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02/04/2001 | SUISSE | N°I.458/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 avril 2001, I.458/00


«AZA 7»
I 458/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Beauverd, Greffier

Arrêt du 2 avril 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, Vevey, recourant,

contre

M.________, intimé, représenté par la Fédération suisse
pour l'intégration des handicapés (FSIH), place Grand-
Saint-Jean 1, Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- M._____

___ a travaillé en qualité d'aide de
cuisine dans un hôtel, puis de concierge et de manoeuvre
dans un garage. Il a cessé toute activité...

«AZA 7»
I 458/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Beauverd, Greffier

Arrêt du 2 avril 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, Vevey, recourant,

contre

M.________, intimé, représenté par la Fédération suisse
pour l'intégration des handicapés (FSIH), place Grand-
Saint-Jean 1, Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- M.________ a travaillé en qualité d'aide de
cuisine dans un hôtel, puis de concierge et de manoeuvre
dans un garage. Il a cessé toute activité lucrative le
8 mars 1995 en raison de lombalgies.

Souffrant d'une hernie discale paramédiane droite
L5-S1, il a subi une intervention chirurgicale (hémilami-
nectomie) au mois de mai 1995. Dans un rapport du 3 no-
vembre 1995, le docteur F.________, médecin associé au
Service de rhumatologie, médecine physique et réhabili-
tation de X.________, a constaté que l'évolution post-
opératoire semblait subjectivement défavorable avec une
recrudescence des lombalgies, sans que l'on puisse réelle-
ment objectiver une souffrance segmentaire ou nerveuse. De
son côté, le docteur W.________, médecin traitant de
l'assuré, a fait état d'une régression dans une pathologie
somatoforme à forte composante psychogène (rapport du
14 mars 1996).
M.________ a déposé une demande de rente de l'assu-
rance-invalidité le 4 mars 1996. Après avoir confié une
expertise au docteur V.________, spécialiste en psychiatrie
(rapport du 12 décembre 1996), l'Office de l'assurance-
invalidité du canton de Vaud a rendu une décision, le
6 mars 1997, par laquelle il a rejeté la demande de rente,
motif pris que l'assuré ne présente pas d'atteinte à la
santé l'empêchant d'exercer son activité lucrative habi-
tuelle.

B.- a) Saisi d'un recours, le Tribunal des assurances
du canton de Vaud l'a rejeté par jugement du 20 janvier
1998.
Par arrêt du 5 février 1999, le Tribunal fédéral des
assurances a admis le recours de l'assuré contre ce juge-
ment, en ce sens que celui-ci a été annulé et la cause
renvoyée à la juridiction cantonale pour complément d'ins-
truction et nouveau jugement.

b) Le tribunal cantonal a confié une expertise au
docteur C.________, spécialiste en psychiatrie et psycho-
thérapie (rapport du 7 décembre 1999).
Par jugement du 14 mars 2000, il a admis le recours
dont il était saisi. La décision entreprise a été réformée

en ce sens que l'assuré s'est vu reconnaître le droit à une
rente entière dès le 1er mars 1996. Le prénommé a été mis
au bénéfice d'une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens
pour l'ensemble de la procédure cantonale.

C.- L'office AI interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation,
en concluant au renvoi de la cause à l'administration pour
instruction complémentaire sous la forme d'une expertise et
nouvelle décision «sur la base de renseignements précis,
détaillés et fiables».
M.________ conclut au rejet du recours, sous suite de
dépens. De son côté, l'Office fédéral des assurances so-
ciales propose implicitement son admission.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le droit de l'intimé à une
rente entière d'invalidité à partir du 1er mars 1996.
Le jugement cantonal du 20 janvier 1998 expose de
manière exacte et complète les dispositions légales et les
principes jurisprudentiels applicables en matière d'évalua-
tion de l'invalidité. Il suffit donc d'y renvoyer.

2.- En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs
impératifs des conclusions d'une expertise médicale judi-
ciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre
ses connaissances spéciales à la disposition de la justice
afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de
fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une
raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que
celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexperti-
se ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de
manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialis-
tes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieu-

sement en doute la pertinence des déductions de l'expert,
on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation
divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au
besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une
nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 352 sv. con-
sid. 3b/aa et les références; VSI 2000 p. 154 consid. 2b).
L'élément décisif pour apprécier la valeur probante
d'une pièce médicale n'est en principe ni son origine, ni
sa désignation sous la forme d'un rapport ou d'une experti-
se, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a;
Spira, La preuve en droit des assurances sociales, in :
Mélanges en l'honneur de Henri-Robert Schüpbach, Bâle,
Genève et Munich 2000, p. 268; Omlin, Die Invalidität in
der obligatorischen Unfallversicherung, thèse Fribourg
1995, p. 297 sv.; Morger, Unfallmedizinische Begutachtung
in der SUVA, in RSAS 32/1988 p. 332 sv.). Il importe, pour
conférer pleine valeur probante à un rapport médical, que
les points litigieux importants aient fait l'objet d'une
étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des exa-
mens complets, qu'il prenne également en considération les
plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été
établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la des-
cription du contexte médical et l'appréciation de la si-
tuation médicale soient claires et enfin que les conclu-
sions de l'expert soient dûment motivées (ATF 125 V 352
consid. 3a et les références).

