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04/04/2001 | SUISSE | N°C.304/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 avril 2001, C.304/00


«AZA 7»
C 304/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 4 avril 2001

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

A.________, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- a) Le 7 janvier 1997, A.________ s'est annoncée à
l'assurance-chômage, en indiquant notamment qu'elle était
disposée à travaill

er durant 32 heures par semaine, qu'elle
ne percevait pas de revenu d'une activité lucrative, et
qu'elle bénéficiait d'une demi-rente de l'as...

«AZA 7»
C 304/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 4 avril 2001

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

A.________, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- a) Le 7 janvier 1997, A.________ s'est annoncée à
l'assurance-chômage, en indiquant notamment qu'elle était
disposée à travailler durant 32 heures par semaine, qu'elle
ne percevait pas de revenu d'une activité lucrative, et
qu'elle bénéficiait d'une demi-rente de l'assurance-inva-
lidité. Elle a ainsi perçu des indemnités journalières.

L'assurée n'a pas informé les organes de l'assurance-
chômage qu'elle avait travaillé à titre bénévole dans le
restaurant que son époux avait repris le 1er octobre 1997.
Cette activité a donné lieu à une enquête de l'Office
cantonal genevois de l'emploi (l'office de l'emploi), au
cours de laquelle trois personnes ont été entendues :
B.________, époux de l'assurée (cf. procès-verbal du 7 août
1998), C.________, précédent propriétaire du restaurant qui
avait mis sa patente à disposition (cf. procès-verbal du
30 juillet 1998), et l'assurée elle-même (cf. procès-verbal
du 13 août 1998). De leurs déclarations, il est ressorti,
en bref, que l'assurée s'est rendue souvent au restaurant
de mi-décembre 1997 à la fin mars 1998 pour donner un coup
de main quand le besoin s'en faisait sentir; qu'en revan-
che, depuis le mois d'avril 1998, elle n'y travaillait plus
beaucoup, ses tâches se limitant à remplacer son époux et à
assumer l'administration de l'établissement. Celui-ci est
ouvert tous les jours de la semaine de 7 à 24 heures;
B.________ y a occupé un cuisinier dès le 15 novembre 1997,
un serveur du 10 mars au 16 avril et de la mi-mai à la mi-
juin, un autre serveur à partir de la mi-juillet 1998,
ainsi qu'un musicien du 1er février au 15 avril 1998.
La Caisse cantonale genevoise de chômage (la caisse) a
prononcé une suspension du droit à l'indemnité de 45 jours
à l'encontre de A.________ pour avoir omis d'annoncer cette
activité (décision du 5 novembre 1998, entrée en force).
Par décision du 26 février 1999, la caisse a demandé à
l'assurée de lui restituer la somme de 11 714 fr. 45, re-
présentant 164,2 indemnités journalières perçues indûment
du 15 décembre 1997 au 31 juillet 1998. La caisse a consi-
déré que l'intéressée avait travaillé durant 20 heures par
semaine et que cette activité aurait dû lui rapporter
23 fr. 70 de l'heure, sur la base d'un salaire d'employée
de commerce.

b) A.________ a déféré la décision du 26 février 1999
à l'office de l'emploi. Elle a soutenu qu'elle ne s'occu-
pait, à partir du mois d'avril 1998, que de menus travaux
administratifs (établissement d'une fiche de paie men-
suelle, rassemblement de documents et de factures pour le
comptable du restaurant) et qu'étant hémiplégique, elle ne
pouvait apporter qu'une aide minime à son époux.
Par décision du 17 août 1999, l'office de l'emploi a
admis la réclamation et annulé la décision du 26 février
1999.

B.- Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) a re-
couru contre ce prononcé devant la Commission cantonale
genevoise de recours en matière d'assurance-chômage, en
concluant au rétablissement de la décision de la caisse.
La juridiction cantonale l'a débouté, par jugement du
27 janvier 2000.

