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29/03/2001 | SUISSE | N°5P.38/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 mars 2001, 5P.38/2001


«/2»
5P.38/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

29 mars 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Reeb, président, Bian-
chi et L. Meyer. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ SA, représentée par Me Bruno Mégevand, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 14 décembre 2000 par la première section de
la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui
oppose la recourante à Y.___

_____, intimé, représenté par Me
Antoine Kohler, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; mainlevée provisoire de l'opposition)

...

«/2»
5P.38/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

29 mars 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Reeb, président, Bian-
chi et L. Meyer. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ SA, représentée par Me Bruno Mégevand, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 14 décembre 2000 par la première section de
la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui
oppose la recourante à Y.________, intimé, représenté par Me
Antoine Kohler, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; mainlevée provisoire de l'opposition)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 19 août 1994, X.________ SA (ci-après: la
Banque) a accordé à Y.________ un prêt hypothécaire en pre-
mier rang de 705'000 fr. Ce prêt était garanti par la remise
à titre de sûreté, en pleine propriété, de deux cédules hypo-
thécaires au porteur de respectivement 620'000 fr. et
300'000
fr., grevant en premier et à parité de rang entre elles et
avec une troisième cédule hypothécaire au porteur de 200'000
fr. la villa du débiteur (parcelle n° XXX, Commune de
Genève,
section Petit-Saconnex).

B.- Le 28 juillet 1995, la Banque a accordé à
Y.________ un crédit en compte courant de 200'000 fr., moyen-
nant la remise à titre de sûreté, en pleine propriété, de la
cédule hypothécaire de 200'000 fr. susmentionnée, "selon con-
vention signée le 8 août 1994". Ladite convention indiquait,
notamment, que la propriété de la cédule hypothécaire de
200'000 fr. précitée était transférée à la Banque à titre de
sûreté de toutes les créances que celle-ci détenait à l'en-
contre du preneur de crédit; la Banque était en outre autori-
sée à faire valoir, en lieu et place des créances garanties,
toutes les créances qu'incorporait le titre, le preneur de
crédit reconnaissant expressément qu'il était débiteur du ca-
pital, des intérêts échus de trois années et des intérêts
courants au taux de 10% par année.

La cédule hypothécaire de 200'000 fr. précitée, éta-
blie le 18 septembre 1981, prévoit notamment qu'Y.________
reconnaît devoir au porteur de ladite cédule la somme de
200'000 fr., que le capital de ladite cédule est productif
d'intérêts et amortissable aux conditions convenues avec le
créancier, porteur de ladite cédule, et que le taux maximum
d'intérêts inscrit au registre foncier sera de 10% l'an.

C.- Par courrier du 5 mai 1998, dans lequel elle
indiquait que les intérêts et amortissements n'avaient plus
été payés depuis le 30 septembre 1997, la Banque a dénoncé
au
remboursement immédiat le prêt hypothécaire et le crédit en
compte courant; elle a également dénoncé au remboursement
intégral les trois cédules hypothécaires y relatives, et ce
avec préavis de six mois, soit pour le 5 novembre 1998.

D.- Le 20 janvier 2000, l'Office des poursuites et
faillites Rive-Droite a notifié à Y.________, sur
réquisition
de la Banque et dans la poursuite en réalisation de gage im-
mobilier n° XXX, un commandement de payer les montants de
620'000 fr. avec intérêt à 5,75% l'an dès le 1er avril 1999
(poste 1), 58'100 fr. avec intérêt à 5,75% l'an dès le 1er
avril 1999 (poste 2) et 200'000 fr. avec intérêt à 10% l'an
dès le 14 juin 1997 (poste 3). Le débiteur a fait opposition
à ce commandement de payer en ce qui concerne le poste 3.

E.- Par jugement du 13 juin 2000, le Tribunal de
première instance du canton de Genève a accordé à la Banque
la mainlevée provisoire de l'opposition pour les montants
indiqués dans le commandement de payer, sauf en ce qui con-
cerne le taux d'intérêt sur le montant de 200'000 fr. (poste
3), qu'il a fixé à 5% l'an et ce dès le 1er juillet 1998.

Par arrêt du 14 décembre 2000, la première section
de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel
formé par la Banque contre ce jugement, qu'elle a confirmé.

F.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, la Banque conclut principalement, avec
suite de frais et dépens, à l'annulation de cet arrêt.

