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03/04/2001 | SUISSE | N°6S.122/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 avril 2001, 6S.122/2001


«/2»
6S.122/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

3 avril 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffière: Mme Michellod.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Renaud Lattion, avocat à
Yverdon-les-Bains,

contre

l'arrêt rendu le 12 juillet 2000 par la Cour de cassation
pénale

du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui
oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(inso...

«/2»
6S.122/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

3 avril 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffière: Mme Michellod.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Renaud Lattion, avocat à
Yverdon-les-Bains,

contre

l'arrêt rendu le 12 juillet 2000 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui
oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(insoumission à une décision de l'autorité;
quotité de la peine)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 7 avril 2000, le Tribunal de
police du district de A.________ a reconnu X.________
coupable d'insoumission à une décision de l'autorité
(art. 292 CP); il l'a condamné à une peine de deux mois
d'arrêts, assortie du sursis à l'exécution, ainsi qu'à
une amende de 1'000 francs.

Par arrêt du 12 juillet 2000, la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours
formé par X.________ et a confirmé le jugement de
première instance.

B.- Cet arrêt retient notamment les faits sui-
vants:

a) X.________ est en instance de divorce depuis
1997; il a la garde de ses deux filles. Dans le cadre des
mesures provisionnelles, la mère des enfants s'est vu
accorder un droit de visite, X.________ étant astreint à
amener et rechercher les enfants à des heures fixes.
Il n'a toutefois pas respecté cette obligation, si bien
que la mère n'a pas pu pleinement exercer son droit de
visite.

b) Par décision du 10 mars 1999, immédiatement
exécutoire nonobstant un éventuel recours, le président
du tribunal civil a quelque peu élargi le droit de visi-
te, a confirmé l'obligation de X.________ d'amener les
enfants chez leur mère ou d'organiser ce transport, et a
instauré une curatelle éducative confiée au Service de
protection de la jeunesse (SPJ) notamment afin de veiller

au bon déroulement de l'exercice du droit de visite. Il
a en même temps ordonné à X.________ de respecter le
droit de visite de la mère, lui a interdit d'entraver le
mandat de curatelle du SPJ et lui a enjoint de collaborer
avec ce service, le tout sous la menace des peines d'ar-
rêts et d'amende prévus à l'art. 292 CP. L'appel de
X.________ contre cette ordonnance a été rejeté le
1er juin 1999.

Jusqu'à fin mai 1999, X.________ a amené les
enfants à leur mère en ne respectant pas l'heure fixée
par l'ordonnance. Le 3 mai 1999, la mère des enfants a
déposé plainte contre son mari pour insoumission à une
décision de l'autorité et violation d'une obligation
d'entretien. Par la suite, les enfants ont fait savoir à
leur mère qu'elles ne voulaient plus se rendre chez elle.
X.________ n'a jamais donné suite aux convocations du
SPJ; invité à prendre contact avec ce service, il ne
s'est pas manifesté. Le 13 octobre 1999, le SPJ a informé
le président du tribunal de l'impossibilité de collaborer
avec X.________.

C.- X.________ a interjeté un pourvoi en nullité
contre l'arrêt du 12 juillet 2000. Invoquant une
violation de l'art. 292 CP, il conclut à son annulation.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le pourvoi en nullité, qui a un caractère
cassatoire (art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé
que pour violation du droit fédéral et non pour violation
directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 269
PPF).

Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de
l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83 et les
arrêts cités). Sous réserve de la rectification d'une
inadvertance manifeste, la Cour de cassation est liée par
les constatations de fait de l'autorité cantonale (art.
277bis al. 1 PPF). Il ne peut être présenté de griefs
contre celles-ci, ni de faits ou de moyens de preuve
nouveaux (art. 273 al. 1 let. b PPF). Dans la mesure où
le recourant présenterait un état de fait qui s'écarte de
celui contenu dans la décision attaquée, il n'est pas
possible d'en tenir compte; le raisonnement juridique
doit être mené exclusivement sur la base de l'état de
fait retenu par la cour cantonale (cf. ATF 124 IV 92
consid. 1 p. 93, 81 consid. 2a p. 83 et les arrêts
cités).

La Cour de cassation n'est pas liée par les motifs
invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des conclusions
du recourant (art. 277bis PPF), lesquelles doivent être
interprétées à la lumière de leur motivation (ATF 124 IV
53 consid. 1 p. 55; 123 IV 125 consid. 1 p. 127).

Lorsqu'un pourvoi est manifestement infondé ou bien
fondé, l'arrêt est motivé sommairement, le cas échéant
par simple renvoi aux motifs de la décision attaquée
(art. 275 bis PPF, art. 36a OJ).

2.- Le recourant soutient d'abord que les obliga-
tions fixées par la décision du 10 mars 1999 n'étaient
pas suffisamment précises pour être assorties de la
menace de l'art. 292 CP.

a) En vertu de l'art. 292 CP, celui qui ne se sera
pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la
menace de la peine prévue au présent article, par une
autorité ou un fonctionnaire compétents, sera puni des
arrêts ou de l'amende. Cette infraction suppose que le
comportement ordonné par l'autorité soit décrit avec
suffisamment de précision pour que le destinataire
sache clairement ce qu'il doit faire ou ce dont il doit
s'abstenir, et partant quel comportement ou omission est
susceptible d'entraîner une sanction pénale (ATF 124 IV
297 consid. 4d p. 311). Cette exigence de précision est
une conséquence du principe "nullum crimen sine lege" de
l'art. 1 CP (cf. ATF 125 IV 35 consid. 8 p. 48).