C.- Le seco interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont il demande l'annulation en repre-
nant ses conclusions formulées en première instance.
L'intimée conclut au rejet du recours. La caisse dé-
clare «rejoindre» les considérants du jugement attaqué,
tout en ajoutant que «le recours de A.________» (sic)
n'apporte «aucun élément nouveau susceptible de (lui) faire
modifier (sa) décision».

Considérant en droit :

1.- a) La décision administrative du 26 février 1999
se fonde sur l'art. 95 al. 1 LACI. Selon la première phrase
de cette disposition légale, la caisse est tenue d'exiger
du bénéficiaire la restitution des prestations de l'assu-
rance auxquelles il n'avait pas droit.

b) La restitution de prestations en vertu de l'art. 95
al. 1 LACI suppose que soient remplies les conditions d'une
reconsidération ou d'une révision procédurale de la déci-
sion par laquelle les prestations en cause ont été allouées
(ATF 126 V 46 consid. 2b et les références).
Selon un principe général du droit des assurances
sociales, l'administration peut reconsidérer une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle
une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au
fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et
que sa rectification revête une importance notable (ATF
126 V 23 consid. 4b, 46 consid. 2b, 125 V 389 consid. 3 et
les arrêts cités).
En outre, par analogie avec la révision des décisions
rendues par les autorités judiciaires, l'administration est
tenue de procéder à la révision d'une décision entrée en
force formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux
ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à
une appréciation juridique différente (ATF 126 V 24 con-
sid. 4b, 46 consid. 2b et les références).
Ces principes sont aussi applicables lorsque des pres-
tations ont été accordées sans avoir fait l'objet d'une
décision formelle et que leur versement, néanmoins, a ac-
quis force de chose décidée. Il y a force de chose décidée
si l'assuré n'a pas, dans un délai d'examen et de réflexion
convenable, manifesté son désaccord avec une certaine solu-
tion adoptée par l'administration et exprimé sa volonté de
voir statuer sur ses droits dans un acte administratif sus-
ceptible de recours (ATF 122 V 369 consid. 3).
Enfin, on rappellera qu'une décision en restitution
rendue en vertu de l'art. 95 LACI peut être prononcée cumu-
lativement à une décision de suspension du droit à l'indem-
nité fondée sur l'art. 30 LACI (SVR 1997 ALV n° 80 p. 243),
ce qui a été le cas.

c) En l'occurrence, le versement des indemnités de
chômage, de décembre 1997 à juillet 1998, n'a pas fait
l'objet de décisions formelles. Aussi bien doit-on admettre
que les versements en cause avaient acquis force de chose
décidée lorsque la caisse a rendu sa décision de restitu-
tion, le 26 février 1999.

2.- a) Il s'agit de savoir si l'activité déployée par
l'intimée en collaborant à l'entreprise de son conjoint est
restée dans le cadre de son devoir d'entretien de la fa-
mille (art. 163 al. 2 CC), ou si elle a dépassé notablement
ce qu'exige sa contribution à cet entretien (art. 165 al. 1
CC).
Dans la première éventualité, l'intimée aurait droit à
un montant équitable dont elle pourrait disposer librement,
selon l'art. 164 al. 1 CC. Celui-ci ne devrait pas être
pris en compte dans le calcul du gain intermédiaire, au
sens de l'art. 24 LACI, dès lors qu'il ne constitue pas un
salaire (ATF 114 II 305 consid. 4a; DTA 1999 n° 21 p. 117
consid. 2b).
En revanche, dans la seconde hypothèse, l'intimée
pourrait prétendre une indemnité équitable au sens de
l'art. 165 al. 1 CC, d'autant plus qu'elle est mariée sous
le régime de la séparation de biens (cf. ATF 120 II 284-285
consid. 6c), indemnité qui devrait alors être incluse dans
le calcul du gain intermédiaire sur la base du salaire qui
aurait dû être payé normalement à une tierce personne (DTA
1999 n° 21 pp. 116 ss consid. 2). A défaut, cela revien-
drait à faire supporter à l'assurance-chômage une charge
salariale qui eût normalement incombé à l'employeur et,
finalement, à financer indirectement par cette assurance
sociale l'entreprise de ce dernier (DTA 1998 n° 14 p. 74
consid. 4b).

