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02/04/2001 | SUISSE | N°4P.149/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 avril 2001, 4P.149/2000


«/2»

4P.149/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

2 avril 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

R.________, représenté par Me Grégoire Rey, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 4 avril 2000 par la Cour d'appel de la ju-
ridiction des prud'hommes du canton de Genève dans la cause
qui oppose le recoura

nt à M.________, représenté par Me
Jean-Charles Sommer, avocat à Genève, et à la Caisse canto-
nale genevoise de chômage, à ...

«/2»

4P.149/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

2 avril 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

R.________, représenté par Me Grégoire Rey, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 4 avril 2000 par la Cour d'appel de la ju-
ridiction des prud'hommes du canton de Genève dans la cause
qui oppose le recourant à M.________, représenté par Me
Jean-Charles Sommer, avocat à Genève, et à la Caisse canto-
nale genevoise de chômage, à Genève;

(appréciation arbitraire des preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- R.________, qui exploite une entreprise de
carrelage et de maçonnerie, a engagé M.________ le 28 sep-
tembre 1998 comme maçon, puis carreleur en formation. Le
dernier salaire brut de M.________ était de 26 fr. l'heure
pour 8,5 heures par jour, soit 3162 fr.85 pour janvier 1999
et 3172 fr.60 pour février 1999.

M.________ a travaillé jusqu'au 25 février 1999; il
n'a pas travaillé le vendredi 26 février 1999. Le 1er mars
1999, il était malade. Le lendemain, R.________ n'a pas
donné
de travail à M.________ et lui a dit de revenir le 8 mars
1999; le 11 mars 1999, R.________ a demandé au travailleur
de
revenir le 15 mars suivant. Ce jour-là, M.________ a travail-
lé le matin. Depuis lors, il n'a plus retravaillé pour
R.________.

Le 15 mars 1999, M.________ a reçu un certificat
médical du Dr Y.________ attestant une incapacité de travail
complète d'une durée indéterminée. Le 25 mars 1999, le Dr
X.________ a établi un certificat médical attestant l'inca-
pacité de travail de M.________ pendant deux semaines.

Le 26 mars 1999, le travailleur, représenté par son
syndicat, a demandé à R.________ le paiement du salaire du
mardi 2 mars au vendredi 12 mars 1999 (art. 63 al. 2 OJ).

Le 12 avril 1999, M.________, par l'entremise de
son syndicat, a donné son congé immédiat pour juste motif,
car R.________ ne lui avait pas fourni de travail du 2 au 12
mars 1999. Il a réclamé le salaire afférent à cette période,
ainsi que le salaire correspondant au délai de congé ordi-

naire, de même que le treizième salaire et les vacances pro-
rata temporis.

La SUVA a versé à M.________ des indemnités jour-
nalières de 125 fr.95 du 17 mars au 2 mai 1999.

M.________ a été au chômage du 3 au 24 mai 1999. Il
a commencé un travail chez un autre employeur dès le 25 mai
1999.

B.- Le 31 mars 1999, M.________ a déposé contre
R.________ une demande en paiement de 9567 fr.15, intérêts
en
sus, somme représentant 9 jours de travail du 2 au 12 mars
1999, 21 jours pendant le délai de congé (mai 1999), des
jours fériés, le treizième salaire et des vacances prorata
temporis.

Le 23 juillet 1999, le défendeur a formé une deman-
de reconventionnelle, en concluant au paiement de 541 fr.10
à
titre d'indemnité pour abandon d'emploi injustifié.

La Caisse cantonale genevoise de chômage a déclaré
se subroger dans les droits du demandeur à concurrence de
2838 fr.25 plus intérêts à 5% l'an dès le 9 juin 1999, repré-
sentant les allocations de chômage afférentes au mois de mai
1999.

Par jugement du 29 septembre 1999, le Tribunal des
prud'hommes de Genève a débouté le demandeur et la Caisse de
chômage de toutes leurs conclusions. Il a admis que le deman-
deur avait abandonné son emploi le 12 mars 1999.

