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09/04/2001 | SUISSE | N°1A.103/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 avril 2001, 1A.103/2000


«AZA 1/2»

1A.103/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

9 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay et Féraud. Greffier:
M. Jomini.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

Bernard Oberson, à Maules, représenté par Me Michel Bussey,
avocat à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 10 février 2000 par le Tribunal administra-
tif

du canton de Fribourg, dans la cause qui oppose le recou-
rant à la Société de laiterie de Maules, à Maules, représen-
tée ...

«AZA 1/2»

1A.103/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

9 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay et Féraud. Greffier:
M. Jomini.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

Bernard Oberson, à Maules, représenté par Me Michel Bussey,
avocat à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 10 février 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Fribourg, dans la cause qui oppose le recou-
rant à la Société de laiterie de Maules, à Maules, représen-
tée par Me Damien Piller, avocat à Fribourg, au Préfet du
district de la Gruyère, à Bulle, et à la Direction des tra-
vaux publics du canton de Fribourg;

(construction hors des zones à bâtir)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- La Société de laiterie de Maules (ci-après: la
Société de laiterie) est propriétaire et exploitante d'une
porcherie dans cette localité. Ce bâtiment se trouve en zone
agricole, à proximité des zones à bâtir du village (zone de
centre village et zone résidentielle à faible densité).

En été 1992, la Société de laiterie a transformé
sans autorisations le premier étage de son bâtiment afin de
pouvoir répartir les porcs sur deux niveaux. Auparavant, ce
premier étage avait été utilisé durant quelques années comme
poulailler. Ces transformations étaient destinées à
augmenter
la capacité de la porcherie, pouvant désormais accueillir
500
porcs.

Le Préfet du district de la Gruyère (ci-après: le
Préfet) a ordonné à la Société de laiterie, le 21 août 1992,
d'arrêter les travaux et de déposer une demande de permis de
construire. Des plans ont été mis à l'enquête publique dès
le
16 octobre 1992 et le dossier a dû être complété en 1993, la
Société de laiterie ayant été informée de la nécessité de
construire une nouvelle fosse à lisier de 450 m3. L'Office
cantonal de la protection de l'environnement a ensuite indi-
qué que le projet était soumis à une étude de l'impact sur
l'environnement. Une nouvelle demande de permis de construi-
re, avec un rapport d'impact, a donc été déposée le 20 mars
1996, pour un projet présenté comme une transformation du
poulailler du premier étage en local pour porcs, un assainis-
sement de la ventilation avec dispositif de filtration de
l'air vicié (lavage biologique des odeurs), et la construc-
tion d'une fosse à lisier de 450 m3. Mise à l'enquête publi-
que, cette demande d'autorisation a suscité plusieurs oppo-
sitions, dont celle de Bernard Oberson, propriétaire d'une

maison et de terrain à bâtir dans le voisinage direct de la
porcherie.

La Direction des travaux publics du canton de Fri-
bourg a accordé le 6 juin 1997 l'autorisation spéciale de
construire hors de la zone à bâtir. Le 9 septembre 1999, le
Préfet a délivré le permis de construire et il a rejeté les
oppositions.

B.- Bernard Oberson a recouru auprès du Tribunal
administratif du canton de Fribourg contre les décisions du
Préfet et de la Direction des travaux publics. Il a fait va-
loir en substance que l'exploitation d'une porcherie de
cette
importance n'était pas concevable à proximité de zones d'ha-
bitation et que les règles de la législation fédérale sur la
protection de l'environnement, en matière de protection
contre les odeurs (protection de l'air) et contre le bruit,
n'étaient pas respectées.

