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02/04/2001 | SUISSE | N°6S.704/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 avril 2001, 6S.704/2000


«/2»
6S.704/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

2 avril 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

W.________, à Sion, représenté par Me Jacques Philippoz,
avocat à Leytron,

contre

le jugement rendu le 7 septembre 2000 par la IIème Cour
pénale du Tribunal cantonal val

aisan dans la cause qui
oppose le recourant à
1) X.________
2) Y.________, et
3) Z.________,
tous trois représentés...

«/2»
6S.704/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

2 avril 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

W.________, à Sion, représenté par Me Jacques Philippoz,
avocat à Leytron,

contre

le jugement rendu le 7 septembre 2000 par la IIème Cour
pénale du Tribunal cantonal valaisan dans la cause qui
oppose le recourant à
1) X.________
2) Y.________, et
3) Z.________,
tous trois représentés par Me Carole Ambord Pitteloud,
avocate à Sion;

(homicide par négligence)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 5 décembre 1998 vers 18 h. 05, C.________
circulait sur l'autoroute A9 de Martigny en direction de
Sion. A la hauteur de Saxon, il perdit le contrôle de son
véhicule pour une raison inconnue et partit en dérapage
sur la voie de gauche; sa voiture s'immobilisa à contre-
sens sur la voie de dépassement mais en empiétant légère-
ment sur la voie de droite.

W.________ circulait sur le même parcours. Il
suivait à une distance qui a été considérée comme rais-
onnable, sans toutefois pouvoir être établie avec préci-
sion, la voiture de A.________. Vers Saxon, les deux
voitures entreprirent de dépasser la voiture conduite par
B.________; W.________ roulait à ce moment à une vitesse
de 130 km/h. Alors qu'il allait terminer son dépassement
et commençait à se rabattre sur la droite, A.________
prit conscience de la présence de la voiture de
C.________, arrêtée en travers de la voie gauche de la
chaussée, l'avant contre la berme centrale; il ne
remarqua toutefois pas que le chauffeur était debout à
l'extérieur de sa voiture. A.________ put revenir sur la
voie de droite en évitant de justesse tant le véhicule
accidenté que celui qu'il avait dépassé. W.________ n'eut
pour sa part pas le temps de se rabattre, surpris qu'il
fut de se trouver soudainement face au véhicule accidenté
qui n'était pas éclairé. Il tenta alors d'éviter
l'obstacle en serrant à droite. Il ne parvint toutefois
pas à empêcher l'accident et percuta, avec l'avant gauche
de son automobile, l'arrière gauche de la voiture de
C.________ de même que ce dernier, qui se trouvait à côté
de son véhicule et qui fut projeté en l'air avant de
retomber, sans vie, sur la vitre arrière et le coffre de

la voiture conduite par B.________. Au surplus, l'avant
droit du véhicule de W.________ heurta le flanc arrière
gauche de la voiture conduite par B.________. Malgré les
deux chocs, W.________ parvint à contrôler sa voiture
suffisamment pour l'immobiliser sur la bande d'arrêt
d'urgence environ 120 m. après le point d'impact avec
la voiture de C.________. En revanche, B.________ perdit
le contrôle de son véhicule qui partit en dérapage,
heurta la glissière bordant la berme centrale et fit un
tête-à-queue avant de s'immobiliser sur la voie de dé-
passement.

W.________ est né en 1965; il est fonctionnaire
de police et le contrôle à l'éthylomètre effectué après
l'accident ne révéla aucune trace d'alcool.

B.- Par jugement du 6 septembre 1999, le juge
suppléant des districts de Martigny et St-Maurice a re-
connu W.________ coupable d'homicide par négligence et de
violation grave des règles de la circulation routière et
l'a condamné à 45 jours d'emprisonnement avec sursis
pendant 2 ans. Il a en outre réservé les prétentions
civiles des hoirs de C.________, savoir X.________,
Y.________ et Z.________ et les a renvoyées au for civil.

C.- Statuant le 7 septembre 2000 sur appel
de W.________, la IIème Cour pénale du Tribunal cantonal
valaisan confirme ce jugement. La cour cantonale
considère que W.________ a commis une faute en roulant à
une vitesse supérieure à la limitation générale
de 120 km/h. et inadaptée à la circulation de nuit, même
compte tenu de l'éclairage fourni par les véhicules
conduits par A.________ et B.________. Elle nie en outre
que le comportement de C.________ soit suffisamment

imprévisible et extraordinaire pour rompre le lien de
causalité adéquate admis entre la faute de W.________ et
le décès de la victime. Enfin, l'arrêt attaqué retient
que l'art. 90 al. 2 LCR est applicable en concours avec
l'art. 117 CP dans la mesure où une autre personne que la
victime de l'homicide par négligence, savoir B.________,
a été, concrètement, mise en danger sérieux.

