La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2001 | SUISSE | N°1P.94/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 avril 2001, 1P.94/2001


«/2»
1P.94/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

9 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Thélin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________,

contre

l'arrêt rendu le 10 janvier 2001 par la Cour constitution-
nelle du Tribunal cantonal du canton du Jura dans la cause
qu

i oppose le recourant à la commune de Bonfol, représentée
par Me Pierre Vallat, avocat à Porrentruy, et à la Liste
d...

«/2»
1P.94/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

9 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Thélin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________,

contre

l'arrêt rendu le 10 janvier 2001 par la Cour constitution-
nelle du Tribunal cantonal du canton du Jura dans la cause
qui oppose le recourant à la commune de Bonfol, représentée
par Me Pierre Vallat, avocat à Porrentruy, et à la Liste
d'entente PDC-PLRJ,

(élection du Conseil communal)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- B.________ jouit du droit de vote et d'éligibi-
lité dans la commune de Bonfol. En vue de l'élection du
Conseil communal fixée au 26 novembre 2000, pour la législa-
ture 2001 - 2004, il a déposé au secrétariat communal une
liste intitulée "liste Bonfol - union des citoyennes et ci-
toyens", par laquelle il se portait candidat. Il a effectué
ce dépôt par télécopie le 30 octobre 2000 à 10h56; il a éga-
lement envoyé l'original de sa liste par courrier postal du
même jour, parvenu à destination le lendemain. Le délai de
dépôt des listes est toutefois échu, dans l'intervalle, le
30 octobre à 18h00.

Peu après la télécopie, un entretien téléphonique
est intervenu entre B.________ et le Maire de Bonfol, lui
aussi candidat, au sujet de cette liste. Les correspondants
ont par la suite fait des déclarations divergentes quant à
la
teneur de l'entretien: selon B.________, le magistrat l'au-
rait invité à renoncer à sa candidature, sans mettre en
cause
la validité du dépôt par télécopie; selon le Maire, celui-ci
aurait au contraire averti le candidat que la télécopie ne
lui semblait pas valable, sans se prononcer sur
l'opportunité
de la démarche.

B.- Dans sa séance du 2 novembre 2000, le Conseil
communal a décidé que la télécopie du 30 octobre et la liste
reçue en original le lendemain étaient irrecevables.
B.________ a recouru sans succès contre ce prononcé, d'abord
au Juge administratif du district de Porrentruy, puis à la
Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal du Jura. Les ju-
ridictions saisies ont retenu que le dépôt de la liste par
télécopie ne répondait pas aux exigences légales, et que le

dépôt de l'original, parvenu au Conseil communal le 31 octo-
bre, était tardif.

La Cour constitutionnelle a taxé l'émolument judi-
ciaire et les débours à 690 fr.; elle a fait remise de la
moitié de ce montant et a mis le solde à la charge du recou-
rant.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
B.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de
la Cour constitutionnelle, rendu le 10 janvier 2001, et de
procéder à diverses mesures en rapport avec l'élection
concernée.

Invités à répondre, le Conseil communal de Bonfol et
la Cour constitutionnelle proposent le rejet du recours.

Le recourant a présenté une demande d'effet suspen-
sif qui a été rejetée par ordonnance du Président de la Ie
Cour de droit public du 1er mars 2001.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Sous réserve d'exceptions non réalisées en
l'espèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à
l'annulation de la décision attaquée; toute conclusion ten-
dant à une injonction à l'autorité intimée est irrecevable
(ATF 126 I 213 consid. 1c p. 216/217, 126 II 377 consid. 8c
p. 395, 125 II 86 consid. 5a p. 96).

b) Saisi d'un recours pour violation du droit de
vote selon l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédéral revoit
librement l'interprétation et l'application du droit
fédéral,
du droit constitutionnel cantonal et des dispositions canto-

nales de rang inférieur qui sont étroitement liées au droit
de vote; toutefois, lorsque la portée d'une disposition can-
tonale est fortement douteuse, le Tribunal fédéral ne s'écar-
te pas de la solution adoptée par le parlement ou, de façon
expresse ou tacite, par le peuple du canton. Le Tribunal
fédéral n'examine qu'avec un pouvoir limité à l'arbitraire
l'interprétation des règles cantonales dépourvues de lien
avec le droit de vote (ATF 123 I 175 consid. 2d/aa p. 178;
121 I 1 consid. 2 p. 2/3, 291 consid. 1c p. 293).