3.- Dans un récent arrêt (cf. VSI 2000 p. 152), le
Tribunal fédéral des assurances a défini, en se fondant
principalement sur une étude de Mosimann (Somatoforme Stö-
rungen : Gerichte und [psychiatrische] Gutachten, in RSAS
1999, p. 1 ss et 105 ss), la tâche du médecin ou de l'ex-
pert, lorsque celui-ci doit se prononcer sur le caractère
invalidant de tels troubles. Selon cette jurisprudence,
l'expert doit, sur le plan psychiatrique, poser un diagnos-
tic dans le cadre d'une classification reconnue et se

prononcer sur le degré de gravité de l'affection. Il doit
évaluer le caractère exigible de la reprise par l'assuré
d'une activité lucrative. Ce pronostic tiendra compte de
divers critères, tels une structure de la personnalité
présentant des traits prémorbides, une comorbidité psychia-
trique, des affections corporelles chroniques, une perte
d'intégration sociale, un éventuel profit tiré de la mala-
die, le caractère chronique de celle-ci sans rémission
durable, une durée de plusieurs années de la maladie avec
des symptôme stables ou en évolution, l'échec de traite-
ments conformes aux règles de l'art. Le cumul des critères
précités fonde un pronostic défavorable. Enfin, l'expert
doit s'exprimer sur le cadre psycho-social de la personne
examinée. Au demeurant, la recommandation de refus d'une
rente doit également reposer sur différents critères. Au
nombre de ceux-ci figurent la divergence entre les douleurs
décrites et le comportement observé, l'allégation d'inten-
ses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues,
l'absence de demande de soins, les grandes divergences
entre les informations fournies par le patient et celles
ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très
démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que
l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement
psycho-social intact (VSI 2000 p. 155 consid. 2c).

4.- a) Dans son rapport d'expertise du 12 décembre
1996, le docteur M.________ a indiqué que le recourant se
trouvait dans un état de régression et que les douleurs
dont il souffre peuvent être considérées comme un trouble
somatoforme indifférencié résultant de sa personnalité
passive et dépendante. Il ne s'est toutefois pas prononcé
sur la capacité de travail de l'intéressé, se limitant à
indiquer que ce dernier est apte du point de vue psychia-
trique à participer à des mesures de réadaptation profes-
sionnelle. Dans son arrêt du 5 février 1999, le Tribunal

fédéral des assurances a considéré que cet avis médical ne
permet pas d'exclure l'existence d'une incapacité de tra-
vail.
De son côté, le docteur C.________ a posé le diagnos-
tic de syndrome douloureux somatoforme persistant, d'épi-
sode dépressif moyen avec syndrome somatique, ainsi que
d'une personnalité fruste, avec traits de personnalité
dépendante, caractérielle et passive-agressive. Il a conclu
à une incapacité de travail de 100 % sans changements
depuis le mois de mars 1995 (rapport du 7 décembre 1999).

b) L'office recourant ne conteste pas sérieusement les
conclusions du docteur C.________. Par ailleurs, bien que
le docteur M.________ ne se soit pas prononcé sur l'incapa-
cité de travail de l'assuré, il se contente d'alléguer que
celui-ci pourrait travailler en faisant preuve de bonne vo-
lonté, du moment que ce médecin a attesté l'aptitude de
l'intéressé à participer à des mesures de réadaptation
professionnelle.

c) Cette argumentation n'est pas convaincante et ne
justifie pas que l'on s'écarte des conclusions du docteur
C.________. Il ressort en effet du rapport de l'expert
judiciaire que sont réalisés la plupart des divers critères
cités plus haut pour justifier le fait que la reprise d'une
activité lucrative n'est pas exigible de sa part. En parti-
culier, l'expert a constaté que le discours de l'assuré se
concentrait sur ses douleurs, au point que celles-ci expli-
quent tous les troubles dont il souffre. En outre, il a
fait état de troubles de l'attention et de la concentra-
tion, ainsi que d'une symptomatologie dépressive bien réel-
le. Selon l'expert, la personnalité de l'assuré, dotée de
capacités de mentalisation très limitées, a été fortement
perturbée par la survenance de l'atteinte à la santé. En-
fin, à l'instar des autres médecins qui se sont prononcés

sur le cas, le docteur C.________ a exclu l'existence d'une
simulation des symptômes, d'un trouble factice ou d'une
exagération des symptômes physiques.
Ces constatations médicales sont suffisantes pour
qu'on puisse se convaincre, en accord avec les critères
dégagés par la jurisprudence citée au consid. 3, du carac-
tère invalidant du trouble somatoforme douloureux de l'in-
timé.

d) Avec les premiers juges, on doit ainsi admettre que
l'incapacité de travail de 100 % présentée par l'intimé
depuis le mois de mars 1995 entraîne une perte de gain de
plus de 66 2/3 %, ce qui justifie l'octroi d'une rente
entière d'invalidité à compter du 1er mars 1996 (art. 28 et
29 LAI).
Le recours se révèle ainsi mal fondé.

5.- L'intimé, qui obtient gain de cause, est représen-
té par le Service juridique de la Fédération suisse pour
l'intégration des handicapés (FSIH). Il a droit à une in-
demnité de dépens à la charge de l'office recourant (ATF
126 V 11 consid. 2; SVR 1997 IV n° 110 p. 341).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le recourant versera à l'intimé la somme de 1500 fr.
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 avril 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.458/00
Date de la décision : 02/04/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-02;i.458.00 ?
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