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02/04/2001 | SUISSE | N°1A.30/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 avril 2001, 1A.30/2001


«/2»

1A.30/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

2 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Mme le Juge
suppléant Pont Veuthey. Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

K.________, représenté par Me François Roger Micheli, avocat
à Genève,

contre

la décision d'extradition prise le 10 janvier 20

01 par l'Of-
fice fédéral de la justice;

(extradition au Royaume d'Espagne; art. 2 et 12 CEExtr.;
art.
2 et 35 EIM...

«/2»

1A.30/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

2 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Mme le Juge
suppléant Pont Veuthey. Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

K.________, représenté par Me François Roger Micheli, avocat
à Genève,

contre

la décision d'extradition prise le 10 janvier 2001 par l'Of-
fice fédéral de la justice;

(extradition au Royaume d'Espagne; art. 2 et 12 CEExtr.;
art.
2 et 35 EIMP; double incrimination; défauts graves de la pro-
cédure)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 8 mai 2000, le bureau d'Interpol à Madrid a
diffusé une demande d'arrestation en vue d'extradition
visant
le ressortissant néerlandais K.________, inculpé de sous-
traction de mineurs au sens des art. 223 et 226 du Code
pénal
espagnol (CPE), selon le mandat d'arrêt international
décerné
le 2 mai 2000 par le Juge d'instruction de Torremolinos.

Le 21 septembre 2000, l'Office fédéral de la justice
(ci-après: l'Office fédéral) a ordonné l'arrestation immédia-
te de K.________, intercepté le matin même à la douane de
Bardonnex.

Entendu le 21 septembre 2000 par le Juge d'instruc-
tion du canton de Genève, K.________ a reconnu être la per-
sonne recherchée; il s'est opposé à son extradition.

Le 22 septembre 2000, l'Office fédéral a décerné un
mandat d'arrêt extraditionnel contre K.________, placé en dé-
tention à la prison de Champ-Dollon. Ce mandat a été notifié
le 26 septembre 2000 à K.________, qui a confirmé son refus
d'être extradé.

Le 20 octobre 2000, l'Ambassade du Royaume d'Espagne
à Berne a présenté au Département fédéral de justice et po-
lice une demande formelle d'extradition fondée sur la Conven-
tion européenne d'extradition, conclue à Paris le 13
décembre
1957, entrée en vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse et le
5 août 1982 pour l'Espagne (CEExtr.; RS 0.353.1). Cette de-
mande était présentée pour les besoins de la procédure ou-
verte par le Juge d'instruction de Torremolinos contre
K.________, inculpé de contrainte et d'enlèvement de
mineurs,
infractions réprimées par les art. 172 et 223 CPE. Etaient
joints à la demande une requête adressée par le Juge d'ins-
truction au Ministère des affaires étrangères de l'Etat re-
quérant; un mandat ("requisitoria") du 25 septembre 2000; la
copie d'une ordonnance sur mesures provisionnelles rendue le
26 novembre 1998; la décision ("auto") du 25 septembre 2000,
par laquelle le Juge d'instruction espagnol a ordonné l'ar-
restation de K.________; la copie de la requête adressée le
25 septembre 2000 par le Juge d'instruction au Bureau d'In-
terpol à Madrid, en vue de l'extradition de K.________; la
traduction française des art. 172 et 223 CPE. Selon le
mandat
("requisitoria") du 25 septembre 2000, K.________ avait vécu
maritalement avec la ressortissante espagnole R.________. De
cette relation étaient nées J.________, le 13 février 1994,
et E.________, le 22 juin 1996. Le 21 août 1998, K.________
avait quitté le domicile de R.________ avec ses deux filles,
pour ne pas reparaître.

Par note verbale du 26 octobre 2000, l'Ambassade
d'Espagne a remis à l'Office fédéral, à sa demande, une
copie
du mandat d'arrêt du 2 mai 2000.

Le 8 novembre 2000, elle a remis à l'Office fédéral,
à sa requête, une copie des dispositions espagnoles
relatives
à la prescription, ainsi qu'une traduction du mandat d'arrêt
du 2 mai 2000.

