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28/03/2001 | SUISSE | N°I.304/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mars 2001, I.304/00


«AZA 7»
I 304/00 Rl

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 28 mars 2001

dans la cause

B.________, recourant, représenté par Maître Jacques
Philippoz, avocat, Place Maison de la Commune, Leytron,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg,
Impasse de la Colline 1, Givisiez, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- Depuis 1980, B.________ exploite en ra

ison
individuelle une entreprise d'exploitation forestière et de
compostage. Le 6 janvier 1995, il a été victime d'un

accid...

«AZA 7»
I 304/00 Rl

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 28 mars 2001

dans la cause

B.________, recourant, représenté par Maître Jacques
Philippoz, avocat, Place Maison de la Commune, Leytron,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg,
Impasse de la Colline 1, Givisiez, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- Depuis 1980, B.________ exploite en raison
individuelle une entreprise d'exploitation forestière et de
compostage. Le 6 janvier 1995, il a été victime d'un

accident : alors qu'il dévissait un boulon, il a reçu un
objet dans son oeil gauche, ce qui a entraîné une déchirure
choroïdienne du pôle postérieur et une incapacité de
travail du 6 janvier au 9 février 1995.
Le 14 mars 1997, B.________ a déposé une demande de
prestations de l'assurance-invalidité en invoquant des dif-
ficultés visuelles (cf. certificats des docteurs V.________
et M.________, respectivement des 28 août 1995 et 24 mai
1996). Afin d'apprécier les répercussions de ces troubles
sur sa capacité de travail, l'Office de l'assurance-
-invalidité du canton de Fribourg (ci-après : l'office) a
recueilli divers renseignements économiques et procédé à
une enquête à domicile, le 17 février 1998. Il ressort du
procès-verbal dressé à cette occasion qu'avant son acci-
dent, B.________ consacrait 70 % de son temps aux travaux
de terrain contre 30 % à la direction de l'entreprise, dont
le champ d'activité se répartissait alors en trois sec-
teurs : le compostage (40 %), les travaux forestiers (25 %)
et les travaux de stabilisation de terrains et d'entretien
de cours d'eau (35 %). En revanche, consécutivement à son
atteinte à la santé, l'emploi du temps de l'assuré s'est
inversé (il voue 70 % de celui-ci à la direction de
l'exploitation contre 30% seulement sur les chantiers),
tandis qu'il a pratiquement abandonné les secteurs des
travaux forestiers et d'entretien de terrains (lesquels ne
représentent plus que 5,55 % des activités globales de
l'entreprise) au profit de deux nouveaux domaines dont le
tri de déchets urbains (25 %) et le chauffage central à
distance (29,5 %).
Par décision du 13 juillet 1998, l'office a rejeté la
demande de l'assuré, considérant que malgré son handicap,
celui-ci avait recouvré une pleine capacité de travail et
de gain. En tout état de cause, du moment qu'il avait clai-
rement refusé de se soumettre à des mesures d'orientation
professionnelle, il ne pouvait prétendre des prestations de
l'assurance-invalidité.

B.- L'assuré a déféré cette décision au Tribunal admi-
nistratif du canton de Fribourg, en concluant à l'octroi,
par l'assurance-invalidité, d'une aide en capital pour fi-
nancer les frais occasionnés par la réorientation des acti-
vités de son entreprise ainsi qu'à l'allocation d'une rente
d'invalidité. Par jugement du 6 avril 2000, le tribunal a
rejeté le recours.

C.- B.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation.
Il conclut, sous suite de dépens, à l'allocation d'une
demi-rente d'invalidité, voire d'une rente entière, ainsi
qu'au renvoi de la cause à l'office pour nouvelle instruc-
tion sur l'octroi d'une aide en capital.
L'office conclut au rejet du recours, tandis que l'Of-
fice fédéral des assurances sociales ne s'est pas détermi-
né.

Considérant en droit :

1.- Le recourant sollicite d'une part une aide en
capital et d'autre part une rente d'invalidité. L'aide en
capital faisant partie des mesures de réadaptation d'ordre
professionnel, lesquelles ont priorité sur la rente (cf.
art. 28 al. 2 LAI), il convient d'examiner cette question
en premier lieu.

2.- Selon l'art. 18 al. 2 LAI, une aide en capital
peut être allouée aux assurés susceptibles d'être réadap-
tés, afin de leur permettre d'entreprendre ou de développer
une activité comme travailleurs indépendants, ainsi que de
financer les transformations de l'entreprise dues à l'inva-
lidité. Conformément à la délégation de compétence que lui
confère l'art. 18 al. 2 in fine LAI, le Conseil fédéral a
précisé, à l'art. 7 RAI, les conditions auxquelles est su-
bordonné le droit à une aide en capital. Celle-ci peut être

