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10/04/2001 | SUISSE | N°B.47/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 avril 2001, B.47/00


«AZA 7»
B 47/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Rüedi
et Ferrari; Beauverd, Greffier

Arrêt du 10 avril 2001

dans la cause

R.________, recourante, représentée par Maître Maurizio
Locciola, avocat, Boulevard Helvétique 27, 1211 Genève 3,

contre

Winterthur-Columna fondation LPP, Paulstrasse 9,
8400 Winterthur, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- R.________ a travaillé en qualité d'empl

oyée de
bureau au service de l'agence X.________ (ci-après : l'em-
ployeur). Elle y a exercé une activité à mi-temps du
1er avril 1...

«AZA 7»
B 47/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Rüedi
et Ferrari; Beauverd, Greffier

Arrêt du 10 avril 2001

dans la cause

R.________, recourante, représentée par Maître Maurizio
Locciola, avocat, Boulevard Helvétique 27, 1211 Genève 3,

contre

Winterthur-Columna fondation LPP, Paulstrasse 9,
8400 Winterthur, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- R.________ a travaillé en qualité d'employée de
bureau au service de l'agence X.________ (ci-après : l'em-
ployeur). Elle y a exercé une activité à mi-temps du
1er avril 1987 au 30 août 1993, puis à 80 % à partir du
1er septembre 1993. A ce titre, elle était affiliée à la
Winterthur-Columna fondation LPP (ci-après : l'institution
de prévoyance).

Simultanément, elle a effectué, en compagnie de son
ami, des travaux de conciergerie pour le compte d'une
régie. Elle a cessé cette activité le 28 février 1994, à
l'époque de leur séparation.
Le 15 août 1994, son employeur l'a licenciée au
31 octobre suivant en raison d'une restructuration, tout en
la libérant de l'obligation de travailler dès le 31 août
1994.
R.________ a bénéficié d'indemnités de chômage du
1er novembre 1994 au mois de février 1995.
Au mois d'avril 1995, elle a requis une rente de l'as-
surance-invalidité en alléguant des douleurs à la colonne
vertébrale, aux membres inférieurs et supérieurs, ainsi que
des troubles digestifs et intestinaux. Par des décisions du
16 septembre 1997, l'Office cantonal AI de Genève lui a
alloué une demi-rente (fondée sur un degré d'invalidité de
65 %) à partir du 1er février 1996 et une rente entière
(fondée sur un taux d'invalidité de 100 %) à partir du
1er mai suivant.
Saisie d'une demande de prestations, l'institution de
prévoyance a refusé d'y donner suite, motif pris que l'in-
capacité de travail invalidante était apparue après la fin
des rapports d'assurance.

B.- R.________ a alors assigné l'institution de
prévoyance devant le Tribunal administratif du canton de
Genève en paiement d'une rente d'invalidité à partir du
1er septembre 1995.
Statuant le 9 mai 2000, la juridiction cantonale a re-
jeté la demande. En bref, elle a considéré que l'incapacité
de travail avait débuté plus de 30 jours après la fin des
rapports d'assurance.

C.- R.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont elle requiert l'annulation,
en concluant au paiement par l'institution de prévoyance
d'une demi-rente d'invalidité dès le 1er septembre 1995 et
d'une rente entière à partir du 1er mai 1996, assorties
d'une rente complémentaire correspondante pour enfant.
L'intimée conclut implicitement au rejet du recours.
L'Office fédéral des assurances sociales s'en remet à
justice.

Considérant en droit :

1.- La contestation ici en cause relève des autorités
juridictionnelles mentionnées à l'art. 73 LPP, tant du
point de vue de la compétence ratione temporis que de celui
de la compétence ratione materiae (ATF 122 V 323 consid. 2,
120 V 18 consid. 1a et les références), et le recours de
droit administratif est recevable de ce chef.

2.- Le litige porte sur le moment de la survenance de
l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de
l'invalidité, partant sur l'obligation de l'institution de
prévoyance de verser des prestations d'invalidité.

a) Dans le domaine de la prévoyance professionnelle
obligatoire, les rapports juridiques entre l'institution de
prévoyance et l'ayant droit sont régis en première ligne
par la LPP et, dans une certaine mesure aussi, par les
statuts ou règlements de l'institution, pour autant que les
dispositions qu'ils renferment ne soient pas contraires aux
règles impératives de la loi (art. 50 LPP). Les prestations
en faveur des bénéficiaires naissent ainsi directement de
la loi ou du contrat de prévoyance (en matière de prévoyan-
ce plus étendue).