Par arrêt du 5 décembre 2000, la Chambre d'accusa-
tion du Tribunal fédéral a admis le recours formé par
K.________ contre le rejet par l'Office fédéral de sa
demande
de libération provisoire. Elle a ordonné celle-ci moyennant
le versement d'une caution de 1'000'000 de francs, le dépôt
par K.________ de ses papiers d'identité et l'obligation
pour
lui de se soumettre à un contrôle de présence (procédure
8G.66/2000).

Le 10 janvier 2001, l'Office fédéral a accordé l'ex-
tradition de K.________ à l'Espagne. Il a considéré, en
bref,
que l'exposé des faits joint à la demande serait complet et
la condition de la double incrimination remplie. Les faits
ne
seraient pas prescrits en Espagne. La procédure dans l'Etat
requérant serait conforme aux normes de la CEDH et ne présen-
terait pas, pour le surplus, de défauts graves.

B.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, K.________ demande principalement au Tribunal fé-
déral d'annuler la décision du 10 janvier 2001, subsidiaire-
ment de renvoyer la cause à l'Office fédéral pour nouvelle
décision précisant les faits et dispositions pour lesquels
l'extradition serait accordée. Il allègue que la condition
de
la double incrimination ne serait pas respectée et que la
procédure dans l'Etat requérant présenterait des défauts gra-
ves au sens de l'art. 2 let. a et d de la loi fédérale sur
l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981
(EIMP; RS 351.1).

L'Office fédéral conclut au rejet du recours, dans
la mesure où il serait recevable.

Invité à répliquer, le recourant a maintenu ses
conclusions.

C.- Le 29 mars 2001, le recourant a averti son man-
dataire qu'il avait décidé de quitter la Suisse. Il ne s'est
pas présenté à la police de Gstaad pour le contrôle hebdoma-
daire de son séjour en Suisse.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le fait que le recourant ait profité de sa libé-
ration provisoire pour se soustraire à la procédure d'extra-
dition ne signifie pas pour autant que celle-ci aurait perdu
son objet. En effet, l'Etat requérant n'a pas retiré sa de-
mande et il existe un intérêt public à ce que soit tranché
le
point de savoir si, comme le soutient le recourant, des mo-
tifs s'opposent à son extradition (cf. consid. 1 non publié
de l'ATF 109 Ib 317).

2.- a) L'extradition entre la Suisse et l'Espagne
est régie par la CEExtr. L'EIMP et son ordonnance
d'exécution
restent applicables aux questions qui ne sont réglées ni ex-
plicitement ni implicitement par la Convention, ou lorsque
le
droit autonome pose des conditions plus favorables pour l'oc-
troi de l'extradition (ATF 122 II 140 consid. 2, 373 consid.
1a p. 375; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2b
p. 191/192 et les arrêts cités), sous réserve des droits fon-
damentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617).

b) La décision de l'Office fédéral accordant l'ex-
tradition peut faire l'objet d'un recours de droit adminis-
tratif au Tribunal fédéral en vertu de l'art. 55 al. 3 EIMP
mis en relation avec l'art. 25 de la même loi (ATF 122 II
373
consid. 1b p. 375). Le recourant qui peut manifestement se
prévaloir d'un intérêt digne de protection à obtenir l'annu-
lation ou la modification de la décision attaquée a qualité
pour agir au sens de l'art. 21 al. 3 EIMP (ATF 122 II 373
consid. 1b p. 375; 118 Ib 269 consid. 2d p. 275 et les
arrêts
cités).

c) Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation
de la décision attaquée sont recevables (art. 25 al. 6 EIMP;
art. 114 OJ; ATF 122 II 373 consid. 1c p. 375; 118 Ib 269

consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les arrêts
cités). Le Tribunal fédéral examine librement dans quelle me-
sure la coopération internationale doit être prêtée; il sta-
tue avec une cognition pleine sur les griefs soulevés sans
être cependant tenu, comme le serait une autorité de surveil-
lance, de vérifier d'office la conformité de la décision at-
taquée à l'ensemble des dispositions applicables en la ma-
tière (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 199 Ib 56 con-
sid. 1d p. 59). C'est en outre au juge du fond, et non au
juge de l'extradition, qu'il appartient de se prononcer sur
la culpabilité de la personne visée par la demande d'extradi-
tion (ATF 122 II 373 consid. 1c p. 375; 112 Ib 215 consid.
5b
p. 220; 109 Ib 60 consid. 5a p. 63, et les arrêts cités).

