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09/04/2001 | SUISSE | N°2A.431/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 avril 2001, 2A.431/2000


«/4»
2A.431/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

9 avril 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Betschart, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffier: M. Dayer.
____________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

l'Administration fédérale des contributions, Division prin-
cipale de l'impôt fédéral direct, de l'impôt anticipé, des
droits de timbre, à Berne,

contre>
l'arrêt rendu le 17 août 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose la recourant...

«/4»
2A.431/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

9 avril 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Betschart, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffier: M. Dayer.
____________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

l'Administration fédérale des contributions, Division prin-
cipale de l'impôt fédéral direct, de l'impôt anticipé, des
droits de timbre, à Berne,

contre

l'arrêt rendu le 17 août 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose la recourante
aux héritiers de A.________, soit à B.________ et à
C.________, et à D.________, tous représentés par Me Jean-
Claude Perroud, avocat à Lausanne, ainsi qu'à E.________,
représenté par Me Olivier Weniger, avocat à Lausanne;

(impôt fédéral direct 1993-1994 à 1997-1998)

En 1962, F.________, propriétaire d'une boucherie à
Z.________ depuis 1934, a constitué avec ses deux fils,
A.________ et E.________ (ci-après: les intéressés), une
société en nom collectif sous la raison sociale F.________
et Fils (ci-après: la SNC). A l'origine, cette société avait
pour but l'exploitation d'une boucherie-charcuterie, la fa-
brication de salamis et d'articles de charcuterie ainsi que
l'alimentation sous toutes ses formes. Elle a acquis par la
suite deux autres boucheries, puis modifié son but social en
relation avec des prises de participations dans diverses
boucheries.

En 1966, F.________, A.________ et E.________ ont fondé
la société H.________ SA. Dès 1969, cette société a exploité
un centre industriel de fabrication de produits carnés des-
tinés, notamment, à de grandes surfaces commerciales. Les
boucheries en mains de la SNC s'y approvisionnaient égale-
ment de manière importante en bénéficiant, au besoin, de fa-
cilités de paiement. Cette société anonyme effectuait en ou-
tre certains travaux administratifs pour leur compte.

En 1989, F.________, A.________ et E.________ ont créé
une nouvelle société, H.________ Extension SA en vue de com-
mercialiser les produits de H.________ SA auprès d'hôtels et
de restaurants.

F.________ est décédé en 1990. Ses deux fils ont pour-
suivi l'exploitation de la SNC et sont devenus seuls pro-
priétaires, pour moitié chacun, du capital-actions de
H.________ SA et de H.________ Extension SA.

Le 31 décembre 1995, la SNC a cédé à H.________ SA
l'ensemble des boucheries qu'elle exploitait. Ce transfert
répondait au voeu de la société K.________ SA qui souhaitait
reprendre H.________ SA ainsi que l'ensemble des boucheries
à l'enseigne H________. Le 11 novembre 1996, A.________ et

E.________ ont transféré leurs actions H.________ Extension
SA à H.________ SA. Le 19 novembre 1996, ils ont vendu à
K.________ SA la totalité du capital-actions de H.________
SA.

Par décisions du 20 avril 1999, le Chef du Département
des Finances, respectivement l'Administration cantonale des
impôts du canton de Vaud ont notamment astreint A.________
au paiement d'impôts cantonaux et communaux, respectivement
d'impôt fédéral direct, sur les bénéfices en capital qu'il
avait obtenus lors du transfert dans sa fortune privée
d'éléments du patrimoine commercial de la SNC, de même
que lors de l'aliénation de ses actions H.________ SA et
H.________ Extension SA.

Le 20 avril 1999 également, ces mêmes autorités ont en
particulier réclamé à E.________ le paiement d'impôts canto-
naux et communaux, respectivement d'impôt fédéral direct,
sur les bénéfices en capital qu'il avait réalisés dans les
mêmes circonstances que son frère A________.

Les intéressés ont chacun déposé un recours à l'encon-
tre des décisions prises par le Chef du Département des Fi-
nances, respectivement une réclamation envers celles rendues
par l'Administration cantonale des impôts.

