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09/04/2001 | SUISSE | N°5P.80/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 avril 2001, 5P.80/2001


«/2»
5P.80/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

9 avril 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Philipp Ganzoni, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 24 janvier 2001 par la 14e Chambre du Tribu-
nal de première instance du canton de Genève dans la cause
qui oppose le recourant à Y._

_______, intimé, représenté par
Me Bernard Cron, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; réquisition de faillite pour effet de cha...

«/2»
5P.80/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

9 avril 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Philipp Ganzoni, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 24 janvier 2001 par la 14e Chambre du Tribu-
nal de première instance du canton de Genève dans la cause
qui oppose le recourant à Y.________, intimé, représenté par
Me Bernard Cron, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; réquisition de faillite pour effet de change)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 25 septembre 2000, l'Office des poursuites et
des faillites Arve-lac a notifié à Y.________, dans la pour-
suite pour effets de change n° XXXXX ouverte sur réquisition
de X.________, un commandement de payer les sommes de
390'000
fr. plus intérêts à 8% l'an dès le 15 juillet 2000 et de
10'000 fr. Le poursuivi ayant fait opposition, l'Office a
transmis ladite opposition ainsi que le billet à ordre pro-
duit à l'appui de la réquisition de poursuite au Tribunal de
première instance du canton de Genève.

B.- Par ordonnance du 17 octobre 2000, le Parquet du
Procureur général du canton de Genève, saisi d'une demande
d'entraide pénale intercantonale par le Ministère public du
demi-canton de Bâle-Ville, a ordonné la saisie conservatoire
en mains du Tribunal de première instance de l'effet de
change précité, en faisant interdiction au Tribunal de s'en
dessaisir en mains tierces.

C.- Par jugement du 13 novembre 2000, le Tribunal de
première instance, considérant que l'effet de change invoqué
était régulier en la forme et que le poursuivi ne justifiait
pas du bien-fondé de son opposition, a déclaré cette
dernière
irrecevable.

D.- Le 7 décembre 2000, X.________ a requis la fail-
lite de Y.________ sur la base de l'art. 188 LP. Il n'a pas
produit l'effet de change lui-même - dès lors que celui-ci
était saisi en mains du Tribunal de première instance - mais
des photocopies qu'il affirme être celles du titre en ques-
tion. Arguant de la non-production de l'original de l'effet
de change, le poursuivi s'est opposé à la réquisition de
faillite.

Par jugement du 24 janvier 2001, le Tribunal de
première instance a refusé de prononcer la faillite et a con-
damné le poursuivant aux dépens de l'instance.

E.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, X.________ conclut avec suite de frais
et dépens à l'annulation de ce jugement et, principalement,
au prononcé de la faillite de Y.________ par le Tribunal
fédéral, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal
de
première instance afin qu'il prononce la faillite de
Y.________. Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 126 III 274 consid. 1 et les arrêts cités).

a) Aux termes de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de
droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions
prises en dernière instance cantonale. En matière de poursui-
te pour effets de change, le jugement qui prononce ou refuse
la faillite n'est pas susceptible de faire l'objet d'un re-
cours à l'autorité judiciaire supérieure selon l'art. 174
al.
1 LP, l'application de cette disposition étant exclue par
l'art. 189 al. 2 LP (Bauer, Kommentar zum Bundesgesetz über
Schuldbetreibung und Konkurs, Band II, n. 21 ad art. 189 LP
et les références citées; Amonn/Gasser, Grundriss des Schuld-
betreibungs- und Konkursrechts, 6e éd., 1997, § 37 n. 42;
arrêt non publié Croci du 11 mars 1985, résumé in Rep. 1986
p. 33; Favre, Droit des poursuites, 3e éd., 1974, p. 282).
Par ailleurs, selon la jurisprudence récente de la Cour de
justice du canton de Genève, la voie de l'appel extraordinai-
re (art. 292 LPC/GE) n'est pas ouverte contre le prononcé de

faillite de change (arrêt du 21 mars 1997, reproduit in SJ
1998 p. 309 et commenté par Andrea Braconi in SJ 1998 p. 29
ss). Le recours de droit public est dès lors recevable au
regard du principe de subsidiarité relative posé par l'art.
86 al. 1 OJ. Il l'est également au regard du principe de
subsidiarité absolue posé par l'art. 84 al. 2 OJ, le
prononcé
de dernière instance cantonale accordant ou refusant la mise
en faillite du débiteur ne pouvant faire l'objet que d'un
recours de droit public au sens de l'art. 84 al. 1 OJ (cf.
pour le prononcé de faillite ordinaire ATF 119 III 49
consid.
2; 118 III 4 consid. 1; 107 III 53 consid. 1).