Le Tribunal administratif a rejeté ce recours par un
arrêt rendu le 10 février 2000. Il a appliqué l'art. 24 al.
1
de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS
700), dans sa teneur avant la révision du 20 mars 1998, et
il
a considéré d'une part que l'implantation actuelle de la por-
cherie, en zone agricole, était imposée par sa destination,
et d'autre part qu'aucun intérêt prépondérant ne s'opposait
à
la transformation litigieuse. A ce propos, les immissions -
bruit et odeurs - de la porcherie après transformations
n'ont
pas été jugées excessives, les exigences de la loi fédérale
sur la protection de l'environnement pouvant être respectées
grâce à l'équipement prévu et aux conditions imposées à l'ex-
ploitant. L'arrêt mentionne notamment à ce sujet le système
de lavage biologique de l'air de l'étable et de l'air prove-
nant de la fosse à lisier (dispositif d'épuration des
odeurs), les tubages avec absorbant phonique dans les chemi-

nées d'évacuation, et l'horaire fixé pour le chargement et
le
déchargement des animaux (entre 8 heures et 18 heures exclu-
sivement).

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, Bernard Oberson demande au Tribunal fédéral d'an-
nuler l'arrêt du Tribunal administratif et, statuant
lui-même
sur le fond, de refuser à la Société de laiterie les permis
de construire et autorisation spéciale requis. Il se plaint
d'une violation de l'art. 24 al. 1 LAT, ni la première condi-
tion - implantation imposée par la destination de l'installa-
tion -, ni la seconde - en l'occurrence, respect des exigen-
ces du droit fédéral en matière de protection contre les
odeurs et le bruit - n'étant selon lui remplies.

La Société de laiterie, la Direction des travaux pu-
blics et le Tribunal administratif concluent au rejet du re-
cours. Le Préfet s'en remet à justice.

L'Office fédéral du développement territorial (ODT)
et l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du pay-
sage (OFEFP), invités à répondre (cf. art. 110 al. 1 in fine
OJ), ont fait part de leurs observations. Les parties ont pu
se prononcer à ce sujet.

Le conseil communal de Maules, invité à se détermi-
ner comme autorité intéressée, se réfère au préavis
favorable
qu'il avait donné au cours de la procédure cantonale.

Après l'entrée en vigueur, le 1er septembre 2000,
des nouvelles dispositions (adoptées le 20 mars 1998) de la
loi fédérale sur l'aménagement du territoire concernant la
zone agricole (art. 16 à 16b LAT) et les autorisations déro-
gatoires hors de la zone à bâtir (art. 24 à 24d LAT), ainsi
que de la nouvelle ordonnance sur l'aménagement du territoi-

re, du 28 juin 2000 (OAT; RS 700.1), les parties et l'ODT
ont
été invités à se prononcer sur l'application du nouveau
droit
dans le cas particulier.

Le recourant a par ailleurs déposé spontanément deux
mémoires complémentaires afin d'alléguer des faits posté-
rieurs à l'arrêt attaqué, à savoir le chargement nocturne
d'un camion venant prendre livraison de porcs, à deux repri-
ses au moins. Le Préfet a également donné des informations à
ce sujet.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La voie du recours de droit administratif est
ouverte (art. 97 ss OJ en relation avec l'art 34 al. 1 LAT)
et les conditions légales de recevabilité sont manifestement
remplies. Il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.

2.- a) La contestation porte sur la transformation
d'un bâtiment situé dans la zone agricole. Cette transforma-
tion est soumise à autorisation en vertu du droit fédéral
(art. 22 al. 1 LAT) et du droit cantonal, lequel prévoit
l'octroi par le préfet d'un permis de construire et, en ou-
tre, une autorisation spéciale délivrée par la Direction des
travaux publics (art. 59 et 174 de la loi cantonale du 9 mai
1983 sur l'aménagement du territoire et les constructions
[LATeC]).