b) L'office de l'emploi et les premiers juges ont tous
deux considéré que l'activité déployée par l'intimée dans
le restaurant de son époux n'avait pas dépassé le cadre de
son devoir d'entretien légal.
Le seco ne partage pas cette opinion. A son avis,
l'intimée prenait une part active à la conduite du restau-
rant et l'existence d'un engagement fréquent et régulier de
sa part est établie.

3.- a) Lors de son enquête, l'office de l'emploi a en-
tendu l'intimée, son époux et le témoin C.________, ce
dernier étant présent quotidiennement au restaurant durant
une demi-heure jusqu'au 1er février 1998. En revanche, il
s'est abstenu d'entendre le cuisinier D.________, les ser-
veurs E.________ et F.________ et le musicien G.________,
alors que ceux-ci auraient pourtant été bien placés pour
fournir davantage de précisions.
Aussi, en l'état du dossier, le tribunal ne peut-il
apprécier l'étendue de l'activité de l'intimée qu'à la
lecture des déclarations qui ont été verbalisées. L'audi-
tion d'autres personnes (notamment des employés et des
clients de l'établissement), plusieurs années après les
faits, n'apporterait vraisemblablement pas davantage d'élé-
ments probants.

b) En l'espèce, il n'est pas établi que l'intimée a
travaillé, à partir du mois d'avril 1998, dans une mesure
notablement supérieure à ce qu'exigeait son devoir de
contribuer à l'entretien de la famille (cf. art. 165 al. 1
CC). Cela ne ressort en effet ni de ses déclarations ni de
celles de son époux ou du témoin C.________. Quant à
l'autorité fédérale de surveillance, elle n'a pas prouvé
les faits qu'elle allègue et ne les a pas non plus rendus
vraisemblables, au sens où la jurisprudence l'entend (ATF
125 V 195 consid. 2 et les références). Au demeurant, on

voit mal comment le rassemblement de quelques pièces
comptables, l'établissement d'une fiche de paie mensuelle
pour un seul salarié et les contacts avec les fournisseurs
pourraient justifier un emploi à mi-temps.
En ce qui concerne la période s'étendant de la mi-
décembre 1997 à la fin mars 1998, l'intimée a reconnu
qu'elle se rendait souvent au restaurant pour aider son
époux, tandis que le témoin C.________ a précisé que l'in-
téressée travaillait comme responsable du café le matin
pour l'ouverture. Faute d'éléments concrets, on ne connaît
toutefois ni la nature exacte ni l'importance (en parti-
culier le temps consacré) des tâches que l'intimée a effec-
tuées en plus des travaux administratifs décrits précédem-
ment. De surcroît, on ignore si ces travaux étaient compa-
tibles avec l'hémiplégie dont elle souffre, ce point
n'ayant pas été instruit. Là aussi, le recourant a échoué
en ce sens qu'il n'a ni établi ni rendu vraisemblable l'e-
xistence de faits justifiant la prise en compte d'une in-
demnité fondée sur l'art. 165 al. 1 CC dans le calcul du
gain intermédiaire.

c) Vu ce qui précède, le caractère sans nul doute er-
roné (cf. consid. 1b ci-dessus) des indemnités journalières
versées à l'intimée n'a pas été prouvé à satisfaction de
droit. Il s'ensuit que la caisse de chômage ne pouvait pas
en demander la restitution en vertu de l'art. 95 al. 1
LACI.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-chômage, à l'Office cantonal genevois de
l'emploi et à la Caisse cantonale genevoise de chôma-
ge.

Lucerne, le 4 avril 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.304/00
Date de la décision : 04/04/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-04;c.304.00 ?
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