Par arrêt du 4 avril 2000, la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève, saisie par
le demandeur, a annulé ce jugement et condamné le défendeur
à
verser: a) au demandeur, 5123 fr.70 plus intérêts à 5% l'an

dès le 31 mai 1999; b) à la Caisse cantonale genevoise de
chômage 2838 fr.25 plus intérêts à 5% l'an dès le 9 juin
1999.

C.- R.________ interjette au Tribunal fédéral,
parallèlement, un recours de droit public et un recours en
réforme. Dans son recours de droit public, il conclut à
l'annulation de l'arrêt précité, la cause étant renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

M.________ conclut au rejet du recours dans la me-
sure de sa recevabilité, de même que la Caisse cantonale ge-
nevoise de chômage.

L'autorité cantonale déclare s'en remettre aux con-
sidérants de son arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Selon la règle générale de l'art. 57 al. 5
OJ, le recours de droit public sera examiné en premier lieu.

b) Le Tribunal fédéral contrôle d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126
I 207 consid. 1; 126 II 506 consid. 1; 126 III 485 consid.
1).

Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fé-
déral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invo-
qués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90
al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b et les références;
cf. également ATF 110 Ia 1 consid. 2a).

Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espè-
ce, le recours de droit public n'est qu'une voie de
cassation
et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée
(ATF 125 II 86 consid. 5a; 124 I 231 consid. 1d; 123 I 87
consid. 5). Lorsque le recourant, outre l'annulation de la
décision déférée, requiert le renvoi de la cause à
l'autorité
cantonale pour qu'elle se prononce à nouveau dans le sens
des
considérants, il prend une conclusion inutile, dans la
mesure
où l'admission du recours de droit public obligerait précisé-
ment l'autorité cantonale de dernière instance à statuer en
tenant compte des considérants de l'arrêt du Tribunal
fédéral
(ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb).

2.- Le recourant se plaint sous divers angles de
l'arbitraire de la décision attaquée.

Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas
du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en consi-
dération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédé-
ral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci
est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contra-
diction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gra-
vement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou enco-
re lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de
la
justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée
pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation
formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 126 I 168 con-
sid. 3a; ATF 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129
consid. 5b).

S'agissant plus précisément de l'appréciation des
preuves, le juge tombe dans l'arbitraire si, sans raison sé-
rieuse, il omet de prendre en considération un élément impor-
tant propre à modifier la décision, s'il se fonde sur un
moyen manifestement inapte à apporter la preuve, s'il a, de

manière évidente, mal compris le sens et la portée d'un
moyen
de preuve ou encore si, sur la base des éléments réunis, il
a
fait des déductions insoutenables. Le grief tiré de l'appré-
ciation arbitraire des preuves ne peut être pris en considé-
ration que si son admission est de nature à modifier le sort
du litige, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il vise une consta-
tation de fait n'ayant aucune incidence sur l'application du
droit.

3.- La Cour d'appel a jugé que la lettre de rési-
liation avec effet immédiat adressée au recourant par le syn-
dicat de l'intimé devait être interprétée comme une lettre
de
résiliation ordinaire du contrat.

Le recourant considère cette interprétation comme
insoutenable.

La cour cantonale n'a pas posé une constatation de
fait quant à la volonté intime du recourant, mais a qualifié
juridiquement la manifestation de volonté contenue dans la
lettre du 12 avril 1999. La question de savoir si cette qua-
lification est correcte relève de l'application du droit fé-
déral. Le grief est donc irrecevable dans le cadre d'un re-
cours de droit public, vu le caractère subsidiaire de ce der-
nier (art. 84 al. 2 OJ).

4.- a) La Cour d'appel a constaté que, le 2 mars
1999, le défendeur a dit à l'intimé de revenir le 8 mars
1999
et que, le 11 mars suivant, le recourant n'a pas donné de
travail à l'intimé et lui a demandé de se présenter à
nouveau
le 15 mars 1999.