Il y a lieu d'entrer en matière.

3.- Le recourant voit un défaut grave de procédure,
au sens de l'art. 2 let. d EIMP, dans le fait que la demande
ne respecterait pas, selon lui, les exigences de forme de
l'art. 12 al. 2 let. a CEExtr. C'est sous l'angle de cette
disposition que doit être examiné le grief.

a) Lorsque, comme en l'espèce, la demande est pré-
sentée pour les besoins de l'instruction d'une cause pénale
avant le jugement, la demande doit être accompagnée de l'ori-
ginal ou de l'expédition authentique d'un mandat d'arrêt ou
de tout autre acte ayant la même force, délivré selon les
formes prescrites par le droit de l'Etat requérant (art. 12
al. 2 let. a CEExtr. et 41 EIMP). Il n'y a cependant pas
lieu
d'être trop exigeant quant aux conditions formelles de la de-
mande, les indications fournies à ce titre devant simplement
suffire pour vérifier que la demande n'est pas d'emblée inad-
missible (ATF 116 Ib 96 consid. 3a p. 101; 115 Ib 68 consid.
3b/aa p. 77).

b) La communication diffusée par le truchement
d'Interpol le 8 mai 2000 se réfère à un mandat d'arrêt décer-
né le 2 mai 2000 par le Juge d'instruction de Torremolinos.
Cette pièce ne figurant pas parmi les annexes à la demande
formelle du 20 octobre 2000, l'Etat requérant en a remis une
copie le 26 octobre 2000, à la requête de l'Office fédéral.
Le 8 novembre 2000, il en a remis une traduction. Ce
document
résume les faits reprochés au recourant, indique les disposi-
tions applicables et la peine encourue. Il ne constitue ce-
pendant pas un mandat d'arrêt, mais uniquement une fiche de
renseignements en vue d'extradition, ce qui n'était pas suf-
fisant au regard de l'art. 12 al. 2 let. a CEExtr.

Ce défaut a été réparé dans le cours ultérieur de la
procédure. A la demande formelle du 20 octobre 2000 était
joint un mandat ("requisitoria") du 25 septembre 2000. Cette
pièce constitue un mandat d'arrêt, au sens de l'art. 512 du
Code de procédure pénale espagnol ("Ley de enjuiciamiento
criminal" - CPPE), disposition à laquelle elle se réfère. En
droit espagnol, la détention préventive ("prision provisio-
nal") est régie par les art. 502 ss CPPE. Lorsque la
personne
recherchée est introuvable, un mandat ("requisitoria") est
notifié aux juges d'instruction dans la juridiction desquels
elle pourrait résider (art. 512 CPPE). Il s'agit là indubita-
blement d'un mandat au sens de l'art. 12 al. 2 let. a CEExtr.

c) La même solution s'impose au regard de la déci-
sion ("auto") du 25 septembre 2000, jointe à la demande.
Après un bref rappel des faits, le Juge d'instruction a con-
sidéré qu'il existerait des "indices raisonnables" que le re-
courant ait commis les infractions reprochées, de sorte
qu'il
convenait d'ordonner son arrestation pour les besoins de la
procédure d'extradition. Cette décision doit être tenue au
moins pour un acte équivalent à un mandat d'arrêt, au sens
de
l'art. 12 al. 2 let. a CEExtr. Sur le vu de cette pièce, il
ne fait en effet guère de doute que le recourant, s'il avait

pu être repéré sur le territoire espagnol avant de le
quitter
ou s'il y était retourné ultérieurement, aurait pu être
placé
en détention préventive ou en garde à vue. Pour la Suisse
comme Etat requis, cela suffit pour admettre que la demande
n'est pas abusive.

Le recourant objecte à cela que la décision du 25
novembre 2000 ne serait pas conforme aux prescriptions du
droit espagnol régissant le mandat d'arrêt.

Les art. 824 ss CPPE régissent la procédure à suivre
pour la présentation d'une demande d'extradition. Selon
l'art. 825 CPPE, pour que l'extradition en vue de jugement
puisse être demandée, une décision de mise en détention
("auto motivado de prision") est nécessaire. Le recourant
soutient qu'à cet égard la décision du 25 novembre 2000 ne
respecterait pas les conditions de forme posées par l'art.
504bis n° 2 CPPE pour la décision de mise en détention,
faute
de l'audience contradictoire préalable qu'exige cette norme.

