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02/04/2001 | SUISSE | N°5P.51/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 avril 2001, 5P.51/2001


«/2»
5P.51/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

2 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Reeb, président, Bian-
chi et Merkli. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame X.________, représentée par Me Reynald P. Bruttin,
avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 21 décembre 2000 par la Chambre civile de
la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui
oppose la recourante à Y.___

_____, intimé, représenté par Me
Susannah Maas, avocate à Genève;

(art. 9 Cst.; revendication)

Vu les pièces du doss...

«/2»
5P.51/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

2 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Reeb, président, Bian-
chi et Merkli. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame X.________, représentée par Me Reynald P. Bruttin,
avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 21 décembre 2000 par la Chambre civile de
la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui
oppose la recourante à Y.________, intimé, représenté par Me
Susannah Maas, avocate à Genève;

(art. 9 Cst.; revendication)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 10 mai 1990, la Galerie Z.________, à Paris,
a vendu pour 640'000 FF à dame X.________ un dessin au
crayon, intitulé "Nu" ou "Jeune femme allongée", réalisé en
1928-1929 par Henri Matisse.

Au vu d'un document daté du 11 janvier 1990 - soit
en réalité du 11 janvier 1991 - et complété le 14 mars 1991,
Z.________ a communiqué à dame X.________ la liste des oeu-
vres que celle-ci avait confié à la galerie en dépôt pour la
vente. Cette liste comprenait le dessin précité, qui devait
être revendu pour un prix oscillant entre 800'000 FF et
1'000'000 FF. Cette opération avait pour but de procurer une
plus-value à dame X.________, qui acquérait des oeuvres
d'art
essentiellement en vue d'effectuer des placements à long ter-
me.

B.- Selon facture du 21 décembre 1990, la Galerie
Z.________ a vendu pour 2'500'000 FF neuf oeuvres, dont la
"Jeune femme allongée" susmentionnée, à la "Financière
Y.________" à Paris. Celle-ci était une société en nom col-
lectif de droit français détenant tous les actifs personnels
de Y.________, financier domicilié à Meinier dans le canton
de Genève.

D'après Z.________, cette transaction est intervenue
en raison des difficultés financières qu'il rencontrait, son
interlocuteur ayant catégoriquement refusé de lui accorder
un
prêt. Z.________ espérait pouvoir racheter le lot de neuf
oeuvres trois mois plus tard, lorsqu'il se serait "remis à
flot"; il a toutefois dû déposer le bilan de sa galerie dans
la première semaine de l'année 1991.

Le prix de vente de 2'500'000 FF - qui tenait compte
d'un prix de 700'000 FF à 800'000 FF pour le dessin de Matis-
se - correspondait à la valeur du marché de l'époque. Pour
chaque oeuvre, ou du moins pour la majorité d'entre elles,
Y.________ a reçu un certificat de propriété et le chèque
relatif à son acquisition par Z.________. En ce qui concerne
le dessin de Matisse, ce dernier a remis par erreur à
Y.________ un exemplaire du contrat par lequel il avait ache-
té le 18 septembre 1990 pour 1'000'000 FF une autre oeuvre
de
Matisse, intitulée "Jeune femme", ainsi que deux chèques de
500'000 FF et des documents attestant de l'authenticité du
dessin; les photographie et reproductions remises à
Y.________ correspondaient en revanche au dessin de Matisse
primitivement vendu à dame X.________.

Y.________ a revendu l'ensemble des neuf oeuvres à
titre fiduciaire, avant de les racheter en raison des démar-
ches entreprises par dame X.________ qu'il considérait comme
des menaces.

C.- Dans un courrier adressé à dame X.________ le 25
novembre 1993, Z.________ expliquait qu'il avait remis en ga-
ge à Y.________ un lot de neuf oeuvres en vue d'obtenir un
prêt de 2'500'000 FF, représentant le quart de leur valeur;
la "Jeune femme allongée" de Matisse avait ainsi été remise
à
Y.________ pour un peu moins de 250'000 FF, montant sensible-
ment égal au quart de sa valeur à l'époque. Toujours dans ce
courrier, Z.________ indiquait que durant le mois de mars
1991, il n'avait pu obtenir les 2'800'000 FF qui lui étaient
réclamés par Y.________, 300'000 FF constituant la rémunéra-
tion du prêteur, et il avait été contraint de déposer son bi-
lan; en raison du refus exprimé par Y.________, il ne
pouvait
que faire part de son impuissance.