Dans la zone agricole, un projet de construction ou
de transformation peut être soit conforme à l'affectation de
la zone (cf. art. 22 al. 2 let. a LAT), soit non conforme et
partant nécessiter une dérogation. Dans l'arrêt attaqué, le
Tribunal administratif a retenu cette seconde hypothèse et
il

a appliqué l'art. 24 LAT ("Exceptions prévues hors de la
zone
à bâtir"), dans sa teneur en vigueur à ce moment-là (avant
la
novelle du 20 mars 1998).

b) De nouvelles dispositions fédérales sur la des-
tination de la zone agricole sont entrées en vigueur le 1er
septembre 2000 (art. 16, 16a et 16b LAT, art. 34 à 38 OAT).
Dans la nouvelle ordonnance sur l'aménagement du territoire
du 28 juin 2000 (OAT), le Conseil fédéral a prévu que les
procédures en cours au moment de l'entrée en vigueur de
cette
ordonnance et de la modification du 20 mars 1998 de la LAT
seraient soumises au nouveau droit (art. 52 al. 1 OAT) et
que
les procédures de recours pendantes demeuraient régies par
l'ancien droit, sauf si le nouveau droit était plus
favorable
au requérant (art. 52 al. 2 OAT). Cette dernière disposition
transitoire s'applique en cas de recours de droit administra-
tif au Tribunal fédéral. Il appartient donc à la Cour de
céans - qui n'est du reste pas liée par les motifs que les
parties invoquent (art. 114 al. 1 OJ) - d'examiner en
premier
lieu si le projet de la Société de laiterie, requérante de
l'autorisation, peut désormais être considéré comme conforme
à l'affectation de la zone agricole, cette solution étant en
principe plus favorable pour elle qu'une dérogation.

c) aa) Le nouvel art. 16a al. 1, 1ère phrase LAT
pose le principe selon lequel sont conformes à l'affectation
de la zone agricole les constructions et installations qui
sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticul-
ture productrice. Cette définition correspond à celle que la
jurisprudence avait élaborée sur la base de l'ancien art. 16
LAT: seules les constructions dont la destination correspond
à la vocation agricole du sol peuvent donner lieu à une auto-
risation ordinaire au sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT; en
d'autres termes, le sol doit être le facteur de production
primaire et indispensable et les modes d'exploitation dans

lesquels le sol ne joue pas un rôle essentiel ne sont pas
agricoles (cf. ATF 125 II 278 consid. 3a p. 281 et les
arrêts
cités). Ainsi, en vertu de cette jurisprudence et du nouvel
art. 16a al. 1, 1ère phrase LAT, les constructions et instal-
lations pour l'élevage de bétail ne peuvent être jugées
conformes à l'affectation de la zone agricole que si une
part
prépondérante des fourrages provient de la production propre
à l'exploitation (ATF 117 Ib 270 consid. 3c p. 280, 502
consid. 4a p. 504). Il est manifeste que la porcherie liti-
gieuse n'est pas conforme à l'affectation de la zone agrico-
le, ainsi définie. Elle ne fait pas partie d'une
exploitation
agricole, mais est liée à une laiterie, qui fournit une par-
tie des aliments (le petit lait). Elle n'a en somme aucun
rapport de dépendance avec l'exploitation agricole du sol
(cf. ATF 118 Ib 17 consid. 2a p. 18).

bb) La novelle du 20 mars 1998 étend par ailleurs
la définition de la conformité à l'affectation de la zone
agricole: elle est désormais admise non seulement pour les
constructions et installations répondant à la définition de
l'art. 16a al. 1, 1ère phrase LAT (cf. supra, consid.
2c/aa),
mais également, aux termes de l'art. 16a al. 2 LAT, pour
celles qui servent au développement interne d'une exploita-
tion agricole ou d'une exploitation pratiquant
l'horticulture
productrice. Il y a "développement interne" lorsqu'un
secteur
de production non tributaire du sol - garde d'animaux de
rente (cf. art. 36 OAT), cultures maraîchères ou horticoles
indépendantes du sol (cf. art. 37 OAT) - est adjoint à une
exploitation tributaire de façon prépondérante du sol afin
que la viabilité de cette exploitation soit assurée (cf.
Message relatif à la dernière révision partielle de la LAT,
FF 1996 III 489). Il apparaît ainsi que la loi fédérale dé-
finit aujourd'hui plus largement la conformité à la zone
agricole car, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'art. 16a al.
2
LAT, la jurisprudence n'admettait les constructions ou ins-

tallations servant au développement interne qu'aux
conditions
restrictives de l'art. 24 LAT (cf. ATF 117 Ib 270 consid. 4
p. 281, 502 consid. 5 p. 505). Cela étant, la porcherie liti-
gieuse étant indépendante des exploitations agricoles du vil-
lage, il ne saurait être question dans le cas particulier de
développement interne.