A.________ est décédé le 24 juin 1999; ses héritiers,
soit B.________, C.________ et D.________, ont décidé de
poursuivre la procédure.

Par arrêt du 17 août 2000, le Tribunal administratif du
canton de Vaud a partiellement admis lesdits recours et ré-
clamations, ces dernières étant traitées comme des recours
avec l'accord des parties. Il a notamment annulé les déci-
sions précitées du 20 avril 1999 dans la mesure où elles
concernaient l'imposition des bénéfices en capital. A son

avis, les intéressés n'avaient réalisé aucun bénéfice en ca-
pital imposable lors de la vente à K.________ SA de leurs
actions H.________ SA, celles-ci appartenant à leur fortune
privée.

Agissant par la voie du recours de droit administratif,
l'Administration fédérale des contributions demande au Tri-
bunal fédéral d'annuler cet arrêt en tant qu'il porte sur
l'impôt fédéral direct et de confirmer les décisions préci-
tées du 20 avril 1999 ou, à défaut, de renvoyer la cause au
Tribunal administratif pour nouvelle décision. A son avis,
les intéressés ont réalisé un bénéfice en capital imposable
lors de la vente de leurs actions H.________ SA, celles-ci
appartenant à la fortune commerciale de la SNC.

L'Administration cantonale des impôts se rallie aux
motifs et aux conclusions du recours. Le Tribunal adminis-
tratif, de même que E.________, ainsi que B.________,
C.________ et D.________ concluent à son rejet.

Le Tribunal fédéral a admis le recours.

E x t r a i t d e s c o n s i d é r a n t s :

3.- a) Aux termes de l'art. 18 al. 2 LIFD, dans sa te-
neur en vigueur en 1995 et 1996, tous les bénéfices en capi-
tal provenant de l'aliénation, de la réalisation ou de la
réévaluation comptable d'éléments de la fortune commerciale
font partie du produit de l'activité lucrative indépendante;
le transfert d'éléments de la fortune commerciale dans la
fortune privée ou dans une entreprise ou un établissement
stable sis à l'étranger est assimilé à une aliénation; la
fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune

qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à
l'exercice de l'activité lucrative indépendante.

b) Selon le Tribunal administratif, les actions
H.________ SA vendues à K.________ SA faisaient partie de
la fortune privée des intéressés qui n'auraient dès lors
réalisé aucun bénéfice en capital imposable lors de cette
opération. La recourante conteste ce point de vue en affir-
mant que ces actions appartenaient à la fortune commerciale
de la SNC.

4.- a) L'attribution d'un bien à la fortune privée ou
commerciale d'un contribuable se décide dans chaque cas par-
ticulier selon l'ensemble des circonstances. A cet égard,
les critères développés par la doctrine et la jurisprudence
sous l'empire de l'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre
1940 concernant la perception d'un impôt fédéral direct (ci-
après: l'arrêté du Conseil fédéral) conservent leur validité
pour l'application du nouveau droit.

En particulier, un bien dit "alternatif", soit suscep-
tible d'être à la fois en rapport avec l'activité commercia-
le de l'intéressé et propre à un usage exclusivement privé,
fait partie de sa fortune commerciale si, compte tenu de sa
fonction technique et économique, il sert effectivement à
l'exploitation de son entreprise (cf. Markus Reich, in Kom-
mentar zum Schweizerischen Steuerrecht, vol. I/2a, Bâle
2000, n. 48 ad art. 18 LIFD et les références citées).

b) Un bien peut faire partie de la fortune commerciale
d'un associé d'une société de personnes - telle une société
en nom collectif - sans forcément appartenir au patrimoine
de celle-ci (cf. sur cette question, Madeleine Simonek,
Steuerliche Probleme der Geschäftsnachfolge bei Ableben
eines Personenunternehmers, thèse Berne 1994, p. 38-43).
Il en va notamment ainsi, selon la jurisprudence, d'un im-

meuble que cet associé met gratuitement à disposition de
la société (cf. les références citées in Simonek, op. cit.,
note 169 p. 40). Tel est également le cas, comme l'a jugé
l'autorité de céans dans un arrêt du 24 novembre 1978 (cf.
Archives 49 p. 72 consid. 1 p. 74-75 = RDAF 1981 p. 175
consid. 1 p. 176-177), des actions d'une société anonyme
que possède le titulaire d'une raison individuelle si les
deux entreprises sont en étroite relation économique, les
titres ayant été acquis dans des buts commerciaux ou lui
conférant une influence déterminante sur une société exer-
çant une activité semblable à la sienne ou la complétant
judicieusement - par exemple en tant que fournisseur ou
client -, ce qui lui permet d'élargir le champ d'activité
de son entreprise originaire.