Selon le recourant, ces constatations seraient ar-
bitraires. En effet, à le suivre, l'intimé se serait absenté
volontairement du 2 au 15 mars; vu cette absence fautive, il
n'aurait aucun droit à son salaire.

Le recourant se borne à opposer sa version des
faits aux constatations de la cour cantonale. Il ne tente
pas
de montrer en quoi ces constatations seraient insoutenables.
Ses griefs sont donc irrecevables (art. 90 al. 1 let. b OJ).
Supposé qu'ils soient recevables, lesdits griefs
devraient de toute façon être entièrement rejetés.

b) aa) Le recourant invoque des moyens parfaitement
impropres à démontrer que la cour cantonale serait tombée
dans l'arbitraire, soit, en particulier, les affirmations
qu'il a formulées devant les juges précédents ou dans la
correspondance produite, les constatations du Tribunal des
prud'hommes écartées par la Cour d'appel, un avis de saisie
de salaire dont il ne ressort nullement que l'intimé n'avait
plus envie de travailler ou le témoignage du témoin
Bertheux,
dont il ne résulte pas non plus que l'intimé se serait sous-
trait à son obligation de travailler.

bb) Selon le recourant, il découlerait du témoigna-
ge S.________ (procès-verbal de l'audience du 29 septembre
1999, p. 3) que les heures non effectuées devaient être con-
sidérées comme compensation pour des heures supplémentaires
passées ou futures.

Cette affirmation du recourant est fausse, puisque
le témoin a dit: "Si on voulait compenser les heures supplé-
mentaires accumulées auparavant, il fallait le faire". Il
est
donc exclu de considérer que la dispense de travailler formu-
lée par le recourant ait eu pour but de rattraper des heures
supplémentaires futures, si tant est (ce que le recourant ne
démontre pas) qu'un tel rattrapage anticipé ait été possible
selon le contrat de travail de l'intimé.

cc) Le recourant prétend que les juges cantonaux
seraient tombés dans l'arbitraire en se refusant à constater

qu'il aurait donné l'ordre à l'intimé de ranger le dépôt
dans
la période du 8 au 12 mars 1999.

Toutefois, à l'appui de sa thèse, il n'invoque que
ses propres affirmations, qui sont manifestement impropres à
démontrer l'arbitraire.

dd) Le recourant prétend inutilement que le deman-
deur n'aurait pas prouvé son incapacité de travail, puisque,
selon la cour cantonale, l'inexécution de son travail, par
l'intimé, a pour cause la demeure de l'employeur selon
l'art.
324 CO et non pas un empêchement de travailler selon l'art.
324a CO.

ee) Enfin, le grief selon lequel l'intimé n'aurait
pas mis en demeure le recourant de l'occuper est de toute
évidence mal fondé, puisqu'il est établi que le travailleur
a
offert en vain ses services les 2 et 11 mars 1999.

5.- Il suit de là que le recours doit être rejeté
dans la mesure où il est recevable. La procédure est gratui-
te, puisque la valeur litigieuse, déterminée selon la préten-
tion du demandeur au moment de l'ouverture de l'action (ATF
115 II 30 consid. 5b), ne dépasse pas 20 000 fr. (art. 343
al. 2 et 3 CO); le principe de la gratuité vaut pour tous
les
degrés de juridiction, y compris pour la procédure devant le
Tribunal fédéral, même saisi d'un recours de droit public
(ATF 98 Ia 561 consid. 6a et les arrêts cités). Des dépens
sont en revanche dus par la partie qui succombe (art. 159
al.
1 OJ; ATF 115 II 30 consid. 5c), lesquels seront arrêtés à
1000 fr. compte tenu de la réponse étique de l'intimé.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciai-
re;

3. Dit que le recourant versera à l'intimé une in-
demnité de 1000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève.

_________

Lausanne, le 2 avril 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.149/2000
Date de la décision : 02/04/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-02;4p.149.2000 ?
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