D.- W.________ se pourvoit en nullité contre cet
arrêt. Le recourant soutient que l'on ne saurait lui
reprocher une faute de circulation car il roulait à une
distance raisonnable du véhicule qui le précédait. Il
prétend en outre que l'arrêt attaqué ne tient pas compte
de la distance éclairée par les véhicules conduits par
A.________ et B.________. Il allègue enfin que le fait
que la victime soit allée se replacer au centre de la
chaussée, devant son véhicule non éclairé, a rompu le
lien de causalité entre son comportement et le décès de
la victime. Partant, le recourant conclut, avec suite de
frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle
statue à nouveau.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation
pénale du Tribunal fédéral, qui a un caractère cassatoire
(art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé que pour vio-
lation du droit fédéral, à l'exception de la violation

directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 269
PPF).

La Cour de cassation n'est pas liée par les motifs
invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des conclusions
du recourant (art. 277bis PPF); les conclusions devant
être interprétées à la lumière de leur motivation, le
recourant a circonscrit la question litigieuse à la pro-
blématique de la réalisation de l'infraction d'homicide
par négligence, ne remettant pas en cause sa condamnation
du chef de violation grave des règles de la circulation
routière, qui n'aura donc pas à être examinée.

En revanche, sous réserve de la rectification
d'une inadvertance manifeste, la Cour de cassation est
liée par les constatations de fait de l'autorité canto-
nale (art. 277bis al. 1 PPF). Le recourant ne peut pas
présenter de griefs contre les constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1
let. b PPF). Dans la mesure où il présenterait un état de
fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision atta-
quée, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 121 IV
18 consid. 2b/bb p. 23, 131 consid. 5b p. 137, 185 con-
sid. 2b p. 190 s., 119 IV 202 consid. 2b p. 206).

2.- Aux termes de l'art. 117 CP, "celui qui, par
négligence, aura causé la mort d'une personne sera puni
de l'emprisonnement ou de l'amende".

La négligence est définie à l'art. 18 al. 3 CP,
selon lequel "celui-là commet un crime ou un délit par
négligence, qui, par une imprévoyance coupable, agit sans
se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de
son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur de

l'acte n'a pas usé des précautions commandées par les
circonstances et par sa situation personnelle."

a) Pour qu'il y ait homicide par négligence, il
faut tout d'abord que l'auteur ait violé les règles de
prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas
excéder les limites du risque admissible (ATF 122 IV 145
consid. 3b/aa p. 147). S'agissant en l'espèce d'un acci-
dent de la route, il y a lieu de se référer aux règles de
la circulation (ATF 126 IV 91 consid. 4a/aa; 122 IV 133
consid. 2a p. 135, 225 consid. 1a p. 227).

L'autorité cantonale reproche au recourant
d'avoir circulé à une vitesse supérieure à la limitation
et inadaptée à la circulation de nuit, même compte tenu
de l'éclairage fourni par les véhicules conduits par
A.________ et B.________.

Le recourant fait valoir que l'on ne saurait lui
imputer de faute car il circulait à une distance raison-
nable du véhicule qui le précédait. Cet argument n'est
pas pertinent puisqu'il ne lui est pas fait grief de
n'avoir pas respecté l'art. 34 al. 4 LCR qui prévoit que
le conducteur doit observer une distance suffisante no-
tamment lorsque des véhicules se suivent. Ce qui lui est
reproché est d'avoir circulé à une vitesse inadaptée, qui
ne lui permettait pas de s'arrêter sur la distance de
visibilité. Dans une jurisprudence récente, le Tribunal
fédéral a rappelé la portée de l'obligation faite par les
art. 32 al. 1 LCR et 4 al. 1 OCR au conducteur d'adapter
sa vitesse aux conditions, de visibilité notamment, de
manière à être toujours en mesure de s'arrêter sur la
distance couverte par sa visibilité. Il a confirmé que
cette règle s'applique également sur les autoroutes, en
particulier lorsqu'on circule de nuit avec les feux de
croisement (ATF 126 IV 91 consid. 4a/bb).

Il ressort des constatations de fait de l'autori-
té cantonale, qui lient le Tribunal fédéral saisi d'un
pourvoi en nullité (art. 277bis al. 1 PPF), que la visi-
bilité du recourant portait sur une distance de 50 m. en-
viron alors que, compte tenu de la vitesse à laquelle il
circulait, il lui fallait au moins 130 m. pour s'arrêter.
Il a également été retenu dans l'arrêt attaqué que
l'éclairage des voitures conduites par A.________ et
B.________ n'étendait pas son champ de vision. Cette
dernière constatation relève également du fait et c'est
en vain que le recourant tente de la remettre en question
dans le cadre du présent pourvoi en nullité.

