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06/04/2001 | SUISSE | N°4C.187/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 avril 2001, 4C.187/2000


«/2»

4C.187/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

6 avril 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

___________

Dans la cause civile
pendante entre

X.________, défenderesse et recourante, représentée par Me
Philippe Rossy, avocat à Lausanne,

et

C.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Jean-Michel Dolivo, avocat à Lausanne;

(contrat de travai

l; harcèlement sexuel)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- C.________ a été engagée par...

«/2»

4C.187/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

6 avril 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

___________

Dans la cause civile
pendante entre

X.________, défenderesse et recourante, représentée par Me
Philippe Rossy, avocat à Lausanne,

et

C.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Jean-Michel Dolivo, avocat à Lausanne;

(contrat de travail; harcèlement sexuel)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- C.________ a été engagée par X.________ comme
sommelière dès le 1er juin 1998.

Par lettre non datée, mais vraisemblablement en-
voyée le 26 août 1998, C.________ a résilié son contrat de
travail avec effet au 31 août 1998.

B.- Le 8 décembre 1998, C.________ a ouvert action
contre X.________. Elle a conclu à ce qu'il soit constaté
que
le congé notifié pour le 31 août 1998 l'a été pour de justes
motifs et que la défenderesse a adopté un comportement dis-
criminatoire; elle a réclamé le paiement de 20 000 fr. plus
intérêts.

Par jugement du 17 août 1999, le Président du Tri-
bunal civil du district de Lausanne a rejeté la demande.

Saisie par la demanderesse, la Chambre des recours
du Tribunal cantonal vaudois a réformé ce jugement par arrêt
du 19 janvier 2000 et condamné la défenderesse à payer à la
demanderesse la somme de 10 000 fr. à titre d'indemnité.

C.- La défenderesse recourt en réforme au Tribunal
fédéral contre cet arrêt. Elle conclut au rejet de la deman-
de.

La demanderesse propose le rejet du recours et la
confirmation de l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La cour cantonale a jugé que le gérant de
l'établissement a tenu des propos grossiers constitutifs de
harcèlement sexuel, dont la défenderesse répond.

La défenderesse conteste que ses propos aient été
discriminatoires, car ils s'adressaient tant à la clientèle
qu'au personnel, quel que fût son sexe. En outre, la cour
cantonale aurait mal constaté les faits et violé les règles
fédérales relatives au fardeau de la preuve. Enfin, elle au-
rait méconnu que la demanderesse a consenti aux atteintes in-
criminées.

2.- a) L'employeur doit avoir les égards voulus
pour la santé des femmes et veiller à la sauvegarde de la
moralité (art. 33 al. 1 LTr; RS 822.11).

Il est interdit de discriminer les travailleurs à
raison du sexe (art. 3 al. 1 LEg; RS 151.1). Par
comportement
discriminatoire, on entend tout comportement importun de ca-
ractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appar-
tenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la per-
sonne sur son lieu de travail, en particulier le fait de pro-
férer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des
contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur
une personne en vue d'obtenir d'elle des faveurs de nature
sexuelle (art. 4 LEg). Lorsque la discrimination porte sur
un
cas de harcèlement sexuel, le tribunal peut condamner l'em-
ployeur à verser au travailleur une indemnité, à moins que
l'employeur ne prouve qu'il a pris les mesures que l'expé-
rience commande, qui sont appropriées aux circonstances et
que l'on peut équitablement exiger de lui pour prévenir ces
actes ou y mettre fin. L'indemnité est fixée compte tenu de
toutes les circonstances et calculée sur la base du salaire

moyen suisse (art. 5 al. 3 LEg). Elle n'excédera pas le mon-
tant correspondant à six mois de salaire (art. 5 al. 4 LEg).

Selon la jurisprudence, les remarques sexistes et
les commentaires grossiers ou embarrassants entrent dans la
définition du harcèlement sexuel. Bien que les exemples
cités
à l'art. 4 LEg ne se réfèrent qu'à des cas d'abus
d'autorité,
la définition englobe tout comportement importun de
caractère
sexuel, soit également ceux qui contribuent à rendre le cli-
mat de travail hostile, par exemple des plaisanteries dépla-
cées (ATF 126 III 395 consid. 7 b/bb et les références).

b) La cour cantonale a constaté définitivement que
le gérant de la défenderesse traitait la demanderesse de
"salope, connasse, sale pute" et disait des femmes qu'elles
étaient toutes des salopes. Elle a également retenu que le
comportement d'un client, voire du gérant, qui est une fois
sorti des toilettes les pantalons baissés, démontre quel mé-
pris des femmes régnait dans l'établissement.

Quoi que prétende la défenderesse, la nature sexis-
te de ces propos est évidente. De tels propos tenus réguliè-
rement devant la clientèle et le personnel, ainsi qu'une tel-
le attitude, ne pouvaient être ressentis par la demanderesse
que comme une atteinte grave à sa dignité de femme. D'ail-
leurs, comme l'atteste un certificat médical, la
demanderesse
en a été atteinte dans sa santé.

Le grief ne peut qu'être rejeté.

3.- La défenderesse reproche à la cour cantonale de
s'être écartée sur certains points des faits retenus par les
premiers juges.

Ce faisant, elle formule des critiques irrecevables
dans le cadre du recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c
OJ).

4.- La défenderesse fait grief à la cour cantonale
d'avoir violé les règles de droit fédéral relatives au far-
deau de la preuve. Il suffit toutefois de lire la motivation
du grief pour se convaincre que, sous ce couvert, la défende-
resse s'en prend en réalité à la constatation des faits par
la cour cantonale. Comme on l'a vu, le grief est irrecevable.

5.- La défenderesse soutient que la demanderesse a
consenti aux atteintes infligées par le gérant, de sorte que
la salariée ne pourrait prétendre à aucune indemnité.

Un tel consentement ne ressort nullement des faits
constatés par la cour cantonale. D'ailleurs, la brièveté des
rapports de travail montre que la demanderesse n'acceptait
pas l'atmosphère que lui imposait l'employeur.

Le grief doit être rejeté, sans qu'il soit néces-
saire d'examiner si la salariée peut renoncer valablement à
la protection contre le harcèlement sexuel, découlant de la
loi sur l'égalité.

6.- Le montant de l'indemnité fixée par la cour
cantonale (un peu moins de deux mois du salaire moyen
suisse)
n'est pas contesté.

Au demeurant, les critères pris en compte par la
Chambre des recours sont pleinement convaincants.

7.- Selon l'art. 12 al. 2 LEg, l'art. 343 CO est
applicable indépendamment de la valeur litigieuse. En appli-
cation de l'art. 343 al. 3 CO, la demanderesse n'aura pas à
supporter les frais de la procédure fédérale, encore que son

recours soit à la limite de la témérité. En revanche, elle
devra verser des dépens à la demanderesse, conformément à
l'art. 159 al. 1 OJ.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 2000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

___________

Lausanne, le 6 avril 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.187/2000
Date de la décision : 06/04/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-06;4c.187.2000 ?
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