Selon l'art. 503 CPPE, la détention préventive peut
notamment être ordonnée si un délit a été commis et s'il
existe des éléments suffisants pour imputer celui-ci à la
personne contre laquelle la détention préventive est pronon-
cée. L'art. 504 al. 1 CPPE prévoit la possibilité d'ordonner
la détention préventive lorsque ces conditions visées à
l'art. 503 CPPE sont remplies et que, sans motif légitime,
l'inculpé n'a pas répondu à la citation à comparaître devant
le juge. Or, tel était le cas en l'espèce, le recourant
ayant
abandonné le territoire de l'Etat requérant avant son incul-
pation. Quant à l'art. 504bis n° 2 CPPE, invoqué par le
recourant, il régit un stade ultérieur de la procédure. Il
prévoit en effet qu'après que la personne détenue lui a été
présentée et à l'issue de l'audience contradictoire, le juge
décide de la levée de la détention provisoire ou de la
prolongation de celle-ci. Cette disposition n'était pas
applicable en l'espèce, puisque le recourant n'a jamais pu
être déféré au juge. La décision du 25 novembre 2000 pouvait
ainsi constituer le titre de détention auquel se réfère
l'art. 825 CPPE. Au demeurant, la solution préconisée par le
recourant aboutirait au résultat absurde qu'en l'absence de
l'inculpé, le juge espagnol ne pourrait jamais émettre le
mandat d'arrêt ou l'acte assimilé nécessaire à la procédure
d'extradition régie par la CEExtr.

4.- Selon le recourant, la condition de la double
incrimination ne serait pas réalisée, tant au regard du
droit
espagnol que du droit suisse.

a) Donnent lieu à extradition les faits réprimés se-
lon le droit de l'Etat requis et de l'Etat requérant,

frappés
d'une peine privative de liberté d'un an au moins (art. 2
al.
1 CEExtr. et 35 al. 1 let. a EIMP). Pour que la condition de
la double incrimination soit remplie sous cet aspect, il
faut
que l'état de fait exposé dans la demande corresponde aux
éléments constitutifs objectifs d'une infraction réprimée
par
le droit suisse, à l'exclusion des conditions particulières
en matière de culpabilité et de répression (ATF 124 II 184
consid. 4b p. 186-188; 122 II 422 consid. 2a p. 424; 118 Ib
448 consid. 3a p. 451; 117 Ib 64 consid. 5c p. 90; 116 Ib 89
consid. 3c/bb p. 94/95; 112 Ib 576 consid. 11 b/bb p. 594/
595). Il n'est ainsi pas nécessaire que les faits incriminés
revêtent, dans les deux législations concernées, la même qua-
lification juridique, qu'ils soient soumis aux mêmes condi-
tions de punissabilité ou passibles de peines équivalentes;
il suffit qu'ils soient réprimés dans les deux Etats comme
des délits donnant lieu ordinairement à la coopération inter-
nationale (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc p. 188; 117 Ib 337
consid. 4a p. 342; 112 Ib 225 consid. 3c p. 230 et les
arrêts
cités).

b) Il ressort clairement de la demande que le recou-
rant est poursuivi en Espagne pour avoir emmené avec lui à
l'étranger ses filles sans l'accord de leur mère, d'une
part,
et de ne pas les avoir restituées à celle-ci après que la
garde lui en eut été confiée, d'autre part. De ce fait, le
recourant serait passible des peines prévues par les art.
172
et 223ss CPE, ce qu'il conteste.

aa) A teneur de l'art. 172 CPE réprimant la con-
trainte, celui qui, sans droit et en usant de violence, em-
pêche une autre personne d'agir dans un sens que la loi n'in-
terdit pas, ou le contraint à commettre des actes légaux ou
illégaux dont elle ne veut pas, sera puni d'une peine de pri-
son allant de six mois à trois ans ou d'une amende corres-
pondante de six mois à deux ans, selon la gravité de la con-
trainte ou des moyens employés. Lorsque le but de la con-
trainte est d'empêcher l'exercice d'un droit fondamental, la
peine la plus lourde sera prononcée, sauf si les mêmes faits
sont punis plus sévèrement par une autre disposition de ce
code.

