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09/04/2001 | SUISSE | N°C.291/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 avril 2001, C.291/00


«AZA 7»
C 291/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Frésard, Greffier

Arrêt du 9 avril 2001

dans la cause

C.________, recourant, représenté par Monsieur P.________,

contre

1. Office public fribourgeois de l'emploi, Boulevard de
Pérolles 24, Fribourg,

2. Caisse publique de chômage du canton de Fribourg, rue du
Nord 1, Fribourg,
intimés,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez


A.- C.________, ingénieur ETS, travaillait au service
de l'entreprise G.________ (devenue G.________ et partenai-
res SA) depuis 19...

«AZA 7»
C 291/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Frésard, Greffier

Arrêt du 9 avril 2001

dans la cause

C.________, recourant, représenté par Monsieur P.________,

contre

1. Office public fribourgeois de l'emploi, Boulevard de
Pérolles 24, Fribourg,

2. Caisse publique de chômage du canton de Fribourg, rue du
Nord 1, Fribourg,
intimés,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- C.________, ingénieur ETS, travaillait au service
de l'entreprise G.________ (devenue G.________ et partenai-
res SA) depuis 1984. Cette société était spécialisée dans
le domaine de la gestion d'énergies industrielles et du bâ-
timent.

C.________ a été licencié le 29 juin 1999 pour le
31 décembre 1999. Il était prévu qu'il soit libéré de
l'obligation de travailler depuis le mois de septembre 1999
et que l'employeur lui garantirait son salaire jusqu'à la
fin du mois de décembre 1999 par l'attribution de mandats.
Avant la cessation des rapports de travail, C.________
a fondé la société E.________ Sàrl, qui a pour but l'ex-
ploitation d'un bureau d'ingénieurs conseils pour l'énergie
du bâtiment et qui a été inscrite au registre du commerce
le 11 novembre 1999. C.________ est associé gérant de la
société avec droit de signature individuelle.
Le 20 décembre 1999, C.________ s'est annoncé à l'as-
surance-chômage, en vue d'obtenir des indemnités journaliè-
res à partir du 1er janvier 2000.
Les 21 janvier et 7 février 2000, l'Office régional de
placement lui a accordé des contributions pour deux cours,
l'un de gestion d'un site internet, l'autre de préparation
à la certification de la norme ISO 9001.
Le 1er février 2000, C.________ a déposé une demande
de versement de soixante indemnités journalières spécifi-
ques à partir du même jour, au titre d'encouragement à une
activité indépendante. Le 16 février 2000, il a eu à ce
sujet un entretien avec deux employés d'une section de
l'Office public fribourgeois de l'emploi (OPEM).
Le 6 mars 2000, l'OPEM a rejeté la demande d'indemni-
tés journalières spécifiques. Il a considéré, notamment,
qu'E.________ Sàrl avait trouvé des locaux ainsi que l'in-
frastructure nécessaire auprès de l'ancien employeur de
l'assuré et qu'elle avait pu reprendre la part du marché
local de cet employeur. Pour cette raison, la phase néces-
saire à l'assuré pour planifier et préparer son activité
indépendante était terminée, de telle sorte que les condi-
tions mises au versement d'indemnités spécifiques n'étaient
pas réalisées.
Le 9 mars 2000, l'OPEM a rendu une seconde décision,
par laquelle il a nié l'aptitude au placement de l'assuré
dès le 1er janvier 2000.

Enfin, par décision du 15 mars 2000, la Caisse publi-
que de chômage du canton de Fribourg a réclamé à C.________
la restitution d'indemnités de chômage déjà versées pour le
mois de janvier 2000, par 5165 fr. 35.

B.- Par écriture du 6 avril 2000, C.________ a recouru
contre ces trois décisions. Statuant le 26 juillet 2000, le
Tribunal administratif du canton de Fribourg a rejeté le
recours porté devant lui.

C.- C.________ interjette un recours de droit adminis-
tratif dans lequel il conclut à l'annulation du jugement
cantonal ainsi que des décisions administratives précéden-
tes. Il conclut en outre au versement d'indemnités jusqu'au
31 mars 2000.
L'OPEM déclare ne pas avoir d'observations à formuler.
Quant à la caisse de chômage, elle conclut au rejet du
recours. Le Secrétariat d'Etat à l'économie ne s'est pas
déterminé à son sujet.

