office.

L'ordonnance de la Chambre d'accusation, qui
seule peut faire l'objet du pourvoi (art. 268 ch. 2 PPF),
n'est pas motivée par le fait que la recourante n'aurait
pas subi de lésions corporelles graves et que sa plainte
serait tardive. La confirmation du classement est moti-
vée uniquement par l'application du principe "ne bis in
idem". Le grief de la recourante tombe donc à faux; dès
lors que l'intimé ne peut plus être rejugé pour son com-
portement au volant lors de l'accident du 3 novembre
1999, peu importe que l'infraction de lésions corporel-
les par négligence se poursuive d'office ou uniquement
sur plainte.

4.- Vu l'issue du pourvoi, la recourante suppor-
tera les frais de la procédure (art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le pourvoi.

2. Met à la charge de la recourante un émolument
judiciaire de 2'000 francs.

3. Communique le présent arrêt en copie aux man-
dataires des parties, au Procureur général du canton de
Genève et à la Chambre d'accusation de la Cour de justice
genevoise.

_________

Lausanne, le 17 avril 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.192/2001
Date de la décision : 17/04/2001
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-17;6s.192.2001 ?
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