Se référant aux avis émis par l'Institut suisse de
droit comparé et par José Manuel Gomez Benitez, Professeur
de
droit pénal à l'Université Carlos III de Madrid, le
recourant
soutient que les conditions d'application de l'art. 172 CPE
ne seraient pas remplies. Il fait valoir, en bref, qu'il
n'aurait pas fait usage de la force pour emmener ses filles
avec lui et que l'art. 172 CPE ne serait pas, selon la juris-
prudence espagnole, applicable au parent cotitulaire du
droit
de garde, ce qui exclurait, partant, le caractère illicite
de
l'acte reproché.

Que le recourant ait agi sans violence à l'égard de
ses filles n'est pas prouvé et n'a pas à l'être à ce stade
de
la procédure, car il s'agit d'une question relevant du fond.
En outre, il ne ressort pas, de manière évidente, de l'art.

172 CPE que cette norme ne serait pas applicable à un parent
empêchant ses enfants de voir l'autre parent, ou empêchant
l'autre parent de voir leurs enfants, ou refusant de se sou-
mettre à l'ordre de restituer les enfants à l'autre parent.
La jurisprudence espagnole (du moins celle citée par le re-
courant) semble l'exclure, mais cette conclusion ne s'impose
impérieusement au regard du texte légal. L'avis de
l'Institut
suisse de droit comparé, du 30 janvier 2001, plus nuancé que
ce qu'en dit le recourant, parle à ce propos d'une "incerti-
tude juridique". De toute manière, ce point de droit ressor-
tit à la compétence du juge du fond et non du juge de l'ex-
tradition. Savoir si le recourant - qui n'est pas marié avec
leur mère - est titulaire d'un droit de garde sur ses
filles,
selon le droit espagnol, n'est pas acquis, contrairement à
ce
que prétend le recourant et admet l'Office fédéral. Sans dou-
te l'ordonnance du 26 novembre 1998, tranchant ce point en
faveur de la mère est-elle postérieure aux faits commis le
21
août 1998. Le recourant ne peut cependant pas en déduire,
comme il le fait, qu'il était cotitulaire du droit de garde
sur ses filles à l'époque de leur enlèvement, ou qu'il était
libre de les soustraire à leur mère en les emmenant à
l'étranger. Quoi qu'il en soit, même si l'on admettait que
les faits litigieux pourraient ne pas tomber pas sous le
coup
de l'art. 172 CPE, la condition de la double incrimination
serait de toute manière remplie sous un autre aspect.

bb) Aux termes de l'art. 223 CPE, celui qui a la
charge d'un enfant mineur ou d'un incapable, et qui, sans
justification, ne le présente pas à ses parents ou
curateurs,
qui le réclament, sera puni de six mois à deux ans d'empri-
sonnement, sous réserve que les faits constituent un délit
plus grave.

Le recourant soutient qu'un parent ne pourrait être
l'auteur de cette infraction et que ferait défaut la mise en
demeure requise par l'art. 223 CPE. Il se réfère à cet égard

spécialement à l'avis du Professeur Gomez Benitez, du 31 jan-
vier 2001. Le libellé de l'art. 223 CPE n'exclut pas, de ma-
nière évidente, que le parent puisse être assimilé à la per-
sonne qui à la charge de l'enfant, au sens de cette disposi-
tion. Si, comme le dit l'Institut suisse de droit comparé
dans son avis du 30 janvier 2001, l'art. 223 CPE n'est pas
clair sur ce point, on doit admettre que son application au
parent n'est pas d'emblée exclue. Le recourant sera pour le
surplus libre de faire valoir devant le juge du fond son ar-
gumentation tirée de la jurisprudence relative à l'art. 223
CPE, que l'autorité suisse n'est pas à même d'examiner en dé-
tail.

c) Pour l'Office fédéral, les faits, transposés en
droit suisse, pourraient tomber sous le coup de l'art. 220
CP. La condition de la double incrimination serait remplie
sous cet aspect, ce que conteste le recourant.

Celui qui aura soustrait ou refusé de remettre un
mineur à la personne qui exerce l'autorité parentale ou la
tutelle sera, sur plainte, puni de l'emprisonnement ou de
l'amende (art. 220 CP).

