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03/04/2001 | SUISSE | N°5P.446/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 avril 2001, 5P.446/2000


«/2»
5P.446/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

3 avril 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
Mme Nordmann, M. Merkli et M. Meyer, juges.
Greffier: M. Braconi.
__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame X.________, représentée par Me Patricia Clavien,
avocate
à Sion,

contre

la décision prise le 11 octobre 2000 par le Conseil d'Etat
du
canton du Valais dans la cause opposant la recourante Ã

 
Y.________, représenté par Me Philippe Loretan, avocat à
Sion;

(art. 29 al. 2 Cst.; changement de nom)

Considéra...

«/2»
5P.446/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

3 avril 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
Mme Nordmann, M. Merkli et M. Meyer, juges.
Greffier: M. Braconi.
__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame X.________, représentée par Me Patricia Clavien,
avocate
à Sion,

contre

la décision prise le 11 octobre 2000 par le Conseil d'Etat
du
canton du Valais dans la cause opposant la recourante à
Y.________, représenté par Me Philippe Loretan, avocat à
Sion;

(art. 29 al. 2 Cst.; changement de nom)

Considérant en fait et en droit:

1.- a) Le 8 novembre 1995, le Conseil d'Etat du canton
du Valais a autorisé, en vertu de l'art. 30 al. 2 CC, dame
X.________ et Y.________ à porter le nom de la femme comme
nom de famille. Les prénommés se sont mariés à Pully (VD) le
8 décembre 1995; ils vivent séparés depuis mars 1999.

b) Le 13 juillet 2000, le mari a introduit une requête
en changement de nom fondée sur l'art. 30 al. 1 CC, tendant
à
reprendre le nom de «Y.________». Par décision du 11 octobre
suivant, le Conseil d'Etat du canton du Valais a fait droit
à
cette requête.

c) Agissant par la voie du recours de droit public au
Tribunal fédéral, dame X.________ demande l'annulation de
cette décision. L'intimé et le Conseil d'Etat proposent le
rejet du recours.

2.- a) Sous réserve d'exceptions qui n'entrent pas en
considération en l'espèce, le recours de droit public n'est
recevable qu'à l'encontre des décisions rendues en dernière
instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Selon la
jurisprudence
constante, la notion de «moyen de droit cantonal» est large;
elle comprend non seulement les voies de recours ordinaires
et extraordinaires, mais encore, d'une façon générale,
toutes
les voies de droit propres à éliminer le préjudice juridique
allégué et qui sont de nature à obliger l'autorité saisie à
statuer (ATF 120 Ia 61 consid. 1a p. 62 et les citations),
en
particulier une action en justice (ATF 126 III 110 consid.
1b
p. 112 et les références citées). L'action en contestation
du
changement de nom, au sens de l'art. 30 al. 3 CC, entre dans
cette catégorie (ATF 81 I 61); elle ne compète toutefois pas
à la personne qui entend, comme dans le cas présent,
empêcher
un tiers d'abandonner son ancien nom (ATF 76 II 337 consid.
1

p. 339 ss). Il s'ensuit que le recours est recevable sous
cet
angle (ATF 89 I 153 consid. 1 p. 155).

b) La recourante affirme que la décision attaquée ne
lui
a pas été communiquée, allégation qui n'est pas démentie par
le Conseil d'Etat dans ses observations; le délai de recours
n'a ainsi commencé à courir que dès le jour où elle en a eu
effectivement connaissance (ATF 118 Ia 46 consid. 2a p. 49
et
les références citées). Il ressort du dossier que la
décision
en cause a été transmise le 19 octobre 2000 par le conseil
de
l'intimé à celui de la recourante, qui l'a vraisemblablement
reçue le lendemain. Mis à la poste le 16 novembre suivant,
le
recours a, partant, été déposé à temps (art. 89 al. 1 OJ).

3.- En l'espèce, la recourante se plaint d'une
violation
de son droit d'être entendue; elle fait valoir, en
substance,
que le Conseil d'Etat aurait dû l'inviter à se déterminer
sur
la requête en changement de nom introduite par son époux. Ce
moyen étant fondé sur les garanties de procédure découlant
directement de l'art. 29 al. 2 Cst., le Tribunal fédéral en
connaît librement (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16; 125 I 417
consid. 7a p. 430 et les arrêts cités).

a) Dans ses déterminations, le Conseil d'Etat soutient
qu'il n'y a pas lieu d'accorder à un «tiers» le droit d'être
entendu dans la procédure en changement de nom d'une
personne
majeure, fût-elle mariée, ajoutant que la jurisprudence «est
claire à ce sujet».