b) En principe, vu sa nature cassatoire, le recours
de droit public ne peut tendre qu'à l'annulation de la déci-
sion attaquée (ATF 124 I 327 consid. 4a et les arrêts
cités).
En cas d'admission du recours dirigé contre un refus de mise
en faillite, le Tribunal fédéral ne peut prononcer lui-même
la faillite que s'il dispose d'un libre pouvoir d'examen -
condition non réalisée dans un recours formé, comme en l'es-
pèce, pour arbitraire - et si la situation juridique
apparaît
suffisamment claire (arrêt non publié 5P.77/1994 du 25 mai
1994, consid. 1b; cf. en matière de mainlevée d'opposition
ATF 120 Ia 256 consid. 1b). Il s'ensuit que les conclusions
tendant au prononcé de la faillite de l'intimé par le Tribu-
nal fédéral sont irrecevables. Quant à celles tendant au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle déci-
sion dans le sens des considérants, elle est superfétatoire
dès lors que le renvoi n'est que la conséquence d'une annula-
tion éventuelle (cf. ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb; Messmer/
Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, p.
226 n. 10).

2.- a) L'autorité cantonale a considéré qu'en vertu
de l'art. 188 al. 1 LP, le créancier poursuivant devait pro-
duire l'original de l'effet de change ou un duplicata au
sens

de l'art. 1063 CO. Se référant à un arrêt du Tribunal canto-
nal vaudois relatif à un cas de figure quasiment similaire
au
présent litige (JT 1967 II 126), elle a dès lors estimé que
les conditions légales n'étaient pas satisfaites en l'espèce
(jugement attaqué, consid. Ib).

L'autorité cantonale a précisé que le rejet de la
requête de faillite ne consacrait aucun formalisme excessif,
quand bien même le titre se trouvait en mains du Tribunal de
première instance. En effet, le tireur ou l'aval, en payant
l'effet, peut exiger que celui-ci lui soit remis acquitté
par
le porteur et peut faire dépendre son paiement de la remise
de l'effet entre ses mains, dès lors qu'il s'exposerait
sinon
à devoir payer deux fois (cf. JT 1967 II 126). Une telle
remise n'étant pas possible en l'état, la requête devait
être
rejetée comme prématurée (jugement attaqué, consid. II).

b) Le recourant reproche à l'autorité cantonale
d'avoir méconnu que l'arrêt publié au JT 1967 II 126 présen-
tait deux différences essentielles par rapport à la présente
espèce: d'une part, l'effet de change saisi pénalement se
trouvait en mains du juge pénal et non pas en celles du juge
de la faillite comme dans le cas d'espèce; d'autre part, il
ne s'agissait pas d'une réquisition de faillite fondée sur
l'art. 188 LP, mais d'une procédure d'opposition au sens des
art. 179 ss LP. En considérant que l'effet de change devait
non seulement être remis en original au juge de la faillite,
mais encore pouvoir être librement remis au tireur ou à l'a-
val en cas de paiement, l'autorité cantonale aurait arbitrai-
rement introduit une condition supplémentaire à celles figu-
rant à l'art. 188 al. 1 LP. Cette condition n'aurait pas de
sens dès lors que le tireur ou l'aval qui désire payer doit
le faire à l'office des poursuites et non en mains du juge
de
la faillite. Par ailleurs, la saisie pénale étant en
l'espèce
intervenue à la suite d'une plainte pénale déposée notamment
par l'intimé, rien n'empêcherait celui-ci de demander au
juge

pénal la levée de la saisie, voire la remise de l'effet,
s'il
venait à payer le montant réclamé.

L'autorité cantonale serait ainsi tombée dans l'ar-
bitraire en introduisant en plus des conditions posées par
la
loi une condition supplémentaire que rien ne justifierait.
Ce
faisant, elle aurait en outre traité le recourant de manière
inéquitable, en violation de l'art. 29 al. 1 Cst., dans la
mesure où il serait manifestement inéquitable que le même
Tribunal de première instance qui avait déclaré l'opposition
irrecevable alors que l'effet de change était déjà saisi pé-
nalement rejette une réquisition de faillite qui constitue
la
continuation normale de la poursuite. Enfin, l'autorité can-
tonale aurait contrevenu aux règles de la bonne foi en exi-
geant du créancier la production d'un titre original qu'elle
avait déjà entre ses mains.