c) Dans des arrêts postérieurs - toutefois non pu-
bliés -, le Tribunal fédéral a précisé qu'une étroite re-
lation économique entre l'entreprise du contribuable et la
société anonyme dont il détient des actions n'est encore
pas suffisante pour admettre que ces dernières font partie
de sa fortune commerciale. L'élément déterminant est la vo-
lonté de l'intéressé de mettre concrètement à profit ses
droits de participation pour améliorer le résultat commer-
cial de sa propre entreprise (cf. arrêts non publiés du 17
novembre 1989 en la cause AFC c. R. consid. 2c et du 28 juin
1989 en la cause B. c. SZ, Kantonale Steuerverwaltung con-
sid. 4a). Tel peut notamment être le cas s'il se sert de sa
participation dans une société anonyme active dans un sec-
teur économique différent de celui de son entreprise pour
s'en rapprocher et favoriser ainsi une diversification com-
mercialement profitable de ses propres activités.

d) Quelques auteurs ont critiqué la jurisprudence pu-
bliée mentionnée ci-dessus (cf. lettre b in fine). Selon
certains, qui se réfèrent à l'art. 18 al. 2 LIFD, pour que
la participation à une société de capitaux acquise par un

entrepreneur individuel fasse partie de sa fortune commer-
ciale, il ne suffit pas que les deux entreprises soient en
étroite relation économique, il faut encore que cette par-
ticipation serve à l'exercice de l'activité économique de
l'intéressé. Ils citent à titre d'exemples le cas de l'ex-
ploitant d'un hôtel de montagne actionnaire d'une société
ferroviaire desservant la région ou celui d'un entrepreneur
individuel actionnaire d'un sous-traitant (cf. Fabian
Amschwand, Geschäftsvermögen oder Privatvermögen ? Eine
Übersicht, in RF 55/2000 p. 480 ss, p. 487; Ernst Höhn/
Robert Waldburger, Steuerrecht, vol. II, 8ème éd. Berne
1999, par. 38 n. 51-52 p. 348-349). D'autres auteurs (cf.
Walter Ryser/Bernard Rolli, Précis de droit fiscal suisse
[impôts directs], Berne 1994, p. 167-168) soutiennent que
seuls les droits de participation constituant des actifs
d'exploitation de l'entreprise individuelle (en tant que
garantie pour ses engagements ou actifs de réserve) sont
des biens commerciaux.

L'avis des premiers auteurs mentionnés ci-dessus re-
joint largement la précision apportée par la jurisprudence
non publiée de l'autorité de céans (cf. lettre c ci-dessus).
Il n'y a ainsi aucune raison de la modifier, d'autant plus
que les critères permettant de déterminer l'appartenance
d'un bien à la fortune privée ou à la fortune commerciale
d'un contribuable sont les mêmes sous l'empire de l'arrêté
du Conseil fédéral et sous celui de la loi fédérale sur
l'impôt fédéral direct (cf. Reich, op. cit., n. 48 ad art.
18 LIFD). Par ailleurs, la position défendue par Walter
Ryser et Bernard Rolli est trop restrictive car elle nie
tout intérêt économique à une participation dans une so-
ciété de capitaux dont l'activité complète ou favorise
celle d'un commerçant individuel.