D.- Le 4 février 1998, dame X.________ a intenté
contre Y.________, devant le Tribunal de première instance
de
Genève, une action en revendication portant sur la "Jeune
femme allongée" de Matisse. Le défendeur s'est opposé aux
conclusions prises contre lui.

Lors de l'audience de comparution personnelle du 23
novembre 1998, le défendeur a déclaré qu'il demanderait au
commissaire aux comptes de la Financière Y.________ de lui
faire parvenir les comptes de cette société pour les années
1990 et 1991 et qu'il les communiquerait le cas échéant au
Tribunal.

Le Tribunal a ensuite ordonné des enquêtes et les
plaideurs ont demandé l'audition du seul Z.________, qui a
été entendu par le premier juge le 2 février 1999.
Z.________
a ainsi expliqué sous la foi du serment avoir rédigé la let-
tre du 25 novembre 1993 (cf. lettre C supra) à la suite des
demandes insistantes dont il était l'objet de la part du
conseil français de la demanderesse, voulant par là
faciliter
les démarches de celle-ci; en outre, il était très troublé
par le prononcé de sa faillite et il entendait à tout prix
éviter le dépôt d'une plainte pénale. Relativement aux cir-
constances entourant la vente du lot de neuf oeuvres, il a
affirmé que sa déposition telle que relatée ci-dessus sous
lettre B était l'expression de la vérité.

E.- Sur prorogation d'enquêtes, le Tribunal a ensui-
te décerné commission rogatoire pour l'audition, requise par
la demanderesse, d'Hubert Lafont, administrateur judiciaire
ou liquidateur judiciaire de la Galerie Z.________. Cette
mesure probatoire n'a toutefois pas été exécutée pour le
motif qu'Hubert Lafont n'a pas été nommé en pareille
qualité.
En effet, selon les indications fournies le 22 septembre
1999
par Hubert Lafont à l'autorité rogée, c'est Me Michel
Chavaux
qui a d'abord été désigné comme administrateur judiciaire de

la Galerie Z.________ lorsque celle-ci a été déclarée en
redressement judiciaire le 6 juin 1991, puis, lorsque cette
mesure a été convertie le 4 juillet 1991 en liquidation
judiciaire, c'est Me Antoine Chevrier qui a été nommé liqui-
dateur judiciaire.

Le 6 décembre 1999, la demanderesse a sollicité
l'audition de Me Michel Chavaux et de Me Antoine Chevrier.
Le
Tribunal a toutefois déclaré les enquêtes closes par ordon-
nance préparatoire du 11 janvier 2000. Il a en effet considé-
ré que les indications données le 22 septembre 1999 par Hu-
bert Lafont ne constituaient pas un fait nouveau qui aurait
seul pu justifier une prorogation d'enquête, mais une cir-
constance dont la demanderesse aurait pu avoir connaissance
en temps utile en prêtant une attention suffisante.

F.- Par ordonnance préparatoire du 18 février 2000,
le Tribunal a encore dit qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner
la production des comptes de la Financière Y.________, le dé-
fendeur ayant fait savoir qu'il ne se conformerait pas à une
telle injonction pour le motif que les documents incriminés
étaient couverts par le secret des affaires.

G.- Par jugement du 30 mars 2000, le Tribunal de
première instance a débouté la demanderesse de toutes ses
conclusions et a mis les dépens à sa charge.

H.- La demanderesse a appelé de ce jugement, ainsi
que des ordonnances préparatoires des 11 janvier 2000 et 18
février 2000, devant la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève.

Par arrêt du 21 décembre 2000, cette autorité, reje-
tant notamment les critiques de la demanderesse contre les
ordonnances préparatoires, a confirmé le jugement de
première
instance avec suite de dépens.

I.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, la demanderesse conclut avec suite de
frais et dépens à l'annulation de cet arrêt. Il n'a pas été
ordonné d'échange d'écritures.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Formé en temps utile contre une décision finale
prise en dernière instance cantonale, le recours est receva-
ble au regard des art. 89 al. 1 et 87 OJ. Il l'est également
du chef de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours en réforme n'étant
pas ouvert pour se plaindre de l'application des règles de
procédure cantonales (cf. art. 55 al. 1 let. b, 3e phrase,
OJ; ATF 125 III 305 consid. 2e).

