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06/04/2001 | SUISSE | N°4P.267/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 avril 2001, 4P.267/2000


«/2»

4P.267/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

6 avril 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

M.________ et dame M.________, tous deux représentés par Me
Françoise Desaules-Zeltner, avocate à Neuchâtel,

contre

le jugement rendu le 6 octobre 2000 par la Ie Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel dan

s la cause qui
oppose les recourants à X.________ S.A., représentée par Me
Benoît Ribaux, avocat à Neuchâtel;

(art. 9 Cs...

«/2»

4P.267/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

6 avril 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

M.________ et dame M.________, tous deux représentés par Me
Françoise Desaules-Zeltner, avocate à Neuchâtel,

contre

le jugement rendu le 6 octobre 2000 par la Ie Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel dans la cause qui
oppose les recourants à X.________ S.A., représentée par Me
Benoît Ribaux, avocat à Neuchâtel;

(art. 9 Cst.; procédure civile, appréciation arbitraire des
preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Manège Y.________ Sàrl a été inscrit au Re-
gistre du commerce de B.________ le 26 octobre 1954. Le 19
avril 1977 les époux M.________ ont été inscrits en qualité
d'associés gérants disposant de la signature individuelle.
Dès le 14 février 1984, après radiation de M.________, la
société ne disposait que d'un associé gérant avec signature
individuelle en la personne de dame M.________. Manège
Y.________ Sàrl est devenue propriétaire de la parcelle 3703
du cadastre de Z.________ le 17 novembre 1954. Dame
M.________ a acquis la parcelle 3702 du même cadastre le 12
avril 1979.

X.________, devenue X.________ S.A. (ci-après: la
banque), a accordé différents prêts à dame M.________, d'une
part, et à dame M.________ et au Manège Y.________ Sàrl en
qualité de codébiteurs solidaires, d'autre part. Des échéan-
ces n'ayant pas été respectées, la banque a dénoncé ces cré-
dits au remboursement pour le 15 décembre 1994. Les créances
de la banque représentaient alors 1 908 267 fr.70. Des pour-
suites ont été engagées et, le 17 août 1995, la banque a
requis la vente des parcelles formant les articles 3702 et
3703. Des contacts ont eu lieu entre les époux M.________ et
le préposé à l'Office des poursuites et faillites de
B.________ en vue de la vente aux enchères des parcelles. La
date des enchères a été fixée au 11 juillet 1996, la publi-
cation s'y rapportant paraissant dans la feuille officielle
des 5, 12 et 19 juin 1996. La banque a acquis les immeubles
susmentionnés lors de la vente aux enchères du 11 juillet
1996.

B.- a) Par courriers des 12 juin 1996 à l'adresse
de la banque et 17 juin 1996 à l'adresse du préposé à l'Offi-

ce des poursuites et faillites de B.________, les époux
M.________ ont informé les destinataires de l'existence d'un
bail conclu le 1er mai 1994 entre Manège Y.________ Sàrl et
dame M.________, désignées en qualité de "bailleurs", et les
époux M.________, désignés en qualité de "preneurs". La ban-
que a émis des réserves quant à l'authenticité et à la vali-
dité dudit document. Le contrat de bail du 1er mai 1994 n'a
pas été porté à l'état des charges du 27 juin 1996. Les con-
ditions de vente du 27 juin 1996 indiquaient que le contrat
était remis en copie à l'acquéreur. La banque s'est vu déli-
vrer le 11 septembre 1996 un certificat d'insuffisance de
gage pour 1 038 931 fr.15.

Le 3 avril 1997, X.________ S.A. a introduit action
contre les époux M.________ et conclu à ce qu'il soit dit,
constaté et prononcé que le contrat de bail à loyer du 1er
mai 1994 est nul et de nul effet et, conséquemment, que soit
ordonné le déguerpissement immédiat des défendeurs des lieux
qu'ils occupent sans droit. La demanderesse a soutenu que le
prétendu contrat de bail était inexistant.

Les défendeurs ont conclu au rejet de la demande,
affirmant qu'un contrat de bail avait bel et bien été passé
le 1er mai 1994; dans leurs conclusions en cause du 8
octobre
1999, ils ont encore invoqué le défaut de citation en conci-
liation devant l'Autorité régionale de conciliation, ce qui
rendrait la demande irrecevable.

b) Par jugement du 6 octobre 2000, la 1ère Cour ci-
vile du Tribunal cantonal neuchâtelois a ordonné le déguer-
pissement des époux défendeurs des lieux qu'ils occupent
sans
droit sur les parcelles formant les articles 3702 et 3703 du
cadastre de Z.________.

