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28/03/2001 | SUISSE | N°4P.257/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mars 2001, 4P.257/2000


«AZA 1/2»

4P.257/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Charif Feller.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

François Bonvin, à Sierre, demandeur, représenté par Me Jean-
Charles Haenni, avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 3 octobre 2000 par la IIe Cour civile
du
Tribunal cantonal du canton du Valais, dans

la cause qui op-
pose le recourant à PAM Produits alimentaires S.A., à Sion,
défenderesse et intimée, représentée par Me Nicolas...

«AZA 1/2»

4P.257/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Charif Feller.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

François Bonvin, à Sierre, demandeur, représenté par Me Jean-
Charles Haenni, avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 3 octobre 2000 par la IIe Cour civile
du
Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause qui op-
pose le recourant à PAM Produits alimentaires S.A., à Sion,
défenderesse et intimée, représentée par Me Nicolas Fardel,
avocat à Sion;

(procédure civile; enregistrement illicite; appréciation des
preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) En 1987, PAM Produits alimentaires S.A.
(ci-après: PAM) a décidé de vendre des terrains de 24 000 m2
lui appartenant, sis à Sierre. En vue de cette vente, des
contacts ont eu lieu entre cette société et Maus Frères S.A.
(ci-après: Maus). Le 8 octobre (art. 64 al. 2 OJ) 1987,
François Bonvin, tenancier de boîtes de nuit et agent d'af-
faires, inscrit comme tel au registre du commerce, a commu-
niqué à l'un des administrateurs de PAM l'intérêt porté aux-
dits terrains par un "client du Haut-Valais", Erich Heinz-
mann. A cette occasion, Bonvin a précisé à l'administrateur
de PAM que la commission de vente "serait à rajouter au
prix". Il résulte de l'instruction que Heinzmann entendait
agir pour Maus, laquelle a cependant refusé son offre, dé-
clarant pouvoir acquérir les immeubles en question par
elle-même et à meilleur compte. Par ailleurs, Heinzmann a
affirmé que le projet d'achat de terrains venait de lui et
non de Bonvin auquel il n'a jamais demandé d'agir en son
nom.

Après avoir pris contact avec la directrice du ser-
vice immobilier de Maus, Bonvin s'est entretenu avec elle à
Genève, le 13 (recte: 12) octobre 1987. Le lendemain, il a
confirmé à l'administrateur de PAM la présentation des ter-
rains en question à Maus. Le 14 octobre 1987, Bonvin, Heinz-
mann et son adjoint ont rencontré l'administrateur de PAM.
Par courrier du 16 octobre 1987, Bonvin a confirmé à
celui-ci
cette entrevue, lui signalant notamment que la commission de
vente de 5% devait être prévue dans le prix de vente. Le 20
octobre 1987, l'administrateur de PAM a contesté ledit cour-
rier en ces termes:

" (.....)
Nous devons préciser que nos entretiens ont eu lieu
à votre demande et qu'aucun mandat ne vous a été

confié. Au cours de ces entretiens, nous avons sim-
plement enregistré vos propositions et nous ne vous
avons fait aucune offre de vente de terrains
(.....).

En ce qui concerne la commission de vente de 5%,
nous devons vous répéter qu'aucun mandat ne vous a
été accordé et qu'aucune somme ne vous est due à
quelque titre que ce soit.
(.....)".

Bonvin n'a pas réagi à cette mise au point.

Le 28 octobre 1987, la directrice du service immo-
bilier de Maus, accompagnée de Bonvin, s'est réunie avec
l'administrateur de PAM dans les locaux de cette société. Il
résulte de l'instruction que celle-là ne savait pas à quel
titre Bonvin participait à cette réunion. Le lendemain, Bon-
vin a confirmé cette entrevue, rappelant qu'une commission
de
vente de 5% devait être englobée dans le prix de vente. L'ad-
ministrateur de PAM a réagi, le 5 novembre 1987, demandant à
Bonvin "de noter une bonne foi pour toutes que nous ne vous
avons jamais confié de mandat, ni de mission et que nous ne
vous devons absolument rien". Bonvin a contesté les termes
de
ce courrier une semaine plus tard, affirmant que PAM avait
accepté qu'il lui trouve un acheteur, comme en témoignaient
les diverses entrevues et les documents qui lui avaient été
remis, et déclarant qu'il n'exigeait une commission que dans
la mesure où l'affaire était conclue avec l'un de ses
clients, soit Maus ou Heinzmann. Le 17 novembre 1987, l'admi-
nistrateur de PAM a manifesté sa désapprobation quant à la
version des faits présentée par Bonvin.

b) Le 4 juillet 1988, deux pactes d'emption ont été
signés entre PAM et Maus, lesquels prévoyaient expressément
que la réclamation d'une commission de courtage par
quiconque
était exclue, les représentants des sociétés intéressées
ayant pris contact directement entre eux. Le prix des ter-
rains s'élevait à 4 252 560 fr. au total. Les droits d'emp-

tion ont été levés en 1990. A la suite de la publication, au
Bulletin officiel du 3 juillet 1993, d'une mise à l'enquête
publique concernant une construction sur les terrains en
question, Bonvin a réclamé, sans succès, sa commission de 5%
respectivement à Maus le 22 septembre et à l'administrateur
de PAM le 27 septembre 1993.

