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03/04/2001 | SUISSE | N°H.88/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 avril 2001, H.88/99


«AZA 7»
H 88/99 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Widmer, Meyer et Ferrari; Addy, Greffier

Arrêt du 3 avril 2001

dans la cause

A.________, recourante,

contre

Caisse de compensation du canton de Berne, Chutzen-
strasse 10, Berne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- A.________, née en 1947, a épousé B.________
en juin 1967. De leur union est issu un fils. En octobre
1977, le Tribu

nal du district de X.________ a prononcé le
divorce des époux B.________-A.________. A.________ s'est
remariée en juillet 1984 avec...

«AZA 7»
H 88/99 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Widmer, Meyer et Ferrari; Addy, Greffier

Arrêt du 3 avril 2001

dans la cause

A.________, recourante,

contre

Caisse de compensation du canton de Berne, Chutzen-
strasse 10, Berne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- A.________, née en 1947, a épousé B.________
en juin 1967. De leur union est issu un fils. En octobre
1977, le Tribunal du district de X.________ a prononcé le
divorce des époux B.________-A.________. A.________ s'est
remariée en juillet 1984 avec M.________, dont elle a
divorcé en novembre 1987.
A la suite du décès de son premier mari survenu en
mars 1998, A.________ a requis des prestations de l'AVS.

Par décision du 12 mai 1998, la Caisse de compensation
du canton de Berne a refusé le versement d'une rente de
veuve, au motif que A.________ ne pouvait être assimilée à
une veuve, la durée de son dernier mariage étant inférieure
à 10 ans.

B.- A.________ a recouru contre cette décision en
concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente de
veuve.
Par jugement du 25 janvier 1999, la Cour des affaires
de langue française du Tribunal administratif du canton de
Berne a rejeté le recours, en considérant que la femme
divorcée après un remariage ne pouvait prétendre une rente
de veuve à la suite du décès de son premier mari que si,
entre autres conditions, le droit à une telle rente avait
pris naissance avant la célébration du deuxième mariage.

C.- Reprenant ses conclusions de première instance,
A.________ interjette recours de droit administratif contre
ce jugement.
La caisse de compensation et l'Office fédéral des
assurances sociales concluent au rejet du recours.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le droit de la recourante à
une rente de veuve ensuite du décès de son premier mari,
B.________, survenu en mars 1998.

2.- Selon la lettre f, 1er alinéa des dispositions
transitoires de la 10ème révision de la LAVS en vigueur
depuis le 1er janvier 1997, le droit à la rente de veuve
pour les femmes divorcées qui ont accompli leur 45ème année

le 1er janvier 1997 - comme la recourante - est régi par
les dispositions en vigueur jusqu'à présent si aucun droit
à la prestation ne résulte du nouvel article 24a LAVS.

a) Aux termes de l'art. 24a al. 1 LAVS, la personne
divorcée est assimilée à une veuve ou à un veuf :

a. Si elle a un ou plusieurs enfants et que le mariage
a duré au moins dix ans;
b. Si le mariage a duré au moins dix ans et si le
divorce a eu lieu après que la personne divorcée a atteint
45 ans révolus;
c. Si le cadet a eu 18 ans révolus après que la per-
sonne divorcée a atteint 45 ans révolus.

Dans un arrêt A. du 24 février 1999 (H 246/98), repro-
duit in SVR 1999 AHV no 20 p. 61, le Tribunal fédéral des
assurances a tranché le cas d'une femme divorcée à deux
reprises qui requérait l'octroi d'une rente de veuve en
raison du décès de son premier mari, avec lequel elle avait
été mariée durant près de 23 ans. Bien que ce décès fût
survenu plus de treize ans après le remariage, circonstance
qui aurait fait obstacle à la prétention de la requérante
sous l'empire de l'ancien droit et de la jurisprudence s'y
rapportant (ATF 116 V 67), la Cour de céans lui a reconnu
le droit à une rente de veuve, au motif qu'elle remplis-
sait, au moment de son premier divorce, les conditions de
l'art. 24a al. 1 let. b LAVS, en vigueur depuis le 1er jan-
vier 1997 (10ème révision de l'AVS).

b) Mariée durant plus de dix ans à B.________ avec qui
elle a eu un enfant, la recourante réalisait, au moment de
son premier divorce, les conditions de l'art. 24a al. 1
let. a LAVS. Peut-elle, dès lors, se fonder sur les motifs
de l'arrêt A. précité du 24 février 1999 pour prétendre le
versement d'une rente de veuve ?