Dans l'arrêt paru aux ATF 124 IV 297, le Tribunal
fédéral devait examiner l'injonction faite à un grossiste
en fruits et légumes de présenter un concept garantissant
la qualité des denrées alimentaires. Le Tribunal fédéral
a admis que cette injonction était suffisamment précise.
Que le détail de ce concept ne soit pas déterminé n'y
changeait rien; si le destinataire ne s'estimait pas
suffisamment informé, il pouvait demander des explica-
tions complémentaires; si le projet déposé avait été
insuffisant, le grossiste aurait reçu des directives du
fonctionnaire compétent pour l'adapter. Le Tribunal
fédéral a estimé qu'était déterminant le fait que le
destinataire n'ait pas réagi après réception de l'injonc-
tion; il n'avait pas demandé de précisions ni déposé le
moindre concept. Le Tribunal fédéral a donc rejeté le
pourvoi en nullité contre la condamnation pour insoumis-
sion à une décision de l'autorité.

b) En l'espèce, l'ordonnance litigieuse du 10 mars
1999 est une décision de mesures provisionnelles rendue
dans le cadre d'un procès en divorce; elle règle le droit
de visite du parent qui n'a pas la garde des enfants.
Il est admis en doctrine qu'une telle décision est
susceptible d'être assortie de la menace de sanctions
pénales conformément à l'art. 292 CP (Martin Schubarth,
Kommentar zum schweizerischen Strafrecht, Delikte gegen
die sexuelle Integrität und gegen die Familie: Art.
187-200, Art. 213-220 StGB, Bd. 4, Berne 1997, art. 220
n. 38 i.f.).

L'ordonnance du 10 mars 1999 fixe le droit de
visite de la mère à un samedi sur deux, alternativement
une fois de 14 h. à 20 h., et l'autre fois de 10 h. à
20 h., à charge pour le recourant d'assurer ou d'orga-
niser de la manière la plus appropriée le transport des
enfants. Dans ces circonstances, l'injonction qui lui est
faite de respecter le droit de visite de la mère est
parfaitement claire et précise.

L'ordonnance du 10 mars 1999 instaure en outre
une curatelle éducative confiée au SPJ, notamment pour
veiller au bon déroulement de l'exercice du droit de
visite de la mère; elle interdit au recourant d'entraver
l'exécution de ce mandat et lui enjoint de collaborer
avec le SPJ. Certes, il n'est pas exclu qu'il puisse y
avoir des comportements dont il est difficile de dire
s'ils entravent ou non l'exercice du mandat, ou si le SPJ
peut les exiger; mais en cas de doute, le recourant pou-
vait prendre contact avec le SPJ ou avec le juge civil.
Quoi qu'il en soit, ne pas donner suite aux convocations
et appels du SPJ visant à régler les modalités de l'exer-
cice du droit de visite était un comportement manifeste-
ment visé par l'ordonnance.

L'ordonnance du 10 mars 1999 était ainsi suffisam-
ment précise pour être assortie de la menace de l'art.
292 CP.

3.- Le recourant allègue ensuite que son comporte-
ment ne tombe pas sous le coup de l'injonction donnée,
motif pour lequel il ne saurait être sanctionné en vertu
de l'art. 292 CP.

Le recourant a déjà soulevé une objection identique
en instance de recours cantonale. La cour cantonale y a
répondu de manière circonstanciée, en tirant du jugement
du Tribunal de police les nombreux comportements posté-
rieurs au 10 mars 1999 par lesquels le recourant n'a pas
respecté l'ordre reçu. Le recourant n'en dit mot dans le
pourvoi; son grief est partant irrecevable. Il sied ici
de relever que sur ce point, le pourvoi frise la témérité
ou la mauvaise foi.

4.- Le recourant, dans un grief très succinctement
motivé, se plaint enfin de la peine qu'il estime totale-
ment disproportionnée par rapport à l'infraction retenue.

L'autorité cantonale a qualifié le comportement du
recourant de particulièrement répréhensible. Celui-ci
objecte qu'il gère une exploitation agricole, assume
l'entretien des enfants et travaille dur. Mais ces faits,
que l'autorité cantonale n'a d'ailleurs pas contestés,
sont sans pertinence pour juger le comportement du
recourant visant à éloigner ses filles de leur mère.

Le recourant ne relève pas d'éléments qui auraient
été retenus ou omis à tort. Pour le surplus, l'appré-
ciation certes sévère à laquelle à procédé l'autorité

cantonale, tenant compte de l'entêtement et de la faute
importante du recourant, ne prête pas flanc à la critique
(cf. ATF 123 IV 150 consid. 2a); il peut être renvoyé à
ses considérants.

5.- Vu l'issue du pourvoi, le recourant supportera
les frais de la procédure (art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est
recevable.

2. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 2000 francs.

3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud
et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois.
__________

Lausanne, le 3 avril 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.122/2001
Date de la décision : 03/04/2001
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 292 CP; insoumission à une décision de l'autorité. Ordonnance de mesures provisionnelles dans le cadre d'une procédure de divorce. Diverses obligations imposées à l'une des parties s'agissant du droit de visite sur les enfants, assorties de la menace des peines prévues à l'art. 292 CP. Les obligations à respecter doivent être décrites avec précision; exigence remplie en l'espèce (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-03;6s.122.2001 ?
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