2.- La motivation de l'arrêt attaqué, dans ce qu'el-
le a d'utile à retenir en vue de l'examen du recours de
droit
public, peut être résumée de la manière suivante:

a) Au sujet de l'ordonnance préparatoire du 11 jan-
vier 2000 (cf. lettre E supra), la cour cantonale a
considéré
que le premier juge a fait une correcte application de
l'art.
240 LPC/GE. En effet, selon cette disposition, le juge or-
donne la prorogation de l'enquête si l'une ou l'autre des
parties le requiert (al. 1); il n'est toutefois jamais accor-
dé plus d'une prorogation à chaque partie (al. 3). Il n'en
est autrement qu'en présence de faits nouveaux, soit ceux
intervenus ou appris postérieurement à l'ordonnance d'enquê-
tes (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi
de procédure civile genevoise, vol. II, n. 3 ad art. 240
LPC/GE). Or la découverte d'une erreur commise sur la person-
ne d'un témoin ne constitue pas un fait nouveau dans la mesu-
re où elle ne se rapporte pas aux faits de la cause propre-
ment dits (cf. Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n.
3 ad art. 240 LPC/GE, relativement à la découverte de l'a-
dresse d'un témoin, ignorée jusque-là). L'initiative de la

citation d'un témoin incombant aux seules parties, à l'exclu-
sion du juge, c'est à la partie qui souhaite faire citer un
témoin de procéder aux recherches utiles, et c'est elle qui
supportera les conséquences d'une lacune ou d'une inexactitu-
de du point de vue de la liste des témoins (Bertossa/Gail-
lard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 3 et 4 ad art. 215 LPC/GE).
En conséquence, faute de faits nouveaux, les juges cantonaux
ont considéré qu'il n'était pas possible de donner suite aux
réquisitions de la demanderesse quant à l'audition des té-
moins Chavaux et Chevrier (arrêt attaqué, consid. 2).

b) S'agissant de l'ordonnance préparatoire du 18
février 2000, la cour cantonale a exposé ne pas voir sur
quelles bases il serait possible de faire application de
l'art. 186 al. 2 LPC/GE, selon lequel le juge peut ordonner
à
la partie qui détient une pièce utile à la solution du
litige
de la produire, à défaut de quoi le fait allégué par la par-
tie adverse peut être tenu pour avéré. En effet, la Financiè-
re Y.________ - qui en tant que société en nom collectif
avec
siège en France est une personne morale avec patrimoine sépa-
ré de celui des associés - est un tiers par rapport au défen-
deur. Or la loi de procédure civile ne renferme aucune norme
sur l'obligation pour un tiers de produire des pièces, si
bien qu'il est douteux qu'un tiers puisse être contraint de
produire des documents, sauf lorsque le droit fédéral le pré-
voit expressément (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op.
cit.,
n. 6 ad art. 197 LPC/GE).

Les juges cantonaux ont en outre indiqué ne pas dis-
cerner ce que la demanderesse pourrait tirer des comptes de
la Financière Y.________ par rapport à l'action en revendica-
tion intentée à Y.________. En effet, l'instruction de la
cause établit que le dessin de Matisse litigieux a été
acquis
sur la base d'un contrat en bonne et due forme indiquant que
cette oeuvre faisait partie d'un lot de neuf vendues au prix
de 2'500'000 FF, et que sa valeur avait alors été estimée

entre 700'000 FF à 800'000 FF par les parties contractantes.
L'autorité cantonale a dès lors considéré qu'il n'y avait
pas
matière à annuler l'ordonnance préparatoire du 18 février
2000 ni à tenir pour avéré que le prix réel du dessin liti-
gieux aurait été de 250'000 FF (arrêt attaqué, consid. 3).

c) Sur le fond, la cour cantonale a tenu pour cons-
tants les faits relatés sous lettre B ci-dessus, retenant en
particulier que le dessin de Matisse litigieux avait été
vendu à la Financière Y.________ pour un prix oscillant
entre
700'000 FF et 800'000 FF (arrêt attaqué, consid. 5). Elle a
considéré que les relations juridiques qui liaient la deman-
deresse à Z.________ respectivement à la galerie de ce der-
nier devaient être qualifiées en droit français - au regard
duquel devait être examinée la question de l'acquisition par
le défendeur d'un droit réel sur l'oeuvre litigieuse (art.
100 al. 1 LDIP) - de dépôt-vente, analysé comme constituant
une vente sous condition suspensive. Il fallait donc consi-
dérer que, sur le plan contractuel, Z.________ avait le
droit
de disposer de la chose que lui avait confiée la demanderes-
se, qu'il l'avait valablement vendue à la Financière
Y.________ et que la seule obligation qui lui incombait à ce
stade de l'affaire était de payer le prix de 700'000 FF à
800'000 FF à la demanderesse, étant observé que le prix fixé
par les parties contractantes au dépôt-vente était approxima-
tif (arrêt attaqué, consid. 6).

