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05/04/2001 | SUISSE | N°2P.265/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 avril 2001, 2P.265/2000


«AZA 1/2»
2P.265/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

5 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann, Betschart, Hungerbühler et Meylan, suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

L a P o s t e S u i s s e (Région de Vente de Sion), re-
présentée par son service juridique, Viktoriastrasse 21, à
Berne,

contre

la décision prise le 20

septembre 2000 par le Conseil d'Etat
du canton du Valais;

(émoluments de décision)

Vu les pièces du dossier d'...

«AZA 1/2»
2P.265/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

5 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann, Betschart, Hungerbühler et Meylan, suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

L a P o s t e S u i s s e (Région de Vente de Sion), re-
présentée par son service juridique, Viktoriastrasse 21, à
Berne,

contre

la décision prise le 20 septembre 2000 par le Conseil d'Etat
du canton du Valais;

(émoluments de décision)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par courrier du 25 juin 1999, La Poste Suisse
(Région de Vente de Sion) (ci-après: la Poste) a demandé à
l'Administration communale de Sion de remplacer les panneaux
indicateurs "PTT" par d'autres portant l'inscription "Pos-
te", le cas échéant de transmettre cette requête aux autori-
tés cantonales compétentes. Il s'en est suivi un échange de
correspondances entre la Poste et la Commission cantonale de
signalisation routière du canton du Valais (ci-après: la
Commission cantonale) au cours duquel la Poste s'est engagée
à prendre en charge les coûts des nouvelles signalisations.
Par lettre du 17 mars 2000, la Commission cantonale a fait
savoir à la Poste qu'elle avait approuvé, le 15 mars 2000,
la modification des panneaux en cause en ville de Sion; elle
indiquait également que la facture des émoluments parvien-
drait à l'intéressée par courrier séparé. Le 23 mars 2000,
la Poste a écrit à la Commission cantonale notamment pour
contester la perception d'émoluments et lui demander de ne
pas établir de facture pour son autorisation des 15/17 mars
2000. Le 21 avril 2000, le Département des transports, de
l'équipement et de l'environnement du canton du Valais a ce-
pendant adressé à la Poste la facture en cause, s'élevant à
165 fr., en indiquant la possibilité de recourir dans les
trente jours auprès de lui-même.

B.- Le 22 mai 2000, la Poste a recouru contre la factu-
re précitée du 21 avril 2000. Par décision du 20 septembre
2000, le Conseil d'Etat du canton du Valais (ci-après: le
Conseil d'Etat) a rejeté le recours. Il a notamment retenu
que l'autorisation délivrée par la Commission cantonale les
15/17 mars 2000 était obligatoire. En outre, il a considéré
que les panneaux de signalisation en question n'apparais-
saient pas comme un équipement permettant d'assurer le ser-

vice universel au sens de l'art. 16 de la loi du 30 avril
1997 sur la Poste (LPO; RS 783.0), de sorte que la procédure
d'autorisation auprès de la Commission cantonale n'était pas
gratuite. Au demeurant, la Commission cantonale était en
droit de prélever des émoluments en raison de la délivrance
de l'autorisation des 15/17 mars 2000 à la Poste.

C.- La Poste a alors porté sa cause devant le Conseil
fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à
l'annulation de la décision du Conseil d'Etat du 20 septem-
bre 2000 et, par voie de conséquence, à celle de la facture
précitée du 21 avril 2000. Elle réfute entièrement l'argu-
mentation du Conseil d'Etat auquel elle reproche d'avoir
violé l'art. 16 LPO. Elle requiert la production du dossier
du Conseil d'Etat. Ce recours a été transmis au Tribunal fé-
déral comme objet de sa compétence.

Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement
la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 III
274 consid. 1 p. 275; 125 I 412 consid. 1a p. 414).

a) Selon l'art. 97 al. 1 OJ, le Tribunal fédéral con-
naît en dernière instance des recours de droit administratif
contre des décisions au sens de l'art. 5 PA, qui ont été
prises par l'une des autorités mentionnées à l'art. 98 OJ
et qui ne tombent pas sous le coup de l'une des exceptions
énumérées aux art. 99 à 102 OJ. Sont considérées comme dé-
cisions les mesures prises par les autorités dans des cas
d'espèce, fondées sur le droit public fédéral (art. 5 al.