2.- Aux termes de l'art. 81 al. 4 de la loi juras-
sienne sur les droits politiques (LDP jur.), dans sa teneur
adoptée le 5 juillet 1984, les listes et les actes de candi-
dature relatifs aux élections communales doivent porter la
signature manuscrite d'au moins cinq électeurs domiciliés
dans la commune; selon l'art. 82a al. 1 LDP jur., les listes
doivent parvenir au Conseil communal au plus tard le lundi
de
la quatrième semaine qui précède l'élection, à 18h00. Ces
dispositions sont reproduites sans modification dans l'ordon-
nance cantonale concernant les élections communales, du 4
septembre 1984, et dans le règlement de la commune de Bonfol
sur les élections communales, du 19 juillet 1988. Pour
l'élection fixée au dimanche 26 novembre 2000, le délai de
dépôt des listes expirait le lundi 30 octobre à 18h00.

a) La Cour constitutionnelle retient avec raison que
la télécopie est impropre à transmettre les signatures manus-
crites d'un document, car l'exemplaire reçu par le destina-
taire est créé de façon exclusivement mécanique et on n'y
trouve aucun élément effectivement écrit à la main par les
personnes censées avoir signé (ATF 121 II 252 consid. 4 p.
255). Par ailleurs, les formalités légalement prévues pour
la
préparation et le déroulement des opérations électorales
jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement des ins-
titutions démocratiques (Yvo Hangartner/Andreas Kley, Die
demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizeri-

schen Eidgenossenschaft, Zurich 2000, ch. 2544 p. 1010;
Etienne Grisel, Initiative et référendum populaires: traité
de la démocratie semi-directe en droit suisse, 2e éd., Berne
1997, ch. 205 p. 95); on ne saurait donc admettre une liste
portant des signatures autres que réellement "manuscrites",
telles que requises en termes exprès par la loi jurassienne.

En l'espèce, la liste reçue au secrétariat communal
de Bonfol le 30 octobre 2000, à 10h56, était entièrement is-
sue de l'appareil de télécopie de ce bureau; elle ne compor-
tait aucune signature manuscrite, mais seulement des repro-
ductions de celles figurant sur l'original demeuré en posses-
sion du recourant. Ce document ne répondant pas aux
exigences
légales, les autorités concernées n'ont aucunement violé le
droit de vote du recourant en refusant de le prendre en con-
sidération. Par ailleurs, la Cour constitutionnelle retient
aussi à bon droit, sur la base du texte légal, que le délai
de dépôt n'est observé que si la liste concernée parvient au
Conseil communal avant le terme fixé, quel que soit le mode
de transmission utilisé, et que le dépôt effectué au moyen
d'un courrier postal arrivant le lendemain de cette échéance
est donc tardif. Il convient de souligner qu'une solution
différente, qui aurait consisté à accepter soit les signatu-
res télécopiées, soit le document orignal reçu hors délai,
eût en principe constitué une violation du droit de vote des
autres candidats et électeurs ayant, eux, valablement déposé
une autre liste.

b) Le recourant soutient qu'il n'a pas été averti
immédiatement, à l'occasion de l'appel téléphonique du Maire
de Bonfol, que la transmission par télécopie n'était pas va-
lable; à son avis, il n'a donc pas été dûment mis en mesure
de réparer ce vice de procédure en temps utile, de sorte que
le refus de prendre en considération la liste originale, re-
çue le lendemain, constitue un formalisme excessif de la
part
du Conseil communal.