L'intimé conclut principalement à l'irrecevabilité
du recours et subsidiairement au rejet de celui-ci.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La décision prononçant ou refusant en dernière
instance cantonale la mainlevée - provisoire ou définitive -
de l'opposition est une décision finale au sens de l'art. 87
OJ qui peut faire l'objet d'un recours de droit public (ATF
120 Ia 256 consid. 1a; 111 III 8 consid. 1; 98 Ia 348
consid.
1, 527 consid. 1 et les arrêts cités; 94 I 365 consid. 3).
Le
recours est par conséquent recevable de ce chef. Les conclu-
sions de la recourante tendant à ce que le Tribunal fédéral
dise que le taux d'intérêt applicable au poste 3 du commande-
ment de payer est de 10% dès le 14 juin 1997 sont toutefois
irrecevables, les conditions d'une exception à la nature cas-
satoire du recours de droit public n'étant pas remplies en
l'espèce (cf. ATF 120 Ia 256 consid. 1b).

2.- Constatant que le débiteur n'avait pas appelé du
jugement de mainlevée et que la Banque ne remettait en cause
que la quotité et le point de départ des intérêts relatifs
au
poste 3 du commandement de payer, la cour cantonale a limité
son examen à ces deux points (arrêt attaqué, consid. 2 in
limine p. 8).

a) S'agissant du taux d'intérêt, les juges cantonaux
ont considéré que même en admettant que la Banque pouvait se
prévaloir de la créance abstraite incorporée dans la cédule
hypothécaire au porteur de 200'000 fr. litigieuse - question
qu'ils ont laissée indécise -, celle-ci, en prévoyant que
"le
taux maximum d'intérêts inscrit au registre foncier sera de
10% l'an", ne faisait qu'indiquer le taux le plus élevé sus-
ceptible d'être appliqué au débiteur de la cédule et non le
taux qui lui était effectivement applicable. Or comme la Ban-
que n'indiquait pas en vertu de quoi c'est le taux maximum
qui s'appliquerait au débiteur, et comme ce dernier n'avait
pas donné son accord à cet égard, c'est le taux légal de 5%

l'an (art. 73 al. 1 CO) qui devait être appliqué en l'occur-
rence (arrêt attaqué, consid. 2b p. 10).

b) La cour cantonale a par ailleurs considéré que
les intérêts couraient depuis la date de l'expiration du
délai de dénonciation de la cédule au remboursement (arrêt
attaqué, consid. 2a p. 9). En l'occurrence, la Banque ayant
dénoncé la cédule litigieuse au remboursement pour le 5
novembre 1998, c'est depuis cette date que les intérêts au-
raient en principe dû courir. Toutefois, le débiteur ayant
déclaré accepter de s'acquitter de ces intérêts depuis le
1er
juillet 1998, c'est sans violer la loi que le premier juge
avait retenu cette date (arrêt attaqué, consid. 2b p. 10).

3.- La recourante se plaint d'arbitraire (art. 9
Cst.) sur la fixation par la cour cantonale tant du taux des
intérêts (cf. consid. 2a supra) que du point de départ de
ceux-ci (cf. consid. 2b supra).

a) Sur le premier point, la recourante reproche aux
juges cantonaux d'avoir statué de manière arbitraire, car en
claire contradiction avec la situation de fait. En effet,
selon eux, la Banque n'aurait pas indiqué en vertu de quoi
l'intimé serait soumis au taux maximum de 10% inscrit au re-
gistre foncier, et le débiteur n'aurait pas donné son accord
à cet égard (cf. consid. 2a supra). Or les juges cantonaux
ont eux-mêmes constaté que par convention signée le 8 août
1994, le débiteur avait autorisé la Banque à faire valoir,
en
lieu et place des créances garanties, toutes les créances
qu'incorporait le titre, et qu'il avait reconnu expressément
être débiteur du capital, des intérêts échus de trois années
et des intérêts courants au taux de 10% par année.

b) En ce qui concerne le point de départ des inté-
rêts réclamés, la recourante se plaint d'une application
arbitraire de l'art. 818 al. 1 ch. 3 CC. Selon elle, il est

arbitraire de retenir, comme l'ont fait les juges cantonaux,
que l'intérêt afférent à la dette incorporée dans une cédule
hypothécaire ne peut être réclamé par le créancier que dès
la
date d'exigibilité du capital. En effet, lorsque les parties
passent une convention par laquelle le débiteur transfère au
créancier la propriété d'une cédule hypothécaire et se recon-
naît débiteur du capital, des intérêts échus de trois années
et des intérêts courants à un taux convenu, elles ne font
que
fixer l'étendue du montant servant au total de sûretés (cf.
ATF 115 II 349 consid. 3 p. 355).