1 PA) ou qui auraient dû l'être (ATF 122 II 241 consid. 2a
p. 243).

Pour qu'une décision soit fondée - ou doive être fon-
dée - sur le droit fédéral, il ne suffit pas que, lors de
l'application du droit cantonal indépendant, une règle de
droit fédéral doive être observée ou doive être également
appliquée. Encore faut-il que le droit public fédéral re-
présente la base ou l'une des bases sur lesquelles repose la
décision prise dans le cas d'espèce dans le domaine en cau-
se. Lorsqu'une décision est fondée, d'une part, sur le droit
cantonal indépendant et, d'autre part, sur le droit public
fédéral (droit administratif), elle peut être attaquée par
la voie du recours de droit administratif exclusivement dans
la mesure où est en cause une violation du droit fédéral,
alors que la violation du droit cantonal indépendant ne peut
être invoquée que par la voie du recours de droit public
(sous réserve du cas où l'application du droit cantonal in-
dépendant est intimement liée à celle du droit fédéral). De
simples règles de principe ou des dispositions cadres de
droit public fédéral qui, pour être applicables au cas d'es-
pèce, nécessitent des mesures d'exécution relevant du droit
cantonal, ne constituent pas la base de la décision, de sor-
te que celle-ci ne repose pas sur le droit fédéral. Si le
droit cantonal indépendant devait violer une règle de prin-
cipe ou une disposition cadre du droit public fédéral, seule
serait ouverte la voie du recours de droit public pour vio-
lation du principe de la force dérogatoire du droit fédéral.
Par ailleurs, la notion de "droit public fédéral" au sens de
l'art. 5 PA n'englobe pas l'ensemble du droit public édicté
par la Confédération; la doctrine dominante estime qu'elle
se limite au droit administratif fédéral (ATF 122 II 241
consid. 2a p. 243/244 et les références).

Les émoluments litigieux relèvent du droit valaisan.
Le grief selon lequel ils ne seraient pas compatibles avec

le droit fédéral ne peut pas être invoqué par la voie du re-
cours de droit administratif, mais seulement par celle du
recours de droit public pour violation de la force déroga-
toire du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.; ATF 127 II 1
consid. 2b/aa p. 3).

b) Le recours de droit public n'est en principe receva-
ble qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instan-
ce cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Dans la mesure où il s'en
prend à la facture susmentionnée du 21 avril 2000, le re-
cours est donc irrecevable.

c) Au surplus, le présent recours remplit les condi-
tions de recevabilité des art. 84 ss OJ, de sorte que le
Tribunal fédéral peut entrer en matière.

2.- La recourante demande la production, par le Conseil
d'Etat, "de la totalité des actes figurant au dossier".

Selon l'art. 93 al. 1 OJ, si le Tribunal fédéral ordon-
ne un échange d'écritures, il communique le recours à l'au-
torité qui a pris l'arrêté ou la décision attaqués ainsi
qu'à la partie adverse et à d'autres intéressés éventuels
en leur impartissant un délai suffisant pour répondre et
pour produire le dossier. En l'espèce, le Conseil d'Etat a
joint à sa réponse le dossier complet de la cause. La ré-
quisition d'instruction de la recourante est dès lors sans
objet.

3.- En substance, la recourante, qui soutient que les
panneaux indicateurs en cause ici sont des équipements né-
cessaires pour assurer le service universel au sens de
l'art. 16 LPO, se plaint d'une violation de la force déro-
gatoire du droit fédéral. Elle reproche au Conseil d'Etat
d'avoir violé l'art. 16 LPO, en admettant la nécessité d'une
autorisation en l'espèce et la perception d'émoluments -

fondés sur l'art. 10 al. 1 lettre b ch. 1 du règlement va-
laisan du 8 novembre 1989 concernant la signalisation rou-
tière et la publicité sur les routes ainsi que sur l'art. 5
de la loi valaisanne du 18 novembre 1950 créant un fonds
cantonal pour la lutte contre la tuberculose - pour la dé-
cision des 15/17 mars 2000 qui lui était adressée.