En substance, la cour cantonale a considéré, à pro-
pos de l'irrecevabilité de la demande invoquée par les défen-

deurs, qu'obliger les parties "à tout recommencer" en saisis-
sant l'autorité de conciliation constituerait une sanction
que la défense d'aucun intérêt légitime ne justifierait et
qui procéderait ainsi d'un formalisme excessif. L'autorité
cantonale a nié qu'un contrat de bail ait été conclu le 1er
mai 1994 pour divers motifs: les défendeurs n'ont jamais été
en mesure de produire un seul exemplaire original de la con-
vention, pourtant prétendument établie en quatre
exemplaires;
le préposé à l'Office des poursuites et faillites de
B.________ alors en fonction a formellement contesté avoir
eu
en mains à une quelconque date l'original du contrat; outre
que le bail n'a pas été porté à l'état des charges, l'office
n'a pas adressé aux locataires l'avis prévu par l'art. 70
ORFI; les défendeurs n'avaient curieusement jamais fait état
de l'existence du bail avant le mois de juin 1996; ni l'ex-
pert chargé de fixer la valeur vénale des immeubles, ni deux
autres experts ayant dû supputer l'état locatif des bâti-
ments, n'ont affirmé qu'on leur avait présenté un contrat de
bail; il en va de même d'un témoin, collaborateur de la ban-
que demanderesse; il est impossible de tirer des comptes
tels
qu'ils ont été présentés un quelconque élément de preuve
s'agissant de la réalité du prétendu contrat, la présence de
loyers dans certains comptes poursuivant vraisemblablement
un
but fiscal sans correspondre à aucune réalité.

La Cour civile a en outre jugé que l'on ne saurait
davantage retenir qu'un contrat de bail de durée indétermi-
née, passé le cas échéant oralement, ait été conclu entre la
Sàrl et les défendeurs, dès l'instant où ces derniers ne
l'allèguent même pas, fondant toute leur argumentation sur
le
prétendu contrat du 1er mai 1994.

L'existence d'un bail fixant à 2004 son échéance
n'ayant pas été démontrée, les magistrats cantonaux en ont
conclu que les défendeurs occupaient sans aucun titre les im-
meubles considérés, à tout le moins depuis la vente aux en-

chères du 11 juillet 1996, et que leur déguerpissement immé-
diat desdits lieux devait être ordonné.

C.- Les époux M.________ interjettent, parallèle-
ment, un recours de droit public et un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Dans le premier, ils concluent à l'annula-
tion du jugement cantonal.

La demanderesse conclut au rejet du recours de
droit public en tant qu'il est déclaré recevable.

La cour cantonale déclare n'avoir pas d'observa-
tions à formuler et se réfère à son jugement.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Selon la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ,
le recours de droit public sera examiné en premier lieu.

2.- Les recourants invoquent la violation de
l'art. 9 Cst., soit l'arbitraire dans l'appréciation des
preuves.

Ils reprochent au jugement entrepris d'avoir privi-
légié la déposition du préposé N.________, lequel a déclaré
n'avoir jamais eu entre les mains d'original du contrat de
bail, au mépris de l'ensemble des autres éléments qui corro-
boreraient les explications des recourants. Ils invoquent la
quittance qui leur a été remise le 21 juin 1996, accusant ré-
ception d'un contrat de bail, qui ne serait pas signée par
le
témoin N.________, mais par une autre personne. Ils font aus-
si état d'une lettre à la demanderesse du 12 juin 1996, avec
copie à l'office des poursuites, mentionnant le bail liti-
gieux, ainsi que d'une lettre à l'office du 17 juin 1996, se

référant au contrat de bail et à la nécessité de le mention-
ner dans les conditions de vente. Ils énumèrent ensuite un
certain nombre d'éléments disparates susceptibles, selon
eux,
de mettre en doute l'affirmation péremptoire du témoin
N.________.