4.- a) La cédule hypothécaire est une créance per-
sonnelle garantie par un gage immobilier (art. 842 CC). Les
parties décident librement si une telle créance porte
intérêt
et - sous réserve des dispositions légales contre l'usure et
des éventuelles dispositions cantonales fixant un taux d'in-
térêt maximal pour les créances garanties par un immeuble
(art. 795 CC) - à quel taux (Steinauer, Les droits réels,
tome III, 2e éd., 1996, n. 2645 s.).

Les parties peuvent augmenter le taux initialement
fixé, mais l'extension légale de la garantie (cf. art. 818
al. 1 ch. 3 CC) aux intérêts supplémentaires n'aura lieu que
si le nouveau taux est inscrit au registre foncier (Steinau-
er, op. cit., n. 2648). Dès lors qu'en vertu de l'art. 818
al. 2 CC, le taux primitif de l'intérêt ne peut toutefois
être porté ultérieurement à plus de 5% sans le consentement
des créanciers postérieurs, les parties conviennent souvent
d'inscrire au registre foncier un taux maximum, par exemple
8% ou 10% (Steinauer, op. cit., n. 2648; Trauffer, Basler
Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch II, 1998, n. 16
ad
art. 818 CC). En pareil cas, le taux des intérêts garantis
selon l'art. 818 al. 1 ch. 3 CC est celui convenu par les
parties dans les limites du taux maximum inscrit au registre
foncier (Trauffer, op. cit., n. 16 ad art. 818 CC).

En l'espèce, il ressort des constatations de fait de
l'arrêt attaqué que les parties ont passé le 8 août 1994 une
convention prévoyant que la propriété de la cédule hypothé-
caire de 200'000 fr. litigieuse était transférée à la Banque
à titre de sûreté de toutes les créances que celle-ci déte-
nait à l'encontre de l'intimé; celui-ci y a autorisé la Ban-
que à faire valoir, en lieu et place des créances garanties,
toutes les créances qu'incorporait le titre, et a reconnu
expressément être débiteur du capital, des intérêts échus de
trois années et des intérêts courants au taux de 10% par
année (arrêt attaqué, p. 5). Dès lors, la Cour de justice ne
pouvait retenir, sans se mettre en contradiction manifeste
avec ces constatations de fait, que les parties n'ont pas
convenu d'un taux d'intérêt de 10%, qui se tient dans les
limites du taux maximum inscrit au registre foncier.

b) Aux termes de l'art. 82 al. 1 LP, le créancier
dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette
constatée par acte authentique ou sous seing privé peut re-
quérir la mainlevée provisoire. Constitue une reconnaissance
de dette, au sens de cette disposition, l'acte authentique
ou
sous seing privé signé par le poursuivi - ou son
représentant
- d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans ré-
serve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisé-
ment déterminable, et échue; elle peut découler du rapproche-
ment de plusieurs pièces, autant que les éléments
nécessaires
en résultent (ATF 122 III 125 consid. 2 in limine et les
références citées).

Dans la convention qu'il a signée le 8 août 1994,
l'intimé a reconnu expressément être débiteur envers la re-
courante du capital de la cédule hypothécaire de 200'000 fr.
litigieuse, des intérêts échus de trois années et des inté-
rêts courants au taux de 10% par année. Quoiqu'une telle
convention apparaisse étrange sur le vu du dossier et
qu'elle
place la Banque dans une position extrêmement favorable en

lui permettant d'invoquer des prétentions nettement supérieu-
res à celles résultant de la créance de base (fondée sur le
contrat de crédit en compte courant), l'intimé ne fait pas
valoir que ladite convention aurait été conclue sous
l'empire
d'un vice de la volonté. Les juges de la mainlevée ne pou-
vaient donc faire autrement que de tenir compte de cette
reconnaissance de dette, dont le texte est clair, non seule-
ment quant au taux des intérêts, mais aussi quant à leur
étendue temporelle: l'intimé s'y reconnaît en effet débiteur
des intérêts échus de trois années, ce qui ne peut être in-
terprété comme signifiant les intérêts moratoires dus depuis
la date de l'expiration du délai de dénonciation de la
cédule
hypothécaire (cf. art. 844 CC). Sur ce point également,
l'arrêt attaqué se révèle ainsi arbitraire.

5.- En définitive, le recours, fondé, doit être
admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué
annulé. L'intimé, qui succombe, supportera les frais judi-
ciaires (art. 156 al. 1 OJ) ainsi que ceux de la recourante
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours dans la mesure où il est receva-
ble et annule l'arrêt attaqué.

2. Met à la charge de l'intimé:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
b) une indemnité de 2'000 fr. à verser à la
recourante à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la première section de la Cour de
justice du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 29 mars 2001
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.38/2001
Date de la décision : 29/03/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-29;5p.38.2001 ?
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