cc) L'art. 16a al. 3 LAT prévoit encore la possibi-
lité, pour les cantons, de désigner au terme d'une procédure
de planification des parties de la zone agricole où les
constructions et installations dépassant le cadre de ce qui
peut être admis au titre du développement interne peuvent
être déclarées conformes à l'affectation de la zone. D'après
l'art. 34 OAT, qui précise la portée de cette norme, seules
sont visées les constructions et installations nécessaires à
une exploitation agricole; ce n'est pas le cas, comme on l'a
déjà exposé, de la porcherie litigieuse. Au surplus, la des-
tination de la zone agricole de la commune de Maules n'a pas
été modifiée dans le sens prévu à l'art. 16a al. 3 LAT.
Aussi
cette disposition n'entre-t-elle pas en considération dans
le
cas particulier.

d) Il s'ensuit que la porcherie de l'intimée, non
conforme à l'affectation de la zone agricole avant la derniè-
re révision de la loi fédérale sur l'aménagement du territoi-
re, conserve ce statut sous le régime des nouveaux art. 16
et
16a LAT. Les travaux de transformation litigieux, tendant à
augmenter le volume dans lequel s'exerce cette activité non
tributaire du sol, ne peuvent donc pas bénéficier d'une auto-
risation ordinaire au sens de l'art. 22 al. 2 let. a LAT.

Il reste à examiner si le Tribunal administratif a
fait une bonne application du droit fédéral en admettant,
nonobstant la non-conformité, une dérogation fondée sur
l'art. 24 LAT. Les règles légales relatives aux "exceptions

prévues hors de la zone à bâtir" ayant également été modi-
fiées par la novelle du 20 mars 1998 (nouveaux art. 24 à 24d
LAT; cf. aussi art. 39 à 43 OAT), il
y a lieu d'appliquer le
nouveau droit s'il est plus favorable au requérant, en vertu
de la disposition transitoire de l'art. 52 OAT.

3.- Le recourant reproche, précisément, au Tribunal
administratif d'avoir violé l'art. 24 al. 1 LAT (dans son an-
cienne teneur) en admettant d'emblée que l'implantation de
la
porcherie hors de la zone à bâtir était imposée par sa desti-
nation.

a) Les travaux litigieux concernent l'aménagement
intérieur d'un bâtiment existant non conforme à
l'affectation
de la zone agricole, et la réalisation d'une installation
annexe - la fosse à lisier - directement liée à ce bâtiment.
Appliquant l'ancien art. 24 al. 1 LAT, la juridiction canto-
nale a considéré que l'ouvrage satisfaisait à la double
condition posée par cette disposition: l'implantation de la
construction hors de la zone à bâtir était imposée par sa
destination (art. 24 al. 1 let. a LAT) et aucun intérêt pré-
pondérant ne s'opposait à l'autorisation (art. 24 al. 1 let.
b LAT). Cela étant, dans ce cadre légal, la première
question
à examiner était celle d'une application de l'ancien art. 24
al. 2 LAT, définissant les conditions auxquelles le droit
cantonal pouvait autoriser la rénovation, la transformation
partielle ou la reconstruction d'un bâtiment existant non
conforme à l'affectation de la zone agricole, pour autant
que
ces travaux fussent compatibles avec les exigences majeures
de l'aménagement du territoire. Si ces conditions n'étaient
pas remplies, par exemple parce que les travaux consistaient
en une transformation trop importante, ou un changement com-
plet d'affectation du bâtiment, l'application de l'art. 24
al. 1 LAT pouvait alors entrer en considération (cf. notam-
ment ATF 117 Ib 502 consid. 3 p. 503). Précisément, dans le

cas particulier, le Tribunal administratif s'est fondé sur
l'"importance des travaux" pour juger que le projet ne pou-
vait plus être qualifié de transformation partielle au sens
de l'ancien art. 24 al. 2 LAT.