allouée à l'assuré invalide domicilié en Suisse qui est
susceptible d'être réadapté, s'il a les connaissances pro-
fessionnelles et les qualités personnelles qu'exige l'exer-
cice d'une activité indépendante, si les conditions écono-
miques de l'affaire à entreprendre paraissent garantir de
manière durable l'existence de l'assuré et si les bases fi-
nancières sont saines (art. 7 al. 1 RAI).
Bien que l'administration dispose en ce domaine d'un
large pouvoir d'appréciation, elle doit, lorsque les condi-
tions requises sont réalisées accorder une aide en capital
à l'assuré qui en fait la demande (ATFA 1962 p. 59; RCC
1969 p. 291 consid. 1) et ceci quand bien même la réadap-
tation dans une activité salariée serait aussi raisonnable-
ment exigible, mais que le choix de l'activité indépendante
constitue nettement la meilleure solution (RCC 1969 p. 289,
1962 p. 122). On ajoutera encore que le droit à une aide en
capital est déterminé exclusivement par la nécessité qu'é-
prouve l'assuré de bénéficier de cette aide pour surmonter
un obstacle causé par l'invalidité. Ainsi, une machine
agricole ne peut être accordée si elle n'est pas nécessitée
avant tout par l'invalidité; par contre, le fait qu'elle
est dans le même temps souhaitable et rentable pour l'ex-
ploitation n'exclut pas le droit à une aide en capital (RCC
1976 p. 97).

3.- En l'occurrence, les premiers juges ont nié le
droit du recourant à une aide en capital, au motif que
celui-ci avait choisi de réorienter les activités de son
entreprise avant tout par un souci de rentabilité et non
pas en raison de son atteinte à la santé.

a) On comprend mal comment la juridiction cantonale
est parvenue à une telle conclusion lors même que les doc-
teurs V.________ et M.________, tous deux médecins trai-
tants du recourant, ont clairement indiqué que celui-ci
souffrait (depuis sa blessure à l'oeil gauche) d'une perte
de la vision binoculaire et d'une amputation du champ vi-

suel gauche, rendant son métier de forestier très risqué.
Or, selon les informations recueillies par l'office intimé
lui-même, la principale activité du recourant avant l'évé-
nement accidentel consistait en des travaux lourds sur le
terrain (maniement des machines, coupe de bois, entretien
des forêts, réalisation d'ouvrages de stabilisation), soit
des occupations manifestement contre-indiquées d'un point
de vue médical. Que le recourant ait déclaré - au cours
d'une interview donné à la presse locale - que sa décision
de se lancer dans le tri des déchets urbains «(allait) dans
la logique du développement de son exploitation et d'une
utilisation rationnelle des locaux existants» n'est pas ici
un élément décisif, du moment qu'il est établi et non con-
testé que B.________ n'est plus apte, médicalement parlant,
à poursuivre des activités lourdes. On doit dès lors
admettre que c'est bien les difficultés visuelles du
recourant qui sont, de manière prépondérante, à l'origine
de la restructuration de son exploitation. Le motif invoqué
par les premiers juges pour justifier le refus d'une aide
en capital se révèle par conséquent mal fondé.

b) Pour autant, la Cour de céans n'est pas en mesure
de déterminer si les autres conditions mises à l'octroi
d'une aide en capital sont réunies dans le cas particulier.
Singulièrement, on ignore si le recourant subit ou non une
invalidité et à quel degré. Tant l'office intimé que le
tribunal cantonal ont certes répondu négativement à cette
question, considérant que le recourant présentait, dans
l'exercice de ses nouvelles activités, une capacité de tra-
vail entière. Mais, c'est méconnaître la notion légale de
l'invalidité qui est avant tout économique (art. 28 al. 2
LAI). Ainsi, quand bien même un assuré jouit-il d'une
capacité de travail totale dans une activité adaptée à son
atteinte à la santé, cela ne signifie pas encore qu'il ne
subit aucune diminution de sa capacité de gain et partant,
qu'il n'est pas invalide. Dans la mesure où le recourant
allègue justement qu'il réalise, à cause de son atteinte à

la santé, un revenu inférieur à celui qui était le sien au-
paravant, l'administration pas plus que les premiers juges
ne pouvaient se dispenser d'examiner plus avant ce point et
devaient au moins procéder à une évaluation concrète et
chiffrée de la situation économique de l'assuré avant et
après son accident. Par ailleurs, le dossier ne contient
aucun renseignement quant à la nature des investissements
consentis par le recourant et dont il requiert le finance-
ment par le biais d'une aide en capital. Aussi ne peut-on
vérifier à satisfaction de droit si ces investissements
sont propres à garantir de manière durable ses moyens
d'existence et si les bases financières de l'exploitation
sont saines. Il se justifie dès lors d'annuler le jugement
attaqué et la décision litigieuse et de renvoyer la cause à
l'office intimé pour qu'il procède à une instruction com-
plémentaire sur tous les points susmentionnés. Sur la base
des données économiques ainsi recueillies, il se prononcera
à nouveau sur le droit du recourant à une aide en capital,
le cas échéant sur la nature et les modalités d'une telle
aide. Ceci fait, il examinera également le droit éventuel
du recourant à une rente d'invalidité.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Tribunal administratif du canton de Fribourg (Cour des
assurances sociales) du 6 avril 2000 ainsi que la dé-
cision du 13 juillet 1998 de l'Office de l'assurance-
invalidité du canton de Fribourg sont annulés, la
cause étant renvoyé au dit office pour instruction
complémentaire et nouvelle décision au sens des con-
sidérants.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'office intimé versera au recourant la somme de
2500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour la procédure fédérale.

IV. Le Tribunal administratif du canton de Fribourg sta-
tuera sur les dépens pour la procédure de première
instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Fribourg (Cour des
assurances sociales), et à l'Office fédéral des assu-
rances sociales.

Lucerne, le 28 mars 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.304/00
Date de la décision : 28/03/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-28;i.304.00 ?
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