b) Aux termes de l'art. 6.1.2 du règlement de l'inti-
mée, dans sa version applicable dès le 1er mai 1994, le
salarié qui sort de l'institution de prévoyance demeure
assuré pour les risques de décès et d'incapacité de gain
(invalidité) jusqu'à ce qu'il ait conclu un nouveau contrat
de travail, mais au maximum pendant 30 jours.
Cette disposition réglementaire est conforme à
l'art. 10 al. 3 LPP dans sa teneur en vigueur au moment
déterminant.
En l'espèce, les rapports de travail avec l'employeur
affilié ont pris fin le 31 octobre 1994. Comme la recou-
rante n'a pas été engagée par un nouvel employeur avant
l'expiration du délai de 30 jours, l'assurance obligatoire
de l'intimée a pris fin le 30 novembre 1994. Il convient
donc d'examiner si l'incapacité de travail invalidante est
survenue avant cette date.

3.- a) Les premiers juges ont exposé de manière dé-
taillée les règles applicables en matière de droit aux
prestations d'invalidité, notamment celles qui traitent de
la naissance de ce droit et de l'appréciation des preuves,
si bien que l'on peut y renvoyer. En particulier, ont droit
à des prestations d'invalidité les personnes qui étaient
assurées lors de la survenance de l'incapacité de travail
dont la cause est à l'origine de l'invalidité (art. 23
LPP). Selon la jurisprudence, l'événement assuré au sens de
l'art. 23 LPP est uniquement la survenance d'une incapacité
de travail d'une certaine importance, indépendamment du
point de savoir à partir de quel moment et dans quelle
mesure un droit à une prestation d'invalidité est né. Par
ailleurs, au sens de la disposition légale en cause, est
déterminante la survenance de l'incapacité de travail
proprement dite et non celle de la cause - soit l'atteinte
à la santé - qui peut ensuite entraîner une incapacité de
travail. La qualité d'assuré doit exister au moment de la

survenance de l'incapacité de travail mais pas nécessai-
rement lors de l'apparition ou de l'aggravation de l'in-
validité. Cette interprétation littérale est conforme au
sens et au but de la disposition légale précitée, laquelle
vise à faire bénéficier de l'assurance le salarié qui,
après une maladie d'une certaine durée, devient invalide
alors qu'il n'est plus partie à un contrat de travail.
Lorsqu'il existe un droit à une prestation d'invalidité
fondé sur une incapacité de travail survenue durant la
période d'assurance, l'institution de prévoyance concernée
est tenue de prendre en charge le cas, même si le degré
d'invalidité se modifie après la fin des rapports de pré-
voyance. Dans ce sens, la perte de la qualité d'assuré ne
constitue pas un motif d'extinction du droit aux presta-
tions au sens de l'art. 26 al. 3 LPP (cf. ATF 118 V 45
consid. 5; RSAS 1994 p. 471 consid. 5a).

b) Par incapacité de travail, il faut entendre la
perte ou la diminution de la capacité de rendement de
l'assuré dans sa profession ou son champ d'activités
habituels. Pour être prise en considération, la diminution
du rendement professionnel doit être sensible et indiscu-
table; en outre, cet état de fait doit être durable. En
revanche, l'incapacité éventuelle de gain n'est pas per-
tinente (ATF 105 V 159 consid. 2a).
Lorsque, dans la prévoyance obligatoire, une insti-
tution de prévoyance reprend la même notion d'invalidité
que l'assurance-invalidité, elle est liée par le prononcé
des organes d'application de la LAI en ce qui concerne non
seulement la fixation du degré d'invalidité (ATF
115 V 208), mais également le moment de la survenance d'une
incapacité de travail invalidante (ATF 118 V 36). Elle ne
peut s'en écarter que si les constatations des organes de
l'assurance-invalidité apparaissent d'emblée insoutenables
(ATF 115 V 208).

4.- a) Selon l'art. 3.5.7 du règlement de l'intimée,
il y a incapacité de gain lorsque l'assuré est invalide au
sens de l'assurance-invalidité fédérale (AI) ou lorsque,
par suite de maladie (y compris le déclin des facultés
mentales et physiques) ou d'accident, il est empêché de
façon temporaire ou permanente d'exercer sa profession ou
de déployer une autre activité rémunérée. L'exercice de
cette activité ne peut être légitimement exigé que si elle
est compatible avec les connaissances, les aptitudes et la
situation sociale de l'assuré.

b) En l'espèce, la notion d'invalidité formulée par le
règlement est plus large que celle de l'assurance-invali-
dité. L'intimée n'est donc pas liée par la décision des
organes d'application de la LAI en ce qui concerne le
moment de la survenance de l'incapacité de travail.