b) Le nouveau droit fait également la distinction,
en matière d'exceptions hors de la zone à bâtir, entre les
nouvelles constructions et les transformations. Le nouvel
art. 24 LAT reprend les principes auparavant énoncés à
l'art.
24 al. 1 LAT, des règles complémentaires étant en outre pré-
vues pour les changements d'affectation (voir les nouveaux
art. 24a, 24d et 37a LAT). Quant à la règle correspondant à
l'ancien art. 24 al. 2 LAT, elle figure désormais à l'art.
24c al. 2 LAT: cette disposition s'applique aux
constructions
et installations qui peuvent être utilisées conformément à
leur destination mais qui ne sont plus conformes à l'affecta-
tion de la zone (cf. art. 24c al. 1 LAT), et elle permet à
l'autorité compétente d'autoriser la rénovation de telles
constructions et installations, leur transformation partiel-
le, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour
autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés lé-
galement; il est en outre précisé que les exigences majeures
de l'aménagement du territoire doivent être satisfaites dans
tous les cas.

Interprétant l'ancien art. 24 al. 2 LAT et la notion
de transformation partielle, le Tribunal fédéral a considéré
qu'étaient visés non seulement les travaux de transformation
proprement dits, mais également certains agrandissements et
changements d'affectation. Ceux-ci ont un caractère partiel
s'ils visent à maintenir pour l'essentiel l'identité du bâti-
ment, dans son volume et dans son apparence, et s'ils n'ont
pas d'effets sensiblement nouveaux des points de vue de l'oc-
cupation du sol, de l'équipement et de l'environnement; la
transformation doit être d'importance réduite par rapport à

l'état existant de la construction (ATF 123 II 256 consid. 4
p. 261; 118 Ib 497 consid. 3a p. 499 et les arrêts cités).
Cela étant, la jurisprudence a renoncé à fixer une
proportion
maximale pour les agrandissements (augmentation d'un quart
du
volume existant, par exemple - cf. ATF 112 Ib 94 consid. 3
p.
97). A priori, le nouvel art. 24c al. 2 LAT reprend les
mêmes
critères. Il est vrai que la nouvelle ordonnance sur l'aména-
gement du territoire (OAT) contient des dispositions complé-
mentaires au sujet des transformations (art. 41 et 42 OAT),
plus précises que les précédentes règles jurisprudentielles
-
par exemple quant à la surface maximale de l'agrandissement
admissible (art. 42 al. 3 OAT) -, mais il n'est pas nécessai-
re, dans le présent arrêt, d'examiner plus en détail cette
réglementation; il suffit de constater que, pour les trans-
formations partielles, la portée du texte légal n'a en prin-
cipe pas été modifiée.

Il faut néanmoins relever que le nouvel art. 24c al.
2 LAT ne soumet plus l'autorisation de transformer à l'exis-
tence d'une base légale en droit cantonal. Aussi les
critères
du droit fédéral sont-ils désormais seuls applicables, à
l'exclusion des exigences plus restrictives que les cantons
pouvaient auparavant imposer (cf. DFJP/OFAT, Etude relative
à
la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Berne 1981,
p. 294/295). De ce point de vue, le nouveau régime peut être
plus favorable au requérant, au sens de l'art. 52 al. 1 OAT
(cf. supra, consid. 2b). Dans le cas particulier, il n'est
donc pas nécessaire d'examiner les dispositions de la loi
cantonale (LATeC) à ce sujet car il suffit d'appliquer les
prescriptions du droit fédéral.

c) Le Tribunal administratif a d'emblée exclu l'ap-
plication de l'ancien art. 24 al. 2 LAT (correspondant au
nouvel art. 24c al. 2 LAT) au motif que les travaux
litigieux
étaient trop importants. Cette appréciation ne repose cepen-

dant pas sur une analyse détaillée de la nature ou de l'am-
pleur de la transformation, la juridiction cantonale ayant
par ailleurs estimé que les conditions d'une dérogation fon-
dée sur l'ancien art. 24 al. 1 LAT étaient remplies. Le Tri-
bunal fédéral n'est pas lié par cette motivation; il peut
considérer, le cas échéant, que cette autorisation exception-
nelle devait en réalité être fondée sur la norme concernant
les transformations, et non pas sur celle relative aux nou-
velles constructions.

