La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2001 | SUISSE | N°6S.174/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 avril 2001, 6S.174/2001


«/2»
6S.174/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

3 avril 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Olivier Boillat, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 2 février 2001 par la Cour de cassation
genevoise dans la c

ause qui oppose le recourant au
Procureur général du canton de G e n è v e;

(fixation de la peine)

Vu les pièce...

«/2»
6S.174/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

3 avril 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Olivier Boillat, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 2 février 2001 par la Cour de cassation
genevoise dans la cause qui oppose le recourant au
Procureur général du canton de G e n è v e;

(fixation de la peine)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants :

A.- Le 13 septembre 1999, décidé à mettre un terme
à une relation tumultueuse, X.________, né en 1960 et
polytoxicomane depuis vingt ans, s'est rendu, alors qu'il
était aviné, chez son amie Y.________. Au cours de la
dispute qui a suivi, X.________ a planté un coupe-papier
muni d'une lame de quinze centimètres dans la poitrine de
cette dernière, qui était allongée sur un canapé; puis il
lui a placé un coussin sur le visage. Réalisant la
gravité de son geste et pensant avoir tué son amie, il
s'est précipité chez un voisin et lui a demandé d'appeler
une ambulance.

Rentré à son domicile, X.________ a chargé son
fusil d'assaut pour mettre fin à ses jours mais n'est pas
passé à l'acte. Alerté par les sirènes d'une voiture de
police arrivant sur les lieux, il a tiré, depuis une
fenêtre de son appartement, une première balle sur l'un
des policiers en train de sortir du véhicule, puis une
seconde balle sur le véhicule lui-même. Une balle est
entrée dans l'aile de la voiture, a traversé le tableau
de bord et s'est logée dans la cuisse d'un policier.
L'autre balle a ricoché sur le sol, est entrée dans la
voiture par le radiateur en se fragmentant; un fragment a
blessé le même policier à la tête.

X.________ s'est alors rendu dans l'appartement de
son voisin, qui a tenté de le désarmer; un coup est
parti, la balle se logeant dans le plafond. Par la suite,
X.________ a été maîtrisé par des policiers du groupe
d'intervention après une échauffourée durant laquelle la
lanière du gant d'un policier a été coupée par le couteau
que X.________ refusait de lâcher.

B.- Par arrêt du 14 septembre 2000, la Cour
d'assises du canton de Genève a reconnu X.________
coupable, d'une part, de délits manqués de meurtre à
l'encontre de Y.________ puis des deux policiers,
retenant le repentir actif dans le premier cas et la
détresse profonde dans le second, et, d'autre part, de
mises en danger de la vie d'autrui, sans circonstance
atténuante, à l'encontre du voisin puis du policier du
groupe d'intervention. Admettant que la responsabilité
pénale de X.________ était moyennement à fortement
restreinte, la Cour d'assises l'a condamné à neuf ans de
réclusion; elle a en outre révoqué un sursis à l'exécu-
tion relatif à une peine de trois mois d'emprisonnement
et elle a ordonné un traitement psychiatrique et psycho-
thérapeutique en détention.

Par arrêt du 2 février 2001, la Cour de cassation
genevoise a rejeté le recours de X.________, qui portait
uniquement sur la mesure de la peine.

C.- X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral contre cet arrêt. Il conclut à l'annulation de la
décision attaquée et sollicite par ailleurs l'assistance
judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les mo-
tifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclu-
sions du recourant (art. 277bis PPF). Les conclusions
devant être interprétées à la lumière de leur motivation,
celle-ci circonscrit les points litigieux que le Tribunal

fédéral peut examiner (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et
les arrêts cités).

Le recourant critique uniquement la fixation de la
peine (art. 63 CP), soutenant pour l'essentiel que l'au-
torité cantonale a abusé de son pouvoir d'appréciation en
la matière. De l'avis du recourant, sa responsabilité
moyennement à fortement restreinte devait conduire à une
peine d'au moins 50% inférieure à celle qui aurait été
infligée à un auteur pleinement responsable. Condamné à
neuf ans de réclusion, il en conclut que pour l'autorité
cantonale une peine de dix-huit ou vingt ans de réclusion
aurait en soi été justifiée et prétend qu'une telle peine
serait manifestement excessive compte tenu de son repen-
tir actif dans l'un des cas de tentative de meurtre et de
sa détresse profonde dans l'autre.