5.- a) La SNC a été fondée en raison du développement
de l'entreprise de F.________ et de l'intérêt de ses deux

fils pour ce commerce. H.________ SA a été constituée quatre
ans plus tard afin de concrétiser le projet, imaginé par ces
derniers, d'un centre industriel de fabrication de produits
carnés destinés à la vente en gros aux grandes surfaces com-
merciales. Les intéressés et leur père ont acquis en leur
propre nom la totalité du capital-actions de cette nouvelle
société au moyen de leurs fonds propres et sont par la suite
toujours apparus comme propriétaires de ces actions, con-
trairement à ce que semble penser la recourante qui les at-
tribue à la SNC, sans autre explication.

H.________ SA a par ailleurs toujours entretenu
d'étroits rapports économiques avec la SNC, en bénéficiant
tout d'abord d'apports financiers de cette dernière puis en
lui octroyant elle-même des prêts. Elle a été de surcroît un
fournisseur important des boucheries de quartier en mains de
cette société et lui a accordé, au besoin, des facilités de
paiement. Elle a également pris en charge certains travaux
administratifs pour son compte, notamment le paiement des
salaires.

b) Certes, comme le relèvent les intimés ainsi d'ail-
leurs que le Tribunal administratif, H.________ SA ne semble
pas avoir été créée pour être au service de la SNC. Il n'est
en outre pas établi que son activité ait permis d'augmenter
les résultats commerciaux de cette dernière. Il apparaît
néanmoins qu'elle a été constituée pour donner une nouvelle
impulsion aux activités commerciales de la famille
H.________ limitées jusque-là à l'exploitation d'une bouche-
rie de quartier. De plus, en tant que seuls associés de la
SNC et actionnaires à parts égales ainsi que seuls adminis-
trateurs de H.________ SA, les intéressés ont toujours exer-
cé le contrôle absolu de la direction de ces deux sociétés.
Ces dernières - avec d'ailleurs H.________ Extension SA -
apparaissent ainsi comme les différentes parties d'un même
groupe économique familial regroupant des entités, certes

juridiquement distinctes, mais oeuvrant toutefois dans le
même secteur économique et servant l'activité des mêmes per-
sonnes. C'est d'ailleurs bien un tel groupe qui
a été vendu
à K.________ SA dans la mesure où, en achetant la totalité
du capital-actions de H.________ SA, elle est en fait deve-
nue également propriétaire de l'ensemble des boucheries ex-
ploitées par la SNC et de la totalité des actions H.________
Extension SA, précédemment cédées à H.________ SA.

c) Force est dès lors de constater qu'au moment de leur
vente, les actions H.________ SA faisaient partie de la for-
tune commerciale des intéressés. Le fait que le fisc n'ait
jamais remis en cause leurs déclarations d'impôt successives
dans lesquelles ceux-ci avaient indiqué, années après an-
nées, que ces titres appartenaient à leur fortune privée
n'y change rien (cf. dans ce sens, RDAF 2000 2ème partie
p. 217 consid. 2b/bb; Amschwand, op. cit., p. 485-486). Par
ailleurs, contrairement à ce que semblent penser les inti-
més, le fait que les actions H.________ SA n'ont jamais été
juridiquement détenues par la SNC (cf. consid. 4b ci-dessus)
ni portées dans sa comptabilité - élément qui n'est en soi
pas décisif (cf. Reich, op. cit., n. 50 ad art. 18 LIFD; cf.
également Archives 49 p. 72 consid. 2d p. 77 = RDAF 1981
p. 175 consid. 2d p. 179) - ne fait nullement obstacle à
leur caractère commercial, au vu de l'activité déployée par
les intéressés. Enfin, contrairement à ce que pensent les
intimés, il n'est pas déterminant que H.________ SA ne puis-
se être considérée comme une entreprise "secondaire" au ser-
vice de la SNC, la jurisprudence n'exigeant pas un tel rap-
port de subordination (cf. consid. 4b ci-dessus).

d) Vu ce qui précède, le bénéfice en capital issu de la
vente des actions H.________ SA doit être soumis à l'impôt
fédéral annuel entier (cf. art. 18 al. 2 et 47 LIFD), con-
trairement à ce qu'a retenu l'arrêt attaqué qui doit dès
lors être annulé sur ce point.

Lausanne, 9 avril 2001


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.431/2000
Date de la décision : 09/04/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-09;2a.431.2000 ?
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