Il résulte du rapport d'impact et d'autres pièces du
dossier que la porcherie litigieuse a été construite en
1950;
il n'apparaît pas qu'elle l'aurait été illégalement. Elle
était à l'origine prévue pour 350 porcs puis, grâce à des
aménagements effectués en 1981, pour 450 porcs. Pour tenir
compte de l'évolution des prescriptions sur la protection
des
animaux, il a fallu réduire à environ 280 le nombre de porcs
gardés au rez-de-chaussée du bâtiment. Au premier étage, une
halle d'engraissement de volaille (5000 poulets) avait été
installée en 1974; la Société de laiterie a cessé cette der-
nière activité en novembre 1991. En répartissant ensuite les
porcs sur les deux niveaux - le premier étage étant en prin-
cipe réservé à l'engraissement, jusqu'à 60 kg, de 200 porce-
lets -, l'effectif de la porcherie peut être augmenté à envi-
ron 500 têtes de bétail. Au premier étage, la surface réser-
vée à l'engraissement des porcs est de 128 m2 (volume de ce
local: 305 m3, soit environ deux fois moins que le volume du
poulailler, qui occupait toute la surface du premier étage);
au rez-de-chaussée, la surface de la porcherie est d'environ
400 m2. Les travaux ne modifient pas l'aspect extérieur du
bâtiment, à l'exception de la partie visible de la nouvelle
fosse à lisier et de la nouvelle installation de
ventilation,
qui comporte trois cheminées le long de la façade nord-ouest
(elles remplacent trois cheminées fixées sur le toit). Le
projet consiste à développer une exploitation
d'engraissement

existante (qui avait connu temporairement une diversifica-
tion, avec le poulailler) et, grâce aux aménagements au pre-
mier étage, à agrandir la porcherie à l'intérieur du
bâtiment
en la modernisant, avec un nombre de têtes de bétail compara-
ble à celui de 1981. Cet agrandissement comporte en outre la
mise en place d'installations - fosse à lisier, épuration
des
odeurs - qui sont destinées à réduire l'impact de la porche-
rie sur l'environnement et sur les eaux. Apprécié ainsi glo-
balement, ce projet correspond à une transformation
partielle
au sens de l'ancien art. 24 al. 2 LAT; le Tribunal adminis-
tratif l'a jugé à tort, après une analyse sommaire, comme
trop important.

d) Pour que l'autorisation de transformer soit ac-
cordée, l'ancien art. 24 al. 2 LAT - comme le nouvel art.
24c
al. 2 LAT - prévoit encore que les exigences majeures de
l'aménagement du territoire doivent être satisfaites. Cette
prescription correspond, en quelque sorte, à celle de l'an-
cien art. 24 al. 1 let. b LAT (reprise, dans le nouveau
droit, à l'art. 24 let. b LAT), qui soumet la délivrance
d'une autorisation spéciale à la condition qu'"aucun intérêt
prépondérant ne s'y oppose". En l'espèce, le recourant fait
valoir que cette condition n'est pas réalisée, en se plai-
gnant à ce propos de violations des normes du droit fédéral
sur la protection de l'air et la protection contre le bruit;
d'autres "intérêts prépondérants" ou "exigences majeures de
l'aménagement du territoire" ne sont pas invoqués. Vu
l'objet
de la contestation, il suffit donc de vérifier si la trans-
formation de la porcherie respecte la loi fédérale sur la
protection de l'environnement (LPE; RS 814.01).