En règle générale, selon la jurisprudence relative
aux art. 9 et 29 al. 1 Cst., une autorité administrative ou
judiciaire a l'obligation d'avertir la personne qui
accomplit
auprès d'elle un acte juridique - tel que, par exemple, le
dépôt d'une requête - lorsque cette personne commet alors un
vice de forme; l'obligation d'avertir suppose toutefois que
le vice soit clairement reconnaissable et que, de plus, il
soit possible au plaideur de le réparer à temps (ATF 125 I
166 consid. 3a p. 170, 124 II 265 consid. 4a p. 269/270). Si
l'autorité a méconnu cette obligation, elle doit tolérer que
l'acte concerné soit régularisé, éventuellement, hors délai.
Cette conséquence juridique est adéquate dans les rapports
individuels des citoyens avec l'Etat, auxquels les droits
fondamentaux tels que les art. 9 et 29 al. 1 Cst. s'appli-
quent ordinairement; par contre, elle ne paraît transposable
que de façon restrictive aux procédures relatives à l'exerci-
ce des droits politiques, car les effets des mesures prises
dans ce cadre ne se limitent pas aux seules personnes direc-
tement impliquées; au contraire, ils s'étendent à l'ensemble
des électeurs de la collectivité concernée.

Dans la présente affaire, le recourant a été inter-
rogé à l'audience de la Cour constitutionnelle du 20
décembre
2000; d'après le procès-verbal de cette audience, il a alors
admis que le Maire de Bonfol s'était déclaré "surpris" de
recevoir une liste électorale par télécopie; il a aussi
admis
qu'il s'est donc "méfié" et qu'il a, par précaution, décidé
d'envoyer l'original par la poste. Le recourant était donc
conscient d'avoir utilisé un procédé insolite, susceptible
de
présenter certains risques. Dans ces conditions, même si
l'on
se réfère à son propre récit de l'entretien téléphonique, on
doit retenir qu'il était suffisamment informé pour pouvoir
sauvegarder ses droits, s'il le souhaitait, et que
l'autorité
communale n'avait pas l'obligation de tolérer le dépôt hors
délai de la liste originale, alors même que le Maire n'avait
pas spécialement et précisément averti le candidat que la té-

lécopie était inapte à transmettre les signatures
manuscrites
exigées par la loi.

3.- Le recourant relève de nombreux faits qu'il con-
sidère comme des irrégularités commises par le Conseil commu-
nal, mais aucun de ceux-ci ne dénote une violation du droit
de vote. Il en est ainsi, notamment, du fait qu'une autre
liste a été complétée dans le délai supplémentaire d'une se-
maine qui est prévu, à cette fin, par l'art. 82a al. 3 LDP
jur. Il en est de même du fait que, d'après le procès-verbal
de la séance du Conseil communal du 2 novembre 2000, trois
conseillers absents ont été considérés comme prenant part à
la décision défavorable au recourant: en dépit de cette ano-
malie, la volonté exprimée par le Conseil communal n'est pas
douteuse.

4.- Le recourant demande aussi au Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt de la Cour constitutionnelle en tant que
ce
prononcé met un montant de 345 fr. à sa charge.

La gratuité de la procédure de recours en matière de
droits politiques est préconisée par certains auteurs et pré-
vue par la législation de divers cantons (Grisel, op. cit.,
ch. 322 p. 137); celle du Jura précise au contraire que
cette
procédure, devant la Cour constitutionnelle, n'est pas gra-
tuite (art. 231 al. 1 du code de procédure administrative,
du
30 novembre 1978). Le recourant a néanmoins bénéficié d'une
remise de la moitié des frais, sur la base de l'art. 222 al.
2 de ce code, compte tenu de l'intérêt public en cause. Il
n'apparaît pas que ces dispositions cantonales aient été ap-
pliquées de façon arbitraire par la Cour constitutionnelle;
pour le surplus, le Tribunal fédéral n'est pas habilité à ef-
fectuer une nouvelle appréciation de la quotité de la
remise.

Devant le Tribunal fédéral, il n'est pas perçu
d'émolument judiciaire dans la procédure du recours de droit

public en matière de droit de vote; le recourant qui
succombe
doit cependant acquitter les dépens à allouer à la commune
qui obtient gain de cause.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3. Dit que le recourant versera une indemnité de
1000 fr. à la commune de Bonfol.

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal du
canton
du Jura.

Lausanne, le 9 avril 2001
THE/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.94/2001
Date de la décision : 09/04/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-09;1p.94.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award