L'art. 220 CP protège le détenteur de l'autorité pa-
rentale (ATF 125 IV 14 consid. 2a p. 15; 118 IV 61 consid.
2a
p. 63, et les arrêts cités). Pour que le délit soit réalisé,
il faut un acte ou une omission qui empêche le détenteur de
l'autorité parentale ou le tuteur de décider du sort du mi-
neur, soit de son lieu de résidence, de son éducation et de
ses conditions de vie (ATF 101 IV 303 consid. 2 p. 304). La
volonté ou le désir du mineur n'est en principe pas détermi-
nant, le bien protégé étant l'exercice de l'autorité paren-
tale et non la liberté du mineur (ATF 101 IV 303 consid. 3
p.
305). Commet ce délit non seulement le conjoint qui emmène
avec lui les enfants dont la garde a été confiée à l'autre
conjoint (ATF 125 IV 14; 110 IV 35 consid. 1c p. 37; 98 IV

35), mais aussi celui des parents qui détient l'autorité pa-
rentale (ATF 95 IV 67). L'arrêt Haffner, invoqué par le re-
courant, n'a pas la portée que celui-ci lui prête. Si cet
arrêt réserve au seul titulaire de l'autorité parentale ou
tutélaire le droit de déposer plainte pour enlèvement de mi-
neur au sens de l'art. 220 CP, c'est uniquement pour exclure
la possibilité que la plainte soit déposée par une autorité
administrative. Pour le surplus, l'arrêt confirme expressé-
ment que les parents sont habilités à déposer plainte en se
fondant sur l'art. 220 CP (ATF 108 IV 22, 25). Lorsque le pa-
rent ne ramène pas à l'autre parent qui détient l'autorité
parentale les enfants après des vacances passées à l'étran-
ger, le délit est réputé commis en Suisse, où le résultat
s'est produit (art. 7 al. 1 CP; ATF 125 IV 14).

Sur le vu de cette jurisprudence, le parent qui
aurait quitté la Suisse pour l'étranger, en emmenant ses
enfants sans l'accord de son conjoint et en refusant de les
lui remettre, pourrait s'exposer aux sanctions prévues par
l'art. 220 CP. Il serait indifférent, à cet égard, que le
parent enlevant les enfants détienne l'autorité parentale,
conjointement avec l'autre parent avec lequel il est marié
(cf. art. 297 al. 1 CC) ou non marié (cf. art. 298a CC), ou
que l'autorité parentale soit attribuée au parent auquel les
enfants ont été enlevés, notamment lorsque, comme en l'es-
pèce, les parents ne sont pas mariés (cf. art. 298 al. 1 CC).

La condition de la double incrimination étant réali-
sée au regard de l'art. 220 CP, il est superflu d'examiner
ce
qu'il en est sous l'angle des art. 181 et 183 ch. 2 CP, ou
de
clarifier sur quels faits et dispositions s'appuie la
demande
à ce propos.

5.- De l'avis du recourant, la procédure ouverte en
Espagne serait affectée d'un défaut grave au sens de l'art.
2
let. a EIMP, aux termes duquel la demande de coopération en

matière pénale est irrecevable s'il y a lieu d'admettre que
la procédure à l'étranger n'est pas conforme aux principes
de
procédure fixés par la CEDH ou par le Pacte ONU II. Le recou-
rant, comme personne dont l'extradition est demandée, a qua-
lité pour soulever ce grief (ATF 125 II 356 consid. 8b p.
365).