4.- Le recourant se plaint d'une violation des
prescriptions fédérales sur la protection de l'air. Il invo-
que l'art. 14 let. b LPE, qui constitue la base légale des
valeurs limites d'immissions des pollutions atmosphériques,

et il se réfère également aux règles sur la limitation pré-
ventive des émissions, notamment au ch. 512 de l'annexe 2 à
l'ordonnance sur la protection de l'air (OPair; RS
814.318.142.1). Il prétend que la distance entre la
porcherie
et les zones résidentielles est trop faible, et que par
conséquent les habitations voisines seraient exposées à des
odeurs trop fortes.

Sont litigieuses, dans le cas particulier, les me-
sures de limitation des émissions qui doivent être prises en
vertu de l'art. 11 LPE, lequel s'applique également dans un
cas d'assainissement d'une ancienne installation (art. 16 ss
LPE; cf. ATF 126 II 480 consid. 3a p. 483). Selon l'arrêt
attaqué, l'intimée a prévu, dans le cadre de la transforma-
tion de sa porcherie, toutes les mesures possibles d'épura-
tion de l'air vicié. La porcherie doit être munie d'un sys-
tème de lavage biologique des particules odorantes contenues
dans l'air, permettant d'éliminer 95 % des odeurs. Le recou-
rant ne prétend pas qu'un autre système aurait dû être choi-
si; en d'autres termes, il ne met pas en cause le caractère
adéquat de l'installation d'épuration, vu l'état de la
technique et les conditions d'exploitation (cf. art. 11 al.
2
LPE). Il fait cependant valoir que la porcherie est de toute
manière trop proche de la zone résidentielle voisine.

Le respect d'une "distance minimale" entre une ins-
tallation d'élevage d'animaux et une zone habitée est une
prescription complémentaire aux règles générales de limita-
tion des émissions; elle est prévue à l'art. 3 al. 2 let. a
OPair, en relation avec le ch. 512 de l'annexe 2 de cette
ordonnance (cf. ATF 126 II 43 consid. 4a p. 45). Cette der-
nière norme renvoie aux recommandations de la Station fédéra-
le de recherche d'économie d'entreprise et de génie rural
(ch. 512 al. 1 - il s'agit en l'occurrence du Rapport FAT n°
476, de 1996, intitulé "Distances minimales à observer pour

les installations d'élevage d'animaux"), en ajoutant que si
l'air évacué, chargé d'odeurs pénétrantes, est épuré, il est
alors permis de ne pas respecter les distances minimales exi-
gées (ch. 512 al. 2). Appliquant ces recommandations, le ser-
vice cantonal spécialisé (l'Office de la protection de l'en-
vironnement) a calculé la "distance normalisée" (158 m)
puis,
en fonction de facteurs de correction - tenant compte notam-
ment du système de lavage biologique -, la "distance
minimale
MA", qu'il a estimée à 44 m. Contrairement à ce qu'affirme
le
recourant, les données figurant au dossier permettent de vé-
rifier les éléments de ce calcul; on ne voit pas en quoi le
résultat serait erroné. L'autorisation spéciale de la Direc-
tion des travaux publics retient que les odeurs résiduelles
ne devraient plus être perceptibles à partir de 44 m; cela
n'est pas contesté dans le recours.

Le recourant prétend pourtant que la distance entre
le centre de la porcherie et la zone résidentielle la plus
proche serait inférieure à 44 m et que, par conséquent, le
Tribunal administratif aurait retenu à tort un intervalle de
45 m. Or - ainsi que le relève, dans ses observations, l'Of-
fice fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage
(OFEFP), qui a par ailleurs estimé que les autorités canto-
nales avaient tenu compte de façon adéquate des recommanda-
tions du rapport FAT - la distance déterminante doit être
mesurée entre le point d'émission, soit les cheminées d'éva-
cuation au-dessus de l'installation de lavage biologique, et
la zone résidentielle. Vu l'emplacement de ce point d'émis-
sion, au nord-est de la porcherie, la distance jusqu'aux ha-
bitations auxquelles le recourant se réfère n'est pas infé-
rieure à 44 m. C'est ce que le Tribunal administratif a cons-
taté; il n'a donc pas violé le droit fédéral, ni abusé de
son
pouvoir d'appréciation (cf. art. 104 let. a OJ), en considé-
rant que les prescriptions du ch. 512 de l'annexe 2 OPair

étaient respectées. Aussi les griefs du recourant à ce
propos
sont-ils mal fondés.