3.- a) Selon les juges cantonaux, l'assimilation de la
femme divorcée à la veuve telle qu'elle est prévue à
l'art. 24a LAVS concerne seulement, en cas de remariage, la
situation où c'est le dernier ex-mari qui décède. Ils en
infèrent que la recourante, dont la prétention se fonde sur
le décès de son premier mari, ne peut déduire aucun droit
de l'art. 24a LAVS. Leur raisonnement se base sur l'ATF
116 V 67 précité, dont la transposition au nouveau droit se
justifie, à leurs yeux, par le fait que les dispositions
introduites le 1er janvier 1997 par la 10ème révision de
l'AVS n'ont pas apporté de changements autres que d'ordre
systématique et rédactionnel en ce qui concerne le droit à
la rente de veuve de la femme qui divorce après un rema-
riage.

b) Dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre
1996, l'art. 23 LAVS disposait ce qui suit :

1 Les veuves ont droit à une rente de veuve dans les cas
suivants :
a. (...)
b. (...)
c. (...)
d. (...)

2 La femme divorcée est assimilée à la veuve en cas de
décès de son ancien mari, si son mariage avait duré
dix ans au moins et si le mari était tenu envers elle
à une pension alimentaire.

3 Le droit à la rente de veuve prend naissance le pre-
mier jour du mois qui suit le décès du mari (...). Il
s'éteint par le remariage, par l'ouverture du droit à
une rente simple de vieillesse ou par le décès de la
veuve. En cas d'annulation ou de dissolution du second
mariage, le droit à la rente de veuve naît à nouveau
aux conditions qu'établira le Conseil fédéral.

Cette disposition était précisée à l'ancien art. 46
al. 3 RAVS de la manière suivante :

Le droit à la rente de veuve qui s'est éteint lors du
remariage de la veuve renaît au premier jour du mois
qui suit la dissolution de son nouveau mariage par
divorce ou annulation si cette dissolution est surve-
nue moins de dix ans après la conclusion du mariage.

b) Selon la jurisprudence (ATF 116 V 67 précité), ces
dispositions ne conféraient à la femme divorcée et remariée
aucun droit à une rente de veuve en cas de décès du premier
mari après la dissolution du second mariage : en effet, la
reconnaissance du droit à une rente de veuve après le nou-
veau divorce et en raison du décès du premier conjoint
présupposait qu'un tel droit eût pris naissance avant la
célébration du deuxième mariage. Cette solution découlait
de l'interprétation littérale de l'ancien art. 23 al. 3
LAVS, en ce sens que, pour que le droit à une rente de
veuve pût «naître à nouveau» au sens de cette disposition
(«wiederaufleben», «rinascere») en cas d'annulation ou de
dissolution du second mariage, il fallait logiquement qu'il
fût né avant la célébration de celui-ci et qu'il se fût
«éteint» par celui-ci («erlischt», «si estingue»), confor-
mément à ce que prévoyait l'ancien art. 23 al. 3 LAVS.
Cette interprétation a non seulement été jugée conforme à
la lettre de la loi, mais encore en accord avec la volonté
du législateur telle qu'exprimée dans le Message du Conseil
fédéral du 11 octobre 1971 concernant la 8ème révision de
l'AVS (FF 1971 II 1096 ss, 1098).