2.- Les critères en matière de fixation de la
peine (art. 63 ss CP) ont fait l'objet d'une abondante
jurisprudence, qu'il convient de rappeler ici.

a) Aux termes de l'article 63 CP, le juge fixera la
peine d'après la culpabilité du délinquant, en tenant
compte des mobiles, des antécédents et de la situation
personnelle de ce dernier. Le critère essentiel est celui
de la gravité de la faute; le juge doit prendre en consi-
dération, en premier lieu, les éléments qui portent sur
l'acte lui-même, à savoir sur le résultat de l'activité
illicite, sur le mode et l'exécution et, du point de vue
subjectif, sur l'intensité de la volonté délictueuse
ainsi que sur les mobiles. L'importance de la faute
dépend aussi de la liberté de décision dont disposait
l'auteur; plus il lui aurait été facile de respecter la
norme qu'il a enfreinte, plus lourdement pèse sa décision

de l'avoir transgressée et partant sa faute (ATF 122 IV
241 consid. 1a p. 243 et les arrêts cités).

b) Lorsqu'il admet une responsabilité pénale res-
treinte (art. 11 CP), le juge doit réduire la peine en
conséquence, sans être tenu toutefois d'opérer une
réduction linéaire (ATF 123 IV 49 consid. 2c p. 51).
Lorsque le résultat de l'infraction ne s'est pas produit,
la peine doit aussi être atténuée; la mesure de cette
atténuation dépend notamment de la proximité du résultat
et des conséquences effectives des actes commis (ATF 121
IV 49 consid. 1 p. 53 ss). Ces réductions, de même que
celles découlant de l'art. 64 CP, peuvent toutefois être
compensées par une augmentation de la peine s'il existe
des circonstances aggravantes, ces dernières pouvant de
la sorte neutraliser les effets de circonstances atté-
nuantes; il en va de même en cas de concours d'infrac-
tions (art. 68 ch. 1 al. 1 CP). Un délinquant peut par
conséquent, selon les circonstances, être condamné à la
peine maximale prévue par la loi pour la ou les infrac-
tions commises même en cas de responsabilité pénale
restreinte et de circonstances atténuantes (ATF 116 IV
300 consid. 2 p. 302 ss).

En vertu de l'art. 68 ch. 1 al. 1 CP, lorsqu'un
délinquant, par plusieurs actes, aura encouru plusieurs
peines privatives de liberté, le juge le condamnera à la
peine de l'infraction la plus grave et en augmentera la
durée d'après les circonstances, mais pas au-delà de la
moitié en sus du maximum de la peine prévue pour cette
infraction et pas au-delà du maximum légal du genre de
peine. Il sera, en outre, lié par le maximum légal du
genre de peine. Pour satisfaire à cette règle, le juge,
dans un premier temps, fixera donc la peine pour l'in-
fraction abstraitement la plus grave, en tenant compte
de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les

circonstances aggravantes ou atténuantes ou une éven-
tuelle diminution de la responsabilité pénale. Dans un
second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner
les autres infractions, en tenant là aussi compte de
toutes les circonstances y relatives (ATF 116 IV 300
consid. 2c/dd p. 305).

c) Le Tribunal fédéral examine librement s'il y a
eu violation du droit fédéral. Mais il ne peut admettre
un pourvoi en nullité portant sur la quotité de la peine,
compte tenu du pouvoir d'appréciation reconnu en cette
matière à l'autorité cantonale, que si la sanction a été
fixée en dehors du cadre légal, si elle est fondée sur
des critères étrangers à l'art. 63 CP, si les éléments
d'appréciation prévus par cette disposition n'ont pas été
pris en compte ou enfin si la peine apparaît exagérément
sévère ou clémente au point que l'on doive parler d'un
abus du pouvoir d'appréciation (ATF 123 IV 49 consid. 2a
p. 51, 150 consid. 2a p. 153).