B.- Le 27 mai 1994, François Bonvin a ouvert action
contre PAM, concluant au paiement de 97 000 fr., avec inté-
rêts, à titre de commission pour ses activités en tant que
courtier.

Une procédure incidente a opposé les parties. Elle
portait sur le dépôt, à titre de moyen de preuve, d'une cas-
sette contenant l'enregistrement d'une conversation télépho-
nique, menée à son insu avec la directrice du service immo-
bilier de Maus. Statuant sur appel de PAM, la IIe Cour
civile
du Tribunal cantonal du canton du Valais a refusé, par juge-
ment du 14 mai 1998, le dépôt de ladite cassette et de sa
transcription. Le 6 juillet 1998, la Ie Cour civile du Tri-
bunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de droit pu-
blic formé par Bonvin contre ce jugement cantonal.

Par jugement du 3 octobre 2000, la IIe Cour civile
du Tribunal cantonal du canton du Valais a rejeté la demande
de Bonvin portant sur le paiement de 97 000 fr.

C.- François Bonvin forme un recours de droit pu-
blic contre ce jugement, dont il demande l'annulation.

L'intimée conclut à l'irrecevabilité du recours.
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants
de
son jugement.

Par arrêt de ce jour, la Cour de céans a rejeté,
dans la mesure de sa recevabilité, le recours en réforme de
François Bonvin contre le jugement attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recourant s'en prend en premier lieu au
refus de l'admission, comme moyen de preuve, de l'enregis-
trement clandestin et de sa transcription. Pour le
recourant,
cet enregistrement, qui établirait que son intervention a
été
décisive pour la conclusion de la vente entre l'intimée et
l'acquéreur des terrains, ne porte pas atteinte à la sphère
privée de l'interlocuteur enregistré à son insu. Le
recourant
considère encore qu'un tel enregistrement et sa
transcription
ne sont pas des moyens de preuve prohibés par le Code de pro-
cédure civile valaisanne (ci-après: CPC/VS), et conteste par
ailleurs que les dispositions révisées du CPC/VS lui soient
opposables, l'enregistrement litigieux ayant été effectué
avant leur entrée en vigueur.

b) Dans son jugement du 14 mai 1998, la cour canto-
nale considère, d'une part, que l'enregistrement litigieux
est illicite au regard de l'art. 28 CC, et, d'autre part,
qu'il est irrégulier au regard de l'art. 213 aCPC/VS.

aa) Le recourant conteste le retranchement de cette
preuve obtenue illicitement. Cette question est controversée
en doctrine (Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, Die Zivilpro-
zessordnung für den Kanton Bern, 5e éd., n. 2a ad art. 221,
p. 544 et les références; Michel Ducrot, Le droit judiciaire
privé valaisan, 2000, p. 338 s.). De l'avis de ces auteurs,
compte tenu des progrès techniques, un enregistrement doit
aujourd'hui être admis comme moyen de preuve (Michel Ducrot,
op. cit., p. 315), le risque inhérent de sa falsification

devant être évalué dans le cadre de l'appréciation des preu-
ves (Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, op. cit., n. 1b ad
art. 221, p. 543). L'illicéité d'une preuve peut être levée
si elle est justifiée notamment par le consentement de la
victime ou par un intérêt prépondérant privé ou public
(Michel Ducrot, op. cit., p. 339); celui-ci est rarement
déterminant en procédure civile (Leuch/Marbach/Kellerhals/
Sterchi, op. cit., n. 2b ad art. 221, p. 545).

bb) En l'espèce, le fait que la victime de l'en-
registrement illicite ait déclaré ne pas avoir d'objection à
l'admission de celui-ci comme moyen de preuve ne saurait
être
interprété comme un consentement de sa part, comme le
prétend
le recourant, puisqu'elle subordonne expressément ladite ad-
mission à l'accord du juge. Par ailleurs, la cour cantonale
justifie son refus du dépôt de la cassette et de sa trans-
cription avant tout par l'attitude répréhensible du
recourant
pendant la procédure, laquelle ne permettrait pas d'exclure
une manipulation de l'enregistrement litigieux dont la date
n'est du reste pas établie. En se contentant d'affirmer que
ledit enregistrement est un moyen conforme au droit et que
les conditions de l'administration d'une preuve à futur
n'étaient pas réunies à l'époque, le recourant ne parvient
nullement à démontrer l'arbitraire de la solution cantonale.
De plus, le jugement entrepris se réfère à l'art. 172
aCPC/VS
aux termes duquel le juge peut, d'office ou à la requête
d'une partie, refuser l'usage de moyens de preuve qui ne lui
paraissent pas pertinents ou qui entraîneraient des
longueurs
excessives et hors de proportion avec l'importance vraisem-
blable de ces moyens. En l'espèce, il est permis de douter
de
la pertinence d'une conversation téléphonique non datée, me-
née par le recourant et enregistrée à l'insu de son interlo-
cuteur.