Cette opinion est erronée. Le Tribunal fédéral
reconnaît
au justiciable le droit d'être entendu dans la procédure en
changement de nom de la personne qui porte le même nom que
le
sien et à l'égard de laquelle il est lié par des rapports
étroits, tant personnels que patrimoniaux (cf. ATF 124 III
49
consid. 2b p. 50). C'est en raison de l'absence de tels
liens
qu'il a dénié ce droit à un homme divorcé dont l'ex-épouse

avait été autorisée à reprendre le patronyme qu'elle portait
pendant le mariage (arrêt de la IIe Cour civile du 11 août
1986, in: Rep 1988 p. 266), au père d'un enfant majeur (ATF
97 I 619 consid. 4b p. 623) et au grand-père d'un enfant mi-
neur (ATF 105 Ia 281 consid. 2b p. 284). L'autorité doit, en
revanche, inviter l'autre époux à se déterminer sur la req-
uête de son conjoint tendant à la modification du nom d'alli-
ance (ATF 110 II 97 consid. 4 p. 101; Bucher, Personnes
physiques et protection de la personnalité, 4e éd., n. 822),
ou de la partie du double nom qui ne concerne pas le nom de
famille (Bühler, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht,
ZGB I, n. 20 ad art. 160 CC; Hegnauer/Breitschmid, Grundriss
des Eherechts, 4e éd., n. 13.36); a fortiori, est-elle tenue
de le faire lorsque, comme en l'occurrence, le requérant est
marié et que le changement affecte le nom de famille (infra,
let. b). Cette seule considération scelle le sort du présent
recours, qui doit être accueilli.

b) Depuis la célébration du mariage, les parties
portent
le nom de la femme comme nom de famille, lequel est inscrit
dans les registres d'état civil. Comme le souligne le
Conseil
d'Etat, le matronyme pouvait, certes, être modifié à l'issue
d'une procédure en changement de nom sur la base de l'art.
30
al. 1 CC (Hausheer/Reusser/Geiser, Berner Kommentar, n. 15
ad
art. 160 CC), mais la requête devait alors émaner des deux
époux conjointement (Bucher, Bühler et Hegnauer/Breitschmid,
loc. cit.; Hausheer/Reusser/Geiser, ibid., n. 51; Geiser,
Die
Namensänderung nach Art. 30 Abs. 1 ZGB unter dem Einfluss
des
neuen Eherechts, in: REC 1989 p. 35; Häfliger, Die Namensän-
derung nach Art. 30 ZGB, thèse Zurich 1996, p. 67, 213 in
fine et 214 ch. 1; pour le changement du nom d'alliance,
cf. ATF 110 II 97 consid. 4 p. 101). Partant, ladite procé-
dure ne pouvait se dérouler à l'insu de la recourante, qui
avait nécessairement la qualité de partie. Au surplus, la
décision déférée procède d'une fausse application du droit
matériel en tant qu'elle autorise le mari à porter un nom
qui

n'est plus celui de son épouse (Geiser, loc. cit.; Häfliger,
op. cit., p. 214 ch. 1), si bien que, pour ce motif déjà,
l'intimé eût dû être débouté des fins de sa requête (par
analogie: ATF 110 II 97 consid. 2 p. 99; 108 II 161;
Häfliger, op. cit., p. 213).

4.- En conclusion, il y a lieu d'admettre le recours et
d'annuler la décision attaquée, avec suite de frais et
dépens
à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159
al. 2 OJ; ATF 119 Ia 1 consid. 6b p. 3).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule la décision attaquée.

2. Met à la charge de l'intimé:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.,
b) une indemnité de 2'000 fr. à payer
à la recourante à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et au Conseil d'Etat du canton du Valais.

__________

Lausanne, le 3 avril 2001
BRA/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.446/2000
Date de la décision : 03/04/2001
2e cour civile

Analyses

Art. 29 al. 2 Cst. et art. 30 CC; changement de nom, droit d'être entendu. Le conjoint doit être entendu dans la procédure en changement du nom de famille introduite par l'autre époux (consid. 3a). La requête en changement du nom de famille, en l'espèce celui de la femme (art. 30 al. 2 CC), ne peut être formée que par les deux époux conjointement (consid. 3b).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-03;5p.446.2000 ?
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