3.- a) Dans un arrêt du 20 décembre 1999, reproduit
in Die Praxis 2000 n° 71 p. 424, consid. 3b, le Tribunal
fédéral s'est exprimé comme suit sur l'exigence de la produc-
tion, à l'appui de la réquisition de faillite fondée sur
l'art. 188 LP, de l'effet de change ou du chèque sur lequel
se fonde la poursuite:

Selon l'art. 177 al. 2 LP, le créancier qui agit en
vertu d'un effet de change ou d'un chèque doit joindre celui-
ci à sa réquisition de poursuite, afin que l'office des pour-
suites puisse contrôler si ce titre satisfait aux exigences
de forme (art. 178 al. 1 LP; ATF 118 III 24; 113 III 123;
111
III 33). L'exigence de transmission du titre sur lequel se
fonde la poursuite se justifie également du fait que le débi-
teur n'est tenu de payer que contre la remise du titre et
peut exiger, en cas de paiement partiel, que mention de ce
paiement soit faite sur le titre même (art. 1029 al. 1 et 3
CO pour la lettre de change, applicable également au chèque
en vertu de l'art. 1143 al. 1 ch. 8 CO et au billet à ordre

en vertu de l'art. 1098 al. 1 CO); elle vise en outre à évi-
ter les abus qui pourraient se produire si le titre en ques-
tion pouvait continuer de circuler (ATF 74 III 33; Amonn/Gas-
ser, op. cit., § 37 n. 10; Bauer, op. cit., n. 13 et 52 s.
ad
art. 177 LP). Le titre doit rester en mains de l'office des
poursuites afin de pouvoir être remis au débiteur en cas de
paiement. À défaut de paiement, il doit - suivant le déroule-
ment de la poursuite - être transmis au juge appelé à
statuer
sur l'opposition (cf. art. 181 LP) ou au créancier afin de
lui permettre de requérir la faillite (ATF 74 III 33; Bauer,
op. cit., n. 55 ad art. 177 LP).

L'art. 188 al. 1 LP prévoit que si, dans la poursui-
te pour effets de change, le débiteur non opposant ou dont
l'opposition a été écartée n'obtempère pas au commandement
de
payer, le créancier peut requérir la faillite sur la simple
production de son titre, du commandement de payer et, le cas
échéant, du jugement écartant l'opposition. Quoique cette
disposition ne prévoie pas d'exigence de transmission du
titre comparable à celle découlant de l'art. 177 al. 2 LP,
elle n'en exige pas moins du créancier qui veut "requérir la
faillite" la "production de son titre", outre celle des au-
tres documents requis (commandement de payer et, le cas éché-
ant, jugement écartant l'opposition). De cette formulation,
il a été déduit à juste titre que le juge ne peut pas pronon-
cer la faillite s'il n'a pas en mains le titre sur lequel se
fonde la poursuite (Jaeger/Walder/Kull/Kottmann,
Bundesgesetz
über Schuldbetreibung und Konkurs, Band II, 4e éd., n. 6 ad
art. 188 LP).

b) À la lumière de cette jurisprudence, les griefs
du recourant se révèlent manifestement dénués de fondement.
La faillite ne peut être prononcée sur la base de l'art. 188
LP que si l'original de l'effet de change ou du chèque est
en
mains du juge, de telle manière à pouvoir être remis au pour-
suivi si celui-ci justifie par titre - ce qu'il peut faire

jusqu'au jour de l'audience de jugement - que la créance a
été acquittée en capital, intérêts et frais (cf. art. 172
ch.
3 LP, applicable en vertu de l'art. 189 al. 2 LP; Bauer, op.
cit., n. 15 ad art. 189 LP). Or en l'espèce, si le titre
était bien en mains du Tribunal de première instance, ce-
lui-ci avait l'interdiction, en vertu de la saisie conserva-
toire ordonnée par le Parquet du procureur général, de s'en
dessaisir en mains tierces. En rejetant la réquisition de
faillite, l'autorité cantonale n'a ainsi fait que se confor-
mer aux exigences découlant directement de la loi, dès lors
qu'au moment où cette autorité a statué, la lettre de change
n'aurait pas pu être remise à l'intimé dans le cas où ce-
lui-ci se serait acquitté des sommes dues.

4.- En conclusion, le recours se révèle manifeste-
ment mal fondé en tant qu'il est recevable (cf. consid. 1b
supra) et ne peut par conséquent qu'être rejeté dans cette
même mesure. Le recourant, qui succombe, supportera les
frais
judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas
lieu d'allouer de dépens dès lors que l'intimé n'a pas été
invité à répondre au recours et n'a ainsi pas assumé de
frais
pour la procédure devant le Tribunal fédéral (Poudret/Sandoz-
Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judi-
ciaire, Vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge du recourant.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la 14e Chambre du Tribunal de premiè-
re instance du canton de Genève.

__________


Lausanne, le 9 avril 2001
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.80/2001
Date de la décision : 09/04/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-09;5p.80.2001 ?
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