Considérant en droit :

1.- a) L'art. 71a al. 1 LACI prévoit que l'assurance
peut soutenir l'assuré au chômage ou sur le point de
l'être, qui projette d'entreprendre une activité indépen-
dante durable, par le versement de 60 indemnités journaliè-
res spécifiques au plus durant la phase d'élaboration du
projet. Les conditions de l'existence de ce droit sont
énumérées à l'art. 71b al. 1 LACI.
Selon l'art. 95a OACI, est réputée phase d'élaboration
du projet le laps de temps nécessaire à l'assuré pour pla-
nifier et préparer une activité indépendante (première
phrase). Cette définition correspond à la volonté du légis-
lateur, de sorte qu'un droit à des indemnités spécifiques
n'existe plus à partir du moment où débute l'activité indé-

pendante (arrêt non publié F. du 23 avril 1999 [C 407/97]).
En effet, les indemnités de chômage n'ont pas pour but, de
manière générale, de financer le manque d'occupation de la
personne qui commence une activité indépendante. Le con-
traire reviendrait à remplacer les risques de perte liés au
manque d'occupation dans sa nouvelle activité par des in-
demnités de chômage. Or, ceci est totalement étranger à la
volonté du législateur d'encourager la prise d'une activité
indépendante (DTA 2000 no 5 p. 26 consid. 2a et les réfé-
rences citées).

b) aa) La société E.________ Sàrl a été inscrite au
registre du commerce en novembre 1999. Le recourant en
était l'associé gérant et le directeur. Comme cela ressort
d'un «plan d'affaires» daté du 28 janvier 2000, déposé par
l'assuré à l'appui de sa demande d'indemnités spécifiques,
il est expressément indiqué que le «démarrage» de la socié-
té a eu lieu le 1er janvier 2000, avec à sa tête un ingé-
nieur ETS expérimenté (le recourant); il était prévu que
certains travaux seraient exécutés en sous-traitance avec
les personnes ou les bureaux avec lesquels la société était
déjà en contact. L'engagement ultérieur d'un dessinateur
était envisagé, en fonction de l'évolution du volume des
affaires à traiter et des arrangements possibles avec les
différents offices du travail. Il était prévu de reprendre
une part de marché abandonnée par la société G.________.
Selon ce document toujours, l'investissement de base pour
permettre à la société de fonctionner à ses débuts était
minime, car, pour la période du 1er janvier au 31 mars
2000, elle utiliserait les infrastructures (locaux et
matériel) de G.________, moyennant paiement d'un loyer.
Sur la base de ces éléments, il y a lieu de constater,
avec les premiers juges, que l'activité indépendante du re-
courant avait déjà commencé au début de l'année 2000. Comme
le relève la juridiction cantonale, le recourant - sur le-
quel reposait toute l'activité de la société - n'avait pas

besoin d'une infrastructure importante pour effectuer des
travaux d'ingénieur qui relevaient essentiellement de sa
compétence professionnelle. On peut admettre que la phase
de planification et d'élaboration du projet était, à ce
stade, terminée. Pour s'en convaincre, il suffit d'ailleurs
de lire le rapport précité, qui atteste d'une préparation
approfondie du projet de l'assuré de s'établir à son propre
compte. Le fait que l'ex-employeur du recourant mettait à
disposition les locaux et le matériel nécessaires au fonc-
tionnement d'E.________ Sàrl et qu'il se retirait d'une
part de marché entrant dans le domaine des activités de
cette société démontre aussi que toutes les dispositions
étaient prises pour un démarrage de la société dans des
conditions favorables.
Peu importe, par ailleurs, que le recourant n'ait,
selon ses dires, réalisé qu'un faible revenu et ce à partir
du mois de mars 2000 seulement : on l'a vu, le but des in-
demnités spécifiques n'est pas de couvrir le risque lié à
l'activité indépendante entreprise par l'assuré.
Les conditions requises pour le versement d'indemnités
spécifiques à partir du 1er février 2000 n'étaient donc pas
réalisées, comme l'ont retenu à bon droit l'administration
et les premiers juges.

bb) Le recourant se prévaut du droit à la protection
de la bonne foi. Lors de l'entretien du 16 février 2000,
l'un des fonctionnaires de l'OPEM chargés d'émettre un pré-
avis (en l'occurrence le préavis était favorable) lui
aurait donné l'assurance qu'il recevrait les indemnités
spécifiques demandées. Ce fonctionnaire aurait déclaré, en
effet, que les préavis donnés par les personnes chargées
d'examiner les dossiers des requérants étaient toujours
«suivis».
Les principes que la jurisprudence déduisait de
l'art. 4 al. 1 aCst., en ce qui concerne le droit à la pro-
tection de la bonne foi, valent également sous le régime de

