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28/03/2001 | SUISSE | N°C.278/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mars 2001, C.278/00


«AZA 7»
C 278/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Vallat,
Greffier

Arrêt du 28 mars 2001

dans la cause

Secrétariat d'état à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

P.________, intimé, représenté par Maître Manuela Bracher
Edelmann, avocate, rue de Lausanne 91, Fribourg,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- P.________ est titulaire d'une demi-licence en
économie. Depuis le 20

juin 1994, il a été inscrit au re-
gistre du commerce en qualité d'associé gérant de la socié-
té E.________ Sàrl, avec signature ind...

«AZA 7»
C 278/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Vallat,
Greffier

Arrêt du 28 mars 2001

dans la cause

Secrétariat d'état à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

P.________, intimé, représenté par Maître Manuela Bracher
Edelmann, avocate, rue de Lausanne 91, Fribourg,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- P.________ est titulaire d'une demi-licence en
économie. Depuis le 20 juin 1994, il a été inscrit au re-
gistre du commerce en qualité d'associé gérant de la socié-
té E.________ Sàrl, avec signature individuelle, aux côtés
de son père, M.________, et de son frère, R.________
Edelmann. Cette société, sise à A.________, a pour but la
commercialisation de services et d'appareils de télécommu-
nication, ainsi que le conseil en matière de transports

généraux. Jusqu'au 16 mars 2000, son capital de 20 000 fr.
était détenu à raison d'une part de 10 000 fr. par
M.________ et deux parts de 5000 fr. chacune par P.________
et R.________. Depuis lors, M.________ a cédé sa part à ses
deux fils, dont les participations respectives ont ainsi
été augmentées à 10 000 fr., et P.________ a été nommé fon-
dé de procuration avec signature individuelle.
Dès le 1er mars 1996, P.________ a été engagé à 80 %
en qualité de responsable financier d'E.________ Sàrl, pour
un salaire mensuel de 7019 fr. Ensuite de la perte d'un
mandat de transport, qui constituait une part importante de
l'activité de la société, il a été licencié avec effet au
31 août 1999.
Le 1er août 1999, P.________ a présenté une demande
d'indemnités de chômage dès le 1er septembre de la même
année. Cette demande précisait qu'il était disposé à tra-
vailler à 80 % et qu'il continuait, pour le surplus, d'être
rémunéré par E.________ Sàrl. Par la suite, P.________ a
annoncé à la caisse jusqu'à fin 1999 les gains intermédiai-
res suivants, correspondant à une rémunération de 30 fr. de
l'heure : 720 fr. en septembre, 900 fr. en octobre, 720 fr.
en novembre et 840 fr. en décembre.
Eprouvant des doutes sur l'aptitude au placement de
l'assuré, la caisse de chômage SYNA a soumis le cas à
l'Office public de l'emploi du canton de Fribourg (ci-
après : l'office).
Par décision du 27 octobre 1999, l'office a déclaré
P.________ inapte au placement et nié son droit aux indem-
nités de chômage dès le 1er septembre 1999. Il a retenu en
substance que l'assuré n'avait pas réellement l'intention
de travailler pour un autre employeur qu'E.________ Sàrl et
que son licenciement masquait en réalité une mise au chôma-
ge partielle en attendant une reprise des affaires de la
société.

B.- P.________ a recouru contre cette décision devant
la Cour des assurances sociales du Tribunal administratif
du canton de Fribourg, qui a admis le recours, par jugement
du 28 juin 2000. Les premiers juges ont considéré, en bref,
qu'on ne pouvait reprocher à l'assuré de recourir à l'assu-
rance-chômage afin de surmonter une période de difficulté
de l'entreprise, mais sans volonté réelle de travailler
pour un autre employeur, et que son activité pour
E.________ Sàrl ne constituait pas, objectivement, un
obstacle à la prise d'un emploi salarié.

C.- Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) inter-
jette recours de droit administratif contre ce jugement et
conclut à son annulation.
P.________ a conclu au rejet du recours, avec dépens.
Quant à l'office, il en a proposé l'admission.

Considérant en droit :

1.- Le litige a pour objet le droit de l'intimé à des
indemnités de chômage depuis le 1er septembre 1999.