a) L'art. 16 LPO prévoit:

"La Poste peut disposer gratuitement des terrains
faisant partie du domaine public afin d'y installer
des boîtes à lettres, des distributeurs automati-
ques de timbres-poste ou tout autre équipement né-
cessaire pour assurer le service universel."

b) L'énumération de l'art. 16 LPO n'est pas exhaustive.
On relèvera cependant que les exemples cités présentent la
même caractéristique: il s'agit d'équipements susceptibles
d'être mis en oeuvre directement par les usagers désirant
accéder à certaines prestations du service postal. Tel n'est
pas le cas, en revanche, des panneaux indicateurs en ques-
tion ici. On peut dès lors se demander si lesdits panneaux
entrent dans la catégorie des autres équipements nécessaires
pour assurer le service universel au sens de l'art. 16 LPO.
Cette question peut toutefois rester ouverte, car elle est
sans incidence sur l'issue du recours.

c) L'autorisation précitée des 15/17 mars 2000 n'a pas
été délivrée en application d'un règlement cantonal ou com-
munal en matière de construction. Elle se fonde sur la lé-
gislation fédérale en matière de circulation routière, en
particulier sur l'art. 5 al. 3 de la loi fédérale du 19 dé-
cembre 1958 sur la circulation routière (LCR; RS 741.01)
ainsi que sur les art. 54 al. 4, 104 al. 1 et 105 al. 2 de
l'ordonnance du 5 septembre 1979 sur la signalisation rou-
tière (OSR; RS 741.21) en relation avec l'art. 1 OSR. Or, ni
l'art. 16 LPO ni une autre disposition du droit fédéral ne
dispensent la Poste d'obtenir cette autorisation pour rem-

placer les panneaux indicateurs "PTT" par d'autres portant
l'inscription "Poste". Par conséquent, le Conseil d'Etat n'a
pas violé l'art. 16 LPO en déclarant qu'une telle autorisa-
tion était nécessaire.

d) Dès lors que la recourante ne saurait se soustraire
à l'obligation d'obtenir l'autorisation prescrite par la lé-
gislation fédérale en matière de circulation routière, elle
ne saurait être exemptée des émoluments liés à la délivrance
d'une telle autorisation. En effet, ces émoluments ne cons-
tituent pas la contrepartie de l'usage du domaine public ou
de l'autorisation d'utiliser le domaine public. La percep-
tion des émoluments litigieux ne viole donc pas le principe
de la gratuité consacré par l'art. 16 LPO et c'est à bon
droit que l'autorité intimée l'a admise.

e) Dans son message du 10 juin 1996 relatif à la loi
fédérale sur la poste (LPO) (FF 1996 III 1201 ss, p. 1243),
le Conseil fédéral a commenté l'art. 17 du projet, qui est
devenu par la suite l'art. 16 LPO, et déclaré notamment:
"Ces dispositions libèrent en principe la Poste de l'obli-
gation d'observer les règlements cantonaux et communaux en
vigueur en matière de construction lorsqu'elle installe les
équipements visés par cet article". La recourante s'y réfère
pour étayer son argumentation. Cependant, on ne saurait dé-
duire de cette déclaration du Conseil fédéral, qui ne cor-
respond d'ailleurs pas exactement au texte de l'article com-
menté, que l'intéressée serait libérée de l'obligation d'ob-
tenir une autorisation relevant de la législation fédérale
en matière de circulation routière ainsi que des émoluments
administratifs qui y sont liés.

4.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans
la mesure où il est recevable.

Succombant, la recourante doit supporter les frais ju-
diciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit
à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est receva-
ble.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la charge
de la recourante.

3. Communique le présent arrêt en copie au représentant
de la recourante et au Conseil d'Etat du canton du Valais.

Lausanne, le 5 avril 2001
DAC/mnv

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.265/2000
Date de la décision : 05/04/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-05;2p.265.2000 ?
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