a) L'art. 2 EIMP a pour but d'éviter que la Suisse
ne prête son concours, par le biais de l'entraide judiciaire
ou de l'extradition, à des procédures qui ne garantiraient
pas à la personne poursuivie un standard de protection mini-
mal correspondant à celui offert par le droit des Etats démo-
cratiques, défini en particulier par la CEDH ou le Pacte ONU
II, ou qui heurteraient des normes reconnues comme apparte-
nant à l'ordre public international (ATF 126 II 324 consid.
4a p. 326; 125 II 356 consid. 8a p. 364; 123 II 161 consid.
6a p. 166/167, 511 consid. 5a p. 517, 595 consid. 5c p. 608;
122 II 140 consid. 5a p. 142). Dans le domaine de l'extradi-
tion régie par la CEExtr., la jurisprudence a établi le prin-
cipe que les garanties de procédure offertes par la CEDH et
le Pacte ONU II appartiennent à l'ordre public international
et que la Suisse contreviendrait elle-même à ses obligations
internationales en extradant une personne à un Etat où il
existe de sérieux motifs de penser qu'un risque de
traitement
contraire à la CEDH ou au Pacte ONU II menace la personne
poursuivie (ATF 125 II 356 consid. 8a p. 364; 123 II 161 con-
sid. 6a p. 166/167, 511 consid. 5a p. 517, et les arrêts ci-
tés). L'examen des conditions posées par l'art. 2 EIMP impli-
que un jugement de valeur sur les affaires internes de
l'Etat
requérant, en particulier sur son régime politique, sur ses
institutions, sur sa conception des droits fondamentaux et
leur respect effectif, et sur l'indépendance et l'impartiali-
té du pouvoir judiciaire (ATF 126 II 334 consid. 4a p. 326;
125 II 356 consid. 8a p. 364; 123 II 161 consid. 6b p. 167,
511 consid. 5b p. 517, et les arrêts cités). Le juge de la
coopération doit faire preuve à cet égard d'une prudence par-

ticulière. Il ne suffit pas que la personne accusée dans le
procès pénal ouvert dans l'Etat requérant se prétende
menacée
du fait d'une situation politico-juridique spéciale; il lui
appartient de rendre vraisemblable l'existence d'un risque
sérieux et objectif d'une grave violation des droits de
l'homme dans l'Etat requérant, susceptible de la toucher de
manière concrète (ATF 126 II 324 consid. 4a p. 326; 125 II
356 consid. 8a p. 364; 123 II 161 consid. 6b p. 167, 511
consid. 5b p. 517; 122 II 373 consid. 2a p. 377, et les
arrêts cités).

b) Sous l'angle de l'art. 2 let. a EIMP, le recou-
rant expose que la procédure en Espagne ne respecterait pas
le droit d'être jugé dans un délai raisonnable, qui
constitue
un aspect du procès équitable garanti par l'art. 6 par. 1
CEDH. La procédure espagnole ne serait pas davantage
conforme
à l'art. 5 al. 1 let. b, c et f CEDH. Dans sa réplique du 16
mars 2001, le recourant a précisé son grief, limité à l'art.
6 par. 1 CEDH, en faisant valoir que le système judiciaire
espagnol serait excessivement lent, formaliste, bureaucrati-
que, coûteux, complexe et inefficace. Il se réfère sur ce
point notamment à des extraits du rapport spécial du
Tribunal
supérieur de justice pour l'Andalousie (dont dépend Torremo-
linos), Ceuta et Melila, au Livre blanc sur la justice,
ainsi
qu'à une intervention du Ministre de la justice devant une
commission parlementaire. Ces documents mettent en lumière
les difficultés du système judiciaire espagnol, liées notam-
ment à la lenteur des procédures. Il s'agit là toutefois de
constats globaux, qui soulignent aussi la nécessité de
mettre
en oeuvre des réformes, structurelles et organisationnelles,
que le Gouvernement et le Parlement sont décidés à réaliser.
Pour le surplus, le recourant ne prétend pas - à raison -
que
ces textes officiels seraient de nature à démontrer concrète-
ment que la procédure ouverte contre lui dans l'Etat requé-
rant ne respecterait pas les exigences de la CEDH. A cela
s'ajoute que - à l'instar de ce qui prévaut entre les Etats

parties simultanément à la CEEJ et à la CEDH (ATF 126 II 324
consid. 4e p. 328) - le respect de cette Convention par les
Etats parties, comme en l'espèce, à la CEExtr., doit être
présumé. Hormis des allégations très générales, le recourant
n'apporte pas d'éléments propres à renverser cette présomp-
tion.

6.- Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en
sont mis à la charge du recourant (art. 156 OJ). Il n'y a
pas
lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la
charge du recourant.

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire
du recourant et à l'Office fédéral de la justice
(B 116561/01).

Lausanne, le 2 avril 2001
ZIR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.30/2001
Date de la décision : 02/04/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-04-02;1a.30.2001 ?
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