Dès lors que Z.________ ou sa galerie étaient habi-
lités à vendre le dessin de Matisse litigieux et que cette
vente était par ailleurs intervenue à des conditions norma-
les, correspondant alors à celles du marché et très proches
du prix estimé par la demanderesse - ce qui ne permettait
pas
d'envisager un abus de droit de la part de Z.________ ou de
sa galerie -, la cour cantonale a estimé qu'il n'y avait pas
matière à référence à l'art. 933 CC, contrairement à ce que
soutenait la demanderesse. Au surplus, la Financière

Y.________, puis Y.________ devaient de toute manière être
considérés comme des acquéreurs de bonne foi au sens de
l'art. 933 CC, eu égard notamment au fait qu'ils avaient re-
quis et obtenu des documents attestant l'acquisition réguliè-
re des oeuvres
par Z.________ ou sa galerie. La cour canto-
nale a en conséquence retenu que la Financière Y.________,
puis Y.________ avaient valablement acquis le dessin de Ma-
tisse primitivement vendu à la demanderesse, celle-ci ne pou-
vant s'en prendre en définitive qu'à Z.________ qui n'avait
pas exécuté l'obligation lui incombant en vertu du dépôt-
vente conclu selon attestation du 11 janvier 1991 (arrêt
attaqué, consid. 7).

3.- a) Selon la recourante, les juges cantonaux
auraient fait une application arbitraire de l'art. 240 al. 3
LPC/GE en refusant l'audition des témoins Chavaux et
Chevrier
(cf. consid. 2a supra). Ils auraient ainsi omis de
considérer
la ratio legis de cette disposition, qui serait d'empêcher
la
partie défenderesse de faire rebondir les enquêtes indéfini-
ment dans un but dilatoire. De plus, la recourante ne
pouvait
pas avoir connaissance en temps utile, à savoir avant la
date
du dépôt de la liste en prorogation d'enquêtes, du nom des
véritables administrateurs et liquidateurs de la Galerie
Z.________. Le nom d'Hubert Lafont lui avait été indiqué par
Z.________ lui-même, dont elle n'avait aucune raison de
mettre en doute les dires, et elle n'avait aucun moyen d'ins-
tiguer pour en obtenir confirmation. La cour cantonale
aurait
également omis de manière arbitraire de tenir compte des cir-
constances propres à l'audition des témoins à Genève, où les
dispositions légales et les règles déontologiques en la ma-
tière prohibaient tout contact avec un témoin. Enfin, les ju-
ges cantonaux auraient omis de prendre en considération le
fait que la nature particulière de la mesure de commission
rogatoire pose souvent des problèmes en cas de désignation
inexacte du témoin à entendre hors du canton et qu'il con-
vient alors en principe de donner à la partie qui a produit

le témoin la possibilité de rectifier l'inexactitude (Bertos-
sa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 3 ad art. 246 LPC/
GE): a fortiori aurait-il dû en aller de même en l'espèce,
s'agissant non de la désignation inexacte d'un témoin, mais
de l'audition ès qualités de l'administrateur ou du liquida-
teur judiciaire de la Galerie Z.________.

b) Ces griefs doivent être écartés. Certes, les
commentateurs de la LPC/GE admettent que la nature parti-
culière de la mesure de commission rogatoire pose souvent
des
problèmes en cas de désignation inexacte du témoin à
entendre
hors du canton, notamment d'indication d'une fausse adresse,
et qu'il convient alors en principe de donner à la partie
qui
a produit le témoin la possibilité de rectifier l'inexactitu-
de (cf. SJ 1980 p. 575); ils précisent toutefois aussitôt
que
le juge peut refuser de décerner une nouvelle commission
rogatoire s'il apparaît que la partie connaît ou aurait dû
connaître l'erreur ayant entraîné l'inexécution de la
requête
(Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 3 ad art. 246
LPC/GE). Or la recourante échoue à démontrer qu'elle
n'aurait
pas dû connaître l'erreur qui a entraîné l'inexécution de la
requête de commission rogatoire, se bornant pour l'essentiel
à affirmer le contraire sans véritablement l'étayer. Elle ne
précise pas non plus quelles dispositions légales ou règles
déontologiques empêcherait une partie à un procès de
vérifier
qu'un témoin dont elle entend demander l'audition en sa qua-
lité d'administrateur ou liquidateur judiciaire d'une
société
le soit effectivement (cf. l'art. 13 des Us et coutumes du
Barreau genevois, qui prévoit que "[l]'avocat doit s'interdi-
re de discuter avec un témoin de sa déposition et de l'in-
fluencer de quelque manière que ce soit"). Enfin, si l'art.
240 al. 3 LPC/GE a bien pour but d'éviter que les enquêtes
rebondissent indéfiniment (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt,
op. cit., n. 3 ad art. 240 LPC/GE), il n'en résulte pas
qu'il
soit inapplicable à la demanderesse, le défendeur ayant
aussi