Ainsi, sur la base des constatations de fait de
l'autorité cantonale, qui seules peuvent être prises en
considération, force est de constater que le recourant a
circulé à une vitesse qui ne lui permettait pas de s'ar-
rêter sur sa distance de visibilité. Or, l'obligation
d'adapter sa vitesse à la distance de visibilité est une
règle dont le Tribunal fédéral vient rappeler l'impor-
tance et de confirmer qu'elle s'applique également sur
les autoroutes, en particulier en cas de circulation de
nuit avec les feux de croisement (ATF 126 IV 91 consid.
4a). C'est donc à juste titre que l'autorité cantonale a
imputé une faute au recourant.

b) Pour que l'infraction d'homicide par négli-
gence soit réalisée, il ne suffit pas qu'il y ait d'une
part une violation fautive d'un devoir de prudence et
d'autre part le décès d'autrui. Il faut encore que soit
établi un rapport de causalité entre cette violation et
le décès.

Un comportement est la cause naturelle d'un
résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua
non (ATF 122 IV 17 consid. 2c/aa p. 23 et les références

citées). La constatation du rapport de causalité natu-
relle relève du fait, ce qui la soustrait au contrôle de
la Cour de cassation saisie d'un pourvoi en nullité;
violerait toutefois le droit fédéral l'autorité cantonale
qui méconnaîtrait le concept même de la causalité natu-
relle (ATF 122 IV 17 consid. 2c/aa p. 23 et les réfé-
rences citées).

En l'espèce, l'autorité cantonale a constaté que
la faute imputée au recourant était bien la cause natu-
relle du décès de la victime et il n'apparaît pas, le
recourant lui-même ne le prétend d'ailleurs pas, qu'elle
se soit méprise sur la notion de causalité naturelle.

Il y a dès lors lieu de se demander si le rapport
de causalité peut être qualifié d'adéquat, savoir si le
comportement de l'auteur était propre, selon le cours
ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraî-
ner un résultat du genre de celui qui s'est produit, ce
qui constitue une question de droit que la Cour de cassa-
tion revoit librement (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23
et les références citées). La causalité adéquate peut
encore être exclue, l'enchaînement des faits perdant sa
portée juridique, si une autre cause concomitante, par
exemple une force naturelle, le comportement de la vic-
time ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à
fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que
l'on ne pouvait pas s'y attendre; l'imprévisibilité d'un
acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le
lien de causalité adéquate; il faut encore que cet acte
revête une importance telle qu'il s'impose comme la cause
la plus probable et la plus immédiate de l'événement
considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres
facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le
comportement de l'auteur (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb
p. 23 et les références citées).

En circulant à une vitesse qui ne lui permettait
pas de s'arrêter sur sa distance de visibilité, le recou-
rant a adopté un comportement de nature, dans le cours
ordinaire des choses et selon l'expérience générale de la
vie, à entraîner un accident aux conséquences mortelles
parce qu'il n'a remarqué un obstacle que trop tard pour
pouvoir s'arrêter ou l'éviter. La relation de causalité
adéquate entre la faute reprochée au recourant et le dé-
cès de la victime est donc également réalisée.

Reste dès lors à examiner la question de savoir
si, comme le prétend le recourant, le fait que la victime
soit allée se placer devant son véhicule non éclairé a
rompu ce lien de causalité.

Selon une jurisprudence constante, confirmée
encore récemment, celui qui conduit de nuit sur une auto-
route doit en permanence s'attendre à être confronté à
des obstacles dépourvus d'éclairage et il n'y a notamment
rien d'extraordinaire à ce que se trouve sur la chaussée,
à la suite d'un accident par exemple, un véhicule non
éclairé ou une personne blessée (ATF 126 IV 91 consid.
4a/cc et les références citées). Dès lors, pour inadéquat
qu'il ait été, le comportement de la victime, qui se te-
nait
debout sur la chaussée, ne saurait être considéré
comme totalement extraordinaire et insensé, au point de
reléguer à l'arrière-plan la faute du recourant.

C'est donc sans violer le droit fédéral que
l'autorité cantonale a reconnu le recourant coupable
d'homicide par négligence. Le pourvoi doit dès lors être
rejeté.

3.- Vu l'issue de la procédure, les frais de la
cause doivent être mis à la charge du recourant qui suc-
combe (art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le pourvoi;

2. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 2000 fr.;

3. Communique le présent arrêt en copie aux man-
dataires des parties, au Ministère public du Bas-Valais
et à la IIème Cour pénale du Tribunal cantonal valaisan.
__________

Lausanne, le 2 avril 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.704/2000
Date de la décision : 02/04/2001
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-02;6s.704.2000 ?
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