5.- a) En l'espèce, seuls deux certificats médicaux
- non motivés - font état d'une incapacité de travail avant
la fin des rapports d'assurance, à savoir des certificats
des docteurs C.________, spécialiste en médecine interne
(du 20 novembre 1997), et B.________, spécialiste en
médecine interne et maladies rhumatismales (du 17 décembre
1997), aux termes desquels la recourante est incapable de
travailler depuis le 1er novembre 1994. Toutefois, il
existe une contradiction entre ces certificats et les avis
exprimés précédemment par les mêmes médecins à l'intention
de l'office AI : dans un rapport du 21 août 1995, le
docteur C.________ a attesté une incapacité de travail de
100 % à partir du 1er avril 1995 seulement, et de 50 % dès
le 1er juin suivant; quant au docteur B.________, il a fait
état, dans un rapport du 4 août 1995, d'une incapacité de
travail entière à partir du 27 février 1995 et de 50 % dès
le 1er juin suivant.

A cet égard, les déclarations du docteur B.________,
appelé à témoigner devant la juridiction cantonale, ne
permettent pas de supprimer cette contradiction, bien au
contraire. Après avoir confirmé son appréciation du 4 août
1995, ce médecin a déclaré que la recourante était inca-
pable de travailler à 100 % dès l'été 1994. Toutefois,
comme l'intéressée désirait conserver son emploi, il avait
renoncé à faire état d'une incapacité de travail à cette
époque. Par ailleurs, c'était par ignorance des lois que la
prénommée avait requis des prestations d'assurance-chômage
après son licenciement.
Ces déclarations ne sont pas convainquantes. Si la
recourante voulait à tout prix éviter un licenciement, on
ne voit pas ce qui l'empêchait de divulguer une éventuelle
incapacité de travailler après l'annonce de la résiliation
par l'employeur des rapports de travail. Certes, il est
possible qu'elle n'ait pas su à quels organes de l'assu-
rance sociale elle devait s'adresser pour faire valoir ses
droits. Cependant, si elle subissait effectivement une
perte ou une diminution sensible et indiscutable de sa
capacité de rendement, il est indéniable qu'elle l'aurait
indiqué dans la formule de demande d'indemnité de chômage,
en répondant négativement à la question «pouvez-vous certi-
fier actuellement d'une aptitude au placement ?» et en
produisant un certificat médical conformément à l'exigence
ressortant de ladite formule. Or, sur le vu d'une lettre
adressée par l'Office cantonal de l'emploi à l'office AI le
11 août 1995, ce n'est que bien plus tard qu'elle a informé
les organes de l'assurance-chômage de la survenance d'une
incapacité de travail à partir du 27 février 1995.

b) Quant au docteur M.________, spécialiste en
médecine interne, il a indiqué, dans un certificat établi
le 4 janvier 1999 à la demande de la recourante, qu'il
n'avait pas de «mention d'arrêt de travail concernant les

dernières consultations d'octobre et de novembre 1994». Il
a confirmé ce fait dans son témoignage devant la juri-
diction cantonale, ajoutant qu'il n'avait «pas trouvé de
raison pour mettre (la recourante) en arrêt de travail au
cours de l'année 1994». Toutefois, il a déclaré que, même
si l'on ne peut pas dire que la fibromyalgie dont souffre
l'intéressée est invalidante, la personne qui en est
atteinte se sent suffisamment mal pour ne pas être en
mesure de travailler à 100 %. En dépit de cela, il avait
renoncé a attester d'une incapacité de travail parce que la
prénommée avait peur d'être licenciée.
Ces déclarations ne permettent toutefois pas de con-
clure à l'existence d'une incapacité de travail invalidante
avant le 30 novembre 1994. En effet, si le docteur
M.________ estimait que la recourante subissait une dimi-
nution sensible et indiscutable de sa capacité de travail
au cours des mois d'octobre et de novembre 1994, rien ne
l'empêchait de faire état de ce fait, dès lors que la
résiliation des rapports de travail par l'employeur avait
déjà été portée à la connaissance de l'intéressée.

c) Vu ce qui précède, il n'est pas établi, au degré de
la vraisemblance prépondérante - appliquée généralement à
l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF
125 V 195 consid. 2, 121 V 47 consid. 2a, 208 consid. 6b et
la référence) - que la recourante a subi, avant le 30 no-
vembre 1994, une perte ou une diminution de sa capacité de
rendement dans sa profession habituelle ou toute autre
activité exigible au sens du règlement de l'intimée.
Il s'ensuit que le jugement attaqué n'est pas criti-
quable et que le recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Genève et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 avril 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.47/00
Date de la décision : 10/04/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-10;b.47.00 ?
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