5.- Le recourant se plaint d'une violation des
prescriptions fédérales sur la protection contre le bruit. A
titre principal, il fait
valoir que l'employé de l'intimée a
procédé à plusieurs reprises en pleine nuit au chargement de
porcs sur un camion, le bruit provoqué par cette opération
dérangeant les voisins dans leur sommeil. En second lieu et
de manière plus générale, il prétend que l'intimée n'aurait
pas fait la preuve de la fiabilité et de la crédibilité re-
quises pour exploiter sans nuisances phoniques excessives
une
halle d'engraissement de cinq cents porcs.

a) L'objet de la contestation est une autorisation
de construire qui fixe, au titre des conditions d'exploita-
tion, un horaire pour le chargement et le déchargement des
animaux (entre 8 heures et 18 heures). Seul peut être criti-
qué le contenu de cette autorisation. Dans ce cadre, les al-
légations du recourant au sujet d'inobservations passées de
ces conditions d'exploitation sont sans pertinence, dès lors
que - comme cela ressort du dossier - la société intimée et
les autorités cantonales sont en mesure de garantir le res-
pect de l'horaire imposé.

b) Les griefs du recourant relatifs au bruit de
l'exploitation sont formulés de manière très vague et som-
maire. La Direction cantonale des travaux publics a produit
une prise de position de son service spécialisé, l'Office de
la protection de l'environnement, selon laquelle l'isolation
phonique de la porcherie était bonne, les nuisances provo-
quées par le nourrissage des porcs (à trois reprises chaque
jour, entre 5 heures et 17 heures) n'étaient pas
perceptibles
à plus de 10 m du bâtiment, et les opérations de chargement
ou déchargement des animaux, intervenant vingt fois par an-

née à raison de 45 minutes chaque fois, ne provoquaient pas
un bruit excessif auprès des habitations voisines (niveau
d'évaluation estimé à 45 dB). Globalement, les nuisances so-
nores de cette porcherie - ancienne installation déjà exploi-
tée lors de l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la
protection de l'environnement (cf. ATF 126 II 480 consid. 3a
p. 483) - apparaissent relativement faibles et on ne voit
pas, sur la base des griefs du recourant, quelles autres me-
sures de limitation des émissions de bruit auraient dû être
ordonnées.

6.- Il résulte des considérants précédents que les
prescriptions du droit fédéral de la protection de l'environ-
nement ne s'opposent pas à l'octroi d'une autorisation spé-
ciale selon l'ancien art. 24 al. 2 LAT (cf. supra, consid.
3d). Le recours, qui demandait l'annulation de la dérogation
consentie pour ce projet hors des zones à bâtir, est en
conséquence mal fondé et il doit être rejeté.

Le recourant, qui succombe, doit payer l'émolument
judiciaire conformément aux art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ.
La Société de laiterie, représentée par un avocat, a droit à
des dépens; les autorités cantonales et communale n'y ont en
revanche pas droit (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours de droit administratif;

2. Met à la charge du recourant:
a) un émolument judiciaire de 3'000 fr.,
b) une indemnité de 3'000 fr., à payer à la Société
de laiterie de Maules à titre de dépens;

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires du recourant et de la Société de laiterie de Maules,
au Préfet du district de la Gruyère, à la Direction des tra-
vaux publics et au Tribunal administratif du canton de
Fribourg, à la commune de Maules (partie intéressée), à l'Of-
fice fédéral du développement territorial et à l'Office fédé-
ral de l'environnement, des forêts et du paysage.

Lausanne, le 9 avril 2001
JIA/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.103/2000
Date de la décision : 09/04/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-09;1a.103.2000 ?
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