2.- a) D'après la jurisprudence, un travailleur qui
jouit d'une situation professionnelle comparable à celle
d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage
lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise,
il continue de fixer les décisions de l'employeur ou à in-
fluencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas
contraire, en effet, on détournerait par le biais d'une
disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation en
matière d'indemnité en cas de réduction de l'horaire de
travail, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI (ATF
123 V 234). Selon cette disposition, n'ont pas droit à
l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail les
personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur

- ou peuvent les influencer considérablement - en qualité
d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise
ou encore de détenteur d'une participation financière de
l'entreprise; il en va de même des conjoints de ces person-
nes qui sont occupés dans l'entreprise. Par exemple,
l'administrateur qui est en même temps salarié d'une socié-
té anonyme et qui est titulaire de la signature collective
à deux, doit être considéré comme appartenant au cercle des
personnes visées par l'art. 31 al. 3 let. c LACI, quelle
que soit l'étendue de la délégation des tâches et le mode
de gestion interne de la société et nonobstant le fait que
le président du conseil d'administration détienne 90 pour
cent des actions et dispose, quant à lui, de la signature
individuelle (DTA 1996/1997 no 10 p. 48).
Dans ce sens, il existe donc un étroit parallélisme
entre le droit à l'indemnité en cas de réduction de l'ho-
raire de travail et le droit à l'indemnité de chômage. La
situation est en revanche différente quand le salarié, se
trouvant dans une position assimilable à celle de l'em-
ployeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la
fermeture de celle-ci; en pareil cas, on ne saurait parler
d'un comportement visant à éluder la loi. Il en va de même
lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le sala-
rié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt
définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme
dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre des
indemnités de chômage (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb).

b) En l'espèce, l'intimé était, au moment de la déci-
sion litigieuse, associé gérant avec signature individuelle
de la société E.________ Sàrl et titulaire d'une part so-
ciale de 5000 fr., soit un quart du capital. A ce titre, il
pouvait décider seul de son engagement comme travailleur
salarié et, de même, de son propre licenciement ou à tout
le moins participer à ces décisions puisque, comme il l'in-
dique dans une lettre adressée aux premiers juges le

1er avril 2000, les décisions au sein d'E.________ Sàrl
étaient prises en commun par les associés.
L'intimé fait encore valoir que, depuis le 1er janvier
2000, il n'est plus associé gérant d'E.________ Sàrl. Dans
la mesure où ce fait est postérieur à la décision adminis-
trative litigieuse, il n'y a pas lieu de le prendre en
considération pour statuer. A demeurant, il convient de
noter que les modifications dans l'organisation de la so-
ciété auxquelles se réfère l'intimé, qui ressortent du
procès-verbal de l'assemblée générale d'E.________ Sàrl du
16 mars 2000, ne changent rien à ce qui précède. En effet,
si P.________a perdu son statut d'associé gérant, il a si-
multanément acquis celui de fondé de procuration avec
signature individuelle et dispose, à ce titre, des mêmes
pouvoirs qu'auparavant. De plus, l'augmentation de sa part
au capital de 5000 à 10 000 fr. tendrait plutôt à démontrer
qu'il conserve des liens étroits avec la société, pour
laquelle il a, du reste, continué à déployer des activités,
fût-ce dans une mesure restreinte, jusqu'à fin 1999, soit
postérieurement à la décision de l'office.
Il faut ainsi admettre, contrairement à l'avis des
premiers juges, que l'intimé, qui ne saurait, compte tenu
de son statut au sein de la société, prétendre des indem-
nités en cas de réduction de l'horaire de travail, ne peut
non plus obtenir des indemnités de chômage. L'argumentation
de l'intimé quant à son aptitude au placement est, dès
lors, sans pertinence et le recours du seco se révèle ainsi
bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement rendu le 28 juin
2000 par la Cour des assurances sociales du Tribunal
administratif du canton de Fribourg est annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Cour des assurances sociales du Tribunal administratif
du canton de Fribourg, à l'Office public de l'emploi
du canton de Fribourg ainsi qu'à la Caisse de chômage
SYNA à Fribourg.

Lucerne, le 28 mars 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.278/00
Date de la décision : 28/03/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-28;c.278.00 ?
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