l'art. 9 Cst. (ATF 126 II 387 consid. 3a). C'est ainsi
qu'un renseignement ou une décision erronés peuvent obliger
l'administration à consentir à l'administré un avantage
contraire à la loi, si certaines conditions - cumulatives -
sont réunies. Il faut que l'autorité soit intervenue dans
une situation concrète à l'égard d'une personne déterminée,
qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites
de sa compétence, que l'administré n'ait pas pu se rendre
compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement
obtenu et qu'il se soit fondé sur celui-ci pour prendre des
dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir un préju-
dice; il faut enfin que la loi n'ait pas changé depuis le
moment où le renseignement a été donné (ATF 121 V 66 con-
sid. 2a et les références).
En l'occurrence, le recourant n'ignorait pas que le
fonctionnaire en question était chargé d'émettre un préavis
et que la demande d'indemnités spécifiques devait encore
faire l'objet d'une décision formelle de la section ou du
service compétent de l'OPEM. Même si la véracité des décla-
rations de ce fonctionnaire était établie, celles-ci de-
vraient être considérées comme l'expression d'une simple
opinion émanant d'une personne dont le recourant savait
qu'elle n'avait pas, à elle seule, la compétence de rendre
une décision. Pour cette raison déjà, le droit à la protec-
tion de la bonne foi du recourant doit être nié. A cela
s'ajoute que le recourant - qui avait déjà fondé sa société
au mois de novembre 1999 - ne prétend pas avoir été amené à
prendre des dispositions préjudiciables sur lesquelles il
ne peut pas revenir. On est fondé à considérer, au contrai-
re, qu'il aurait, quoi qu'il en soit, poursuivi son activi-
té au sein de la société qu'il avait constituée.

2.- C'est à juste titre, par ailleurs, que l'adminis-
tration et les premiers juges ont nié l'aptitude au place-
ment du recourant dès le mois de janvier 2000, dans la
mesure où il avait déjà créé son entreprise et que celle-ci

était prête à fonctionner. On doit en déduire que l'assuré
n'avait plus la volonté de retrouver son statut antérieur
de salarié (voir par exemple DTA 1998 no 32 p. 176 con-
sid. 1). L'inaptitude au placement du recourant excluait le
droit aux indmenités de chômage (art. 8 al. 1 let. f LACI).

3.- Il reste à examiner la question de la restitution
des indemnités perçues pour le mois de janvier 2000. Selon
l'art. 95 al. 1 LACI, la caisse est tenue d'exiger du béné-
ficiaire la restitution des prestations de l'assurance
auxquelles il n'avait pas droit (première phrase). La res-
titution de prestations selon cette disposition suppose que
soient remplies les conditions d'une reconsidération ou
d'une révision procédurale de la décision par laquelle les
prestations en cause ont été allouées (ATF 126 V 46 con-
sid. 2b et les références). Selon un principe général du
droit des assurances sociales, l'administration peut recon-
sidérer une décision formellement passée en force de chose
jugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas
prononcée quant au fond, à condition qu'elle soit sans nul
doute erronée et que sa rectification revête une importance
notable (ATF 126 V 46 consid. 2b). Ces principes sont aussi
applicables lorsque les prestations ont été accordées sans
avoir fait l'objet d'une décision formelle et que leur ver-
sement, néanmoins, a acquis force de chose décidée. Il y a
force de chose décidée si l'assuré n'a pas, dans un délai
d'examen et de réflexion convenable, manifesté son désac-
cord avec la solution adoptée par l'administration et ex-
primé sa volonté de voir statuer sur ses droits dans un
acte administratif susceptible d'un recours (ATF 122 V 369
consid. 3).
Les indemnités journalières dont la restitution a été
demandée n'ont pas fait l'objet d'une décision formelle,
mais d'un décompte daté du 31 janvier 2000. La décision de
restitution a été prise le 15 mars 2000. Le laps de temps
qui s'est écoulé entre ces deux dates doit être considéré

comme convenable : le cas échéant, le recourant aurait en-
core pu manifester son désaccord avec le décompte de la
caisse, sans se voir opposer l'exception de chose décidée
(comp. avec ATF 122 V 369 consid. 5).
Par conséquent, il n'y a pas lieu d'examiner le cas
sous l'angle des conditions qui président à la reconsi-
dération ou à la révision des décisions administratives. Il
suffit de constater que les prestations ont été versées à
tort, en raison de l'inaptitude au placement de l'assuré
durant la période en cause. La demande de restitution de la
caisse était ainsi justifiée. Le recours se révèle mal
fondé sur ce point aussi.
Le recourant conserve cependant la possibilité de de-
mander une remise de l'obligation de restituer, aux condi-
tions posées par l'art. 95 al. 2 LACI.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Fribourg, Cour des
assurances sociales et au Secrétariat d'Etat à l'éco-
nomie.

Lucerne, le 9 avril 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
p. le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.291/00
Date de la décision : 09/04/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-09;c.291.00 ?
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