c) Au projet du Conseil fédéral concernant la 10ème
révision de l'AVS, qui ne prévoyait que des modifications
d'ordre rédactionnel à l'art. 23 LAVS (Message du Conseil
fédéral du 5 mars 1990 concernant la 10ème révision de
l'AVS, in: FF 1990 II 92 ad art. 23), les Chambres
fédérales ont certes apporté quelques changements. Il ne
s'est toutefois agi, pour l'essentiel, que de modifications

d'ordre systématique et rédactionnel, si l'on excepte la
teneur du nouvel art. 24a LAVS (cf. Bull. off. CE 1991
p. 270 ss et 1994 p. 557; CN 1993 p. 221 ss et 1994
p. 1353).
Ainsi, en vertu de la disposition précitée, la femme
divorcée peut-elle désormais, à certaines conditions, être
assimilée à une veuve, et cela sans égard au fait que son
ancien mari fût ou non tenu envers elle à une contribution
d'entretien. L'abandon de cette exigence a notamment visé,
dans le domaine des rentes de survivants, à améliorer la
situation des femmes divorcées, ainsi que la Cour de céans
a déjà eu l'occasion de le dire dans l'arrêt A. précité du
24 février 1999 (SVR 1999 AHV no 20 p. 62 consid. 3b).
Cette nouveauté n'a toutefois rien changé à la situation
des femmes remariées, en ce sens que, sous le nouveau comme
sous l'ancien droit, le droit de celles-ci à une rente de
veuve découlant du premier mariage ne peut que «renaître»
en cas de dissolution du second mariage moins de dix ans
après sa célébration (art. 23 al. 5 LAVS en relation avec
l'art. 46 al. 3 RAVS). Autrement dit, la femme divorcée qui
se remarie alors que son ex-mari vit encore ne peut préten-
dre aucune prestation de survivant en cas de décès de ce-
lui-ci par la suite, même si elle a entre-temps divorcé de
son second mari (Thomas Koller, Ehescheidung und AHV, in:
PJA 1998 p. 305 note 130). La jurisprudence publiée à l'ATF
116 V 67 conserve ainsi toute sa valeur après l'entrée en
vigueur de la 10ème révision de l'AVS.

d) Il s'ensuit qu'en cas de remariage «la personne di-
vorcée» susceptible d'être assimilée, aux conditions de
l'art. 24a LAVS, à une veuve ou un veuf, est uniquement
celle dont c'est l'ex-mari ou l'ex-femme qu'elle a eu en
dernier lieu qui décède. Cette interprétation est en effet
la seule qui soit compatible avec la volonté du législateur
telle qu'elle se déduit des art. 23 al. 5 LAVS et 46 al. 3
RAVS. Dans cette mesure, l'arrêt A. précité du 24 février
1999 ne peut être confirmé, car il applique de manière

erronée l'art. 24a LAVS lorsqu'il assimile une femme
divorcée à deux reprises, et dont c'est le premier ex-mari
qui décède, à une veuve.
Il est vrai, comme le souligne la recourante, que la
loi ainsi comprise peut avoir des conséquences rigoureuses
pour les personnes remariées, singulièrement les femmes,
notamment lorsque le remariage est dissous moins de dix ans
après sa célébration. Dans une telle situation en effet, le
remariage fait perdre toute expectative de droit à une
rente de survivant qui serait potentiellement découlée du
premier mariage, sans en créer une nouvelle (à moins que la
personne divorcée ne se trouve dans l'une des situations
visées à l'art. 24a al. 1 let. c ou 24 al. 2 LAVS). Du
moment toutefois que cette solution correspond à l'évidente
volonté du législateur, le juge ne saurait s'en écarter en
se fondant, le cas échéant, sur des considérations relevant
du droit désirable, sous peine de remettre en cause le
principe de la séparation des pouvoirs (cf. ATF 105 Ib 62
consid. 5b).

4.- Il suit de ce qui précède que, tant sous le nou-
veau que sous l'ancien droit, la recourante ne peut préten-
dre une rente de veuve en raison du décès de son premier
mari. Le recours est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Berne, Cour des af-
faires de langue française, et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 3 avril 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.88/99
Date de la décision : 03/04/2001
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 23 al. 5, art. 24a LAVS; art. 46 RAVS: Droit à la rente de veuve d'une femme divorcée à deux reprises en cas de décès du premier mari. Transposition au nouveau droit de la jurisprudence (ATF 116 V 67) selon laquelle une femme divorcée qui se remarie alors que son ex-mari vit encore ne peut prétendre aucune prestation de survivant en cas de décès de celui-ci par la suite, même si elle a entre-temps divorcé de son second mari.


Références :

14.02.2001 GG 14021/01; 24.02.1999 H 246/98


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-03;h.88.99 ?
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