Les recourants développent encore divers arguments
permettant, à les en croire, de compléter la critique
dirigée
contre l'appréciation des preuves. L'ensemble du dossier
fournirait ainsi un nombre d'éléments importants parlant en
faveur de l'existence du contrat de bail litigieux et en par-
ticulier de son dépôt à l'Office des poursuites et faillites
de B.________. La cour cantonale n'aurait retenu qu'un
aspect
des preuves administrées pour mettre en avant des indices
non
relevants, au préjudice d'autres déterminants.

3.- a) Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne ré-
sulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer
en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribu-
nal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque
celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve
en
contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle
viole
gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou
encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment
de la justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annu-
lée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motiva-
tion formulée soit insoutenable, il faut encore que la déci-
sion apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 126 I 168
consid. 3a; ATF 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a,
129 consid. 5b).

S'agissant de l'appréciation des preuves, une ju-
risprudence constante reconnaît au juge du fait un large pou-
voir d'appréciation dans ce domaine. Le Tribunal fédéral
n'intervient, en conséquence, que si le juge cantonal a
abusé
de ce pouvoir, en particulier lorsqu'il parvient à des con-

clusions manifestement insoutenables (ATF 120 Ia 31 consid.
4b; 118 Ia 28 consid. 1b). Il appartient au recourant d'éta-
blir la réalisation de ces conditions en tentant de démon-
trer, par une argumentation précise, que la constatation at-
taquée ne trouve aucune assise dans le dossier (art. 90 al.
1
let. b OJ; ATF 122 I 70 consid. 1c; 119 Ia 197 consid. 1d).
Le grief tiré de l'appréciation arbitraire des preuves ne
peut être pris en considération que si son admission est de
nature à modifier le sort du litige, ce qui n'est pas le cas
lorsqu'il vise une constatation de fait n'ayant aucune inci-
dence sur l'application du droit.

b) En l'occurrence, le recours ne satisfait nulle-
ment aux exigences de motivation posées par la
jurisprudence.
Les recourants se bornent, en effet, à tenter de soumettre
au
Tribunal fédéral une version des faits autre que celle rete-
nue par la cour cantonale, comme s'ils plaidaient devant une
juridiction d'appel. Ils ne font pas l'ombre d'une démonstra-
tion que des constatations de fait seraient manifestement in-
soutenables ou fausses, vu l'absence de toute assise dans le
dossier. Il apparaît même, bien au contraire, que l'apprécia-
tion des preuves et des faits par la cour cantonale, soit la
constatation selon laquelle aucun contrat de bail n'a été
conclu le 1er mai 1994, et aucun original du contrat n'a été
remis à l'office des poursuites, résiste au grief d'arbitrai-
re.

Le moyen ne peut donc qu'être rejeté dans la mesure
où il est recevable.

4.- Les recourants s'en prennent ensuite au rejet
de leur grief de défaut de citation préalable en concilia-
tion, dans la mesure où il repose sur l'application de
l'art.
16 de la loi cantonale d'introduction du code des
obligations
(LICO). Ils relèvent cependant que, dans le recours en réfor-
me déposé parallèlement, il est soutenu que l'examen du res-

pect de l'exigence contenue dans cette disposition relève du
droit fédéral, car en cette matière le droit cantonal n'a
pas
de portée autonome. Ce n'est donc que pour le cas où la juri-
diction fédérale devrait apprécier différemment cet élément,
et déclarer irrecevable le recours en réforme, que la criti-
que est reprise dans le recours de droit public.

Le moyen tiré du défaut de citation en conciliation
touche bien à l'application du droit fédéral, plus particu-
lièrement de l'art. 274a CO. Dès lors, il peut être invoqué
dans le recours en réforme, de telle sorte qu'il est irrece-
vable dans le recours de droit public, en vertu de l'art. 84
al. 2 OJ.

5.- Le recours doit donc être rejeté dans la fai-
ble mesure de sa recevabilité. Vu l'issue du litige, les
frais et dépens seront mis solidairement à la charge des re-
courants (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

2. Met un émolument judiciaire de 6000 fr. solidai-
rement à la charge des recourants;

3. Dit que les recourants verseront solidairement à
l'intimée une indemnité de 7000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la 1ère Cour civile du Tribunal can-
tonal neuchâtelois.

___________

Lausanne, le 6 avril 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.267/2000
Date de la décision : 06/04/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-06;4p.267.2000 ?
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