un intérêt évident à ne pas demeurer indéfiniment dans l'in-
certitude sur le sort du litige.

4.- a) La recourante reproche également à la cour
cantonale d'avoir arbitrairement refusé de faire application
de l'art. 186 al. 2 LPC/GE pour le motif que la Financière
Y.________ est un tiers par rapport à Y.________ (cf.
consid.
2b supra). Elle expose que les comptes requis ne le sont pas
de la Financière Y.________, dont on ignore tout de l'exis-
tence voire de la structure juridique, mais du défendeur -
qui avait au surplus pris l'engagement de les produire (cf.
lettre D supra) avant de se raviser en invoquant le secret
des affaires -, de sorte qu'il y a lieu d'appliquer l'art.
186 al. 2 LPC/GE. La production de ces comptes serait en
effet capitale pour l'issue du litige dès lors qu'elle de-
vrait prouver que le dessin litigieux a été acquis pour
250'000 FF au maximum, et qu'à ce prix-là, le défendeur ne
peut se prévaloir d'un quelconque droit sur ledit dessin. La
conclusion insoutenable de l'autorité cantonale reviendrait
à
accepter qu'un homme d'affaires avisé n'ait pas à produire
des pièces utiles à la solution du litige simplement parce
que les opérations qu'il fait pour son compte le sont sous
couvert de sociétés écran; a fortiori cela devrait-il être
exclu lorsqu'il s'agit d'une société de personnes dont les
associés ont par essence le droit de consulter les livres et
papiers.

b) Même si l'on devait considérer que les pièces
requises le sont du défendeur lui-même et non d'un tiers,
l'arrêt attaqué n'apparaît pas arbitraire en tant qu'il refu-
se de tenir pour avéré, sur la seule base de l'art. 186 al.
2
LPC/GE, le fait que le dessin litigieux aurait en réalité
été
acquis pour 250'000 FF. En effet, la cour cantonale a exposé
de manière circonstanciée les éléments - en particulier la
déposition faite par Z.________ lors de son audition sous la
foi du serment le 2 février 1999 - qui l'ont conduite à rete-

nir que le dessin de Matisse litigieux avait été vendu à la
Financière Y.________ pour un prix oscillant entre 700'000
FF
et 800'000 FF, le lot de neuf pièces étant acquis pour un
prix de 2'500'000 FF (arrêt attaqué, consid. 5; cf. consid.
2c supra). L'autorité cantonale ne se trouvait ainsi pas
dans
la situation classique visée par l'art. 186 al. 2 LPC/GE,
dans laquelle le refus d'une partie de produire une pièce
utile à la solution du litige constitue l'unique élément
dont
dispose le juge pour décider si le fait allégué par la
partie
adverse peut être tenu pour avéré. En l'espèce, les juges
cantonaux disposaient au contraire, pour constater le prix
de
vente effectif du dessin litigieux, d'autres éléments de
preuve que le seul refus du défendeur de produire - pour au-
tant que l'on pût le lui imposer - les comptes de la Finan-
cière Y.________. En appréciant l'ensemble de ces éléments,
la cour cantonale a ainsi procédé à une véritable apprécia-
tion des preuves, dont la recourante ne démontre pas le ca-
ractère arbitraire.

5.- En conclusion, le recours se révèle mal fondé et
doit par conséquent être rejeté. La recourante, qui
succombe,
supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y
a en revanche pas lieu d'allouer de dépens dès lors que l'in-
timé n'a pas été invité à répondre au recours et n'a ainsi
pas assumé de frais pour la procédure devant le Tribunal fé-
déral (Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, Vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met un émolument judiciaire de 6'000 fr. à la
charge de la recourante.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 2 avril 2001
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.51/2001
Date de la décision : 02/04/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-02;5p.51.2001 ?
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