S'agissant plus précisément de l'abus du pouvoir
d'appréciation, il faut relever que le Tribunal fédéral,
qui n'interroge pas lui-même les accusés ou les témoins
et n'établit pas les faits, est mal placé pour apprécier
l'ensemble des paramètres pertinents pour individualiser
la peine; son rôle est d'interpréter le droit fédéral et
de dégager des critères et des notions qui ont une valeur
générale. Le Tribunal fédéral n'a donc en aucune façon à
substituer sa propre appréciation à celle du juge de
répression. Il ne peut intervenir, en considérant le
droit fédéral comme violé, que si ce dernier a fait un
usage vraiment insoutenable de la marge de manoeuvre que
lui accorde le droit fédéral (ATF 123 IV 150 consid. 2a
p. 153).

Cela étant, le juge doit exposer, dans sa décision,
les éléments essentiels relatifs à l'acte ou à l'auteur
qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on puisse
constater que tous les aspects pertinents ont été pris en
considération et comment ils ont été appréciés, que ce
soit dans un sens atténuant ou aggravant; il peut passer
sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir d'ap-
préciation, lui paraissent non pertinents ou d'une impor-
tance mineure. La motivation doit justifier la peine pro-
noncée, en permettant de suivre le raisonnement adopté;
mais le juge n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres
ou en pourcentages l'importance qu'il accorde à chacun
des éléments qu'il cite. Plus la peine est élevée, plus
la motivation doit être complète; cela vaut surtout
lorsque la peine, dans le cadre légal, apparaît compa-
rativement très élevée. Un pourvoi ne saurait toutefois
être admis simplement pour améliorer ou compléter un
considérant lorsque la décision rendue apparaît conforme
au droit (ATF 122 IV 265 consid. 2d p. 269; 121 IV 49
consid. 2a/aa p. 56; 120 IV 136 consid. 3a p. 143).

3.- En l'espèce, la Cour de cassation genevoise et
la Cour d'assises énumèrent certes les éléments perti-
nents qui entrent en ligne de compte pour fixer la peine;
le recourant ne soutient d'ailleurs pas qu'un élément
pertinent aurait été omis. Cependant, elles n'expliquent
nullement comment, à partir des éléments en question,
elles sont parvenues à la peine infligée. La première se
limite à relever que le recourant était passible d'une
peine de réclusion de vingt ans et qu'"une sanction
inférieure à la moitié de cette durée tient compte de
tous les paramètres qui, dans le cas d'espèce, devaient
être pris en considération, en particulier ceux favo-
rables au recourant telle sa responsabilité restreinte,
son repentir actif et sa détresse profonde" (p. 10

al. 3). La Cour d'assises pour sa part est tout aussi
brève et note que s'il n'y avait pas la responsabilité
restreinte, le recourant "serait passible d'une peine
extrêmement lourde" (p. 5.D al. 1).

Une peine de neuf ans est en soi importante. Au vu
des divers motifs d'atténuation retenus en l'espèce, elle
ne s'impose pas d'emblée. La Cour de cassation genevoise
observe d'ailleurs que cette peine peut paraître lourde.
Dans ces circonstances, la motivation de la peine conte-
nue dans l'arrêt attaqué est insuffisante. Elle ne permet
en particulier pas de saisir l'application de l'art. 68
CP, c'est-à-dire de voir de quelle façon il a été tenu
compte des circonstances atténuantes pour fixer la peine
de l'infraction la plus grave et comment cette peine a
été augmentée en fonction des autres infractions. Or, il
n'incombe pas au Tribunal fédéral de supputer le chemi-
nement suivi par l'autorité cantonale pour aboutir à la
peine fixée ni de se substituer à elle en complétant
lui-même la motivation. Il s'ensuit l'admission du
pourvoi conformément à l'art. 277 PPF.

4.- Il est statué sans frais et une indemnité est
allouée au recourant (art. 278 PPF). La requête d'assis-
tance judiciaire est ainsi sans objet.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Admet le pourvoi en application de l'art. 277
PPF, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

3. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à
Me Boillat, mandataire du recourant, une indemnité de
2'500 francs.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Procureur général du canton de
Genève et à la Cour de cassation genevoise.
__________

Lausanne, le 3 avril 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.174/2001
Date de la décision : 03/04/2001
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 63 ss CP; fixation de la peine. Rappel des critères en matière de fixation de la peine et de sa motivation (consid. 2 et 3).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-03;6s.174.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award