bb) aaa) Selon l'art. 317 nCPC/VS, les procédures
déjà introduites lors de l'entrée en vigueur - le 1er
janvier

1999 - du nouveau Code sont poursuivies jusqu'au jugement se-
lon l'ancien droit. Par conséquent, c'est bien le CPC/VS,
dans sa version du 22 novembre 1919, qui est applicable en
l'espèce, le recourant ayant introduit son action en 1994 et
le jugement incident, relatif à cet aspect du litige, ayant
été rendu en 1998.

bbb) Contrairement à l'avis du recourant, la cour
cantonale tient compte du droit transitoire, dans la mesure
où elle motive son jugement en se fondant essentiellement
sur
l'art. 213 aCPC/VS. Le fait qu'elle confirme
subsidiairement,
en renvoyant au CPC/VS révisé, la volonté du législateur de
ne pas admettre l'enregistrement comme moyen de preuve, ce
qui est effectivement discutable au vu de l'énumération non
exhaustive contenue dans l'art. 153 nCPC/VS (cf. Michel
Ducrot, op. cit., p. 315), ne signifie pas pour autant qu'el-
le applique les nouvelles dispositions légales à la question
soulevée. Paradoxalement, l'argumentation du recourant
porte,
elle, principalement sur l'interprétation de l'art. 153
nCPC/VS et non sur celle de l'ancien droit dont il
revendique
l'applicabilité.

L'art. 213 aCPC/VS prévoit que les déclarations
écrites, faites pour tenir lieu de témoignage en vue et à
l'occasion du procès, par des tiers qui peuvent être
entendus
comme témoins, sont éliminées du dossier sur la demande de
la
partie intéressée. Cette disposition a pour but d'amener le
témoin à s'expliquer de vive voix devant le juge et à répon-
dre, séance tenante, à d'éventuelles questions complémentai-
res (Michel Ducrot, op. cit., p. 338). La cour cantonale
considère que les déclarations, au sens de cette
disposition,
présentent une analogie certaine avec un enregistrement,
puisqu'elles transcrivent les dires d'une personne sur les
faits. Elle constate que la personne, dont les propos ont
été
enregistrés par le recourant, pouvait être amenée à témoi-
gner, ce qui a été le cas. En application analogique de

l'art. 213 aCPC/VS, elle conclut au retranchement de l'enre-
gistrement litigieux et de sa transcription.

ccc) Le recourant se borne à prétendre que l'enre-
gistrement litigieux ainsi que sa transcription ne consti-
tuent pas des pièces tenant lieu de témoignage et qu'il ne
s'agit pas d'une déposition sur des faits. Cet argument
n'est
pas propre à démontrer l'arbitraire du jugement sur ce
point.
Du reste, il sied de relever à cet égard, que le recourant
aurait dû, s'il s'y croyait fondé, déposer une plainte
pénale
pour faux témoignage et offrir la cassette litigieuse en
preuve.

2.- Pour le surplus, le recours repose essentielle-
ment sur la prémisse suivante: un accord par actes
concluants
aurait été passé entre le recourant et l'administrateur de
l'intimée avant la lettre du 20 octobre 1987. Dans la mesure
où le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas en
avoir tenu compte dans son jugement du 3 octobre 2000, il
critique son appréciation juridique des faits, ce qui est
prohibé dans le cadre d'un recours de droit public (art. 43
al. 4 OJ).

Le recourant insiste également sur le fait que
c'est lui qui a présenté l'acquéreur au vendeur. Toutefois,
il se contente d'exposer sa version et de dénier au témoigna-
ge Heinzmann toute valeur probante, ce qui ne saurait
suffire
au regard des exigences de motivation, qui découlent de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 120 Ia 369 consid. 3a p. 373
et les arrêts cités).

Par ailleurs, le recourant entend se prévaloir de
ce que des constatations de fait, tels les témoignages des
administrateurs de l'intimée, sont incomplètes, non parce
que
la cour cantonale les aurait à tort tenues pour non prouvées
mais parce qu'elle les aurait simplement ignorées. Ce fai-

sant, il n'allègue pas une appréciation arbitraire des preu-
ves mais bien plutôt des lacunes dans la constatation des
faits (art. 64 OJ), qu'il doit invoquer dans le cadre d'un
recours en réforme, tout comme les prétendues inadvertances

manifestes (art. 63 al. 2 OJ) au sujet de sa profession, de
son salaire ou du numéro des parcelles proposées.

3.- Il suit de là que le recours doit être rejeté,
dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succom-
be, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et
les dépens (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimée
5000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton du Valais.

___________

Lausanne, le 28 mars 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.257/2000
Date de la décision : 28/03/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-28;4p.257.2000 ?
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